La croissance démographique à l’encontre du Développement Durable
Sujet tabou, la croissance démographique s'avère tout aussi responsable de la dégradation de l’environnement que la croissance économique. On dit souvent que le capitaliste et son modèle économique détruisent la planète, mais on oublie tout aussi souvent que la croissance démographique mondiale nourrit et réconforte le capitaliste. En passage, elle entrave le projet dit "Développement Durable".
En règle générale, les difficultés auxquelles se confrontent les divers pays sont souvent redevables à une conjonction de facteurs. Toutefois, de nos jours, la croissance démographique non maîtrisée fait partie de ces facteurs. Prenons par exemple le cas de la Chine, actuellement le pays le plus polluant du monde. Certes, en Chine la croissance démographique est maitrisée, mais dans le passé elle a connu une forte augmentation. Dès lors, en intégrant le système économique libéral où la consommation des ménages a augmenté vertigineux, il y a eu lieu un déséquilibre entre les besoins de la population et ressources disponibles.
Si la croissance démographique est encore un sujet tabou, force est de reconnaître que dans le contexte actuel de raréfaction de ressources, cette tendance engendre nombre de maux. De manière générale, sous le poids démographique, les priorités sont dirigées davantage vers la sécurité alimentaire, négligeant souvent l’éducation, le développement et la recherche. Implicitement, le niveau technique et scientifique de la population engagée dans le système productif, ainsi que les technologies, ne sont pas à la hauteur des enjeux. Dès lors, l’absence de technologies adéquates fait de la Chine le pays dont la pollution atmosphérique est la plus élevée au monde. Certes, la Chine est parvenue à une croissance économique significative, mais avec en contrepartie le risque d’exposer la population à une pollution dévastatrice.
En outre, pour mieux fructifier ses atouts économique, la Chine a favorisé dernièrement la mobilité géographique entre l’est et l’ouest. A ce titre elle avait construit entre 1990 et 2015 plus de 100 milles Km d’autoroute. Un réseau qui voisine celui des Etats-Unis, mais qui devrait être doublé dans les années à venir selon les ambitions affichées par les autorités pékinoises.
L’Inde affiche une politique similaire. Faisant l’objet d’une explosion démographique, le pays vise à mettre en relation les ressources du sous-sol, qui se trouvent davantage à l’intérieur du pays, et la population qui se trouve davantage dans les aires portuaires et industrielles, comme Bombai, Calcutta, Madras. D’où les projets faramineux de la part de l’Etat de développer les réseaux routiers afin de déclencher la mobilité géographique, et fructifier ses atouts.
Ces exemples prouvent qu’un déplacement sécurisé, rapide et efficace, indispensable au développement économique, se glisse parmi les préoccupations de premier ordre éclipsant complément les problèmes environnementaux. Parallèlement, ces tendances interrogent sur l’état de ressources naturelles et sur leur répartition. Si on se fie aux ambitions affichées par l’Etat chinois et l’Etat indien, le réseau autoroutier mondial devrait doubler dans les décennies à venir, rien qu’à travers ces deux pays. De plus si on prend en compte les projets d’autres pays émergents, Brésil, Russie, Mexique, Argentine, ce réseau devrait tripler, voire plus. Ce qui n’arrange en rien la cause environnementale.
En outre, l’inconvénient majeur de cette entreprise pharaonique est qu’elle puise considérablement dans les ressources naturelles, pour une efficacité mitigée. Notons à ce propos que les premiers résultats, là où ces travaux ont démarré, ne sont pas très satisfaisants. Les moyens engagés, qu’ils soient d’ordre financier ou matériel, sont par kilomètre d’autoroute achevé largement au-dessus de ce qu’il a été prévu initialement.
On remarque donc que les principes fondamentaux du développement durable sont détournés selon les enjeux et intérêts nationaux et régionaux. Le rapport Brundtland publié en 1987, qui fixe ses axes d’orientation précise bien, on cite « le développement durable serait un développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures de répondre aux leurs ». Or, si les ambitions exprimées par les pays émergents se matérialisent les générations futures seraient statistiquement privées de moyens d’action.
Puis, en 1992 la convention de Rio officialise les principes du développement durable à travers l’Agenda 21. Les objectifs fixés à long terme sont la préservation de l'environnement, et la consommation prudente des ressources naturelles non renouvelables. Bien entendu, cela doit se faire sur un fond où trois piliers sont à concilier, respectivement, le progrès économique, la justice sociale et la préservation de l'environnement. De plus, elle point sur la priorité à accorder aux besoins essentiels des populations les plus démunies.
Cependant, dans la réalité, seul l’Occident semble jouer le jeu, car tous les autres sont davantage préoccupés soit par la croissance économique, soit par la sécurité alimentaire, et ce, sous le poids de la croissance démographique. Au titre de leur légitimité à se développer économiquement les pays émergents transgressent les normes relatives à la protection de l’environnement et à la consommation de ressources. De leur côté les pays moins avancés qui ont connu un boom démographique transgressent les normes d’ordre social.
