L’Atlantide, mais oui, je l’affirme, c’était la Gaule !
« Ah ! Solon, Solon, Grecs que vous êtes, vous serez toujours de grands enfants car il n’y a pas chez vous de vieillards suffisamment âgés pour vous rapporter l'antique tradition ». A ces mots : Que veux-tu dire par là ? demanda Solon. — Vous êtes de grands enfants, répéta le prêtre ; car vous n’avez plus dans votre esprit la connaissance de l'ancienne tradition et vous avez perdu la science de l'Histoire que le temps a blanchie.
Extraits du Timée de Platon (en italiques, mes interprétations)
Nos livres nous apprennent, en effet, quelle puissante armée, (l'armée des Celtes de Gergovie et de Bibracte), Athènes a arrêtée dans sa marche insolente lorsqu'elle envahissait à la fois l'Europe (grecque) et l'Asie entière en s'élançant du milieu de la mer Atlantique (Platon suppose une Gaule entourée par l'eau de l'Océan atlantique, prolongé par la Manche, l'embouchure du Rhin peut-être et l'inconnu) car on pouvait alors traverser cette mer. Cette île (la Gaule) se trouvait devant le passage que vous appelez les Colonnes d'Hercule (à droite, pour un navigateur qui venait de Grèce). Cette île était plus grande que la Libye et l’Asie réunies (c’est la vision de l’époque, et c'est encore, bien plus tard, celle de la carte de Peutinger). De là (en suivant les côtes de cette île Gaule) les navigateurs pouvaient passer aux autres îles, iles d’Oléron, Ré, Yeu, Noirmoutiers, Groix, de Sein, et de ces îles à tout le continent situé en face d'elles (la côte ouest européenne) qui borde cette mer véritable (image classique d'une navigation antique par cabotage) ; car la côte qui se trouve en deçà du détroit dont nous parlons (la côte méditerranéenne) ressemble à un port (la rade de Marseille) avec une entrée étroite (l’embouchure du Rhône), tandis que cette mer et la terre qui l’entoure (qui la borde) peuvent être appelées véritablement à très juste titre, l’une une mer, l’Océan Atlantique, l’autre un continent (l’Europe de l’Ouest alias Gaule). Pour Platon, entre la côte ouest de l'Europe par où les navigateurs atteignent Gergovie et les établissements grecs de la côte méditerranéenne, il n'y a que de la "terra ignota". Or, dans cette île Atlantide (la Gaule) régnèrent des rois avec une grande et merveilleuse puissance qui s’étendait sur l’île entière, sur plusieurs autres îles et parties du continent (les îles précitées mais aussi l'Angleterre, l'Irlande etc... mais aussi la Belgique, l'Acquitaine etc...). En outre, en deçà du détroit, ils dominaient sur la Libye jusqu’à l’Égypte et sur l’Europe jusqu’à la Tyrrhénie (le nord de l'Italie).
Dans la transposition poétique de Platon, la terre qu'il décrit - en surface - est une terre qui a disparu dans un tremblement de terre. Cette surface ayant disparue, c'est une autre surface qui l'a remplacée, celle de son époque qui a oublié jusqu'au souvenir de la surface qui l'a précédée. De toute évidence, Platon dispose d'informations sur un ancien voyage réussi sur les côtes occidentales de l'Europe avant que Pythéas les ait parcourues vers 340-325 av.J.C.. De toute évidence, il dispose également d'une information sur un voyage plus récent, de son époque, mais beaucoup moins réussi, l'explorateur s'étant, semble-t-il, perdu dans le marais poitevin, ce qui l'a amené à ne pas aller plus loin. Cela explique que Platon ait pu imaginer qu'il avait dû se produire, entre temps, je cite, "des tremblements et des inondations extraordinaires. En un seul jour et dans une nuit désastreuse, toute la race de vos guerriers fut engloutie en masse sous la terre, et l'île Atlantide disparut submergée par la mer. Aussi de nos jours, il est impossible de traverser et d'explorer la mer à cet endroit, à cause de la vase profonde qu'y a formée l'île en s'abîmant."
Extraits du Critias.
