2. L’idéal, le possible et le probable

La dette souveraine grecque est, en chiffrage absolu, similaire à celle de Dexia. L’institution financière désormais franco-belge, après trois plans de sauvetage et une restructuration laissant une ardoise gigantesque aux contribuables belges et français, reste toujours dans le rouge, quel que soit son statut futur.
Par ailleurs, le FMI continue d’insister pour que l’espagnol Bankia soit pleinement renfloué par le secteur public, faute de quoi, « l’ensemble du système financier espagnol pourrait sombrer ». De nouveau, la perte de mémoire volontaire voudrait faire occulter un long historique de déchéance programmée, obligeant l’Etat espagnol de renflouer ses banques en cherchant les fonds nécessaires à travers des réformes d’austérité classiques touchant la santé, l’école, les retraites, le prix du travail, etc. Bankia, désormais « nationalisée », est une longue histoire : elle appartient au groupe BFA (détenteur de plus de 33 milliards d’actifs toxiques, bien plus selon la Banque de l’Espagne) et a été créée par la concentration de plusieurs caisses d’épargne régionales sous le gouvernement Aznar. Son patron démissionnaire, Rodrigo Rato a été ministre de l’économie du gouvernement conservateur et… ancien directeur général du FMI. Il a impulsé la fuite en avant du crédit immobilier, transformant des institutions régionales bien implantées dans leur réalité locale en une machinerie gigantesque qui s’est servie de l’épargne populaire pour se lancer dans des investissements immobiliers pharaoniques dont la grande partie n’est plus que friche abandonnée. L’épargne partie en fumée, voilà que le gouvernement Rajoy, sous le dictat du FMI « recapitalise » la banque - et ses 400.000 actionnaires - (sous forme de « nationalisation partielle ») par des milliards pris au contribuable.
Bankia n’étant pas seule, plus de 85 milliards sont théoriquement nécessaires, rien que pour « couvrir au dixième » les avoirs « toxiques » et « problématiques » du système financier espagnol. Le FMI, qui a impulsé et couvert ces activités, non seulement n’exige pas leur sanction mais demande, à travers des sacrifices inouïs imposés au peuple espagnol et le démantèlement drastique des services de l’Etat, le renflouement des banques. Au nom d’un sauvetage aléatoire des banques, on installe ainsi la récession, éloignant de plus en plus tout espoir de remettre l’économie espagnole sur les rails. Et que fait l’Europe ? Elle « constate » que l’Espagne ne sera pas « en mesure de baisser à 3% du PIB son déficit public » comme promis, et cela « l’inquiète ». Elle prévoit même que la récession va non seulement perdurer mais augmenter, passant de 1 à 1,8 du PIB. Normal. Les deniers de l’Etat et les soi-disant « fonds propres » servant quasi exclusivement à l’auto préservation des banques, plus une seule activité espagnole ne peut espérer compter sur du crédit. A vouloir résorber la bulle immobilière, on a mis à bas l’ensemble de l’économie espagnole. Cela s’appelle une « gestion conséquente ». Elle est surtout absurde et mène à des révoltes justifiées et pour l’instant polymorphes que l’anthropologue Paul Jorion prévoit comme pires que celles annonçant la chute de l’empire romain. A tous ces « conséquents », il faudrait un jour expliquer que « crédit » signifie « croire à quelque chose » et que les citoyens, indignés, n’en ont plus en réserve, comme le fait si bien remarquer Bernard Stiegler dans un entretien à Cassandre/Hors Champ.
Pour revenir à la Grèce, l’échec annoncé des négociations pour la formation d’un gouvernement « docile » est bien là. En conséquence, maintenant que le totem du bipartisme a été brûlé sur la place publique, les résultats ne se sont pas fait attendre : les sondages donnent à Synaspismos (gauche radicale) la première place avec près de 30% des suffrages et la possibilité accrue d’accéder au gouvernement. La panique s’installe durablement chez les conséquents européens, et Mme Merkel se prépare à avaler des couleuvres aussi longues que le mur de Chine.
Aujourd’hui, il est enfin possible d’entrevoir une sortie citoyenne de la crise. Mais le chemin reste sinueux et rempli d’embûches.
A suivre…
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