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Dutreil se tire avec l’oseille

Renaud Dutreil quitte la politique française pour filer "à l’américaine" au service de Bernard Arnaud et de LVMH. Mais l’histoire ne dit pas ce qu’il va faire de ses plus-values...

Une tribune libre publiée dans Le Monde de ce jour nous apprend la triste nouvelle : Renaud Dutreil quitte la vie politique française et s’engage aux côtés de Bernard Arnaud en qualité de patron de LVMH Etats-Unis.

Comme quoi les grands destins ne tiennent pas à grand-chose. S’il y a quelques mois les militants UMP de la Marne et les électeurs rémois en avaient décidé autrement, il serait aujourd’hui maire de Reims et nous expliquerait le pourquoi du comment il s’agit-là d’un mandat magnifique, et que l’alpha et l’oméga de la vraie vie sont là, au contact des vrais gens, dans une vraie mairie avec de vrais problèmes de crottes de chien et de marché du dimanche à régler. Car le Dutreil est un enthousiaste, un fonceur, un ambitieux (mais qui ne l’est pas en politique ?)

J’ai eu l’occasion de le croiser une fois et de suivre de près son action au ministère des PME. Il ne fut pas un mauvais ministre, plutôt impliqué, plutôt connaisseur des choses de l’entreprise, et plutôt réaliste (ce qui n’est pas si mal). Bon, bien sûr, il mit en œuvre une politique de droite, mais il fait partie de ces libéraux qui, d’une part, annoncent la couleur sans s’occulter derrière de longues périphrases et, d’autre part, sont plus pragmatiques qu’idéologues.

Mais le papier de Dutreil dans Le Monde est un peu peineux : il n’a pas la plume pour ce genre de « discours de pot de départ ». « Je vous ai aimé », « vous allez me manquer », « j’ai fait tellement de belles choses », « mais il n’y a pas que la politique dans la vie », « les autres devraient faire comme moi », « mon futur job est un truc de folie », « mon nouveau boss est un crack », etc.

Pour ma part, je voudrais avoir une pensée pour sa femme, Christine. Encore une « femme de » qui va devoir renoncer à sa carrière pour suivre son mari « aux States », comme une vulgaire Mme Meissier. Mais je vois que vous ne connaissez pas Christine Dutreil. Diplômée de Sciences Po, où elle a connu, j’imagine, son futur mari, elle intègre le Medef dès la fin de ses études, en qualité d’attachée de presse. Elle grimpe les échelons du service Com (j’ai dit : les échelons) du Syndicat patronal présidé par le baron Ernest-Antoine Seillière pour finir directrice de la Communication. Lorsque le baron passe la main à Laurence Parisot à la tête du Medef pour revenir à plein temps chez Wendel, il embarque Christine pour en faire sa « Dir Com ».

Bref, un couple qui marche bien, lui au gouvernement pour piloter un pan de la politique économique de la France (les PME et l’Artisanat), elle au pilotage de la communication du Medef puis d’un des groupes financiers les plus puissants du pays.

Les ambitions financières du baron n’ayant pas de limites (contrairement à son talent), il imagine avec sa garde rapprochée un montage financier hors du commun, qui a laissé « sur le cul » les plus fins économistes de la place. Je vous passe les détails de l’opération de grande flibuste. Toujours est-il qu’à l’arrivée le baron empoche une plus-value de près de 80 millions d’euros (sans impôts à payer ou presque) et qu’il renforce son contrôle sur la holding, au détriment de certains héritiers De Wendel qui se sentent floués.

Pour ce faire, il a notamment bénéficié des dispositions de la Loi… Dutreil, et de la coopération de ses cadres, dont Christine… Dutreil. Christine et Renaud ont ainsi eux aussi tripatouillé dans le montage financier, mais avec un supplément d’âme : l’humour, réservé aux gens de goût. Les époux Dutreil ont ainsi baptisé les deux sociétés qu’ils ont dû monter pour ce tour de passe-passe des noms de « Harcelor » (dont ne sait pas très bien s’il s’agit d’une contraction entre Arcelor et Harceleur, ou bien d’un clin d’œil à La Folie des grandeurs avec De Funes et Montant « C’est l’Or de se réveiller Monseigneur… ») et de Gatsby (en référence bien sûr à Gatsby Le Magnifique, de Scott Fitzgerald).

