De l’atome à la bombe thermonucléaire
Début mai 1939, Joliot-Curie dépose trois brevets portant sur la fission appliquée à la production d'énergie et à l'amélioration d'une charge explosive pour le compte de la Caisse Nationale de Recherche Scientifique (deviendra Centre le 19 octobre). Le 22 avril, Joliot-Curie a publié dans la revue Nature, un article sur l'entretien de la réaction en chaìne qui n'a pas manqué d'attirer l'attention des Allemands. Une semaine plus tard, l'Office allemand de la guerre rassemble à Berlin tout un aréopage de scientifiques, et lance son programme de recherche nucléaire. Au cœur de l'été, le CNRS reçoit huit tonnes d'oxyde d'uranium provenant de l'Union minière du Katanga (Congo belge), et 160 litres d'eau lourde (protoxyde deutérium) en mars 1940, d'une usine norvégienne, ce qui représente la production d'une année ! Au mois de mai, le bruit de bottes se rapproche dangereusement, le CNRS pense alors à la fission pour la propulsion des sous-marins. L'eau lourde et le stock d'uranium sont transportés dans les caves de la Banque de France de Clermont-Ferrand puis dans la prison de Riom. Le 21 juin, le stock d'eau lourde est embarqué à bord d'un navire en partance pour l'Angleterre, les huit tonnes d'uranium partent pour le Maroc.
Quelques siècles avant notre ère, Leucippe et Démocrite ont avancé une théorie selon laquelle toute matière est constituée de minuscules particules indivisibles, les atomes (du grec atomos, qu'on ne peut diviser). Cette conception va perdurer jusqu'au XX° siècle. Les époux Curie aux quels on doit la découverte du premier élément radioactif, le polonium, comprennent que le rayonnement uranique découvert par Béquerel en 1896 est lié à l'uranium (découvert en 1789 par heinrich Klaproth). En 1897, John Thomson constate que les rayons cathodiques émis par un atome dans un tube à vide résultent des faisceaux d'électrons. Il en déduit que l'atome comporte forcément le même nombre de particules positives et négatives. En 1911, Ernest Rutherford décrit l'atome comme un système solaire avec en son centre un noyau de protons de charge positive (+e) et de neutrons de charge neutre (0) autour des quels orbitent des électrons de charge négative (-e), les deux charges s'équilibrant.
En 1913, Niels Bohr découvre que lorsqu’un électron absorbe un rayonnement électromagnétique, il change d'orbite (les électrons sont répartis en couches autour du noyau, chaque couche ne pouvant qu'en contenir un nombre limité : 2-8-18-32-18-8-2). Bohr va calculer les énergies des trajectoires de l'hydrogène. En 1919, Rutherford a l'idée d'utiliser l'énergie des particules alpha pour servir de projectiles minuscules capables de briser le noyau et d'entraîner la formation de nouveaux noyaux. Il va découvrir que les particules alpha sont des noyaux d'hélium et les particules bêta des électrons les produits de la désintégration du noyau de l'atome radioactif. Vers 1919, Patrick Blackett réussit à photographier (chambre à brouillard Wilson) les photons nés de collisions entre les particules et les trajectoires de particules alpha !
Erwin Schrödinger qui a repris les travaux de Broglie, énonce en 1926, qu'il n'est plus possible d'imaginer l'orbite comme un anneau sur lequel tourne l'électron. L'onde se déploie en une sorte de nuage (Bohr d'évoquer un sac de billes). Le caractère ondulatoire crée des interférences, des amplifications ou extinctions. On est en présence, à la fois, d'une onde et d'un corpuscule ! Les bases de la mécanique quantique sont jetées. Chadwich découvre l'existence des neutrons en 1932 ; la fracturation de l'uranium est réalisée en 1934, Ida Noddack suggère que le noyau d'uranium s'est brisé en deux parties.
Dans un corps, le noyau et les électrons n'occupent qu'une très faible partie de l'espace disponible, le reste n'est que du vide. Si on représentait le noyau par une tête d'épingle, l'atome aurait environ 10 mètres de diamètre ! Dans ces vastes espaces libres, l'électron peut se déplacer d'un atome à l'autre, mais il faut pour cela deux conditions : que l'atome auquel il est rattaché le laisse partir, ou qu'une sollicitation extérieure soit exercée sur cet électron pour le mettre en mouvement.
L'idéologie nazi va pousser de nombreux scientifiques européens à quitter leur pays et ainsi venir contribuer à la recherche. En 1933, Einstein est réfugié à l'Institut des études avancées de Princeton dans le New Jersey. Enrico Fermi, de l'université de Rome et connu pour avoir expliqué, la désintégration radioactive beta, a rejoint l'université de Columbia (New-York). Il a pour collègue Léo Szilard, un ancien élève d'Einstein qui a fui la Tchécoslovaquie, et entrevu la réaction en chaîne en 1934. Un neutron absorbé par le noyau d'uranium 235 donne naissance à de l'uranium 236 qui se divise en deux éléments. Un neutron donne naissance à 3 autres neutrons qui donnent à leur tour naissance à 27, 81, etc. Les neutrons se multiplient (générations) au rythme du millionième de seconde !
