Il est interdit d’autoriser
"Liquider Mai 68", c’est aussi prendre le contrepied des slogans. Ainsi, ce 8 août, la belle cérémonie d’ouverture des JO de Pékin n’aura guère inspiré le gouvernement qui se dit "d’ouverture", lequel a fait preuve au contraire de fermeture. Ordre a été donné à la police de faire barrage aux manifestants de "Reporters sans frontières" qui voulaient égayer un peu l’ambassade de Chine. Et pourtant la justice venait de suspendre les arrêtés préfectoraux d’interdiction de manifester.
Il est désormais interdit d’autoriser, sans l’aval de l’Elysée.
Vendredi 8 août, à 13 heures 50, les forces de l’ordre ont bloqué l’accès à l’ambassade de Chine à la manifestation de "Reporters sans frontière", faisant fi de la décision de justice prise l’après-midi et qui suspendait les arrêtés d’interdiction de la préfecture de police. Cette interdiction était déjà un fait unique, aucun de nos voisins européens n’ayant témoigné d’une telle sévérité.
Ce qui inquiète aussi, c’est que la non prise en compte des décisions de justice devient une douce habitude. On se rappelle que récemment, pour favoriser Bernard Tapie, une décision solennelle et définitive de la Cour de cassation a été purement et simplement écartée au profit d’une décision prise en comité restreint sur choix de l’Exécutif, toute procédure contradictoire et tout droit de recours ayant même été supprimés !
Et que dire de l’intervention très médiatisée de la Garde des sceaux dans l’affaire du petit Valentin ? La ministre a fait intrusion dans l’action judiciaire pour venir orienter la procédure dans le sens désiré encore une fois par l’Exécutif (expression commode pour ne pas désigner qui l’on sait...).
Un autre exemple est donné par le ministre de l’Immigration, Brice Hortefeux, qui a interdit une manifestation pour la défense des sans-papiers selon lui prévue ce samedi devant le centre du Mesnil-Amelot (Seine-et-Marne). A la suite des incidents du week end dernier, le porte-parole de l’UMP avait déjà exprimé le voeu que les manifestations ne soient autorisés que devant les préfectures. D’ici que les manifestations ne soient plus autorisées que devant les casernes de CRS, il n’y aura bientôt qu’un tout petit pas de plus à franchir...
La préfecture de Seine-et-Marne a fait savoir que la manifestation "sera interdite si l’association dépose une déclaration officielle" et que "tout attroupement aux abords du CRA sera illégal si l’association ne dépose pas de déclaration". Mais Rodolphe Nettier, le président de "SOS soutien aux sans-papiers", dément avoir appelé à un nouveau rassemblement pour ce samedi. "Nous avions annoncé que nous ne voulions pas attiser la situation et nous n’avons pas déposé de formulaire en préfecture", a-t-il dit. Il parle de manipulation gouvernementale.
Le slogan de Mai 68 "Il est interdit d’interdire" est donc liquidé et bien liquidé !
Ce slogan était accompagné d’autres comme "jouir plus" et "l’imagination au pouvoir". Le "jouir plus" a été remplacé par le "travailler plus" (corollaire : il est interdit de s’autoriser plus de temps de loisir) et par "la répression au pouvoir". Ce dernier point est illustré par la centralisation du Renseignement par Sarkozy lui-même. Bernard Bajolet vient de recevoir sa lettre de mission qui démissionne le premier ministre dans ce domaine. Ceci annonce des temps de surveillance accrue. Jacques Attali lui-même s’en inquiète, lui qui est pourtant si sarkosiste, dans l’émission "Conversation d’avenirs" qui sera diffusée sur Public Sénat le 15 août prochain. La notion de surveillance - et, ce qui va avec, les interdictions édictées par l’Etat, et les refus d’autorisation- s’étend dangereusement. Un plan de renforcement important en effectifs d’agents de renseignements est programmé (la DGSE devrait augmenter ses emplois de 700 postes en cinq ans) et toujours rien pour la CNIL dont le pouvoir se réduit de jour en jour et dont les moyens sont dérisoires face à la montée des processus d’atteinte aux libertés individuelles et face au fichage grandissant.
Attali avait déjà alerté sur le fait que le contrôle serré des téléchargements sur Internet introduirait "une surveillance de nature à porter atteinte au respect de la vie privée et aux libertés individuelles, tout à fait contraire aux exigences de la création et à la nature réelle de l’économie numérique".
Si l’on veut que la démocratie respire, il est urgent d’autoriser !
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