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Accueil du site > Tribune Libre > L’Europe (la France) et la guerre

L’Europe (la France) et la guerre

La réussite la plus éclatante de la construction européenne, généralement reconnue, c'est d'avoir évité aux différents pays européens les malheurs de la guerre.
Il faut dire que, entre 1870 et 1945, l'Allemagne et la France se sont affrontées à 3 reprises dont deux ont abouti à un conflit mondial et ont entraîné des millions de morts... La dernière a laissé la plupart des pays européens exsangues...

A la suite de ces catastrophes et, notamment, après la Seconde guerre mondiale, l'idée de construire une Europe unie et donc pacifiée s'est développée de façon à enchaîner volontairement les deux « géants  » néfastes du passé. Avec l'aide, décisive, des deux vrais puissances géantes du moment, l'URSS menaçante et les États-Unis intéressés.

Aux soixante et dix ans d'affrontement ont succédé soixante et dix ans de paix et de stabilité démocratique pour l'Allemagne, la France et quelques autres. Sans pouvoir affirmer que cela est dû, seulement, à la construction de l'Europe. Mais paix et démocratie n'ont pas intéressé de la même façon toute l'Europe. La construction de « l'Europe  » n' a touché au départ que 6 des 10 pays membres du Conseil de l'Europe et aujourd'hui 28 pays sont dans l'Union européenne sur les 47 du Conseil de l'Europe.

 

Depuis 70 ans, Allemagne et France ont pacifié leurs relations, peut-on dire, pour autant, que les pays européens ont rompu avec la guerre ?

Cette relative réussite de l'Europe de la paix et de la démocratie ne doit pas faire passer sous silenceses vicissitudes internes avec l'oubli des dictaturesau Portugal (1926-1974) et en Espagne (1939-1975), la guerre civile en Grèce (1946-1949) puis la dictature des généraux (1967-1974).

Tandis qu'en Europe de l'Est, la « pax sovietica » étaitmarquée par une démocratie très relativeet différents épisodes sanglants avant d'aboutir à la chute du mur en 1989 : coup de Prague (1948), insurrection de Berlin (1953), soulèvement de Poznań (1956),insurrection de Budapest (1956), mur de Berlin (1961-1989), printemps de Prague (1968).

Avec l'effondrement de l'Union soviétique, l'Europe, unie et démocratique,s'est agrandie, non sans mal, notamment avec le démembrement douloureux de l'ex-Yougoslavie (guerres de Croatie, Bosnie-Herzegovine, Kosovo). Qui n'a pas déclenché cependant un nouvel affrontement armé entre la France et l'Allemagne...

Sans oublier lesguerresde l'Union soviétique avec l'Afghanistan (1980-1989), de laRussie avec laTchétchénie (1994-1996 et 1999-2009) et tousles autres conflits de l'ex-Union soviétique : Abkhazie, Arménie, Azerbaïdjan, Ciscaucasie, Géorgie, Moldavie, guerres de l'Ossétie,Tadjikistan, Ukraine...

En Europe de l'Ouest, si la défaite nazie a déconsidéré, pour un bon moment, toute tentative d'aventure extérieure de l'Allemagne, il n'en est pas de même pour tout le monde.

Plusieurs États européens se sont engagés dans des conflits avec ou sans le soutien del'ONU ou dans des alliances comme celle del'Otan : guerre de Corée (1950-53), guerre du Golfe (1991), Afghanistan (2001...), guerre d'Irak (2003-2011), intervention en Libye (2011), guerre contre l’État islamique (2014...).

Une place à part doit être réservée à l'aventurede Suez (1956) menée par la France, le Royaume-Uni et Israël et bloquée par les États-Unis et l'URSSmontrant à ces pays leslimitesde leur liberté politique.

 

Plusieurs États européens, Belgique, Espagne, France, Pays-Bas, Portugal, Royaume-Uni, étaient des puissances coloniales. La décolonisation a toujours été le fruit d'un affrontement souvent armé, depuis des incidents plus au moins importants, qu'il est difficile de tous dénombrer,jusqu'à de véritables guerres. Notamment pour le Portugal et la France.

Pour le Portugal, les conflits ont étélongs et graves :guerres coloniales en Angola (1961), en Guinée Bissau et Cap Vert (1963) auMozambique (1964). Ellesse termineront, de façon remarquable, par un soulèvement de l'armée contre le régime dictatorial, la Révolution des œillets, en avril 1974, qui conduira pour le Portugal à un régime démocratique, à l'adhésion à l'Europe et pour les colonies portugaises à l'indépendance (1975).