Et Harcelor et Gatsby ont rapporté à nos carriéristes la coquette bagatelle de 8 millions d’euros (un 8 avec six zéros derrière), pour une mise initiale de… 1 000 euros. Ce n’est plus de la culbute, c’est les chutes du Niagara les yeux bandés, avec une dose de coke dans le blaze et un piment d’Espelette dans le derche !

L’histoire ne dit donc pas si Christine va devoir quitter son job très rémunérateur chez Wendel, mais ne doutons pas que compte tenu du niveau du dollar, ils vont tous les deux se tirer avec l’oseille chez l’Oncle Sam : 8 Meuros comme disent les financiers, ça nous fait dans les 12, 5 millions de dollars. De quoi se payer quelques bagels chez Deluca…

J’attends avec impatiente le discours que Renaud le Magnifique nous fera dans cinq ou six ans pour nous expliquer pourquoi il revient en politique, sachant qu’entre-temps il nous aura livré un essai de 150 pages vite écrites et vite lues sur « La France vue de New-York » ou sur « J’ai dîné au champagne sur Columbus Circle avec le beau-frère de la meilleure amie de la tante d’Obama ».


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15 réactions à cet article    


  • clostra 5 août 2008 13:00

    Le pire c’est qu’ils vont tous faire ça !


    • Forest Ent Forest Ent 5 août 2008 14:03

      Comme politiciens chez LVMH, il n’y a pas que Dutreil.

      Il y a aussi Nicolas Bazire, UMP, copain de Sarko.

      Et Christophe Girard, PS, copain de Delanoe.

      Marc-Antoine Jamet, PS, copain de Fabius.

      L’nterpénétration politique business a atteint un niveau argentin.

      Et soyons sérieux : quelle pourrait être la motivation d’un groupe industriel à engager à un poste de responsabilité un politique qui n’a jamais fait de business et n’a aucune expérience, sinon un jeu de renvois d’ascenseur ?


      • Rage Rage 5 août 2008 22:09

        Bonjour,

        Oui, Dutreil arrête la politique, comme Juppé et les autres... le temps de se refaire une santé, de publier un bouquin "comment le monde vit mieux ailleurs avec moi" et de revenir parce qu’en réalité la politique à la française c’est trop bon.

        Bien évidemment, ils sont partis de rien, d’une famillie lambda et ont monté tous les échelons : nous sommes donc tous des jaloux si nous ne sommes pas capables de monter des sociétés écrans pour défiscaliser nos placements juteux, placements financés évidemment par des salaires "normaux" acquis au MEDEF et autres postes d’une carrière normale.

        Ils sont eux aussi passé par Science Po, comme beaucoup - trop - de ces gens "normaux" du PS ou de l’UMP qui ont tous "la république à coeur" et le porte monnaie à la main.

        Soyons clairs : Dutreil et les autres jouent avant tout LEUR compte en banque dans leurs actes.
        Ils se fichent bien de savoir si le clanpin lambda va voir sa situation évoluer tant que eux peuvent faire leur petites affaires entre eux.

        La politique c’est sympa pour les carnets d’adresse mais usant : on peut y croiser la plèbe.

        Après un bon revers - surtout sur une élection locale - mieux vaut prendre l’air et aller occuper un poste de "relationnel" dans une boîte sympa (type luxe, armement, pétrole) pour expliquer le back ground de l’Etat, pour mieux en tirer profit et surtout pour faire monter le scorer "Dollars".

        Une fois le compte bien rempli et les copains bien arrosés - ce qu’ils vous rendent bien - on peut tenter le come back et se prévaloir de l’image du "sauveur de victimes parti de rien dont il faut suivre l’exemple".

        Ca m’en rappelle d’autres qui allaient à Gandrange parler à des forçats sacrifiés sur l’autel de la "mondialisation" et qui, le premier jour de leur mandat, ont déballé le "bling bling".

        Le problème ? Dès l’ECOLE ils verrouillent le système et se cooptent. Impossible de résister à leur réseau.
        Impossible, sauf à tous les faire chuter d’un coup.

        Qui le pourrait ?