En 1938, Friederish Strassmann et Otto Hahn qui bombardent un bloc d'uranium par un flux de neutrons, constatent l'apparition d'une énergie considérable. Lise Meitner, une ancienne élève de Max Plank, réfugiée en Suède, comprend que l'énergie libérée est issue de la « désintégration » (le mot fission n'est par encore utilisé). Le noyau a perdu une partie de sa masse qui s'est convertie en énergie. L'équation E = mc^2 posée en 1905 trouve ici sa première application. Le 15 mars 1939, l'Allemagne s'empare de la mine d'uranium (utilisé localement pour colorer le cristal et la faïence) de Joachimstahl. Leo Szilard convainc Einstein d'avertir Roosevelt du danger. Celui-ci ferme la porte à toute discussion !
Frish et Peierls recommandent au gouvernement britannique, au mois d'avril 1940, d'utiliser de l'uranium 235. Quelques kilogrammes suffisent pour atteindre la masse critique. L'uranium naturel est composé de trois isotopes : U 234 (traces) - U 235 (0,72 %) - U 238 (99,27 %), seul l'uranium 235 est « sensible » à la fission (le spectromètre de masse qui permet de mesurer la composition isotopique a été inventé vers 1920). La fission (du latin findere, fendre) consiste à briser un noyau lourd d'uranium (ou de plutonium) en deux morceaux plus légers de tailles inégales. Un noyau d'uranium 235 contient 143 neutrons et 92 protons, soit 64 % de neutrons, pour être stable, les fragments doivent en contenir 57 %. La stabilité résulte d'une cascade de désintégrations « β » qui transforme les neutrons en protons. Les neutrons doivent être « ralentis » afin de ne pas entraîner d'autres « auto-fissions » et accélérer la réaction en chaîne jusqu'à une explosion incontrôlée. L'eau lourde (deutérium) découverte en 1932, est un isotope (atome qui diffère par le nombre de neutrons du noyau) de l'hydrogène qui permet de contrôler la réaction. Une réaction nucléaire produit mille fois plus d'énergie que la transformation chimique ! Un seul gramme d'uranium libère autant d'énergie que 70 kg de pétrole !
A l'automne 1941, le Premier ministre britannique, Sir Winston Churchill déclare : « il serait impardonnable de laisser les Allemands nous devancer ». Il va convaincre le président américain de se lancer dans la course à la bombe « A ». Les États-Unis disposent du stock d'uranium de la compagnie minière du Katanga qui l'a expédié en 1940 afin de le soustraire à la convoitise nazie. Le programme de recherche commence au mois d'août 1942. Le programme reste ultra-secret, le vice-président Harry Truman en ignore tout.
Le 2 décembre 1942, Fermi obtient la réaction nucléaire contrôlée de la première « pile atomique » ; 40.000 blocs de graphite baignant dans 50 tonnes d'oxyde d'uranium. Les scientifiques vont irradier l'uranium pour le transmuter en plutonium qui sera façonné en sphère et placé dans la bombe. Le plutonium 239 n'existe pas à l'état naturel, il est le produit d'une réaction nucléaire. Quand un noyau d'uranium 238 capture un neutron, il se transforme en uranium 239 qui va émettre à son tour une particule bêta et devenir du plutonium 239 fissible.
Quand le président Roosevelt décède le 13 avril 45, Truman découvre le projet Manhattan abouti. Le premier test de la bombe atomique a lieu le 16 juillet 1945 à Alamogordo dans le désert du Nouveau-Mexique. Le 6 août, une bombe de 4,500 kilogrammes d'une puissance équivalente à 20.000 tonnes TNT explose à 550 mètres d'altitude au-dessus de la ville Hiroshima, trois jours plus tard, la ville de Nagasaki est « rayée de la carte ». Le Japon capitule. Pour d'obscures raisons politiciennes et scientifiques, le rapport Smyth est rendu public le 18 octobre. L'épais rapport « Atomic Energy for military purposes » livre de nombreux détails jusqu’àlors tenus secrets ! La lecture de ce document va livrer bien plus de renseignements à l'URSS que ses espions implantés aux États-Unis et au Canada : Fuchs - Gold - Greenglass - les époux Rosemberg, etc.
Le CEA est créé le 18 octobre 1945, l'année suivante la France rapatrie son stock d'uranium resté dissimulé dans une usine désafectée au Maroc. La France, qui ne dispose pas d'uranium enrichi, se lance dans la construction de la pile ZOE (acronyme pour : Zéro, Oxyde d'uranium, Eau lourde). Le 15 décembre 1948, l'amorçage est réussi, la France va poursuivre son aventure nucléaire.
Le 28 août 1949, l'URSS fait exploser une bombe à fission utilisant le plutonium. Le 21 novembre 1952, les USA font détonner au-dessus de l'atoll de Bikini, dans le Pacifique, la première bombe thermonucléaire. La bombe « H » tire sa puissance de la fusion du deutérium et du tritium, deux isotopes de l'hydrogène. Dans la fusion, deux noyaux légers sont assemblés pour former un noyau plus lourd capable de délivrer trois fois plus d'énergie que la fission, mais cela requiert une température et une pression considérables pour les amalgamer (les noyaux de charge positive ont tendance à se repousser). La fusion accomplie, le noyau instable tente de se rééquilibrer en éjectant des particules : protons, neutrons et photons (Une réaction nucléaire peut faire intervenir : 1 proton, 1 neutron ou un électron appelé particule alpha).
La radioactivité et les radioéléments ont trouvé de larges applications dans la vie quotidienne : médecine, physique, biologie, géologie, archéologie, astronomie, industries, désalement de l'eau de mer, conservation des aliments, etc. Une erreur, une précision ou une remarque...
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