La décolonisation la plus difficile, la plus meurtrière, sera la décolonisation française avec la guerre d'Indochine de 1946-1954 (500 000 morts), l'insurrection de Madagascar en 1947 (des dizaines de milliersde morts), la guerre d'Algérie de 1954-1962 (800 000 à 1 500 000 morts).

Mais les interventions françaises ne s'achèvent pas avec les indépendances des années 60 en Afrique. Une vingtaines d'accords de défense et de coopération ont été signés entre la France et les anciennes colonies africaines devenues indépendantes : ces accords devraient plutôt porter le nom d'accords de soutien au régime en place et aux intérêts français. D'où une multitude d'interventions des forces françaises en Afrique dans ce cadre. Et d'autres, dans un cadre plus large avec l'approbation des Nations-Unies en collaboration avec d'autres pays.

Au total, il est difficile de trouver, depuis la fin de la Seconde guerre mondiale,les années où les armées européennes et surtout françaises ne bataillaient pas quelque part dans le monde. Et aujourd'hui, d'après Newsweek (cité par Courrier international 13-19/11/14), «  des forces françaises sont déployées dans au moins 10 pays africains... A ce jour, les Français ont mené plus de 40 interventions militaires officielles en Afrique pour protéger des dirigeants à leur goût ou en écarter d'autre qui ne l'étaient pas...
Les 4 interventions militaires menées au cours des deux premières années de son mandat
[Hollande]ont été moins opaques : Paris a consulté ses alliés africains, les Nations Unies et l'UE et les a invités à participer aux opérations.  »

Environ 10 000 militaires français sont répartis, en 2013, dans une dizaine d'opérations extérieures (OPEX), dont les plus importantes se situent au Mali, en Centrafrique, au Liban, en Afghanistan, en Côte d'Ivoire et dans les Balkans (Wikipedia).

Finalement, la construction d'une unité européenne a contribué à une pacification interne mais les pays européens sont partie prenante dans de multiples guerres dites «  locales   » ou « périphériques  », parce qu'ellesse passent chez les autres et qu'ellen'ont pas dégénéré en conflit mondial...

Dans ces « pays européens  » qui vont guerroyer au loin, la France est en «  bonne place  », ce qui permet au président de la République de dire : «  La France, une nation qui compte dans le monde, sur la scène internationale, une nation qui prend ses responsabilités pour assurer la sécurité, la sécurité de l’Europe mais aussi la sécurité dans le monde, et pour agir partout où nous sommes appelés pour la paix   » (Discours lors de la commémoration du 70ème anniversaire du débarquement en Provence au Mont-Faron 15/08/14).

Bien entendu, les derniers conflits dans lesquels la France s'est engagée n'ont rien de comparable pour leurs dégâts immédiats avec les deux guerres mondiales. Ou même avec les guerres d'Indochine ou d'Algérie.
Ici, la France n'a pas les mêmes buts. D'autant qu'elle sait qu'elle n'en a pas les moyens. Ces interventions, ces guerres, sont conduites, d'après le président de la République, au nom de la sécurité, « de la sécurité de l'Europe » qui n'en partage pas les frais humains et financiers et s'en tient à distance. Mais aussi au nom de la « sécurité du monde » dont le président de la République et donc la France, s'autoproclame responsable !
Certes ce n'est pas quand la maison brûle qu'il faut penser à contracter une assurance. Mais cinquante années d'interventions n'ont pas été la bonne méthode pour assurer la stabilité, le développement et les bonnes relations avec les pays africains.

Peut-on espérer aujourd'hui de meilleurs résultats ? C'est peu probable. Combien de temps faudra-t-il pour s'en apercevoir ?


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12 réactions à cet article    


  • doctorix, complotiste doctorix 22 novembre 2014 17:25

    Asselineau nous expose il y a tout juste un an exactement le contraire : l’Europe, c’est la guerre.

    Ici en vidéo :
    https://www.upr.fr/conferences/leurope-cest-la-guerre-2
    J’ai même un texte écrit pour lsga, (dont la prostate chatouilleuse lui interdit de regarder des conférences), et qui conteste sans arrêt Asselineau, mais reconnait qu’il n’en a regardé aucune conférence :
    http://www.upr.fr/actualite/france-europe/prix-nobel-union-europenne
    CONCLUSION : Par son principe même, l’Union européenne nous conduit tout droit à la théorie du « Choc des Civilisations »
    Afghanistan, Libye, Mali, Syrie, c’est pas des guerres ça ?

  • doctorix, complotiste doctorix 22 novembre 2014 17:42

    J’ai évidement oublié la Yougoslavie, avec ses milliers de morts, et l’Ukraine, qui a failli nous conduire au conflit mondial et nucléaire.

