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La compréhension passe souvent par l’abandon de la pensée logique et rationalisante

Que veut dire David Lynch ? 

Une route sinueuse, un accident la nuit. Une jeune femme s’en extrait, chemine péniblement au milieu des broussailles. Elle échoue dans la première maison rencontrée. Deux femmes alors se retrouvent face à face : Rita, celle qui vient d’avoir cet accident, et Betty, celle qui vient de l’accueillir. L’une et l’autre, l’une ou l’autre vont alors essayer de démêler les fils de la mémoire perdue de Rita.

Nous sommes spectateurs de ce cheminement aléatoire. David Lynch nous donne, les unes après les autres, des pièces de puzzle et, comme ses héroïnes, nous laisse essayer de reconstituer l’histoire. Mais avons-nous toutes les pièces ? Est-ce que les pièces qu’il nous donne, se rapportent bien à une seule histoire ? Ou alors comme un enfant malicieux ou maladroit, a-t-il mélangé sans nous le dire plusieurs puzzles, puis en a extrait quelques morceaux pris au hasard ?

Comme savoir ? Nous n’avons pas accès à la réalité, mais seulement à la vision que nous en propose David Lynch. Nous sommes vite pris dans les méandres de ce puzzle diabolique, nous aussi nous sommes bringuebalés dans les secousses de Mulholland Drive. Comment accéder à ce qu’il veut nous dire ? Comment comprendre son langage ?

 
Si j’applique à ce film les clés classiques de l’analyse et de la logique, je bute sans cesse sur des contradictions et des impossibilités. Certains s’obstinent et veulent faire rentrer ce film dans une construction classique : ils cherchent à rationaliser la construction de David Lynch.

Quelle erreur commettent-ils ? Celle de vouloir plaquer sur ce film un langage qui n’est pas le sien. On ne peut comprendre et aimer les films de David Lynch, et singulièrement Mulholland Drive, qu’en oubliant ce que l’on a l’habitude de faire, et en se laissant porter par ce langage qui lui est propre. Comme des toiles d’art moderne, comme des tableaux surréalistes, ces films se contemplent en acceptant de ne pas rationaliser ce que l’on voit.

C’est cette attitude qu’il faut avoir dans la vie face à des problèmes complexes : ne pas chercher à les faire rentrer de force dans nos logiques, mais les accepter comme ils sont. Chaque situation a son propre langage, et nous ne pourrons l’interpréter qu’à partir de ce langage.
 
(Sur ce thème du langage et de la compréhension, voir aussi "Langage, interprétation, compréhension et décision")
 

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20 réactions à cet article    


  • Triodus Triodus 31 mai 2010 12:04

    Garmonbozia.. !


    • Traroth Traroth 31 mai 2010 12:23

      Ca ne fait que déplacer la question. Pour comprendre Mullholland Drive, il faut comprendre quelque chose d’illogique. La nouvelle question est donc : comme comprendre quelque chose d’illogique ?


      • Robert Branche Robert Branche 31 mai 2010 12:47

        Pour comprendre quelque chose « d’illogique », il faut abandonner sa propre logique : rien n’est illogique dans l’absolu, tout dépend de la « logique », c’est-à-dire de la structure et des langages qu’on lui applique.

        Voir là-dessus notamment mes articles liés au langage sur mon blog (http://robertbranche.blogspot.com/search/label/Langage)

      • vero87 31 mai 2010 18:41

        Il me semble pourtant que Lynch arrive quand même à faire passer quelque chose dans ce film :
        Et la chose ne peut sans doute se dire que de cette façon « puzzle »
        C’est un film sur le cinéma , Hollywood ; on y voit des mafieux « cow-boy » qui semble tirer les ficelles un peu comme dans le « Parrain » ; il y a les actrices, superbes : l’une qui doit avoir vu ce qu’il ne faut pas voir et qui est en fuite ; l’autre, naïve poupée juste débarquée et qui finalement se montre terriblement perverse dans l’essai quelle a obtenu. Et ainsi de suite...
        En fait tout est faussé dans ce film : C’est bien une parabole de la mafia qui gouverne le monde !
        mais pratiquement impossible à démontrer, ni à démonter ! juste une Intuition !
        Et c’est là que vous avez raison : la structure illogique du film seule permet d’appréhender une réalité complexe, effrayante, et qui ne peut pas, ne doit pas se regarder en face !


