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Accueil du site > Tribune Libre > Greenspan, mystificateur ou voyou ?

Greenspan, mystificateur ou voyou ?

Alan "Bulles" Greenspan est incompétent. C’est en tout cas lui qui l’affirmait au micro d’une radio américaine le 31 décembre 2007 : "Le palmarès des prévisions que j’ai faites et des entreprises que j’ai développées, mais aussi pour toute la profession dans son ensemble, n’est pas vraiment spectaculaire. J’ai fait des prévisions depuis le début des années 50. J’étais alors aussi mauvais que maintenant."

Cette stupéfiante confession de l’ex-président de la Fed révèle, toutefois trop tardivement, une grande lucidité. La catastrophe économique et financière mondiale qui s’installe, il en est bien le promoteur en chef. Lui, la doctrine, l’alchimie maléfique des produits financiers pourris métastasés, et les disciples cupides et irresponsables représentant autant de protagonistes de l’ultralibéralisme mondialisé financier et économique sans foi ni loi.

Alan est opiniâtre. Son règne, commencé en 1987, n’a été qu’une longue suite de désastres. Depuis vingt ans nous ne passons pas trois ans sans une catastrophe majeure. 1987 : krach des marchés actions ; 1990 : krach des junk bonds (obligations pourries) et crise des Caisses d’épargne américaines (Savings and Loans) ; 1994 : krach obligataire américain ; 1997 : première tranche de la crise financière internationale (Thaïlande, Corée, Hong Kong) ; 1998 : deuxième tranche (Russie, Brésil) ; 2001/2003 : éclatement de la bulle internet ; 2007... Avec, à chaque fois, les mêmes effets sur les populations qui paient comptant la note. Sans jamais remettre en cause le système et les principes. Alan et sa clique ne doutent jamais.

Alan est arrogant. N’est-il pas l’auteur d’un cinglant : "Monsieur le sénateur, si vous m’avez compris c’est que je me suis mal exprimé." Malgré le piteux palmarès, le maître et les disciples de l’ultralibéralisme sont toujours aussi suffisants, la formule méprisante toujours disponible. A contrario, les partisans d’une économie régulée sont tétanisés. Pourquoi tant de complexes ? Le capitalisme régulé entre 1945 et 1975 a permis une croissance rapide et régulière de 5 % par an, une absence complète de crises financières internationales et surtout le plein emploi. Alors que, depuis 1990, la croissance est inférieure de plus de la moitié à la période 45/75, les crises financières et économiques se multiplient et 25 % de toutes les populations sont soit au chômage, soit en travail précaire, soit tout simplement très pauvre. L’écart entre les riches et les pauvres n’a jamais été aussi démesuré. En trente ans, la part des revenus du travail a perdu 10 % dans le partage du PIB dans tous les pays développés au bénéfice exclusif des actionnaires. L’incompétence et l’arrogance de Greenspan et de ses acolytes n’ont d’égal que leur talent à faire passer leurs turpitudes pour des vertus.

Alan est un monstre de cynisme avec une forte inclination à prendre les gens pour des buses. Dans l’éditorial du Financial Times du 17 mars, il écrit : "L’actuelle crise financière est la plus grave depuis la Seconde Guerre mondiale. Elle risque de faire de nombreuses victimes, plus particulièrement du côté des systèmes d’évaluation des risques financiers. Cette crise prendra fin quand le prix des biens immobiliers se stabilisera (quand les gens seront ruinés !) et, avec eux, le prix des produits financiers hypothécaires. Elle laissera de nombreuses victimes, le système d’évaluation des risques actuellement en place sera particulièrement touché. Mais j’espère que l’une des victimes ne sera pas le système de surveillance mutuelle et plus généralement l’autorégulation financière comme mécanisme fondamental d’équilibre du secteur financier mondial (quel comique cet Alan !). Il est important voire essentiel que toute réforme et ajustement dans la structure des marchés et leur régulation ne remettent pas en question nos garde-fous les plus fiables et efficaces (Incroyable ! Il prend les gens pour des cons. Mille excuses pour cet écart de langage) contre les défaillances économiques à savoir la flexibilité des marchés et la libre concurrence."

