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Accueil du site > Tribune Libre > Elections présidentielles 2012 et droits de l’Homme : pour un projet (...)

Elections présidentielles 2012 et droits de l’Homme : pour un projet décomplexé et réaliste à gauche

Remontons au fondement philosophique des droits de l’Homme, au-delà des contingences historiques qui ont vu leur apparition. La dignité humaine repose sur une croyance, soutenue par l’état actuel de la connaissance scientifique : l’unicité de la race humaine2. Cette croyance implique politiquement l’absence de hiérarchie a priori entre les êtres humains et le principe d’égale dignité entre les individus, dans leur diversité.

J’ai nommé dans d'autres textes créativité la particularité de l'être humain, ce qui fait sa dignité propre : la capacité de l'Homme à être l'auteur de lui-même et à agir sur son environnement, en ayant une conscience -limitée et variable mais bien réelle- des actes et de certaines de leurs conséquences. L'indignation partagée, ou le refus en cœur de ce qui nie la dignité -son humanité, sa liberté créatrice- chez un autre être humain, pose les fondements de l'universalisation des droits de l'Homme. Le principe d’universalité, la reconnaissance des mêmes droits fondamentaux pour tous, fonde en retour la responsabilité de protéger Autrui, quand sa dignité est menacée.
 
Cette responsabilité, qui naît de la conscience, ne doit pas être confondue avec l’obligation de promouvoir un « bien » qui serait défini de l'« extérieur », par un dieu ou un pouvoir autoritaire ou colonial quelconque. Les droits de l’Homme ne prescrivent pas de religion ou de systèmes sociaux particuliers, ils sont l'expression la plus haute d'un projet politique fondé en commun, qui se décline juridiquement au niveau local, national et international. Respecter les droits de l’Homme permet à la dignité de chacun de s’actualiser et à l’individu de se développer, et ce quelles que soient ses croyances, sa religion ou la communauté à laquelle il appartient.
 
Plus concrètement, une telle vision refuse l'interdiction du port de la burqa dans les lieux publics, mais souhaite le développement de campagnes d'information ciblées, ainsi que le renforcement des mesures préventives et des sanctions contre les violences faites aux femmes ; elle condamne l'invasion de l'Iraq par les néoconservateurs américains dans le but de changer le régime local mais défend la nécessité d'apporter toute l'aide possible à la société civile sur le terrain afin qu'elle se donne les moyens de renverser le gouvernement si tel est le choix de population. Souhaiter libérer un individu ou un peuple contre son gré est absurde et risque par conséquent de conduire à la prise de décisions contre-productives.
 
Les droits de l’Homme, qu’ils soient civils, politiques, économiques, sociaux ou culturels, sont inscrits dans des textes dont la valeur juridique est variable, comme la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen, de même valeur que la Constitution, ou les grandes conventions internationales négociées dans le cadre de l’ONU. Ces textes internationaux ont été adoptés par le peuple ou ses représentants élus mais sont trop souvent ignorés, y compris par nos tribunaux, alors qu'ils possèdent une valeur supérieure à celles des simples lois. Au-delà de cet aspect juridique, le souci constant de mieux faire respecter les droits de l’Homme devrait être un guide de tous les instants pour la prise de décision politique. En effet, le respect des droits civils et politiques permet la participation libre à la décision politique, dans un cadre institutionnel dans lequel le citoyen peut avoir confiance. Les droits économiques et sociaux garantissent à l'individu, à lesprit éclairé et libéré des contraintes matérielles, d'accéder à un niveau de conscience politique suffisant lui permettant de consacrer une partie de son temps et de son énergie à la chose publique. En démocratie, le respect des droits de lHomme, et notamment le respect des droits culturels, permet aussi de protéger lindividu de la tyrannie de la majorité : l'individu se définit également par ses appartenances, les plus librement acceptées ou choisies par lui.
 