      • ash ash 5 août 2008 14:12

        Soyons extremiste, mais 8 millions d’euros pour se débarasser de nuisibles (l’un de l’autre, le renvoi d’ascenseur à ce niveau : c’est ’mal’) chez nos amis ricains, c’est tentant comme solution... C’est certes plus cher qu’un tireur à gages : mais globalement tellement de stress en moins...

        Je propose une souscription ! J’ai justement deux ou trois noms bien en tête, là...


        • Hakim I. 5 août 2008 15:55

          Il faut être un peu plus clair... 8 Millions d’euros, c’est la somme qu’elle allait recevoir de toute facon pour son portefeuille, le problème c’était l’imposition.
          Le tour de passe-passe avait pour objectif de récupérer les 100% de ses 8000 000€, c’est à dire sans payer un centime d’impot, c’est cela qui est scandaleux ...

          La mise est d’un peu plus de 1000 euros quand on additionne les achats-écrans d’actions (pourcentage des 23000 euros en impots pour la première vente des actions) + 2 ou 3000 € pour la création des sociétés... somme finale qui sera de toute façon bien loin de ce qu’ils doivent réèllement au contribuables.

          Mode Cynique ON

          Mais bon tout cela est légal, je ne vois pas de quoi vous vous plaignez :)
          Mode Cynique OFF

          Me font gerber tous...


          • jlg 5 août 2008 16:36

            Cette histoire me semble hallucinante ...

            Mr Dutreil, discret technocrate et "beau gosse" aux yeux de ces dames, quitte la politique par la petite porte, pour entrer dans celle du business par la grande....
            Monsieur ne commence pas sa carrière de "pantouflard" comme agent commercial ou responsable de boutique sur Fifth Avenue, afin d’apprendre "le métier", mais au top d’une filiale US d’une des grandes sociétés françaises du secteur du luxe...
            Par ailleurs, des conseillers avisés lui ont suggéré de monter une "structure" de défiscalisation qui permet à son foyer fiscal d"échapper à toute imposition pour en sortir avec une plus-value réalisée à court-terme de 8 Mio €....

            Qui peut se permettre de donner des leçons de morale, à part les politiques & les religieux. ?
            Dieu reconnaitra les siens ...


            • Marin pêcheur 5 août 2008 17:25

              Effectivement je trouve cela lamentable pour un representant du gouvernement. Mais je pense qu’il est clair maintenant que tous citoyen a legitimement le droit d’essayer de minimiser ses impots au maximun comme le montre en exemple notre ministre. Pourquoi n’en parle t-on pas dans les grands medias ?


              • Gilles Gilles 6 août 2008 08:58

                Marin pêcheur

                "Effectivement je trouve cela lamentable pour un representant du gouvernement."

                Ah bon, pourtant notre grande argentière, ici en photo, nous l’avais bien conseillé "Enrichissez-vous !"

                Normal que ce soit ceux qui font les lois qui donnent l’exemple, non ? D’ailleurs Sarko fera pareil, le grand homme. "Dés que son mandat est fini au service de la France il part donner des conférence a 150 000 euros, comme Bill Clinton, et enfin s’enrichir "(c’est lui même qui l’a dit)

                L’argent, maintenant il n’y a que ça de vraie ! Les lèves tards criticards même pas foutu de gagner plus qu’un smic ou deux ferait mieux de le comprendre, d’arrêter de penser et de retrousser leurs manches


              • Cug Cug 5 août 2008 19:47

                Mais que fait la police ?



                • Ornithorynque Ornithorynque 5 août 2008 19:59

                  On lit le début de l’article, et on se dit, bon, il était homem politique, il rentre dans une entreprise, OK...

                  Et puis vient la nausée.

                  Car, même si on est favorable à la liberté d’entreprendre, il n’existe pas de système économique dans lequel on place 1000 € pour en gagner 8 millions.


                  Si c’est vrai, le mot qui vient à l’esprit est "minable".


                  • furio furio 5 août 2008 20:21

                    Bel article. j’aime le ton de vos propos ! "ça glisse tout seul". Un peu comme le "que vouliez qu’il fît".... il en croqua bien sûr ! C’est presque malgré lui, que dutreil s’en mît plein les poches.

