• AgoraVox sur Twitter
  • RSS
  • Agoravox TV
  • Agoravox Mobile

Accueil du site > Tribune Libre > Exceptionnelle découverte archéologique à Autun

Exceptionnelle découverte archéologique à Autun

Des archéologues pensent avoir retrouvé la plus ancienne université de France, datant du Ier ou IIe siècle... Il pourrait s'agir des célèbres écoles moeniennes citées dans des textes de l'Antiquité mais jamais retrouvées jusqu'ici. Tacite, historien latin du Ier siècle, disait qu'elles accueillaient "les plus nobles rejetons des Gaules"... Des tranchées laissent apparaître de larges murs de soutènement, des sols et les restes de vastes portiques : galeries couvertes à colonnades... (AFP 13/06/2011). http://bourgogne.france3.fr/info/sud-bourgogne/autun-71—la-plus-ancienne-universite-de-france-69171347.html

C'est en effet une très importante découverte à porter au crédit des archéologues d'Autun, car elle pourrait nous éclairer sur la vie publique gauloise et sur l'enseignement qui était donné aux élites de la Gaule, au début de notre ère. Et cela d'autant mieux que, comme nous avons des textes qui en parlent, leur confrontation avec les vestiges peut être d'un exceptionnel intérêt.

Dans un panégyrique, ou discours public, prononcé vers l'an 298 ap. J-C devant le gouverneur romain de Lyon, l'orateur éduen décrit leur aspect et leur localisation à l'intérieur de la cité.

Le gros problème, c'est que la disposition des bâtiments décrits ne se retrouve pas à Autun mais à Mont-Saint-Vincent, là où je situe Bibracte, l'antique capitale des Eduens ; une Bibracte qui prit ensuite le nom d'Augustodunum, un nom que prit également Autun, car la citadelle et sa ville ne formaient qu'une seule et même cité.

« Or, quel est l'édifice, déclame l'orateur, qui serait mieux situé sur la bouche, sur la face, sur le front de cette cité, que ces écoles moeniennes placées sur le passage même des invincibles princes lorsqu'ils nous honorent de leur visite ? Déjà, ils se montrent si heureux du concours de la joyeuse jeunesse qui se presse sous leurs pas, comme le prouvent et les libéralités et les lettres qui me sollicitent de me dévouer à son instruction ; combien plus grand sera leur bonheur (des princes), lorsqu'ils verront réparé l'édifice où doivent se réunir les élèves !

Très illustre gouverneur, il est encore une circonstance qui rend cette construction plus célèbre et attire davantage sur elle les yeux des Césars et de tous les citoyens : c'est qu'elle est placée dans un lieu particulièrement bien choisi, pour ainsi dire entre les deux yeux de la cité, entre le temple d'Apollon (l'église) et le Capitole. Le voisinage de ces deux divinités, en rendant ce sanctuaire (Mt-St-Vincent) plus vénérable, est un nouveau motif pour le réparer dans toute son étendue ; et il ne conviendrait pas que les deux très beaux temples de cette ville (le temple de Minerve et celui d'Apollon) soient défigurés par les constructions en ruines qui se trouvent au milieu. J'insiste sur cette pensée ; car il me semble que le premier constructeur des écoles moeniennes leur a réservé cet emplacement afin qu'elles fussent soutenues par les étreintes bienveillantes des deux divinités voisines ; et telle est en effet la position de cet auguste sanctuaire des lettres (le quartier des écoles ?) que d'un côté Minerve (le temple de Minerve), fondatrice d'Athènes, le protège de son regard, et de l'autre Apollon (l'église), entouré des Muses.

Cet édifice, placé au front même de la cité, touchera de chaque côté à ces deux temples ô combien remarquables. » (Note : il se pourrait que le capitole soit à situer plus bas, à gauche, hors croquis).

Maintenant, si l'on se reporte au texte de Tacite, il faut admettre que ces écoles existaient déjà en l'an 21 après J.C., mais à Mont-Saint-Vincent.

« Sacrovir avait commencé par se rendre maître d'Augustodunum (Mont-St-Vincent) : c'était la capitale de ce peuple ; il l'occupait avec des cohortes en armes. De cette façon, il tenait en otages les enfants des plus grandes familles des Gaules qui poursuivaient ici des études nobles. Il espérait, par ce moyen, rallier à sa cause leurs parents et leurs proches. En même temps, il armait cette jeunesse en lui fournissant des armes qu'il avait fait fabriquer en cachette... » (Tacite, Annales, III, 40 -43).

Qui était Sacrovir ? Un soldat perdu ? Certainement pas ! Sacrovir était “le Premier des Gaules” et donc le "premier" de la cité éduenne. Velleius Paterculus, qui fut préteur sous Tibère, chantant les louanges de l'empereur, l'affirme sans ambages : « Tibère réprima une guerre d'une extrême gravité contre le Premier des Gaules (principe Galliarum) que l'on appelait Sacrovir... ».

