Bibracte au mont Beuvray ? Une énorme erreur !
Alors que nombre de foyers modestes souffrent du froid et de la faim, alors que les familles plus aisées sont de plus en plus ponctionnées par les taxes et les impôts, comment ne pas s'indigner en constatant les gaspillages irréfléchis de l'Etat et des collectivités locales ? On a construit du laid à tout va sans se rendre compte que notre vieux et beau patrimoine se dégradait, et aujourd'hui, pendant que les partis politiques aveuglés par leurs querelles se déchirent entre eux, la délinquance, grande et petite, dévalise nos propriétés historiques avec une incroyable effronterie.
35 millions d'euros pour l'installation d'un centre archéologique archéologique européen sur le mont Beuvray, faux site de Bibracte, cela fait tout de même une jolie somme !
A la rigueur, le contribuable pourrait comprendre, voire accepter cette importante dépense. Encore aurait-il fallu que cette réalisation ait été précédée d'une relecture des textes pour être sûr qu'il s'agissait bien là du vrai site de Bibracte... Hélas ! Aussi incroyable que cela soit, on ne fit appel, ni à des latinistes, ni à des hellénistes pour les retraduire, ni à des officiers qualifiés pour les interpréter dans la logique militaire. Connaissant le latin et instruit dans la logique militaire, voici la traduction que j'aurais proposée si on me l'avait demandée.
Extraits du "De Bello Gallico" de César : Modifiant leur plan et inversant leur cheminement, les Helvètes poursuivaient les Romains qui, eux aussi, avaient fait demi-tour pour se rendre à Bibracte (DBG I, 23). S’en étant rendu compte, César conduisit ses troupes sur une "proximus collis" et envoya sa cavalerie pour contenir l’offensive ennemie (DBG I, 24). "Proximus collis", la colline très proche du "mont" de Sanvignes, c’est le mot clé qui explique tout ! C’est la colline sur laquelle César avait disposé ses troupes le jour précédent, lors du coup de main manqué. Il l’appelait également : "proximus collis" (I,22). César est donc bien revenu sur ses pas. Il ne se dirigeait plus vers le mont Beuvray mais vers Bibracte/Mont-Saint-Vincent qui se trouvait à l'opposé. article 1 : http://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/mais-ou-diable-la-bataille-des-66808 ; article 2 : http://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/mais-ou-diable-la-bataille-des-66910 ; article 3 : http://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/mais-ou-diable-la-bataille-des-67412
Je n'ignore pas que les partisans du mont Beuvray cherchent à traduire l'expression "itinere converso" par "obliquer" de façon à amener les Helvètes et César du côté des montagnes de Montmort. Il s'agit là d'une manipulation et d'une véritable tromperie. L'expression ne peut se traduire que par "faire demi-tour" ; en latin littéral : le cheminement ayant été inversé.
Extraits de la géographie de Strabon : « Entre le Dubis (la Dheune) et l'Arar (la Saône) habite le peuple des Eduens, avec une ville, Cabyllinum (Chalon-sur-Saône), et une citadelle, Bibracte ». Je dis bien "Dheune" et cela même si César utilise ce terme pour désigner également le Doubs.
Si Bibracte s'était trouvée au mont Beuvray, Strabon aurait écrit que le peuple éduen s'étendait entre le "Liger" (la Loire) et l'Arar (la Saône). Pour Strabon, le Liger, de même que l'Arar, était un nom connu qui ne prêtait à aucune équivoque. Or, Strabon cite plusieurs fois ce "Dubis", notamment quand il dit que le territoire des Ségusiaves (de Lyon) s'étendait entre le Rhône et ce "Dubis". Si l'on traduit Dubis par Doubs, il faudrait croire que Strabon plaçait les Ségusiaves entre le Rhône et le Doubs, et les Eduens entre la Saône et le Doubs, ce qui est, non seulement faux, mais absurde. Dans le texte de Strabon, il faut traduire Dubis par Dheune, ou plutôt par le couloir Dheune/Bourbince ; ce couloir permettait aux voyageurs de passer de la Saône à la Loire. http://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/d-alesia-a-bibracte-les-85643
Bref, dans cette interprétation, pour un étranger qui voyageait par les grandes voies de circulation, le territoire des Ségusiaves se trouvait bien entre le Rhône et le couloir Dheune/Bourbince. Le pays éduen se situait bien entre l'Arar et ce couloir... sur un axe comportant, en avant, une ville, Chalon-sur-Saône, et en arrière, une forteresse/refuge, Bibracte... une forteresse/refuge, Bibracte, qu'il faut chercher au sud de ce couloir et non au nord, ce qui exclut le mont Beuvray du pays éduen, tel qu'il est délimité par Strabon.