                    Alors évidemment des esprits chagrins viendront nous conter que d’autres parti, etc.. oui mais avouez quand même que l’on trouve de gaymard à sarkosy une sacré brochette d’aigrefins. et que la seule question que l’on se pose à propose de ce parti l’ump qui pratique la politique pour quelques nantis au détriment du plus grand nombre, qui n’en a pas croqué ?


                    • Jean Lasson 5 août 2008 22:42

                      Merci à l’auteur pour cette information que j’ignorais.

                      Mais huit millions d’euros, Dutreil est un gagne-petit smiley

                      Les "affaires" sont si nombreuses avec ces malfrats, que, personnellement, je ne commence à dresser l’oreille qu’au dessus de 100 M€. Sinon, il faudrait s’indigner tous les jours ! A ce titre, la privatisation des autoroutes continue à m’intéresser et je me souviens que 8 M€, c’était justement la prime réclamée par Antoine Zaccharias, patron de Vinci, pour avoir récupéré un réseau d’autoroutes à prix d’ami...

                      Je plaisante : il est bon de tenir une chronique de tous ces abus et délits, en espérant pouvoir régler les comptes un jour...

                      Sinon, soyons optimistes et prenons chaque départ comme une indication que les rats quittent le navire...


                      • superesistant superesistant 6 août 2008 11:16

                        très bel article, bien écrit et imagé à souhait...

                        personnellement j’aurai bien aimé avoir quelques liens sur le montage financier que les héros de ’"l’amour du risque" ont pu réaliser, ainsi que certaines billes sur les techniques du baron de sellière pour récupèrer autant d’argent !! c’est con à dire, mais moi avec quelques manips adroites je dois rentrer un bénéfice ressemblant au bozon de Higgs de leur bénéfice net et honnètement gagné...
                         
                        et puis, cette magnifique déscription de la culbute des 2 beatifuls, marvelous tout de même... je neconnaissai pas la version avec option piment d’espelette dans le fondement ....

                        sinon, oui, çà fait gerber ce type de comportement, comment s’en mettre plein les fouilles, tous ramener chez les ricains, faire les beaux quelques années dans le pays ou tout est possible, repointé son pif enfariné d’ici 5ans avec de l’"experience egngrengée" pour servir la France, et surtout quelques combines pour les potos un peu gauches qu’ont pas réussi à se faire pèter la cravatte en arnaquant le fisc chez nous...

                        enfin, LVMH, ils ont pas les boules de mettre un tel roublard à la tête de leur filliale américaine.. ? avec un zozo comme celui là, j lui filerais même pas la clé de ma C2 pour le dépanner, il l’aurait vendue avant que j’ai le temps de dire "impôt sur le revenu " !

                        ps : c’est sa rombière sur la photo à coté de lui ???? le sourire là, il est figé au botox ou quoi ?


                        • echevarria 6 août 2008 11:34

                          L’article le plus complet sur le sujet a été publié dans Le Monde du 2 mai 2008, sous la plume de Claire Gatinois et Franck Johannès. Un très long article dont voici le chapeau :

                           

                          La bonne fortune du baron Seillière

                          Lors d’une réorganisation du capital, les cadres dirigeants du groupe Wendel se sont partagé 324 millions d’euros en actions en 2007. La part de l’ancien président du Medef était de 79 millions d’euros

                          Le 29 mai 2007 restera marqué d’une pierre blanche pour le « management », l’équipe de direction de Wendel. Ce jour-là, les actionnaires ont offert à quelques-uns de leurs cadres d’acheter près de 5 % du capital du groupe, ce qui représente une somme colossale, 324 millions d’euros en actions, à se partager à quinze. Le prix à payer était modeste : pour acquérir ces 5 %, il n’y avait à débourser que 83 millions. Le management est même parvenu à n’en sortir que moins de la moitié de sa poche.


                        • ASINUS 6 août 2008 15:24

                          etonnez vous que dans les culs de basses fosses de la republique monarchique
                          certain reve aux brigades rouges
                          juste une fois "msieur "un lacher de ces parvenus prevaricateur cooptés ump/ps
                          dans ma ZUS juste une fois msieur

                          ces gens se gargarisent de la " fin de l histoire" et de la disparition de la lutte des classes


                          revez pas ! la haine de classe est bien la !

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