    Il faut noter que ces six conflits ne devraient pas nous concerner.
    L’Europe n’a été créée par les USA que pour en faire un bon toutou obéissant en tout, et ces conflits auxquels nous avons participé d’une façon ou d’une autre faisaient partie du programme américain.
    C’est-à-dire qu’appartenir à cette Europe, c’est appartenir aux USA, et c’est l’assurance d’entrer dans tous les conflits possibles, puisque la guerre est leur fond de commerce.
    A ces six guerres, il faut ajouter la guerre économique, moins sanglante mais bien réelle, et la Grèce est là pour nous rappeler sa réalité, en attendant les autres partenaires.
    Alors non, l’Europe ce n’est pas la paix.

  • Donbar 22 novembre 2014 14:50

    « La réussite la plus éclatante de la construction européenne, généralement reconnue, c’est d’avoir évité aux différents pays européens les malheurs de la guerre  »
    Pure propagande européiste. Constant est bien indulgent.
    Sans la construction en question il n’y aurait pas eu de retour de la guerre à l’Ouest parce que, quarante ans durant, nous faisions ensemble face à l’Est sous la houlette des Etats-Unis. Mais aussi et surtout parce que les guerres européennes avaient perdu tout leur charme. Qui a envie, même sans Est proche, de retenter sa chance dans une der des der des der ?
    Que les pays européens (mais lesquels au fait ?) vivent dans la concorde et la paix, tant mieux et travaillons-y. L’aspect institutionnel ne peut cependant pas y être pour beaucoup. Le jour où un conflit éclaterait entre deux pays-régions, ça s’appellerait autrement que ’’guerre’’, parce que le Centre trouverait un autre mot. Effectivement on aurait la preuve qu’avec les Etats-Unis d’Europe il n’y a plus du tout de guerre !


    • Donbar 22 novembre 2014 14:56

      Cela dit, d’accord pour le reste. On n’a pas renoncé du jour au lendemain à plusieurs siècles de colonialisme, malgré les belles contradictions que ce dernier a constitué, avec le christianisme d’abord, avec les Droits de l’Homme ensuite.


      • Le p’tit Charles 22 novembre 2014 15:05

        (La réussite la plus éclatante de la construction européenne, généralement reconnue, c’est d’avoir évité aux différents pays européens les malheurs de la guerre.)...Vous trouvez.. ?


        1946

        1954

        Guerre d’Indochine

         Indochine française


        1950

        1953

        Guerre de Corée

         Corée du Sud et  Corée du Nord


        1954

        1962

        Guerre d’Algérie

        Algérie et France


        1956

        1956

        Insurrection de Budapest

         Hongrie


        1956

        1957

        Crise du canal de Suez


        1969

        1998

        Conflit nord-irlandais


        1990

        1991

        Guerre du Golfe


        1991

        1991

        Guerre de Slovénie


        1991

        1993

        Guerre de Croatie


        1991

        2001

        Guerres de Yougoslavie


        1999

        1999

        Guerre du Kosovo


        2003

        2011

        Guerre d’Irak


        2011

        2011


        Guerre civile libyenne de 2011

        Dans tous ces conflits des pays d’europe ont été impliqués... !



        • JP94 23 novembre 2014 00:18

          Et en plus vous en oubliez pas mal !


          Guerre coloniale à Madagascar en 1947 ( l’Armée française coloniale exterminant 100 000 Malgaches , et inaugurant les lancers humains par avion ... Pour 6 millions d’habitants pacifiques , ça fait beaucoup . 

          Mais aussi , répression sociale en Frane même : contre les mineurs justement , alors que la CECA , prélude à cette Europe ne se fait pas pour les mineurs ou le peuple mais les industriels . 
          Répression des grèves pas seulement dans les mines ... 

          Massacre en plein Paris len octobre 1961 .
          Tuerie policière à Charonne en février 1962 .

          Drôle de paix !

          Nos hommes de la Construction Européenne ont été ,qui ministre de Pétain , qui homme-lige des milieux d’affaire franco-US ... l’Allemagne de l’Ouest a gardé dans son appareil d’Etat des nazis et ses plus grands industriels après avoir utilisé le nazisme ( Siemens utilisant les prisonniers comme de la marchandise ) ont utilisé la Construction Européenne toujours pour se faire du fric .

          La Construction Européenne s’est toujours faire sous égide états-unienne . Sinon que fait l’OTAN depuis le début ? et encore ? 

