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Jaimelesartistes.fr ou le mensonge institutionnel

Alors que le vote de la loi dite HADOPI semble devenir une affaire d’état, masquant avec les autres moulinets présidentiels les vrais enjeux politiques actuels tels que l’échec de l’ultra-libéralisme, la révolte sociale et l’évolution (trop) rapide de la société, je souhaite revenir sur la communication officielle, édité par le ministère de la culture et de la communication, le site www.jaimelesartistes.fr et vous en décrypter toute la désinformation.

 
Le titre : J’aime les artistes
 
Avec le petit cœur pour remplacer le verbe, et tout en majuscules, il constitue le premier gros mensonge ; les seuls acteurs civiles ayant réellement milité pour cette loi sont les industries du « divertissements » et la société hégémonique de gestion des droits qu’est la SACEM, ainsi que quelques « artistes » totalement affiliés aux uns et à l’autre, par contrat ou du fait que leur carrière déclinante ne leur apporte d’autre subsides que les droits de diffusions versés par … la SACEM.
En dehors de ce petit milieu, très fermé, proche des médias, du pouvoir mais très loin des réalités vues leurs rémunérations, la grande majorité des artistes est soit dubitatif, balancés entre l’appât du gain et le bénéfice du bouche à oreille ; soit radicalement opposés (exemple).
 
Cette déclaration d’amour n’est pas destinée aux artistes en général, mais bel et bien à l’argent que génère un certain nombre d’entre eux.
 
Le bandeau animé : pirater = mal
 
Cette idée est le socle et l’axiome de cette communication et les deux slogans (« pirater tue les artistes et tous les métiers du cinéma, de la musique et des jeux vidéos » et « en France, en 2007, le piratage a mis 700 000 personnes au chômage ») qui la portent, sont exagérément outranciers, en plus d’être des contres vérités.
 
La seule vérité dans tout cela, c’est que les dirigeants de ces industries de « divertissements » n’arrivent pas à maintenir la croissance indécente de leurs bénéfices ni leur contrôle sur la diffusion. Ce n’est pas la première fois qu’ils nous font le coup ; il y a vingt ans, contre les K7 analogiques à bandes, les slogans ressemblaient plutôt à « Home taping is killing music ». La loi sur la copie privée, bien équilibrée à l’époque, a apporté beaucoup de fonds à cette industrie que l’on appelait alors les Majors. Mais en plus, la technologie leurs a donner le CD, et avec, le pactole … qu’elles ont dépensé à racheter les petites, puis se bouffer les unes les autres, pour finir par devenir plus gros que le bœuf, à vouloir tirer avantages de tout, de la création à la diffusion. Pendant ce temps là, les artistes et la distribution souffraient et l’offre se réduisait jusqu’au ridicule d’aujourd’hui ; dans LE linéaire des super-marchés, on trouve quelques vrais artistes incontournables de l’époque qui ont concédés leurs droits à cette industrie juste pour exister, et tout un paquet de compilations, fonds de catalogue, best of, fausses stars de la TV et produits purs studios qui cartonnent en ce moment ; c’est affligeant de pauvreté.
L’espace culturel musical français est en crise, certes et ce n’est pas nouveau, mais pourquoi ne jamais mettre en cause la politique des dirigeants de ces industries ?
 
Alors, je souhaite préciser ici que je réprouve absolument le piratage industriel, à visées lucratives, que se soit dans le domaine industriel ou dans dans celui des « œuvres de l’esprit » ; s’approprier la création d’autrui pour son bénéfice, ça c’est mal ! Mais ce n’est pas ce qui est visé, puisque le peer-to-peer ne rapporte rien à ceux qui l’utilise. Au contraire, de plus en plus d’artistes auto-produits diffusent gratuitement leurs œuvres sans protections, incitant de fait à la copie et ils mesurent et accroissent leurs notoriété grâce à ce genre d’échanges, certains arrivant à des ROI (retour sur investissement) des plus significatifs.
Donc, pas de mensonges : copier ce n’est pas forcement pirater !
 
L’argumentaire : les dix points clés pour comprendre le projet de loi
 
Au delà de la pauvreté du raisonnement et de la facile contradiction de cet argumentaire, il apparaît surtout comme un bric-à-brac mêlant politique, foire aux question bâclée et micro-trottoir. Les points sur la constitution et l’Europe ressemblent tout à fait à des déclarations lors de de la séance de questions au gouvernement ; d’autres comme le point sur la coupure du téléphone et de la TV sont baignés d’une propagande rassurante mais n’apportent aucune garantie ni preuve. Les points primordiaux, comme la désignation des membres, l’objet précis, les moyens ne sont pas abordés.
Ce n’est même pas un argumentaire, à peine une mauvaise pub.
 
L’argument massue : l’offre légale
 
Comme dans le reste du site, la forme en dit long sur le fond : majuscules partout, 10 à la passe de dix ; ici ce n’est pas « l’offre légale de téléchargement », mais « l’offre de téléchargement légal ».
 
En dehors du fait que donner l’exclusivité de la diffusion de la musique à des industriels super puissants constitue un vrai recul du droit et une gifle au monde culturel, cela peut être contredit en deux éléments majeurs.
Premièrement, ainsi que dit plus haut, un certain nombre d’artistes ne sont pas, voir ne souhaitent pas être dans l’industrie ; pourquoi ne serraient-ils pas diffusés autrement ?
 