Un projet politique fondé sur les droits de l'Homme est un projet qui opère un retour aux fondamentaux du politique, du vivre-ensemble, pour mieux se projeter dans un avenir ouvert en prenant en compte les questions essentielles pour l'individu. Les questions essentielles ci-dessous suggèrent autant de priorités pour un gouvernement et dessinent des pistes d'actions fondamentales, cohérentes et réalistes :
 
- Comment garantir la liberté de l'individu au sein de la collectivité ? La décentralisation, le principe de subsidiarité et de développement durable, ainsi que la fin des discriminations d'Etat répondent autant à une exigence démocratique que d'efficacité : garantie aux collectivités de ressources nécessaires à l’accomplissement de leurs missions ; clarification des compétences des collectivités, en fonction du niveau d'intervention le plus adapté  ; renforcement du système de péréquation territoriale ; préservation au-delà des générations vivantes de la liberté des Hommes par la mise en oeuvre d'une politique sérieuse de développment durable ; légalisation du mariage et de l'adoption pour les couples homosexuels ; abrogation de la loi interdisant le port de la burqa dans les lieux publics ; octroi du droit de vote aux étrangers dans les élections locales.
 
- Comment redonner confiance aux citoyens dans les institutions publiques ? La création d'un impôt sur le revenu simple et réellement progressif et le renforcement d'une justice efficace et impartiale fondée la capacité de l'Homme à s'améliorer, volontairement ou grâce au traitement des troubles de sa conscience, doivent répondre à la défiance vis-à-vis du pouvoir « d'en haut » : fusion de la CSG et d'un l'impôt sur le revenu dont la part dans les revenus de lEtat devrait être augmentée au détriments dautres taxes et impôts ; augmentation progressive des droits de succession -jusqu’à atteindre 100% à terme- et réglementation stricte des dons entre particuliers ; augmentation des prélèvements sur les revenus des capitaux (y compris les rachats de leurs propres actions par les entreprises) ; augmentation des moyens humains de la Justice ; fin de la dépendance hiérarchique des procureurs vis-à-vis du ministère de la Justice ; augmentation des moyens des dispositifs judiciaires de réinsertion ou d'accompagnement médical.
 
- Comment encourager la participation la plus large possible des individus à la vie de la cité ? La réduction du temps de travail et la garantie à chacun de conditions de vie et d'un revenu décents libèrent des nécessités matérielles et offrent le loisir à chacun, s’il le souhaite, de développer des aspirations supérieures (politiques ou artistiques, activités associatives) : passage à 32 heures hebdomadaires ; allongement de la durée de la vie active accompagnée de la banalisation de l'utilisation d'années sabbatiques rémunérées ; simplification du système de prestations sociales ; introduction d’une condition de ressources progressive en fonction du revenu et/ou de l’âge (mise en place d’un revenu universel étudiant) ; encouragement au développement des activités culturelles et associatives diverses, et donc à la création.
 
- Comment assurer un niveau d'éducation suffisant à l'ensemble de la population ? La relégitimation du système éducatif, l'égalisation des chances et l'acquisition d'un savoir commun minimum associé au développement du jugement critique doivent être les objectifs premiers du système éducatif, quelle que soit l'orientation professionnelle retenue : revalorisation des traitements et du statut des enseignants ; réforme profonde du temps scolaire ; classes réduites et socialement mixtes ; soutien scolaire accessible aux élèves en difficulté ; réforme du système de notation dans les plus petites classes.
 
Comment redonner à la population confiance en la capacité de la France à faire face à la mondialisation en conservant une capacité d'influence réelle ? Une politique industrielle ambitieuse (dans le cadre national et européen), la mise en place d’une stratégie d’influence au sein de la diplomatie européenne et une politique sérieuse de promotion des droits de l'Homme et de la culture française doivent être menées en parallèle afin de redonner à la France la voix singulière et la crédibilité qu'elle a perdu avec la fin de la guerre froide ; détachement de personnel auprès des institutions européennes ; alimentation quotidienne et à tous les niveaux des diplomates européens en analyses françaises ; renforcement des moyens d'action en faveur du développement de la société civile et de l’Etat de droit dans les régimes autoritaires ; prises de position fermes mais prévisibles et cohérentes dans le domaine des droits de l’Homme ; développement d'une véritable politique d'accueil des réfugiés.
 