Hallucinant et révoltant ! Le système financier est au bord du gouffre, les systèmes de notation ne comprenaient rien, ne contrôlaient rien et n’ont rien vu venir, le dollar est à terre, l’endettement de l’Amérique est égal à 300 % de son PIB, les banques sont au bord de la faillite et il ne faut surtout pas toucher aux principes sacrés qui ont conduit à cette hécatombe ! Avec bien entendu en filigrane qu’il ne faut surtout pas que les gouvernements, incompétents bien entendu, se mêlent des affaires de la finance. Aurait-il déjà oublié la banque Northern Rock (c’est vrai, c’est loin, c’est en Angleterre) évitant la faillite grâce à une nationalisation ? Aurait-il déjà oublié le sauvetage par les cheveux de la Bear Stearns grâce à l’intervention conjuguée de la Maison-Blanche et de la Fed - octroi d’une ligne de crédit de 20 milliards de dollars à JP Morgan - sponsorisant ainsi une montagne d’actions et de dettes pourries sans aucune valeur ? Aurait-il déjà oublié que son successeur Ben Bernanke, le 17 janvier, plaidait pour un accroissement de la relance budgétaire et donc l’intervention de l’Etat ? Sait-il que des économistes compétents et lucides (Nouriel Roubini par exemple) estiment à 3 000 milliards de dollars à minima (20 % du PIB américain) le coût de cette catastrophe provoquée par son incompétence et que la banqueroute guette l’Amérique ?

Mais, le plus révoltant, c’est que parmi les victimes de cette crise, jamais les 1,3 million d’Américains floués et expropriés ces deux dernières années ainsi que les 3 millions menacés ne sont un instant considérés par Greenspan. Jamais un mot sur les dégâts collatéraux qui vont affecter durablement toutes les populations. Ni plus ni moins de la chair à canon...

Préserver l’autorégulation financière, la flexibilité du marché et la libre concurrence a bien plus de valeur et est bien plus préoccupant pour Alan que le sort de pauvres gens ruinés qui alimenteront bientôt la queue des soupes populaires. Ou bien des futurs retraités qui voient fondre le capital d’une vie comme neige au soleil...

Et Alan, grand instigateur de ce fiasco planétaire, d’avoir tribune ouverte pour donner des leçons et des conseils au monde entier ! Presque à regretter que le ridicule ne tue pas. C’est scandaleux.

Le réconfort dans tout ça - restons optimistes - c’est que les masques sont en train de tomber et nous découvrons, tel que l’affirmait Maurcie Allais dès 1999, que la libération totale des échanges n’est qu’une gigantesque et tragique mystification.

Mystificateur ou voyou, de toute façon, cher Alan, la partie est finie. A défaut d’être jugé pour vos méfaits et de payer le juste prix pour vos sophismes, il ne reste plus qu’à vous taire. Ca serait plus décent.


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13 réactions à cet article    


  • ZEN ZEN 19 mars 2008 13:58

    "Cher Alan" n’est qu’un pion...il y a belle lurette qu’il n’y a plus de pilote dans l’appareil incontrôlable..

    Nationaliser les banques ? C’est l’hypothèse formulée par B.Maris dans son blog (sans rire !)

     

     -Crise Financière : nous sommes tous roubinistes désormais "Les pertes du système financier sont maintenant estimées entre 2000 et 3000 milliards de dollars, ce qui place virtuellement les banques dans une situation de faillite généralisée. En tentant de se protéger en différant la reconnaissance de leurs pertes, elles accroissent le risque d’un effondrement systémique. Tous les économistes s’accordent à penser qu’une recapitalisation d’urgence est nécessaire. Mais cette mesure nécessiterait une nationalisation massive du système bancaire, impensable au pays de la libre entreprise, et ceci d’autant plus en année électorale. Faute de pouvoir - pour l’instant - briser ce tabou, la Fed en est réduite aux expédients et se transforme en mont de piété pour créances douteuses." (contre-info) Marchés : « La crise la plus grave depuis la seconde guerre mondiale » "Selon Alan Greenspan, qui a été président de la Fed pendant 19 ans, « la crise financière aux Etats-Unis va être vraisemblablement jugée comme la plus grave depuis la seconde guerre mondiale ». Pour lui, la crise prendra fin quand les prix des biens immobiliers se stabiliseront, entrainant celui du prix des produits financiers adossés à des prêts hypothécaires." (Le Figaro)


    • Roland Verhille Roland Verhille 19 mars 2008 14:33

      La fureur de Danjou, pas du tout déplacée, lui fait toutefois prendre les vessies pour des lanternes. En bref, il impute la crise financière à l’absence de régulation publique, à l’ultra libéralisme.

      Où a-t-il vu de l’ultra libéralisme dans l’organisation et le fonctionnement des systèmes bancaires, les fauteurs incontestables du trouble ? Les professions bancaires sont parmi les plus réglementées qui soient. Au point qu’elles ne peuvent s’approvisionner en monnaie dont elles font le commerce qu’auprès des états (leurs Banques centrales).