        • Robert Branche Robert Branche 31 mai 2010 18:54

          En effet, la réalité du monde dépasse et transcende les analyses que l’on peut en faire. Nous sommes à la fois prisonnier de nos langages qui filtrent le réel et, en même temps, nous ne pouvons pas penser sans eux. Paradoxe avec lequel nous devons vivre...


        • Lucien Denfer Lucien Denfer 31 mai 2010 19:40

          Ou comment rétablir la justice dans une dimension onirique lorsque on a irrémédiablement saccagé nos chances de le faire dans le monde réel...

          En tirant un peu sur la perruque, c’est un peu comme sauver le monde dans un déluge de fictions extravagantes tournées sur les ruines d’un monde idéalisé.

          Bref c’est hollywood, le monde où on peut tout faire tant que ça compte pour du beurre.


          • Robert Branche Robert Branche 31 mai 2010 20:08

            Non je ne crois pas que cela ne s’applique qu’à Hollywood : nous avons trop tendance à mathématiser le monde et le lire au travers de langage inadéquat. 

            Nous regardons trop les situations via le prisme de nos expertises au lieu de ne les mobiliser que dans un 2ème temps.

          • Lucien Denfer Lucien Denfer 31 mai 2010 20:35
            A la réflexion, il est vrai que cela ne s’applique pas qu’à Hollywood, ce monde de paillettes et d’intrigues n’étant qu’une version cristallisée et lumineuse de nos travers. Le thème du rêve exploité dans Mulholland Drive est aussi révélateur de ce décalage entre l’interprétation logique et une réalité facilement éludée ou refoulée.

          • ddacoudre ddacoudre 31 mai 2010 23:23

            bonjour robert

            je n’ai pas vu ce film ni ne connait Lynch, mais nous avons une compréhension linéaire de l’existence qui est le fruit des limites des moyens d’expression de nos sens.

            toutes nos lois aidant à plus de compréhension, relevent de notre regard et de notre technologie, mais elles ne sont pas indépendantes de notre activité culturelle véhiculant un grand nombre de valeurs mystiques et relatives, issue de nos représentations nées du conflit conventionnel permanent de l’inné et du culturel. Elles offrent le caractère de crédibilité de valeurs scientifiques réfutables, car elles sont traduites dans un langage mathématique universel. ce nest comme tu l’écris qu’un langage.

            hier (haut moyen âge) la science à du sortir de la rationnalité et de la logique imposé par la théologie. avec les mathématiques nous trouvons en elle la référence rassurante comme hier d’autres la trouvaient dans la théologie.

            dans ce monde au déterminisme aléatoire l’un et l’autre ont une utilité pour certaine réalisation, mais constituent des entraves pour libérer l’expression de nos perceptions.
            il serait même normal que l’on se méfie d’une personne qui aurait qu’une pensée logique et rationnelle. souvent la linéarité qu’elles induisent comme le language est castratrice de solutions potentielles qui ne s’incrivent pas dans leurs sceaux.

            cordialement.
            elle ne sont


            • Robert Branche Robert Branche 1er juin 2010 01:07

              Je conseille vraiment de voir les films de Lynch qui ne ressemblent à rien d’autre. A voir en priorité (selon moi smiley ) Lost Highway et Mulholland Drive, ainsi que la série TV Twin Peaks.


