Europe et Turquie
La Turquie appartient-elle à l’Europe ?
- Le « Non » au Traité constitutionnel est encore dans toutes les mémoires. Mais est-ce pour autant l’« Europe » qui a été ainsi rejetée ? Non, tout le monde en convient ! L’a été une certaine vision, compréhension, conception de l’Europe. Le fameux « sens des mots », trop souvent source d’incompréhension, de confusion...
Et au sein des causes de ce rejet figurent en bonne place
- Alors, ce pays, européen ou pas ?
- Remarquons que répondre par la positive, reviendrait à admettre que l’Iran et l’Irak ont une frontière commune avec le vieux continent... Tout de même estomaquant...
- Décortiquons, autant que faire se peut en quelques lignes obligatoirement réductrices. Certains mettront en avant le fait que
- Notons d’abord que cette position indique que les frontières (ou leurs absences) ne sont pas que géographiques, elles peuvent également être culturelles.
- Commençons par les géographiques.
La formule de de Gaulle est connue : l’Europe s’étend de l’Oural à l’Atlantique et s’arrête au Bosphore. Cohérent. Mais, en rapport avec notre question, il y a un « hic »...
Evident, non...
- Frontières culturelles.
Comme « nous », n’est-elle pas laïque, et si l’écriture est un des éléments constituant la culture d’un peuple, comment ne pas mettre en avant son alphabet, latin comme celui que « nous » utilisons ? Effectivement...
Mais tout cela n’est que greffon au devenir incertain... Un risque réel de rejet par la souche existe...
- Osons aborder à présent un sujet tabou, un sujet qui fâche, l’origine chrétienne de l’Europe, de ses valeurs, de sa culture ! Pourtant, est-ce plus choquant que de souligner le poids de l’islam dans la culture des pays arabes ?
- A la façon d’une plaque photographique classique qui renvoie une image inversée, la laïcité turque est l’inverse de la nôtre (occultons le fait que la laïcité française n’est pas la laïcité anglaise, etc.) : l’histoire européenne du XXe siècle ne manque pas d’exemples - pensons à l’Espagne de Franco - où un pouvoir « fort » utilise la puissance de l’armée pour imposer une idéologie religieuse au mépris de la laïcité, alors qu’en Turquie, à partir des années 20, le pouvoir a utilisé la force de l’armée pour imposer la laïcité, au mépris de l’idéologie religieuse dominante... D’ailleurs le mot « laïc » est inconnu du vocabulaire arabe et le terme turc utilisé est emprunté au vocabulaire occidental... Car au-delà du mot, le concept même véhiculé par « laïcité » est extérieur à l’islam radical où le rejet de la foi (islamique) ne peut conduire l’« apostat » qu’à la mort physique ordonnée par un corps social qui en agissant ainsi se purifie... En français, cela s’appelle un meurtre, un assassinat, tout comme le sont tout également les « crimes d’honneur », coutumiers en Turquie...
- Revenons en France. La sérénité et le recul que donne l’écoulement du temps, permettent de dire que, paradoxalement, et au-delà des déchirements consécutifs à la loi de 1905 sur la séparation de l’Eglise et de l’Etat, et à l’opposition des « culs bénis » et des « bouffeurs de curés », la laïcité est aussi fille de la célèbre parole christique « Rendez les choses de César à César et les choses de Dieu à Dieu »... Dans la même veine, pourquoi les « droits de l’homme » peinent-ils tant à s’imposer et à prospérer en pays musulmans ? Car ils ont été conceptualisés sur le terreau fertile des valeurs chrétiennes, de l’humanisme chrétien, pour devenir l’expression d’un christianisme déchristianisé, d’une foi chrétienne désacralisée, laïcisée...
- Ouvrons une parenthèse. Ne confondons pas tolérance et laïcité.
Nous parlions à l’instant de « bouffeurs de curé », terme né à une époque où le paysage religieux français métropolitain était majoritairement occupé par le catholicisme. Aujourd’hui existe toujours des « talibans de la laïcité » qui prônent l’athéisme comme vérité révélée et rêvent de marginaliser les citoyens qui ont pour défaut d’être croyants et de le dire !
Espagne mauresque : l’arrivée des Arabes en Espagne au VIIIe siècle mit fin à la persécution dont les juifs étaient victimes de la part des Wisigoths qui avaient abandonné l’arianisme pour le catholicisme. Et pendant de nombreux siècles sous domination musulmane, l’Espagne a été une terre de paix et de tolérance pour les trois religions monothéistes ! Comme quoi, islam n’est pas toujours synonyme de fanatisme et d’intolérance...
- Fermons la parenthèse.
- Quand-à l’alphabet latin, il est entré en Turquie à la même époque que la laïcité et lui aussi aux forceps, l’Empire ottoman utilisant l’alphabet arabe, c’est-à-dire il y a moins d’un siècle. Alors que « chez nous », déjà avant les premiers écrits en « français » du XVe siècle, les lettrés qu’étaient les clercs écrivaient évidemment et depuis « toujours » en latin !
- Aussi, tant pour des raisons géographiques que culturelles, il me semble difficile de prétendre que
- Prétendrais-je que ce rejet affirmé, que cette position est vérité, réalité objective ? Non...
- Pour prendre conscience de la relativité des certitudes, également des certitudes géographiques, transportons-nous au temps de Rome.
- Si l’Empire romain prétendait à l’universalité, dans les faits, des frontières se sont imposées :
Au Nord, l’Ecosse (le mur d’Hadrien).
A l’Ouest, évidemment l’Atlantique.
Au Nord/Est, le Rhin et le Danube.
Au Sud, l’Afrique noire (les pays de Maghreb étaient partie intégrante de l’Empire - neutralisons Carthage)
Au Sud/Est, le Tigre et l’Euphrate.
Cela pour souligner que si la géographie peut dire ce qu’est l’Europe, cette définition ne vaut que pour « aujourd’hui » (au sens de l’Histoire).
Si nous demandions à nos contemporains européens où se trouve le centre géographique de l’Europe, qui citerait la capitale de l’Italie ? Personne !
Mais l’Empire s’est construit autour de
Toujours à cette époque, le civilisé, était logiquement de type méditerranéen, c’est-à-dire pas très grand, brun et basané. Et le barbare, lui, était grand, blond et à la peau très blanche...
Relativité des concepts, disions-nous...
Et parmi ces barbares, il est des tribus germaniques qui allaient nous devenir « chers » à nous Français, celles des Francs...
- Le rapport avec notre sujet ? Dans le monde romain, la région nommée de nos jours Turquie ne posait pas de problème : elle appartenait à l’Empire, tant pour des raisons géographiques que culturelles ! Et elle n’était même pas en zone frontière ! Et le latin, comme ailleurs, y était aussi la langue officielle, administrative !
Mais cela était il y a « deux mille ans »...
- Certitudes, avez-vous un socle digne de ce nom ?
- Pour conclure, maniant le paradoxe, clin d’œil à Edmond Wells et à son Encyclopédie du savoir absolu relatif, je dirais que
Cette affirmation découle d’une prise de conscience selon laquelle il n’y a pas une vision du monde, mais plusieurs, indissociables de grilles de lecture, parfois inconscientes, qui sont autant de filtres. Et la pseudo-objectivité de la de la stricte géographie s’efface devant le poids de la géopolitique qui elle-même s’efface devant celui de la géoculture, autant de réalités subjectives dans leurs valeurs.
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