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En hommage aux « Oubliées de Juarez »

« Les Oubliées de Juarez », sorti le 25 avril 2007, est un film réalisé par Gregory Nava, dans lequel Jennifer Lopez, Sonia Braga, Maya Zapata et Antonio Banderas tiennent les rôles principaux. Thriller, policier et drame, l’oeuvre est soutenue par Amnesty International. Le film est tiré de faits réels, qui sont toujours d’actualité.

Nous avons du sang sur les mains. Du sang sur nos écrans plasma, sur nos machines à laver, sur nos téléviseurs, sur notre aveuglement.

"Les Oubliées de Juarez" raconte l’histoire de femmes mexicaines qui travaillent dans des maquiladoras, placées à la frontière américano-mexicaine, dans lesquelles sont fabriqués des appareils ménagers comme les écrans plasma ou les machines à laver. Elles travaillent du matin au soir, toute la journée, ne bénéficiant que de courtes pauses, et ne sont rémunérées que cinq dollars par jour. Dans ces usines où le travail à la chaîne reigne en maître, pas de syndicats, pas de revendication ouvrière, juste la fatigue des gestes répétés tout au long de la journée, le cou baissé, les yeux fatigués, les automatismes lasses, l’atroce abrutissement du travail. A la fin de la journée, à la nuit tombée, ces jeunes femmes sont ramenées en ville au moyen de cars qui sont mis à leur disposition pour les raccompagner. Des chauffeurs de car sont payés pour éffectuer ce travail et les déposer à différents arrêts. Les faits de la réalité sont certainement différents des faits fictifs présentés dans le film. Ne pouvant parler que de ce que j’ai vu, je me bornerai donc à ne relater que les faits présentés dans le film. Il ne reste qu’une seule jeune fille à l’arrière du car, toutes les autres étant descendues du bus. Elle se prénomme Eva (Maya Zapata) et va vivre une véritable descente au plus profond des enfers. Elle est successivement agressée, frappée, violée, gravement et violement bléssée, puis finallement laissée pour morte en plein désert par trois hommes, dont le chauffeur du bus. Abandonnée dans la nuit noire, dans un endroit où elle ne peut espérer aucun secours, cette jeune fille de seize ou dix-sept ans, qui était encore vierge quelques heures auparavant, vient de subir l’insupportable, l’horreur, l’inhumain. Inconsciente, elle se réveille quelques heures plus tard et s’extirpe de son tombeau de graviers et de cailloux dont le vent a recouvert son corps meurtri. Hantée par la peur, par la panique, par le désespoir, souffrant au plus profond de sa chair, elle retourne chez elle, où, heuresement, elle est écoutée. Jennifer Lopez joue le rôle d’une journaliste mexicaine de naissance, américaine d’adoption, qui, horrifiée par la découverte des ces massacres, décide d’aider Eva à retrouver ses agresseurs pour les confronter à la justice. Elle est aidée par Diaz (Antonio Banderas) et Teresa (Sonia Braga) qui luttent eux aussi contre ces crimes.

Il serait simpliste d’affirmer que les accords de libre-échange nord-américains sont l’unique cause de ces massacres, mais nous pouvons néanmoins dire qu’ils en sont en grande partie responsables. Les gouvernements américain et mexicain cautionnent ces crimes, les cachent et ne cherchent pas à les arrêter dans la mesure où le libre-échange permet de vendre à des prix défiant toute concurence ces articles, fabriqués dans les maquiladoras. Ces mêmes articles assemblés par des femmes qui vivent un enfer pour nous permettre d’accéder au progrès. Ceux qui, sur place, au Mexique, veulent parler, ceux qui veulent témoigner, ceux qui veulent se battre peuvent à tout moment subir le même sort ou bien être froidement assassinés, comme l’est Diaz, dans le film. La police locale, totalement corrompue, s’assure que les meurtres passent pour des réglements de comptes conjugaux. Les réscapées de ces massacres, qui se font plutôt rares, doivent se battre pour que justice soit faite, malgré l’intense détresse psychlogique qui est la leur et la véritable paranoïa dans laquelle elles vivent. Ces femmes ne peuvent compter que sur elles-mêmes et sur les leurs. Seules des associations humanitaires ont le pouvoir et la volonté de les protéger. Ce pouvoir est néanmoins restreint.

