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« Dans ses yeux » ou Il n’est jamais trop tard pour être heureux

Les prisons sont faites pour mettre en sécurité les souvenirs que l’on ne veut pas oublier

Assis à son bureau, il griffonne sans relâche une feuille, la regarde, l’arrache et recommence. A chaque fois, comme une amorce imparfaite, nous voyons une séquence de ce qu’il essaie d’écrire. Finalement, il se décide de partir à la recherche de ces mots qu’il n’arrive pas à trouver. Il pousse une porte et se retrouve face à elle.


Tourné vers le futur, le pays essaie de se construire, démocratie dans un continent en réémergence. A chaque fois, il reste hanté par son passé, ses années maudites. Finalement, il va devoir de partir à la recherche de ces souvenirs qu’il n’arrive pas à oublier.

Benjamin Esposito se retrouve face à Irène Menéndez Hastings, celle qu’il a aimée dès la première rencontre. Impossible alors de mettre des mots sur cet amour, impossible de lui exprimer quoi que ce soit. Tout n’était passé que par le regard, par ses yeux, dans ses yeux. Face à elle, il était tétanisé, maladroit. Elle, non plus, n’a pas pu lui dire ce qu’elle ressentait. L’un comme l’autre ont été emportés dans la violence de l’enquête qui les réunissait. Mis en danger, au lieu de l’emmener avec lui, il est parti, poussé par elle qui ne demandait qu’un mot pour partir aussi.

Ricardo Moralès n’avait été qu’objet de mépris, ou pire d’indifférence. Impossible d’attirer ne serait-ce que le regard de celle qu’il désirait en secret. Tout n’était passé que par son regard, par ses yeux, dans ses yeux. Alors un jour, il avait tué celle qu’il désirait. Ce geste violent et désespéré avait transformé sa faiblesse en domination. Démasqué par Benjamin et Irène, condamné à perpétuité, il avait été sauvé par cette junte qui ne prospérait de la perversité de ses défenseurs. Il avait pu alors se retourner sur ceux qui l’avait pourchassé.

Plus on avance dans le film, plus Benjamin dénoue les fils restés en suspens, et plus sa vie personnelle devient le miroir de celle de l’Argentine. A force de courage, d’intelligence et de ténacité, il va enfin arriver à exprimer à Irène l’amour qu’il ressent pour elle. Cela ne sera possible que quand il aura trouvé les dernières pièces de puzzle manquantes, celles qui étaient restées enfermées dans les méandres de son inconscient ou physiquement dans une geôle perdue.


Le premier passeur est une machine à écrire qui n’a jamais su taper les « A ». Elle lui apporte la clé de ce message que son inconscient lui avait dicté : il avait écrit « Temo », c’est-à-dire « Je crains » ; avec le « A », cela devient « Te amo », c’est-à-dire « Je t’aime ». Sa censure l’enfermait dans ses peurs.
Le deuxième est Ricardo, retrouvé caché et enfermé dans la campagne argentine. Celui qui le retient là est l’amoureux de sa victime, de la femme qu’il avait sauvagement assassiné. Comme la junte l’avait libéré, il s’était substitué à la justice et l’avait remis dans la prison à perpétuité que Benjamin lui avait promise. 

On n’échappe ni à son passé, ni aux promesses faites. Alors, Benjamin va pouvoir pousser à nouveau la porte d’Irène et la laisser se refermer sur leur amour enfin affirmé. Et la démocratie argentine va avancer un peu plus loin en ayant regardé ses propres errances.

On ne progresse, on ne trouve son chemin qu’en affrontant les démons de son passé, non pas pour les détruire, mais pour les mettre dans une prison à laquelle on pourra constamment se référer. C’est la survie de Ricardo qui permet à Benjamin et l’Argentine d’avancer…

Ces quelques lignes sont ma lecture personnelle du film « Dans ses yeux » de Juan José Campanella. Faut-il que j’écrive que je vous conseille vivement d’aller le voir ?

 


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5 réactions à cet article    


  • Lisa SION 2 Lisa SION 2 15 mai 2010 10:55

    Bonjour Robert,

    " Démasqué par Benjamin et Irène, condamné à perpétuité, il avait été sauvé par cette junte qui ne prospérait de la perversité de ses défenseurs. « j’ai un peu de mal à percuter, pourriez vous préciser voire développer l’image.

     » Assis à son bureau, il griffonne sans relâche une feuille, la regarde, l’arrache et recommence. A chaque fois, comme une amorce imparfaite, nous voyons une séquence de ce qu’il essaie d’écrire. Finalement, il se décide de partir à la recherche de ces mots qu’il n’arrive pas à trouver. " D’où l’intérêt du prompteur...L’inspiration vient essentiellement d’eux, http://www.agoravox.fr/actualites/medias/article/portes-disparus-74944&nbsp ; mais, sont ils respectés pour leur véritable travail, soutenus contre les dangers qu’ils courent et protégés par nos guerres... ?


    • Robert Branche Robert Branche 15 mai 2010 12:11

      Nous pensons au travers et à partir de nos langages. Chacun de nous a un ensemble de langages : d’abord bien sûr les mots - d’une ou plusieurs langues -, les techniques qu’il a apprises - les mathématiques sont un langage, le dessin industriel, la physique en sont aussi -, les jeux qu’il maitrise - les échecs, le go... -, les arts qu’il aime et connait...

      Ainsi les mots ne sont pas d’abord un enjeu de communication, mais le support de nos compréhensions et de nos décisions.

    • Robert Branche Robert Branche 15 mai 2010 12:06

      Les images sont « belles » quand elles restent à découvrir ... mais je vais quand même donc m’expliquer un peu : tout pouvoir totalitaire - comme celui de la junte argentine - ne peut exister que s’il bénéficie de collaborateurs qui vont accepter, voire aimer, d’y participer, qui en dénonçant, qui en torturant, qui en enchaînant, qui en caricaturant... Ricardo va ainsi mettre sa perversité au service de la junte.


      • laurette1964 17 mai 2010 12:25

        Juste un détail : Ricardo Morales est le mari de la femme assassinée, pas le tueur qui, lui, s’appelle Isidoro Gómez.

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