Si le rôle des institutions publiques demeure essentiel dans cette vision, aucune des pistes proposées n'est a priori incompatible avec un souci légitime defficacitééconomique. L'attractivité est affaire d'innovation, y compris sociétale. La France demeure, selon la Banque mondiale et « malgré son modèle social », un des tout principaux bénéficiaires d'investissements étrangers. Il sagit de ne pas exiger tous les sacrifices politiques, de notre liberté, au nom dune nécessitééconomique qui nous dépasserait.Tous les problèmes auxquels notre société est confrontée ne sont pas certes pas résolus par l'énonciation de ces quelques principes. Leur respect éviterait cependant de saper le socle fragile sur lequel repose le vivre-ensemble par des aberrations telles que, pêle-mêle, la réduction des moyens de l'éducation nationale, de la justice ou des collectivités territoriales, la rétention de sûreté, la valorisation du travail comme unique fin de l'Homme, le bouclier fiscal, linterdiction de la burqa dans les lieux publics. La révolution que nous attendons réside dans ce point précis : l'Homme doit accepter de reprendre en main son destin qu'il a laissé au bon vouloir des « choses »3.
 
1 R. Badinter disait à l'occasion du 50e anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l'Homme, en 1998, que ces derniers « demeurent l'horizon moral de notre temps ». Le respect des droits de l'Homme est un objectif vers lequel nous devons nous efforcer de tendre sans jamais avoir l'espoir de l'atteindre.
 
2 Ce qui n'aurait pas toujours été le cas, les hommes de Neandertal et de Denisova auraient constitué deux autres races, aujourd'hui disparues.
 
3 Jean-Claude Milner, la politique des choses, Verdier

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6 réactions à cet article    


  • Robert GIL ROBERT GIL 14 février 2011 11:15

    les droits de l’homme ne devraient pas non plus etre un pretexte a tout les debordements et manipulations politiques :

    http://2ccr.unblog.fr/2011/01/23/le-pretexte-des-droits-de-lhomme/


    • superyeti superyeti 14 février 2011 11:33

        Eric, envoie ton texte au PS, si il met en œuvre même que la moitié du projet dépeint au dessus, un grand pas serai franchi vers l’abolition pure et simple des mesures antidémocratiques sarkoziennes, il faudra aussi que le PS se prononce sur l’abolition de toutes les lois liberticides, fiscales et antisociales votées par la droite depuis 10 ans.

      En premier, si par bonheur la gauche revient au pouvoir en 2012, un signe concret de celle-ci serai de supprimer la loi LOPPSI et de renvoyer au fond de leur poubelle les HADOPI et autres mesures pour fliquer les citoyens, l’arrêt de l’espionnage de la presse, loi sur le lobbyingue, etc ...


      • non667 14 février 2011 19:44

        quand des partis (umps ) me disent que 1+1=3 sachant qu’ils sont passé grâce à leurs intelligence (ruse )à la tête du pays et qu’il nous ont amené a l’état ou nous sommes :

         la France, avec ses 1500 milliards de dette ,84% duPIB , - 7,7 % de déficit peut être comme la grèce , l’irelande et tout les autres pays européens être déclarée arbitrairement par les banquiers du N.O.M. en perte de confiance en faillite et passer du classement AAA à 0 sans justification fin 2011 .

        cette élite politique ne s’est pas trompée mais nous à trompé/trahi .

        vouloir leurs dire ce qu’il faudrait faire va les faire rire comme la grand mère à qui le petit fils vient apprendre que les enfants ne viennent pas dans les choux !

         pas d’emplatre sur une jambe de bois ! umps ---->poubelle d’autre ont été plus sincères et plus clairvoyants smiley





        • Romain Desbois 14 février 2011 21:00

          Bravo pour ce plaidoyer auquel j’adhère à fond.
          Les droits de l’homme devraient être la base de toute politique.

          Il est pour beaucoup de son application comme de la démocratie , revendiqué pour soi mais pas pour les autres.

          Mais il paraît que « les droits de l’homme ne sont pas compatibles avec les intérêts de la France ».

          Que ce soit prononcé par un humanitaire de renom ne fait qu’aggraver l’obscénité de cette phrase.


          • ffi ffi 15 février 2011 05:59

            C’est quoi le petit oeil dans la pyramide au-dessus des tables de la loi ?


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Auteur de l'article

Eric Kaminski


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