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L’effacement du politique ?
Devenue spectacle, la politique accentue son divertissement, c’est-à-dire son détournement de sens : elle ne dit plus rien, ne gère plus que l’agitation de l’écume comme si son ultime fonction se résumait à organiser l’éparpillement, la fragmentation, la dilution de toute pensée organisée, comme si l’avenir même était mis en parenthèses.
Regardez ces dernières semaines, qu’en reste-t-il sinon que cette poussière de phrases, que ces mises en scène, les petites provocations et, de gauche à droite, l’expression d’un vide sidéral ? Mais avec cette impression de plus en plus forte que ce spectacle est lui-même en phase d’épuisement, que le jeu des acteurs, se reproduisant à l’infini et sans surprise, ne s’inscrit plus que dans une forme d’indifférence générale.
La politique, où est-elle d’ailleurs ? Dans la grippe A, la main de Thierry Henri, les gesticulations sarkozistes, les crocs de l’un, les sourires de l’autre ?
L’approche des élections régionales participe sans doute à cet état d’apesanteur mais, au-delà de ces échéances qui ponctuent régulièrement la vie démocratique, il y a cette fois une forme singulière de silence, de retrait comme si chacun craignait non seulement d’avancer quelque proposition que ce soit mais encore de risquer le moindre diagnostique sur la situation présente. Comme si le désir même avait disparu de la sphère politique : le désenchantement du monde ? Les effets dépressifs de la crise ?
Tout se joue dans l’évacuation du réel : retraites, école, économie, fiscalité… Tout ce qui devrait être au cœur du politique a disparu, recouvert par le vacarme des postures individuelles, de la starification, des débats creux et sans issue. Tout s’épuise dans la répétition des mêmes thèmes -immigration, sécurité - quand ceux-ci ne mobilisent plus qu’en surface tant ils sont redits, usés jusqu’à la corde pour ceux-là mêmes qui en étaient les plus avides. Le Front National lui-même semble s’en désintéresser.
Ce qui reste c’est cette impression diffuse que la politique s’est diluée dans l’indifférence du quotidien, comme s’il n’y avait plus d’enjeu, plus rien à croire ou à attendre.
Ce qui reste c’est cette impression diffuse que la politique s’est diluée dans l’indifférence du quotidien, comme s’il n’y avait plus d’enjeu, plus rien à croire ou à attendre.
Nous sommes immergés dans le règne du fait divers, de l’indistinct, de l’anecdotique : Carla ou Michele Obama ? Quelle sera la prochaine pitrerie du Président, la sale phrase de Lefebvre ou Morano, les mots tordus entre socialistes ?
Ce ne sont que coups portés, interpellations et plus le spectacle s’accentue, plus, paradoxalement, le désintérêt gagne comme pour une émission de téléréalité qui aurait trop duré, comme si après Sarkozy 1, Sarkozy 2, Sarkozy 3… une forme de lassitude s’était installée et qu’on avait envie de balancer le poste par la fenêtre !
Et tel est sans doute le piège de cet effacement. Car derrière ce fatras de strass et de vide, la politique - mais celle-là invisible - continue de travailler le réel.
Mais aussi rien n’est peut-être plus dangereux pour le pouvoir que l’indifférence, la fatigue, la résignation. A trop parier sur le spectacle, on crée la nécessité d’une surenchère et face au manque que l’épuisement institue, le désir, celui de l’événement, perdure. Il arrive souvent qu’on se prenne les pieds dans le piège qu’on avait tendu…
Les français s’ennuient ? Et s’ils se décidaient à faire eux-mêmes le spectacle ?
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