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Accueil du site > Tribune Libre > Canal du Nicaragua vs canal de Panama : le péril vert

Canal du Nicaragua vs canal de Panama : le péril vert

Suite et fin de « Canal du Nicaragua vs canal de Panama », un pays qui en voit de toutes les couleurs : péril blanc, péril rouge et de péril_jaune

Le Nicaragua semble s'être débarrassé de ses dictatures et de sa mauvaise gestion et laisse espérer une vie plus digne à ses habitants.

La dernière initiative de son président l'engage pour un siècle avec son projet de canal concurrent du canal de Panama. Quelles en seront les conséquences ?

Seront-elles bénéfiques pour le pays et ses habitants ? L'avenir le dira.

L'hégémonie des Etats-Unis va-t-elle céder le pas à l'emprise de la Chine ? Là aussi l'avenir le dira.

Et l'écologie dans tout ça ?

 

Le péril vert : l'écologie en danger

 

Avec ses 8624 kilomètres carrés le lac Nicaragua, appelé aussi Cicibolca, est la deuxième plus grande réserve d’eau douce d’Amérique latine et la plus grande d’Amérique centrale. C'est un énorme réservoir de poissons.

Un creusement aussi profond risque de détruire la faune et de saliniser l’eau. Le lac risque de disparaître en tant qu'importante source d'eau potable, au détriment des riverains, pauvres et nombreux. Des populations devront être déplacées  : 30.000 paysans, parmi lesquels des indigènes Ramas et Nahuas, qui habitent sur le tracé du futur canal, malgré leurs dizaines de plaintes déposées en justice qui n'ont jamais abouti.

Une étude semble conclure que le canal ne serait pas viable à long terme, notamment parce que le Lac Nicaragua n’aurait plus assez d’eau en 2039 pour continuer à remplir le lit du canal.

 

La rumeur rapporte : « Mangez maintenant beaucoup de poissons, parce que bientôt, il n’y aura plus que les poissons en conserve des chinois ».

La faune du pays compte plus de 1.400 espèces animales répertoriées (coyote, cerf, tatou, fourmilier, alligator, tortues, serpents, lézards, iguanes, etc.), et plus de 250.000 espèces d'insectes. Le lac abritait un requin d'eau douce. Il reçoit également la visite du requin bouledogue qui partage son temps entre la mer des Caraïbes et le lac, passant de l'une à l'autre grâce à la rivière San Juan. Le pays compte environ 17.000 espèces de végétaux (bégonia, orchidées - dont la fameuse Sobralia -, etc ;), dont 5.000 espèces non encore répertoriées.

La faune et la flore seront impactées et se sépareront à terme en deux populations distinctes qui évolueront différemment avec le temps, ce qui pourrait porter préjudice à la biodiversité... à l’exception de ce qui vole.

On dénombre au Nicaragua 699 espèces d'oiseaux, dont une endémique, deux introduites par l'homme, et 14 rarement présentes. 8 espèces sont menacées. Le Nicaragua abrite la deuxième plus grande population de grands aras verts (ara de Buffon) après celle de l'Équateur. On retrouve ces oiseaux dans les nombreux parcs nationaux comme la réserve Bosawas.

 

On trouve

- des félins  : Jaguar (plus grand félin du pays), Cougar, Jaguarondi (menacé), Margay, Ocelot ;

- des primates  : Singe hurleur genre des Alouatta, Atèle (singe araignée), Capucin ;

- et des poissons  : une multitude d'espèces aquatiques et plusieurs familles dont les cichlidae, comme notamment l'Hypsophrys nicaraguensis, poisson de la grande famille des cichlidae.

 

Dans le sud du lac Nicaragua, près de la frontière du Costa Rica, les Îles Solentiname forment un archipel déclaré « Monument National ». Mais sans le lac, il n’y aura plus de Solentiname.