Or, si Sacrovir - in sacro vir, l'homme qui est dans le sacré - est le "princeps" de la cité éduenne, comme l'était jadis le "princeps" des druides, Divitiac, cela ne pourrait-il pas signifier qu'il était encore dans l'héritage druidique, dans l'héritage de l'enseignement des druides ?

Comme je le répète sans arrêt, la Gaule n'avait guère changé sous les règnes d'Auguste et de Tibère. César avaient laissé aux cités gauloises leur organisation : Pendant le petit nombre de jours qu'il passa lui-même dans la province, il en parcourut rapidement les assemblées, y prit connaissance des débats publics, distribua des récompenses à ceux qui l'avaient bien servi (DBG VIII, 46).

72 ans après, en l'an 21, le pays éduen était riche — Tacite l'affirme : Florus et Sacrovir demandaient aux Gaulois de bien réfléchir au fait que leur situation à eux était florissante alors que l'Italie se trouvait sans ressources. Les druides jouissaient encore de leurs prérogatives ; l'empereur Auguste avait seulement interdit la pratique des sacrifices humains à ceux qui sollicitaient le titre de citoyens romains (Amnien Marcellin, livre XV, chap IX). Leurs Premiers défilaient à Rome, en chars, sur le même rang que les grands prêtres flamines romains et jusqu'à Claude, les empereurs recherchèrent leur alliance. Le clash se produisit sous Néron. (Notez que Strabon, si précis sur l'oeuvre d'Auguste, ne dit rien sur ce qu'il aurait fait à Autun et que c'est un pur mensonge que de lui attribuer une quelconque fondation. Le datif du mot latin "augusto" peut tout aussi bien n'être qu'une simple dédicace, pour moi, adressée au dieu auguste du ciel).

Mais alors, que représentent les importants vestiges mis au jour à Autun ? C'est l'orateur éduen, qui nous donne, une fois de plus, la réponse.

Dans un discours postérieur prononcé à Trèves en l'honneur de Constance-Chlore, il évoque une visite que celui-ci avait fait quelque temps plus tôt dans la cité éduenne (la description de l'itinéraire correspond à Mont-Saint-Vincent) : « Nous avions décoré les rues qui conduisent au palais et nos ornements se ressentaient de notre pauvreté... Un petit nombre de musiciens, prenant les voies latérales qui leur permettaient de se trouver plus souvent en ta présence,... notre pauvreté n'a pu échapper à ta clairvoyance...

Puis, dans une deuxième partie, il s'exclame : Très auguste empereur, si Flavie (Autun) cette cité des Eduens qui porte enfin un nom éternel pouvait s'ébranler sur ses fondements et venir en ces lieux, elle se réunirait certainement toute entière dans une commune voix (avec le Mont-St-Vincent) pour célébrer tes grandes et illustres faveurs ; et te regardant comme son restaurateur, ou à dire plus vrai, comme son fondateur, elle aimerait à te rendre grâces, surtout dans une ville (Trèves) avec laquelle tu as commencé à lui donner des traits de ressemblance...

Conclusion : lors de cette visite à Mont-Saint-Vincent/antique Bibracte de Constance-Chlore, nommé Constantin et empereur, abusivement me semble-t-il, la jeunesse enthousiaste du premier discours que j'ai cité n'était plus là (première partie du discours). La deuxième partie du discours explique pourquoi : les écoles n'ont pas été reconstruites à Mont-Saint-Vincent, mais à Autun.

Et l'orateur termine son homélie en disant : « Nous n'avons pas craint de prendre ton nom en mettant de côté l'ancien, car Bibracte (Mont-St-Vincent) s'est appelée jusqu'à présent Julia, Pola, Florentia, mais maintenant, c'est Flavie (Autun) qui est la cité des Eduens. »

Les preuves archéologiques de ce que je viens d'écrire se lisent dans les chapiteaux de la cathédrale d'Autun.     

Pour plus d'informations sur les écoles du temps des Gaules, voyez le texte de Camille Julian, le maître incontesté, souvent trahi, mais jamais dépassé http://www.mediterranee-antique.info/Jullian/Gaule/T8/HG_850.htm


Moyenne des avis sur cet article :  4.69/5   (13 votes)




Réagissez à l'article

6 réactions à cet article    


  • Antenor Antenor 2 novembre 2011 11:34

    Il faudrait voir si les grands bâtiments découverts à Autun sont encadrés par deux temples. Là encore on mesure à quel point les textes sont précieux pour nous guider.