Deuxièmement, les catalogues, pourvus c’est vrai, de millions d’entrées, ne représentent qu’un infime pourcentage de toute la production phonographique. Ainsi, tous les disques qui n’ont pas eu la chance d’être commercialisés en CD ne seront jamais distribués par les « offres légales » car jamais numérisés ; ils n’étaient déjà pas jugées rentables à l’époque, alors aujourd’hui …
Et puis, en plus, rien de ce qui est proposé ne m’intéresse et pour des produits immatériels, sans support, sans art graphique, je trouve qu’un euro par morceau est vraiment trop cher. Pour un artiste qui me passionne vraiment, je préfère acheter le CD, voir même l’édition prestige avec DVD, pour avoir un support et le livret, quitte à le numériser pour une utilisation simplifiée et nomade.
 
Le bouquet final : les crédits
 
Après les crédits proprement dits sont mélangés des mentions légales qui, tout en permettant la reproduction de la propagande contenu dans le site, sous réserve de ne pas la modifier, précisent bien que « les informations affichées sur ce site sont données à titre purement indicatif » et que « malgré les soins et les contrôles de l’équipe de rédaction, des erreurs ou omissions involontaires peuvent subsister sur le site » ; belle façon de se dédouaner si tout était faux.
 
Parmi ces mentions, une est très drôle : « Le ministère de la culture et de la communication ne peut être tenu responsable des dommages directs et indirects, prévisibles ou imprévisibles tels que des pertes de gains ou de profits, pertes de données, pertes de matériel ainsi que des frais de réparation, récupération ou reproduction résultant de l’utilisation et/ou de l’impossibilité d’utiliser les services et contenus du site. » ; c’est une mention typique pour les logiciels, en particulier pour les open sources, dont les auteurs ne veulent pas être tenus responsables pour les conséquences d’une mauvaise utilisation ou d’un bug. Ils auraient tout aussi bien pu utiliser la mention des DVD : « Les propos tenus ne sont que de la responsabilité de leurs auteurs et ne seraient mettre en cause la responsabilité du Ministère. »
 
Enfin, il manque une mention légale obligatoire, celle de l’hébergement ; mais ce gouvernement est issu d’un parti qui se moque bien de s’acquitter des droits pour la musique diffusée lors de ces meetings de campagne, par exemple.
 
En conclusion, cette communication nous démontre la méconnaissance du gouvernement autant du point de vue technique que du point de vue de la législation pré-existante. Mais pour avancer autant d’énormités avec une telle conviction, il faut être soi-même persuadé, je ne peut pas imaginer une autre raison ; ce qui veux dire que le lobbying a été particulièrement bon et a su rencontrer chez la classe politique dirigeante un écho qui lui permet d’avancer dans son idéologie du contrôle total, tout en détruisant les restes du droit à la copie privée sans en abolir la taxe. C’est tout bénéf !

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5 réactions à cet article    


  • pendragon 2 mai 2009 10:05

    Le trop plein de critiques dévoile l’impuissance.


    • Stéphane ERARD 2 mai 2009 19:44

      Le trop peu de critiques dévoile votre impossibilitée de penser par vous même.
      Ou, pour reprendre vos termes
      Le trop peu de critiques dévoile l’impuissance.

      C’est bien être impuissant que de ne pas penser par soi-même.

      L’auteur aurait pu en rajouter des couches et des couches, tout aussi réelles que 1)votre stupidité ; 2) la traitrise de Sarkozy ;
      à savoir : LOPSI2, HERISSON, Mouchard légalisé, j’en passe et des meilleurs.

      Qu’avez-vous à répondre ?


    • patroc 2 mai 2009 17:30

      @pendragon,
       C’est quoi cette critique ?.. Vous ne saturerez pas quand internet vous sera coupé parce que vous écrivez sur Agora.. Impuissant vous-même !..


      • Tchoa Tchoa 2 mai 2009 22:55

        Ne répondez pas aux provocations de P. : il ne sait pas qu’un trop plein de critiques dévoile l’attachement car il ne connait que le coté négatif de la critique.


        • Lisa SION 2 Lisa SION 2 3 mai 2009 11:04

          Bonjour, je cite un extrait de votre exemple :

          " En cela, internet est un médium formidable et le « peer to peer » (P2P) son outil le plus efficace.
          Grâce au « piratage » de nos œuvres, nous avons obtenu une exposition médiatique inespérée.
          En plus d’avoir vendu plus de 5000 copies de notre second album - une performance rare pour un groupe autoproduit - notre musique s’est retrouvée en bande-son d’émissions TV (M6 en France, CBS aux Etats-Unis) et en programmation sur de nombreuses radios étrangères.

          Cette renommée naissante est directement liée au « piratage » de nos chansons.
          Le jour où nous avons constaté que nos œuvres avaient été placées sur les réseaux majeurs de téléchargement « illégal » (Emule, BitTorrent …), nous avons remarqué une hausse constante des ventes d’albums et de t-shirts sur notre site internet, les achats de morceaux en ligne (Itunes, MusicMatch …) se sont multipliés et les visites ont explosé. Il semblerait que « les pirates » achètent quand même de la musique."

          L’histoire du piratage n’est qu’un bouc-émissariat largement utilisé par nos législateurs pour voter de nouvelles lois liberticides et consumméristes. cette loi encouragée par de puissants lobbyistes cherche surtout à protéger la pornographie qui souffre d’Internet gratuit. http://www.agoravox.fr/culture-lois...

          Personnellement, en conclusion, j’ajouterais qu’il faudrait laisser parler les musiciens...

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