Au-delà de cette histoire particulière, ce film raconte l’histoire de femmes qui, sans le savoir, ont le même courage extraordinaire que des grands chevaliers, que des soldats devant le front ennemi, que des boxeuses dans le combat, que des héros face aux défis. Ces anges, protégés par la Sainte Vierge en laquelle elles croient plus que tout au monde, qui vivent au milieu de l’enfer et qui espèrent trouver, dans l’au-delà, un paradis qui ne ressemble pas à leur vie terrestre. Dans le film, plus de cinq mille femmes ont été assassinées, et le chiffre officiel s’élève à cinq cent victimes. Je ne connais pas l’estimation des chiffres réels et au fond, je crois que personne ne les connaît précisément. Ce qui est sûr c’est que les victimes se comptent par centaines. Je crois profondément qu’il y a des choses qui ne sont pas acceptables. A n’importe quel nom. Ni au nom de l’économie croissante de nos pays développés, ni au nom des relations politiques et amicales qui existent entre les gouvernements, ni au nom du profit, ni au nom du progrès, ni au nom de l’argent. Ici, nous parlons de chair humaine, de femmes, de destructions physiques et psychologiques.

Plus qu’un cri du coeur, c’est une véritable interrogation sur l’humanité qui s’est imposée à moi à la sortie du cinéma. Je crois qu’il n’y a pas de mot pour décrire cette atrocité faite à ces femmes mexicaines. Il n’y a pas de mot assez fort pour correspondre aux images que j’ai vues dans ce film.

Je me sers de mon ordinateur tous les jours. Il est constitué d’un écran plasma. Je ne sais pas d’où il vient ni où les pièces ont été assemblées. Peut-être quelque part entre le Mexique et Les Etats-Unis...

J’ai l’impression d’avoir du sang sur les mains.


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3 réactions à cet article    


  • Bouli Bouli 15 mai 2007 11:06

    Voilà des années que ça dure et qu’Amnesty International (entre autres) dénonce cette situation. On ne sait pas encore avec exactitude le nombre de victimes ni pourquoi elles sont ainsi enlevées, torturées et tuées, leur corps laissé dans le désert. Et comme les policiers et les politiques sont bien corrompus sur cette affaire, quiconque essaye de connaître la vérité se heurte à des portes fermées (ou à un flingue). Plusieurs hypothèses sont avancées : bandes de narco-trafiquants rivales, secte, trafic d’êtres humains...

    En tout cas, on parle pour la première fois de « crime mysogine » dans le sens où ces femmes sont torturées et tuées en raison de leur sexe.


    • jamesdu75 jamesdu75 15 mai 2007 11:55

      Pour avoir vu ce film qui ne m’a pas marqué du tout.

      Il y à des points de vue à prendre que Hollywood refuse totalement dans ce film, ca donnerai un scénario trop complexe pour beaucoup.

      Il faut voir par exemple que le nord du mexique est trés dangeureux et a part l’autororoute qui va de mexico aux USA, c’est desert ou dangeureux. La pluspart des gens vivants la bas sont des « nachos ». Ont pourrait le traduire par des assistés, ils vivent continuellement sur le dos des aides internationnal et l’etat ne fait pas grand choses pour contrer ce phénoméne.

      Un terreau de la criminalité.


      • Bulgroz 15 mai 2007 19:49

        La réalité de Juarez est très, très glauque avec en particulier des échanges de coup de feu en pleine journée et dans les artères principales entre des centaines de policiers et malfrats. Ce sont les mêmes, seuls changent les uniformes.

        Il existe au Mexique un journal (El Nuevo Alarma) qui s’est spécialisé dans la publication en gros plan des cadavres frais ou de débris humains de mecs retrouvés assassinés chaque jour. C’est atroce.

        Quant à l’ordinateur, si c’est un DeLL, il a une grande chance d’être monté au Mexique. De même, beaucoup des écrans LG. Pareil pour les fils de courant faible (Legrand). Tout cela à la frontière.

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