      L’auteur s’en prend seulement à la personne de Grenspan, sans voir de qui il n’était que la marionnette. Des protagonistes de « l’ultra libéralisme mondialisé financier et économique sans foi ni loi » dit-il. Voilà une belle formule à reprendre en chœur dans les défilés protestataires. Mais où sont-il donc ces protagonistes, quelles sont leurs associations, leurs sociétés secrètes, leurs partis politiques, leurs sectes ? Ne sont-ils pas que des leurres jetés à la tête des gens par des mystificateurs ?

       Pourtant, l’auteur a bien repéré les caractéristiques personnelles de Greenspan, qui sont celles de tous ses congénères qui peuplent les hautes sphères des organisations étatiques comme de la plupart des organismes privés à la taille démesurée. Ouvrir son champ d’observation lui aurait permis de le remarquer, et d’être mieux inspiré. Cela aurait orienté son accusation vers ceux qui tiennent les manettes des usines à monnaie, les Banques centrales. Danjou ne semble pas avoir remarqué à quel point ces organismes ont gavé de monnaie, depuis une trentaine d’années, les banques commerciales. Elles ont été tellement en peine d’en trouver preneur parmi ceux qui en ont besoin pour l’investir dans des organismes de production de biens et services qu’elles n’ont pu que la distribuer à prix bradé aux spéculateurs et même aux consommateurs n’ayant pas les moyens de la leur rendre en temps nécessaire.

      Et ce comportement de ces organismes n’était que commandé par les états aux mains des politiciens ne cessant de doper la machine économique avec le seul souci des effets favorables immédiats sur les votes des gens. La crise d’aujourd’hui n’est que le produit de ce dopage.

      Danjou ne semble pas connaître les chiffres qui accablent les vrais coupables (ni peut-être comprendre la mécanique économique). Il peut les trouver, il gagnerait à les examiner et à en nourrir sa réflexion.

       


      • Gzorg 19 mars 2008 19:58

        Oui Danjou y va fort !

        Mais d’un autre coté comment ne pas accuser le liberalisme en arrière plan ?

        Je commence dèjà a l’entendre partout et il y a fort a parier que cela deviendra bientôt le nouveau mantra des "Baverez" et autres "J.Marseille", c’est pas le libéralisme qui est la cause de cette effondrement, c’est l’absence du "vrais Libéralisme" , celui ou on octroi seulement le droit aux états de se taire et de mourrir !

        Et bien non , Danjou a raison parceque le libéralisme est depuis 20ans le sens (contre sens) commun qui guide cette machine folle, et venir dire aujourd’hui que cela n’est dut qu’a une chose , un manque de vrais "liberalisme", ça me fait penser a ces communistes qui rejettaient l’URSS et le goulag au pretexte que ce n’etait pas le "vrais communisme"...

        Si, le libéralisme c’est la pierre angulaire de la mort de l’economie, et qu’il n’ai pas été appliqué dans les régles de l’art n’a contribué qu’a une chose, ralentir la catastrophe qui se fait jour aujourd’hui !


      • Roland Verhille Roland Verhille 19 mars 2008 22:43

        Une discussion comme cela, c’est discuter en l’air.

        L’article commenté a traité de la crise des subprimes. Les coupables sont identifiés, leurs agissements aussi. Ils n’étaient pas des agents libertaires de l’Etat sabotant l’action voulue par leur Etat. Ils mettaient en oeuvre sa politique monétaire et son contrôle du système bancaire (de la création à tout va de monnaie en vue de doper l’économie). Ils connaissaient les conséquences presque certaines de cette politique, sans pouvoir entraver les volontés de leur Etat (comment faire en même temps une chose et son contraire ?). C’est faire un contresens d’en relever une marque de libéralisme, au motif que ces agents de l’interventionisme étatique aient pu croire se défausser de leurs turpitudes en expliquant qu’à leurs yeux, le marché mettrait bon ordre à tout cela.


      • aye 19 mars 2008 16:00

        Il faut les laisser se planter complètement ces dirigeants américains , q’on en parle plus pendant 200 ans.

        Le 21 janvier 2008, je disais à mes collèges : Dans 200 ans les élèves apprendront à l’école comment marchait le système d’arnaque légalisée avant que tout s’écroule.