Jacobo Sánchez, ancien directeur du Couloir biologique de Mésoamérique au Nicaragua ne croit pas à l'achèvement des travaux et il s'alarme quant aux conséquences : « Attention ! On risque de finir sans canal et sans lac ».

Salvador Montenegro, directeur du centre de recherche sur les ressources aquatiques du Nicaragua (CIRA), qui dépend de l’université nationale autonome du pays (UNAN), a annoncé l'arrivée inéluctable d'un désastre écologique qui serait irrémédiable si le canal passait par le lac Cocibolca et si on endiguait le fleuve San Juan qui sépare le pays du Costa Rica. Il rappelle qu'un barrage sera indispensable pour se prévenir du moindre séisme, ne serait-ce que de 10 centimètres.

Pour maintenir la quantité d'eau suffisante dans le lac, il faudra assécher le fleuve San Juan entre le barrage et son embouchure, soit 200 km.

 

Mais cela suffira-t-il aux bateaux d'un tirant d’eau de plus de 15 mètres alors que les études qui remontent à 1972 indiquent une profondeur inférieure à 9 mètres pour les 2/3 du lac ?

Salvador Montenegro a calculé qu'il faudra déplacer plus d'un million de tonnes de boue, sans compter qu'actuellement le mouvement en spirale qui remue naturellement les sédiments aura disparu et qu'il sera très onéreux à remplacer. Il s'attend à une catastrophe irrémédiable.

Une fuite de 5 000 barils de pétrole brut semble plausible, puisque le Venezuela produit plus de 3 millions de barils tous les jours et qu'une grande partie transitera ici. Il faudrait 20 ans pour nettoyer la fuite mais la source d’eau potable serait perdue à jamais.

Pour Víctor Campos, directeur adjoint du Centre Humboldt, le grand canal inter-océanique dépasse les aptitudes techniques du pays et de l’Amérique centrale. "Aucun ouvrage de cette ampleur n’a jamais été construit ici, et nos autorités publiques n’ont pas été tenues de rédiger un rapport sur l’impact écologique si complexe d’un tel projet", fait-il valoir.
 

Le Centre Humboldt a regretté que la ministre de l’Environnement et des Ressources naturelles (MARENA) ait décliné son invitation à assister au forum. La même proposition a été faite à l’entreprise chinoise qui détient la concession Hong Kong Nicaragua Development et qui a également refusé de venir.

Telémaco Talavera, président du Conseil national des universités (CNU), a aussi été convié au forum car selon Víctor Campos, les facultés devraient participer au débat. Malgré tout, M Talavera a lui aussi préféré ne pas y assister.

Alors ? Il y a-t-il péril vert en la demeure ?

Qu'est-ce que l'écologie ? Est-ce comme le dit larousse.fr/dictionnaires une science ayant pour objet les relations des êtres vivants (animaux, végétaux, micro-organismes) avec leur environnement, ainsi qu'avec les autres êtres vivants.

Ou est-ce un conservatisme qui veut figer la nature telle qu'elle est maintenant ? Si ses bons apôtres avaient pu stopper le réchauffement climatique à la fin du Paléolithique moyen, il y a 80 à 40 mille ans, nous en serions encore à la civilisation du renne.

 

Faut-il pense qu'à l'instar d'une langue qui n'évolue plus c'est une langue morte, un écosystème qui n'évolue plus est un écosystème mort ? Est-ce le nouvel idéal de nos contemporains ?

Toujours est-il que le Nicaragua semble avoir trouvé une issue possible alors que tout le monde le croyait dans une impasse.