Il s’éleva, poursuit Platon, une guerre générale entre les peuples qui habitent au-delà des colonnes d’Hercule (les peuples celtes maîtres des côtes atlantiques et de l'arrière pays) et ceux qui habitent en deçà (les côtes phéniciennes méditerranéennes ralliées en partie aux Grecs). C’est cette lutte qu’il faut vous raconter maintenant. Parmi ces peuples, les uns étaient dirigés par notre république qui, suivant la tradition, acheva seule la guerre ; les autres étaient commandés par les rois de l’Atlantide...
Soyons réalistes ! Le seul conflit que Platon († 348 av.J.C.) pouvait avoir en mémoire est celui de l’expansionnisme grec en Méditerranée dont l'enjeu était les colonies phéniciennes des côtes méditerranéennes. La fondation de Marseille par les Grecs de Phocée vers l’an 600 avant J.C., l’intervention des Celtes qui sont descendus plusieurs fois du centre de la Gaule pour s’opposer aux ambitions territoriales des Massaliotes illustrent ce conflit qui n’a, semble-t-il, pris fin qu’en 509 par la signature d’un traité entre une Rome pro-grecque et une Carthage pro-phénicienne dont Polybe nous a conservé le texte. De 509 à 348, cela fait 161 ans au lieu des 9000 ans symboliques dont Platon a fait état. Nous retombons dans le normal.
L’aîné, qui fut le premier roi, s’appela Atlas, et c’est de lui que l’île entière, la Gaule, et la mer ont tiré le nom d’Atlantique. Son frère jumeau, qui était né après lui, eut en partage l’extrémité de l’île voisine des colonnes d’Hercule et de la terre qui s’appelle encore aujourd’hui gadirique. Quelle est cette extrémité de l’Europe voisine du détroit de Gibraltar ? Réponse : la région côtière espagnole de Gadès. Je cite encore Wikipédia à qui il arrive heureusement de donner de temps en temps des renseignements intéressants : Gadès (ou Gadir en punique), est une ville antique fondée vers 1100 av. J.-C. par les Phéniciens, au sud de l’Hispanie, à l’entrée du détroit de Gibraltar, sur le golfe atlantique de Gadès. Ses habitants, les Gaditains, étaient des commerçants et des marins réputés. Je continue ma citation du texte de Platon : Tous ces fils de Neptune et leurs enfants demeurèrent dans ce pays pendant plusieurs générations, ... ils étendirent leur empire en deçà du détroit jusqu’à l’Égypte et la Tyrrhénie. Jusqu’à l’Egypte, c’est-à-dire sur toute les côtes de l’Afrique du Nord. Jusqu’à la Tyrrhénie, c’est-à-dire sur toutes les côtes de la mer tyrrhénienne, alias mer étrusque. Cela correspond à l'expansion celte.
Quels étaient ces rois ? Il ne peut s’agir que des rois celtes arvernes. Voici le témoignage de Strabon : “Les Arvernes étendirent leur domination jusqu’à Narbonne et jusqu’aux frontières de l’empire marseillais. Ils soumirent des peuples jusqu’aux Pyrénées, jusqu’à l’océan et jusqu’au Rhin". D'après Platon, les Celtes seraient donc allés encore plus loin.
Du côté de la mer (l’Atlantique) et au milieu de l’île (au centre de la Gaule) était située une plaine (la plaine de la Limagne) qui passe pour avoir été la plus belle de toutes les plaines et remarquable par sa fertilité. Près de cette plaine, à cinquante stades plus loin (à 9 km de la plaine, là où elle commence, vers Clermont-Ferrand) et toujours au milieu de l’île (la Gaule), il y avait une montagne peu élevée (la montagne de la Serre que prolonge l’éperon du Crest, Gergovie selon moi). Là, demeurait un de ces hommes, premiers nés de la terre, qui s’appelait Evénor ...
Poséidon (la colonisation phénicienne) s’étant épris de sa fille, Clito, il s’unit à elle (union des colons avec les autochtones).
La ville de Gergovie et la plaine de la Limagne d'après Platon.
C'est à partir de là que Platon, par manque d'informations plus précises, commence à s’échapper dans le "monde des idées" pour imaginer la cité idéale, mais tout en partant de faits observés que des voyageurs avaient dû noter. Le problème, c'est que nos contemporains mélangent un peu tout. Pour Platon, il y a la ville entourée de ses remparts et il y a la cité, c'est-à-dire le territoire qui fait vivre la ville.