        • Asp Explorer Asp Explorer 20 mars 2008 07:42

          Ces propos sentent très fort le petit propriétaire qui s’est endetté sur 30 ans pour acheter une "super affaire" à 200000 euros dans un quartier pourri parce que "faut pas rater le train en marche" et qui s’affole de voir que la crise financière menace la valorisation de son "bien d’exception". C’est la faut à Greenspan... Au fait il a fait quoi, Greenspan ? Il a maintenu ses taux d’intérêt à un niveau bas pour relancer artificiellement la croissance.

           

          Au fait, c’est pas exactement ce qu’on reproche à Trichet de ne pas faire ?


          • ARFF 20 mars 2008 11:03

            alan greenspan, comme tous les acteurs financiers, a du sang sur les mains. C’est tout ce qu’il y a à savoir. point barre.


            • Internaute Internaute 20 mars 2008 11:11

              C’est vrai que Greenspan a poussé à la roue de l’endettement collectif et mis en place les règles financières qui ont créé les conditions de la catastrophe actuelle. En plus le cynisme du bonhomme n’est plus à démontrer et personnellement je ne prendrai pas sa défense. Si les hommes avaient un peu de mémoire ils pourraient tirer des leçons de ce qui se passe. Mais tel n’est pas le cas et lorsque cette crise sera terminée on recommencera de plus belle.

              On a pris l’habitude de la vie facile et on n’est pas prêt d’y renoncer. Quand on voit que les français sont tous d’accord pour fournir l’ensemble des soins gratuits à n’importe immigré qui se présente, les loger en hôtel et payer des salles de classes et des professeurs à leus enfants, il faut qu’ils acceptent que l’Etat (c’està dire eux) s’endette pour payer cette gabegie. Quand on sait que tout le monde a envie d’une auto avant de l’avoir gagnée et d’un logement même lorsqu’on n’en a pas les moyens il faut encore accepter que quelqu’un, en haut de la pyramide, veuille bien faille couler les billets sur toute l’échelle sociale, même s’il s’agit de fausse monnaie. Faisons semblant de ne rien voir et prions pour que cela dure.

               

              Greenspan a sûrement tort, les politiciens aussi, mais qui d’entre nous est prêt à vivre de ce qu’il produit ?


              • Roland Verhille Roland Verhille 20 mars 2008 11:37

                Ils sont bien plus nombreux que vous ne semblez le penser, ceux qui aimeraient pouvoir vivre de seulement ce qu’ils produisent. Mais voilà, et ils le sentent confusément, ce qu’ils produisent est pillé par l’Etat qui le distribue aux autres. Alors, à quoi bon travailler, c’est effectivement plus "astucieux" d’être du côté des autres.

                Je ne pense pas que les Français soient un ramassis de paresseux et de bons à rien. Ils sont maltraités par l’Etat.


              • ARFF 20 mars 2008 11:19

                internaute, je ne vois pas pourquoi tu fous les immigrés et les soins gratuits au milieu de ce probleme. Le probleme de l’humanité c’est justement un manque de solidarité et de partage.

                tu serais quoi toi , un décroissant d’extreme droite ? c’est quoi ton délire ? tu fais comment pour concilier ca ?


                • Roland Verhille Roland Verhille 20 mars 2008 11:39

                  Partage de quoi ? du travail des autres ? on voit où cela mène, car il y a de plus en plus de "partageux" et de moins en moins de travailleurs. Il ne faut pas confondre comportement civilisé et démagogie.


                • ARFF 20 mars 2008 11:55

                  oui évidemment je parle de partage dans le cadre d’un autre systeme, si c’est pour maintenir le dieu argent/travail alors evidemment point de partage il n’y aura :)

                   

                  la civilisation n’est pas le travail et encore moins l’argent mon brave, à moins que l’histoire se soit effectivement arrétée.


                • Danjou 20 mars 2008 12:26

                  Merci pour vos commentaires même si je regrette le "procès d’intention" de Asp.Explorer (c’est son droit mais il se trompe et c’est encore son droit). A mon avis il y a trois causes majeures à cette crise :

                  La dévalorisation du travail au profit du capital depuis les années 80. La part des salaires dans le PIB ayant fortement chuté, pour alimenter la pompe de la consommation il a fallu ouvrir les vannes du crédit ;

                  Le détournement de la monnaie créee (crédit) vers la spéculation au détriment de l’économie réelle ;

                  La recherche du profit maximum à court terme entrainant notamment les délocalisations industrielles.

                  Au passage je remercie Roland Verhille pour son cours d’économie mais il devrait savoir avant toute chose que la monnaie n’est pas créée par l’Etat mais par les banques. Les Etats ont renoncé depuis belle lurette à ce droit régalien. Et c’est fort dommage.

                   

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