Et en effet, comment s'articulait le comté de Chalon, au début du XIII ème siècle, avant de se fondre dans le duché de Bourgogne ? Sur deux points : une ville, Chalon-sur-Saône, une forteresse/refuge : Mont-St-Vincent... entre la Saône et le couloir Dheune/Bourbince.
Enfin quand Strabon ajoute que le territoire du peuple mandubien (d'Alésia/Alise-Sainte-Reine) touchait à celui des Arvernes, cela signifie que le mont Beuvray n'était pas encore en territoire éduen, mais en territoire arverne, et qu'il ne pouvait pas, par conséquent, être Bibracte.
Les noms changent mais la capitale perdure. Quand Hécatée de Millet situe Nuerax, ville des Celtes, "au delà de Marseille", cela ne peut être que Bibracte/Mt-St-Vincent, à l'extrémité du couloir Rhône/Saône. Quand Hérodote dit qu'on accède aux sources du Danube par le pays des Celtes, cela ne peut pas se faire en passant par le mont Beuvray, mais en passant par Bibracte que l'historien situe d'ailleurs près des monts Rhippées (le Jura). Quand Polybe écrit que ces Celtes habitent au nord du cours supérieur du Rhône, il est bien évident que cela ne désigne pas les habitants du Morvan mais ceux de la région de Mont-Saint-Vincent. Quand, au III ème siècle, le rhéteur Eumène nous décrit les écoles moeniennes à Augustodunum, cette description se retrouve sans problème à Mont-Saint-Vincent et certainement pas à Autun. http://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/exceptionnelle-decouverte-103369
Quand Grégoire de Tours nous dit que le roi burgonde Gondebaud fut assiégé par ses frères à Augustodunum, quand il nous dit ensuite que Godomar y fut également assiégé et que les Francs s'emparèrent de la place, il s'agit, là encore, de la forteresse de Mont-Saint-Vincent et non de la ville d'Autun, ce qui n'aurait pas de sens sur les plans tactique et stratégique. La plus belle preuve en est le magnifique trésor de Gourdon retrouvé au pied de Mont-Saint-Vincent, qu'un malheureux moine a dissimulé sous une tuile avant de se faire occire. Il s'ensuit automatiquement que le roi Gontran qui succéda aux susnommés régna sur le horst, même si les textes ne le situent qu'à Chalon, ville éduenne de Mont-Saint-Vincent. Il s'ensuit également, automatiquement, que les premiers comtes de Chalon succédèrent à Gontran en reprenant le même dispositif : la ville à Chalon, la forteresse-refuge à Mont-Saint-Vincent.
Tout cela est d'une simplicité aveuglante. Comment se fait-il que nos contradicteurs ne s'en rendent pas compte ?
Nous avons la chance extraordinaire d'avoir à Mont-Saint-Vincent/Bibracte et à Taisey/Cabillodunum tout ce que les archéologues cherchent en vain sur le mont pelé du mont Beuvray. Les circonstances et le hasard ont voulu que j'achète le site du vieux castrum de Taisey, la tour antique et le château XVII ème/XVIIIème, un château pillé, vandalisé et presque condamné.
Personne ne peut contester aujourd'hui que j'ai sauvé de la ruine, et le site et les bâtiments, mais force est de constater que je ne suis pas arrivé à y intéresser, ni la Directeur des Affaires Culturelles de la région Bourgogne, ni le Maire de la ville de Chalon, ni le Président du Conseil général de Saône-et-Loire, ni le Président du conseil régional de Bourgogne. Tout ce que j'ai pu faire et écrire pour essayer de les convaincre du sens de mon action se résume à un chiffre : zéro.
Et aujourd'hui même, à 79 ans, je dois faire face, seul, à une bande de jeunes voyous d'à peine quinze ans qui me dévalise.
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