            • paul mohad dhib 1er juin 2010 09:43

              Salut Robert.....
              merci pour les titres de film, ....
              la logique , je comprends , une sorte de cheminement avec un système binaire de conclusions oui/non incessantes, pour arriver a un certain résultat, sans logique on arriverait aussi a un résultat, on arrive toujours a un résultat même en ne faisant rien d’ailleurs.....c’est un peu un ordi, mais je laisse de cote pour l’instant...
              la raison aussi d’ailleurs , je laisse de cote pour ne garder que la raison du plus fort, oh certes il y a matière a faire des centaines de livres sur ce mot, mon intuition me dit de laisser cela de coté
              Alors il me reste le mot comprendre, je comprends...
              analyse dites vous, ma vision de l’analyse est reliée a ce cerveau programme que j’appelle pour le moment cerveau analytique...en gros, je vois cela comme un programme automatique a vocation simplement binaire de conclusion oui/non ou je te tue / je te laisse la vie...pourquoi ces deux exemples extrêmes ? pour faire court j’y trouve ,dans ce cerveau l’origine de tous nos maux...une guerre n’est qu’un rapport de force entre deux opinions du genre : mon idée est la seule valable sus a l’hérétique, ou encore : jolie pantalon ,donne le moi sinon t’es mort....je sais c’est simpliste et bien j’ai fortement l’impression que l’analyse et la rationalité soient des programmes automatiques simplistes, fonctionnant hélas ,et je le redis, en automatique..
              De choix oui/non en choix oui/non, n’ayant comme seuls éléments de comparaison que sa propre expérience qui ne sera jamais que relative, cet cerveau analytique ou ego, pour une raison étrange prends alors sa vision relative pour un absolu, un des aspects du drame humain se joue la, le passage du relatif au mensonge que ce relatif est absolu....
              ainsi comme sur agoravox mais partout et tout le temps, les dialogues entre humains n’en sont pas du tout, ils sont une sorte de guerre d’opinions, ou approximations, mensonges et violences pour s’imposer sont la règle, transportes alors dans la vie collective ca donne les sociétés humaines empêtrées dans la violence, l’ affirmation de soi et la tentative de destruction de ce qui est diffèrent....et tout ceci prends son origine dans ce que les humains mettent au dessus de tout, la capacité d’analyse, le Q.I ce programme qui en fait s’auto congratule, qui se dit : je suis génial, l’arrogance prends sa source au même endroit...
              en fait TOUT prends naissance dans ce programme automatique, et il y en a qui viennent parler de liberté....le gag !!
              nous n’avons pas accès a la réalité ..dit l’auteur ,en évoquant David Lynch,ses films....
              la encore chercher le reel, présuppose que il y ait un reel que l’on va chercher, pourquoi pas, je n’ai rien contre ? c’est entamer une quête en analysant a partir de données toujours personnelles donc limitées...c’est se fixer un objectif , on est encore en pleine analyse,qui est donc binaire qui va continuer a exclure et garder etc etc ......notre cerveau/ego passe sa vie a cela , il s’isole de plus en plus des autres et surtout il cherche une sorte d’état fixe en totale sécurité, pour cela utiliser les autres, n’est qu’un moyen d’atteindre cela, la guerre aussi n’est qu’un moyen, supprimer les autres c’est supprimer un avis contraire c’est tout, cet ego n’a pas d’intelligence, il est automatique, il prends le relatif pour de l’absolu....il s’auto congratule, il ment, il décale ce qui est vrai, pour simple simple ce qui est vrai l’est pour tout le monde sinon c’est une opinion, il est violent, et surtout en dehors des techniques il ne comprends pas ce qui se passe.....serait ce juste un outil de survie, limite aux champs techniques ?
              serait ce que ce programme limite, déraille ???
              avons nous d’autres capacités non binaires et non basées sur la mémoire comme l’analyse, donc au delà des opinions ??
              Pour moi même j’ai des expériences qui répondent oui , mais la réponse ne mène pas tres loin si elle est reprise de suite par le cerveau analytique qui a nouveau transforme une veritee
              insaisissable , en une méthode stockée dans la mémoire, et de suite ce qui a été vivant ,donc dans le présent renouvelé d’instant en instant retombe dans les filets de l’analyse , analyse qui fonctionne sur des éléments statiques stockes en mémoire, c’est alors mon avis contre le votre,, bien pour les techniques, et encore pas toujours efficace et tres mauvais pour l’ensemble de la vie...pour notre malheur, un élément de notre cerveau est totalement megalomane, et le drame est qu’il ne peut comprendre que ce qu’il sait..
              le sujet est énorme, c’est peut être le sujet d’une vie ,de la vie, .....


              • Robert Branche Robert Branche 1er juin 2010 11:14

                Merci pour ce message riche et dont je partage plusieurs points. Difficile d’y répondre en quelques lignes. Je vous propose de suivre les articles que je vais proposer dans les jours qui viennent et qui vont rester autour de ce thème du langage, de la compréhension et de la décision (vous pouvez aussi aller faire un tour sur mon blog).