    • Emile Mourey Emile Mourey 2 novembre 2011 20:10

      @ Cassino

      Je suis bien d’accord que le mot « université » est impropre. Ce n’est pas moi qui l’utilise mais FR3Bourgogne en introduction à son article que je cite. Concernant les premières écoles en Gaule, voyez le texte de Camille Jullian dont je donne la référence à la fin de mon article.

      • jak2pad 3 novembre 2011 02:55

        Bonjour Emile,

        Je vous lis toujours avec ravissement, et cette fois ci, avec passion.

        Vos positions iconoclastes et novatrices apportent un éclairage inégalé sur ces périodes ténébreuses de notre histoire.

        Cependant, et même si vous soutenez de manière convaincante une vision différente des travaux d’Auguste Berdin, ce dernier avait localisé avec une forte probabilité la cité d’Axillodunum,
        Vous n’ignorez pas que William Hare, dans son Tractatus qui fait autorité, avait lui aussi adhéré à cette position, et que même André Galvin y était ( tacitement du moins) favorable.

        Leurs travaux avaient établi de manière probante que la première Université de France était établie à Axillodunum, et ce depuis le 1° siècle après J-C.

        Les documents stratigraphiques et méthodologiques qu’ils avaient pu examiner montraient l’existence de salles de classe, avec des rangées de sièges taillées dans un tuffeau assez mou pour offrir une assise confortable aux postérieurs des futurs diplômés, ainsi qu’une estrade garnie d’un vase ( probablement un crachoir) destiné à l’enseignant.
        De nombreux débris alimentaires ( os de poulet rongés, pépins de pommes, coques de noix éclatées) les ont amenés à se demander si le grignotage était autorisé pendant les cours, ou si le manque de cantoche organisée obligeait les étudiants à se sustenter comme ils pouvaient.

        De nombreuses tablettes de granit portant des signes en écriture gauloise ( non-déchiffrés à ce jour de manière convaincante) mais accompagnés des petits dessins habituels que les élèves font dans les marges lorsqu’ils s’ennuient, prouvent éloquemment qu’il s’agissait sans aucune ambiguité d’un établissement scolaire, peut-être d’ailleurs un établissement d’enseignement technique ou éventuellement d’un LEP.

        Vous pouvez bien entendu vous obstiner sur votre position, que vous êtes le seul à soutenir, mais il me semble que vous devriez accepter cette évidence : la première Université de France était là où elle était, et non la où vous souhaiteriez qu’elle fût été.
        Ce qui n’enlève rien à la valeur de vos travaux, qui ,à défaut d’être vraiment convaincants, garderont toujours à mes yeux leur incroyable fraîcheur.


        • Emile Mourey Emile Mourey 3 novembre 2011 10:20

           jak2pad


          Bonjour. C’est FR3 Bourgogne qui commence son article ainsi en parlant d’une première université de France. D’abord, le mot est apparemment impropre puisque les textes ne parlent que d’écoles. D’autre part, vu que la Gaule était alors constituée de cités indépendantes, je ne vois pas pourquoi chacune de ces cités n’aurait pas cherché à avoir leur propre école même si celle d’Augustodunum avait la réputation que soulignent les textes. Il ne faut pas non plus oublier les écoles de Marseille. Le texte de Camille Jullian montre bien l’étendue et l’importance du phénomène.


        • SACRE COLONEL....AUTORITAIRE....

          -fixe pour les barbares celtes ou keltoi...

          la vraie histoire n’existe pas...les religieux nous ont donné des repères...et de siècle en siècle l’enjolivent...
          -le coran dit que jesus a existé et était un disciple de leur dieu...a eux.............que jesus n’a pas été criucifié...qu’un esclave a prix sa place « barrabas,,, ???? » plus facile dans ce cas de« ressuciter »

          comment ils font avec un décalage de 400 ans...pour faire croire a ces sornettes et semer discorde et haine dans le monde entier.
          en haut du mont nebo on ressent quelque chose....comme dans tous lieux de culte celte...christianisés....un silence...et des couleurs trop belles.

          a chacun sa facon de croire et de prier....au début il y avait le « soleil ». ET LUI IL EST TOUJOURS LA QUEL BEAU DIEU !!!!


          • Antenor Antenor 14 novembre 2011 12:16

            La haine et la discorde existaient bien avant l’apparition du christianisme et de l’islam. Le but des fondateurs de ces religions étaient de donner au monde entier une religion unique pour l’unifier. Les dieux étaient les symboles de chaque peuple. On voit très bien dans l’Iliade les dieux s’opposer selon leur camp. Avec un seul dieu, ils espéraient ne constituer plus qu’un seul peuple.

            En quoi les légendes chrétiennes et musulmanes sont-elles plus des sornettes que celles des Celtes ou des Egyptiens ? Vous croyez peut-être qu’au temps des druides chacun avait le droit de pratiquer la religion qu’il souhaitait ?

Ajouter une réaction

Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page

Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.


FAIRE UN DON







Palmarès