 

Sources :

A propos de l'influence du climat sur la civilisation, lire http://www.maxisciences.com/pr%E9histoire/prehistoire-quand-le-changement-climatique-est-lie-a-l-039-evolution-culturelle_art29601.html

 

http://www.dombosco.fr/article-les-chinois-et-le-canal-du-nicaragua-125133180.html

http://www.dombosco.fr/article-les-sandinistes-et-le-canal-125126383.html

http://lenicaragua.fr/?p=1150

http://www.lesechos.fr/monde/ameriques/0204034694607-le-colossal-projet-du-canal-du-nicaragua-est-lance-1077534.php?oACTb3tXDGMjIv62.99

http://fr.wikipedia.org/wiki/Nicaragua


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5 réactions à cet article    


  • Laurent 47 11 mars 2015 20:14

    Je comprends pourquoi M. Saltz a intitulé son article : « le péril vert » ! En effet, le vert, c’est la couleur du dollar américain ! Et un concurrent du canal de Panama ne doit pas plaire aux Etats-Unis, dont le comportement belliqueux ne plait non plus à la Russie ! A chacun son tour !

    Sur un plan plus scientifique, il va falloir qu’il nous explique comment le lac Nicaragua, qui est situé à 34 mètres au dessus du niveau de la mer, peut être pollué par l’océan Atlantique ou Pacifique.
    A moins d’une sécheresse catastrophique affectant tous les fleuves qui se jettent dans le lac, le fonctionnement des écluses ne devrait pas être à l’origine de pertes importantes d’eau douce.
    Pourquoi ce lac, qui est le plus grand d’Amérique Centrale, disparaitrait-il subitement en 2039, et quels sont les spécialistes qui sont arrivés à déterminer un danger dont on n’avait jamais entendu parler auparavant ? Et sur quelles bases ?
    Reste effectivement le tracé du chenal plus profond qui traversera le lac Nicaragua, mais les moyens techniques actuels devraient permettre de régler ce problème (qui existe par exemple pour la prospection de diamants en mer, au large de l’Afrique du Sud, la vase en suspension étant aspirée au moyen de suceuses).
    Mais mon opinion, bien que logique, n’est malgré tout qu’une opinion de néophyte !

    • Saltz Saltz 12 mars 2015 10:04

      @Laurent 47

      Merci pour vos commentaires.

      Le péril vert est-il le dollar ?

      Il me semble que les Etats-Unis ont tout intérêt à l’accomplissement du canal et à ce qu’il soit entrepris par des tiers.

      Stratégiquement, ce sera pour eux une deuxième voie inter océanique, et par conséquent une sécurité de plus.

      Techniquement, les défis sont considérables, nettement plus que pour le canal de liaison Seine-Escaut, que les journalistes de France Télévision ont traité hier de « travaux titanesques ». La position des USA semble être « laissons les autres tirer les marrons du feu et nous mangerons ces marrons ».

      Financièrement, le retour sur investissement n’est pas évident pour la maitrise d’oeuvre. Qu’un autre pays prenne les risques, c’est tant mieux.

      Mais qu’un conflit éclate entre la Chine et les Etats-Unis, pour quelque raison que ce soit, le canal sera un objectif de premier plan.

      Pour revenir au canal de liaison Seine-Escaut, il est remarquable de le comparer avec le canal du Nicaragua :
      - la disproportion des enjeux
      - la différence de difficultés due à la géographie
      - les durées des travaux (le communiqué de presse de Lens du jeudi 26 février 2015 parle
      d’un objectif de lancement des travaux en 2017 et d’une mise en service à partir de 2023)
      - le choix du tracé (un canal Paris-Le Havre semble plus opportun économiquement que Seine-Escaut. La Seine est en gabarit Vb (passage d’un automoteur ou d’un convoi poussé de 110 mètres de long et de 11,40 mètres de large, convoi poussé de 3200 à 6000 t), à part une section, entre Le Havre et Rouen, qui est au gabarit VII (c’est-à-dire entre 13 500 et 27 000 tonnes !)
       
      Et une phrase, le canal Paris-Le Havre est une évidence économique,
      le canal Seine-Escaut semble être un acte politique et un cadeau à la maire de Lille.

      http://www.vnf.fr/sne/


    • wawa wawa 12 mars 2015 06:19

      Merci pour cette série de 4 articles. Je me suis régalé

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