                Simplement, je veux réagir tout de suite à votre propos sur l’incapacité du cerveau à sortir d’un raisonnement binaire. Je crois que notre cerveau en est capable, mais que nous n’avons pas appris à raisonner ainsi : notre culture et nos langages nous poussent vers les oppositions (le oui ou le non, le blanc ou le noir), les affrontements (lutter ou fuir) et les raisonnements séquentiels (je pense donc je suis par exemple).
                Mais ce n’est pas une fatalité. Par exemple, le langue chinoise qui est construite sur l’association de concepts opposés amène une pensée chinoise bien différente de la notre.
                Mon propos n’est pas de dire que nous devons devenir tous chinois, mais que rien n’est fatal, et que nous pouvons apprendre à notre pensée à fonctionner selon un autre mode.

              • paul mohad dhib 1er juin 2010 12:30

                Salut Robert, merci de ce mot,

                je réagis a ta réaction a propos du cerveau binaire, pour faire simple, je sais que un humain a la capacité d’être autre que binaire, je le sais pas comme un rêve ou un espoir , mais comme expérience personnelle...mais le sujet est vaste, aussi vaste que l’inconnu, il est difficile de l’exprimer avec les mots ...c’est le sujet d’une vie...un tournant peut etre, pour moi il l’est , cela debouche sur des changements personnels,qui pourraient un jours être global grâce une certaine clarté de l’ensemble du tableau de nos vies, donc plus que boulot,argent, et peur de la mort... on y reviendra sur d’autres fils, mais le cadre agoravox et en general l’écrit seul n’est pas si propice, mais on s’y colle quand meme, ca en vaut la chandelle...
                ps : pour le tu, bon j’habite un endroit ou on parle anglais, alors je me permets le tu...sauf avis contraire..bien sur..
                amicalement..


              • Robert Branche Robert Branche 1er juin 2010 13:19

                Pas de problème pour le « tu », j’ai moi-même le tutoiement facile ! 

                Je crois que l’humanité est à un tournant, à une possible sortie d’une « caverne mentale » individuelle et collective où nous pourrions apprendre à tirer parti de l’hybridation... Certains diront que je rêve, d’autres vont me traiter de « bisounours » (cela m’est déjà arrivé), je crois simplement avoir une vision optimiste, positive... et réaliste, même si je suis conscient du chemin à parcourir et de tous les écueils existants sur la route...

              • paul mohad dhib 1er juin 2010 14:04

                Bien recu, on aura l’occasion d’y revenir alors.
                salutations


              • rocla (haddock) rocla (haddock) 1er juin 2010 09:53

                Un extraordinair exemple est illustré par l’ affaire Outreau .

                Le fils d’ un accusé de pédophilie , et lui-même mis en prison pour ces mêmes faits , ne sachant plus comment s’ en sortir face au juge imperméable à tout argument , s’ est tellement chargé de meurtres et d’ignominies ( n’ ayant finalement rien à perdre ) que les gendarmes sont allés sur les lieux des soit-disant crimes , ne trouvant rien , malgré des affirmations très précises de l’ accusé , a fait basculer la justice en sa faveur .

                Une façon illogique qui s’ est soldée en sa faveur .


                • morice morice 1er juin 2010 10:31

                  Que veut dire David Lynch ?


                  rien, il est fêlé.

                  • paul mohad dhib 1er juin 2010 10:44

                    salut morice, votre phrase serait peut être plus juste comme cela : je le trouve fêlé...
                    chaque humain croit son opinion absolue, dans ce domaine du cinéma comme presque tous..
                    la planète n’est que champs de bataille pour opinions je trouve..
                    qu’en pensez vous ?


                  • morice morice 1er juin 2010 10:59

                    la planète n’est que champs de bataille pour opinions je trouve..
                    qu’en pensez vous ?


                    que Lynch a un grain. Sérieux.

                    • Robert Branche Robert Branche 1er juin 2010 11:17

                      Je vois qu’une fois de plus vous vous érigez en juge du bien et du mal, du vrai et du faux. Vous tombez précisément dans ce risque que j’évoque : vous ne pouvez pas accéder à la compréhension car vous pensez à partir de vos a priori et que vous cherchez à classer les idées et les gens.

                      Dernière remarque : toute personne a un grain... et dans le cas de David Lynch, c’est un grain de génie, qui, comme toujours, est au limite de la folie, cad de ce qui excède le sens commun

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