Poséidon fit jaillir de la terre deux sources, l’une qui répandait une eau chaude, l’autre une eau froide... Les deux sources, l’une chaude, l’autre froide, ne tarissaient point, et l’agrément et la salubrité de leurs eaux les rendaient admirables pour tous les usages. Alentour, on avait construit des maisons et planté des arbres qui se plaisent près des eaux ; on avait laissé des bassins découverts, d’autres étaient fermés pour les bains chauds qu’on prend en hiver : il y en avait pour les rois, pour les particuliers et pour les femmes ; d’autres étaient réservés aux chevaux et aux bêtes de somme. Et tous étaient ornés d’une manière convenable. L’eau sortait de ces bassins pour se rendre au bois sacré de Neptune, où elle arrosait des arbres de toute espèce, auxquels la fertilité du sol donnait une beauté et une hauteur prodigieuses...
Cette description est en parfait accord avec la description que donne, à quelques différences près, Sidoïne Apollinaire (430-486). Le temple de Neptune évoqué par Platon, au centre de la ville, est devenu, au temps de Vercingétorix, son palais et au temps de Sidoïne un hôtel. Lors de ma dernière visite, ce n'était plus que des murs en ruines. Le temple antique, à l'extérieur de la ville, est devenu pour Platon comme pour Sidoïne, un bain chaud couvert. Aujourd'hui, c'est une église. Les statues (dans leurs niches toujours existantes) sont citées par Platon, également par Grégoire de Tours.
Concernant la plaine : nous retrouvons le même phénomène. Platon extrapole jusqu'à imaginer la cité idéale. Il n'en reste pas moins qu'il est parti d'une réalité. Des récentes prospections archéologiques semblent, en effet, indiquer que la plaine de la Limagne était cadastrée. D'ailleurs, on ne voit pas comment Bituit aurait pu mobiliser une armée aussi nombreuse si elle ne l'avait pas été.
Quelques témoignages d'autres auteurs pour conclure.
Hésiode (VIII ème siècle av. J.C.) situe la résidence d’Atlas aux confins occidentaux du monde.
Hérodote (Vème siècle avant J.C.) voit les Atlantes de part et d’autre du détroit de Gibraltar, une implantation apparemment limitée dans la région de Tanger et une présence pas forcément limitée dans les montagnes qui prolongent selon lui le rocher de Gibraltar vers le nord.
Il dit aussi : Au-delà des colonnes d’Hercule, on trouve les Kinèsioi, (les Arvernes de Gergovie) qui sont, à l’Occident, le dernier peuple d’Europe. Tout de suite après eux se trouvent les Celtes (habitants de Bibracte selon Hécatée)... Le Danube prend sa source au pays des Celtes, près des monts Rhippées (le Jura), puis traverse toute l’Europe qu’il coupe en deux.
Pindare (Vème siècle av. J.C.) évoque les montagnes neigeuses du Nord d’où descend Borée, le vent du nord. Il les appelle "monts Rhippées"( le Jura). Il ajoute que l’Istros (le Danube) y prend sa source chez les Hyperboréens (les Celtes de Bibracte/Mt-St-Vincent) et que le fleuve leur appartient comme le Nil appartient aux Ethiopiens. Il donne à ce peuple un passé millénaire.
Ephore (IVème siècle av. J.C.) considère ces Celtes comme l’une des quatre plus puissantes peuplades du monde barbare.
Le Pseudo-Apollodore (IIe siècle av. J.-C.) situe le mont Atlas au pays des Hyperboréens.
Denys D’Halicarnasse (Ier siècle av. J.C.) écrit qu’Héraclès, au cours de sa course errante, se serait uni à l’atlantide Astéropè. Deux fils seraient nés de cette union, Ibéros (les Ibères d’Espagne) et Keltos (les Celtes de la Gaule).
Diodore de Sicile (Ier siècle avant J.C.) évoque la fondation d'Alésia (Bibracte) par Héraklès dont l'union avec Galatée aurait donné naissance à la Celtique.
etc...
E. Mourey
Extraits de mes ouvrages
Pour une étude plus détaillée, on pourra se reporter à mes ouvrages ou à mes autres articles Agoravox.
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