Evolution : des paramécies à Conchita

EVOLUTION : DES PARAMECIES A CONCHITA

 Les premiers éléments de vie, telle que nous la définissons actuellement, remonte à environ 3,5 milliards d'années. Il faut attendre deux milliards d'années pour qu’apparaissent les premières cellules possédant un noyau (les eucaryotes). La paramécie est l’organisme modèle des systèmes de ce type. Les paramécies sont des êtres unicellulaires de 100-200 mm qui présentent la particularité de pouvoir se reproduire de deux façons distinctes. La première se produit par scissiparité : la cellule originelle se scinde en deux cellules filles identiques. Dans la seconde, du matériel génétique (ADN) est échangé entre deux cellules distinctes aboutissant ainsi à un brassage génétique. Des mutants peuvent être engendrés. Des secrétions peuvent être émises contre des prédateurs. La lutte pour la vie est déjà présente. Un niveau d’organisation élevé nécessite cependant des mécanismes de reproduction plus proches des nôtres. 

 L’escargot présente une reproduction sexuée mais originale. De plus, il possède des neurones géants ce qui complète (un peu) une certaine analogie avec notre espèce. L’escargot est hermaphrodite, il peut être à la fois mâle et femelle mais pas simultanément. Les spermatozoïdes arrivent à maturité avant les produits génitaux femelles. Un même individu est donc capable de produire des spermatozoïdes et des ovules, mais il doit s’accoupler avec un partenaire pour se reproduire. Un autre trait rend les escargots proches de nous : avant la reproduction, les escargots pratiquent une cour de deux à douze heures avant l'accouplement. L’espèce dominante que nous sommes devenus, ne suit plus qu’aléatoirement cet usage, le temps est compté et les mœurs devenues libres. Mais gardons notre fil conducteur qui mêle évolution et politique. 

 Darwin souligne l’imbrication entre l'évolution, la sélection et le sexe. Il introduisit le concept de sélection sexuelle selon lequel la compétition entre les individus en vue de l'accouplement est un facteur de l'évolution de certains traits héréditaires. Cette lutte pour l’accouplement explique l’apparition de la queue du paon destinée quasi-exclusivement à séduire les femelles.

 L’Homo Sapiens, l’Homme savant, est apparu il y a environ 200 000 ans mais ne s’est répandu largement en Europe qu’il y a 30 000 ans. L’Homme de Cro-Magnon, qui vivait en Dordogne, fait partie de la même espèce que la nôtre. Son mode de reproduction est (apparemment) identique à celui que nous connaissons. Cependant, même avec ce mode d’accouplement primitif, des essais furent faits pour influencer l’ordre naturel lors de la sélection. Des autorités encouragèrent des femmes “racialement pures” à enfanter autant d'enfants que possible. En 1936, les dirigeants allemands lancèrent le programme « Lebensborn » qui prescrivait que tout membre de la SS devait engendrer au moins quatre enfants dans les liens du mariage ou en dehors de celui-ci. Des foyers recueillaient les mères et les enfants illégitimes. Cette sélection guidée par les autorités ne survécut pas à la défaite militaire qui survint quelques années plus tard.

 Ce n’était que les premiers balbutiements de la maîtrise de la sélection « naturelle » par l’Homme. Les scientifiques prirent le relais des militaires. Beaucoup d’autres aspects de société allaient influencer l’évolution : la sexualité est inévitablement liée à la culture et au pouvoir normatif de l’Etat. En 1975 une loi encadre la dépénalisation de l'avortement en France. La loi Neuwirth de 1967 autorisait déjà l’usage des contraceptifs oraux. Sciences, phénomènes sociaux et politique se mêlent étroitement pour induire ou accompagner des comportements sexuels.

 A partir de ces éléments, il est possible de construire un scénario donnant les grands traits de l’évolution future de l’espèce humaine.

 Un couple homme-femme n’est plus nécessaire pour la mise au monde d’un enfant : un homme, une femme, un(e) androgyne seuls ou non, peuvent avoir accès à la « maternité ». Un ovule ou du sperme, préalablement congelés, peuvent être achetés sur internet. Les caractéristiques génétiques de ceux-ci sont déterminés dans le détail : de très importantes différences de prix peuvent être atteintes en fonction des performances attendues ou rêvées. Les ovules (ou le sperme) des « célébrités » de la chanson, des arts ou de la science peuvent ainsi conduire à des prix les rendant hors de portée de la plupart des gens. L’ovule fécondé n’a plus qu’à trouver des entrailles qui l’accueillent, bien évidemment contre rémunération : des usines à bébé se sont d’ailleurs constitués en Inde à partir de 2002.

  Une sélection s’effectue donc à la fois en fonction de caractéristiques intellectuelles et physiques présumées du futur bébé. Mais les moyens financiers des intéressés peuvent aussi se révéler un facteur non négligeable pour influencer la sélection. La sélection monétaro-scientifique des individus est en place. Deux forces apparemment antagonistes (mais en fait complémentaires) peuvent s’affronter. Le capitalisme mondialisé tend à uniformiser les modes de vie et de gouvernement. Cette phase est en voie d’achèvement au niveau mondial. Le capitalisme homogénéise les sociétés mais engendre des disparités entre individus au sein de celles-ci. Les « dominants » n’ont qu’un rêve encore impossible : rester dominant pour toujours. Biologie, médecine et génétique permettent aux possesseurs de capitaux d’espérer d’accéder à ce désir de puissance éternelle : ils peuvent optimiser leur descendance en achetant une progéniture qui maintiendra dans leur cercle toutes les richesses, leur famille par exemple.