          Sans oublier un détail méconnu à l’Ouest et très meurtrier à l’Est pour les pays concernés ( Pologne, URSS ...) : les maquis blancs : à savoir les dizaines de milliers de meurtres perpétrés par des nazis ou fascistes planqués cherchant par le crime à déstabliser les pays de l’Est : et ces assassins etaient organisés à Münich ..

          Coups d’Etat en Afrique permettant de continuer le colonialisme autrement . 

        • Mohammed MADJOUR (Dit Arezki MADJOUR) Mohammed MADJOUR 22 novembre 2014 16:44

          D’abord ça n’a pas commencé avec la France de Napoléone et l’Allemagne d’Hitler, il y avaient auparavant les ambitions des Empires chrétiens totalitaires...

          Ensuite, on ne voit pas encore où est la « réussite éclatante de la construction européenne », puisqu’il y a en ce moment plus de problèmes posés que de difficultés définitivement écartées.

          IL est vrai que la guerre ne se fait plus en Europe mais elle est intelligemment exportée ailleurs ce qui produira plus tard des conséquences néfastes au sein même de cette Europe.

          Le compromis Franco-allemand ne peut pas tenir longtemps puisqu’il est posé au détriment des autres peuples d’Europe qui finiront par comprendre qu’ils sont pris en otage et ne sont pas dans cette coalition comme des membres à part entière !

          Non, « le projet européen » tel qu’il est conçu et mené par deux pays historiquement antagonistes et toujours minés par la jalousie, ne peut pas conduire à une construction européenne meilleure que celle qu’ a produit l’histoire : Il faut que Bruxelles s’occupe uniquement de la Belgique et que chaque groupe rejoigne sa nation !


          • Philippe VINSONNEAU Philippe VINSONNEAU 22 novembre 2014 19:31

            si l’Allemagne n’a pas réussi à dominer l’ Europe en 1943, on ne peut pas en dire autant aujourd’hui. La moitié des peuples de l’Europe à genoux me parait parfaitement bien ressembler aux conséquences d’une sale guerre issue de la réunification de l’Allemagne sauf que les armes ne sont pas des canons mais des bourses. « Avec l’effondrement de l’Union soviétique, l’Europe, unie et démocratique,s’est agrandie, non sans mal » j’ai peur de ne pas vous suivre sur cette définition de la démocratie imposée par les yankees pour dominer le monde - les étasuniens à propos de guerre qui figurent en tète du peloton des pays les plus criminels de l’humanité... ont une notion de la démocratie liée au portefeuille et au blasphème incantatoire évangéliste qu ifait frémir pour la survie de l’Humanité.



            • colere48 colere48 22 novembre 2014 19:46

              la guerre d’Algérie de 1954-1962 (800 000 à 1 500 000 morts).

              C’est quoi ces chiffres ????
              Soyez sérieux c’est suffisamment douloureux pour ne pas en rajouter !!
              « 30 000 Français ; 300 000 Algériens : c’est là aujourd’hui l’estimation la plus vraisemblable des victimes de la guerre d’Algérie. Encore faut-il s’entendre sur la part à attribuer à chacun des deux camps dans ce triste bilan. »


              • colere48 colere48 22 novembre 2014 21:21

                Relisez Stora :
                « 
                Oui, c’est une tragédie. Le temps passant, je suis de plus en plus frappé par la grande violence de cette guerre.
                Même si le bilan des victimes est toujours difficile à établir et sujet à polémique,
                on peut rappeler que de 350 000 à 400 000 civils algériens sont morts, soit 3 % des 9 millions d’habitants algériens
                On doit y ajouter de 15 000 à 30 000 harkis, 30 000 soldats français, 4 500 pieds-noirs tués et les 800 000 d’entre eux déplacés en métropole...  »

                On est bien loin de l’affirmation de l’auteur
                 « la guerre d’Algérie de 1954-1962 (800 000 à 1 500 000 morts). » 
                que vous cautionnez à tord en utilisant un vil procédé en instrumentalisant B.Stora !!


              • ahtupic ahtupic 22 novembre 2014 20:33

                La seule raison :
                Personne ne s’est attaqué à un pays qui avait l’arme atomique.
                En revanche, l’inverse n’est pas du tout vrai.
                Et l’Europe n’y est pour rien.


                • christophe nicolas christophe nicolas 22 novembre 2014 22:02

                  Ce qui a mis fin aux conflits majeurs est la dissuasion nucléaire qui enlevait le gain au vainqueur.


                  L’état d’esprit de guerre existe toujours sous un format économique grâce à l’Europe avec l’hypocrisie en plus. Il n’y a aucun progrès, du point de vue des âmes c’est bien pire.

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