Notons à ce propos, que le projet dit développement durable prévoit de garantir l’accès aux soins médicaux à l’emploi et au logement, ainsi que de garantir l'accès à tous à l'éducation. Or, ces orientations relève de la responsabilité des autorités locales. Il revient à préciser en effet, que la complexité que revêt tout projet à portée internationale, donc inclusivement le développement durable, c’est l’aspect culturel. Au nom de leurs spécificités culturelles, les Etats gardent le monopole sur l’éducation de jeunes générations. Dès lors on se retrouve dans un cercle fermé et vicieux, la pauvreté s’accentuant par effet d’agrégation et de sédimentation. La demande alimentaire augmentant proportionnellement avec la population, les autres préoccupations passent en second plan, notamment l’éducation, et surtout la formation de spécialistes. Dans la plupart de ces pays l’éducation reste très élémentaire et très religieuse. Donc, il est difficile dans ce contexte de former les cadres nécessaires au fonctionnement d’Institutions, comme l’Ecole ou le secteur hospitalier. Il est aussi difficile de construire de logements, notamment sociaux, ainsi que de mettre en place les équipements publics. Certes, cette situation a toujours existé dans ces pays, mais l’augmentation de la population l’a aggravé, car toute entrée de l’argent, si-minime soit-elle, reste dédiée à l’alimentation.
En ce qui concerne l’objectif de satisfaire en priorité les besoins fondamentaux de tous les êtres de la planète, les choses s’avèrent encore plus complexes. Confrontés à une forte croissance démographique, dans un contexte où les ressources naturelles diminuent, les pays rentrent en compétition. Souvent, cette compétition se traduit par des rivalités locales, ce qui entrave toute entente sur la distribution de besoins fondamentaux.
De plus, avant la publication du rapport Meadows, et donc avant la fameuse devise « halte à la croissance », la production occidentale très excédentaire pourrait satisfaire la demande alimentaire relevant de pays moins avancés. Or, suite à ces interventions, et suite au changement d’orientations découlant, la production occidentale a connu un ralentissement. Le secteur agricole passant d’une logique intensive à une logique extensive s’est alignée à la demande interne. L’excédent industriel a diminué aussi sous l’impact de la crise pétrolière. Enfin, l’excédent financier fut dirigé davantage vers les recherches et le développement afin d’engager le passage vers une économie moins énergivore. Dès lors, les aides matérielles ou financières destinées aux pays moins avancés ont diminué.
Toute cette série d’éléments ont fait défaut au programme développement durable. Certes, ils n’étaient pas envisageables lorsque le rapport Brundtland fut publié. Le clivage entres les pays du Bloc de l’Est et l’Occident se nuançant sous la présidence de Mikhaïl Gorbatchev, laisser croire qu’une convergence sur les orientations du programme sera possible. Néanmoins, sous le poids démographique, la population mondiale ayant doublé entre temps, le programme dit développement durable est devenu incohérent. L’hypothèse envisagée pour expliquer cette incohérence, dit-on entre le cadre théorique et sa traduction pratique, ou encore entre le principe et le processus, c’est que le rapport Brundtland revêt une logique purement occidentale, tant sur le fond que sur la forme.
Sur le fond parce que les outils conceptuels mobilisés, principes, concepts et objectifs, sont perceptibles à travers seulement une culture occidentale. Il ne s’agit pas d’une compréhension relevant de la capacité cognitive, mais d’une compréhension relevant de l’expérience. Seule une société qui avait traversé toutes les étapes de la croissance économique, c’est-à-dire décollage, industrialisation, tertiarisation, excédent de production, consommation de masse et confort individuel, pourrait comprendre la logique et le sens du développement durable. Tandis que pour les sociétés qui n’ont pas connues cette expérience le développement durable, ses principes et ses objectifs, viennent à l’encontre de leur souhaite d’accéder au mode occidental de consommation. Plus précisément, pour les pays en voie de développement intégrer les principes du développement durable constitue un frein à leur développement économique, donc implicitement un facteur de frustration.
Sur la forme, parce que la traduction de ces principes dans les pays en voie de développement ne relève pas de l’autorité occidentale mais de l’autorité locale. Le rapport Brundtland invite à accorder une priorité aux plus démunis, mais ceux-ci se trouvent juridiquement sous la tutelle des responsables politiques locaux. Or, ces derniers submergés par les problèmes d’ordre économique, notamment la demande alimentaire, ignorent complément les principes du développement durable, surtout ceux d’ordre écologique ou social. Dès lors, l’incompatibilité entre ce programme international dit développement durable et les prérogatives locales, encombre sa faisabilité.
Enfin, sur la question si la croissance démographique entraverait le développement durable, la réponse serait non si les hommes étaient psychologiquement et culturellement homogènes. Mais en réalité ils sont hétérogènes, d’où la divergence des tendances manifestées sur le terrain. Puis, sachant que chaque individu a sa propre phycologie, et chaque nation sa propre culture, les tendances antagonistes accroissent proportionnellement avec la population. Cela revient à dire que la croissance démographique accroît la diversité sociale ainsi que les clivages sociaux, étant donné que chaque individualité constitue une potentielle force centrifuge. Ce qui explique d’ailleurs que plus le pays est pauvre et dépourvu d’Instances d’encadrement et de socialisation, plus la croissance démographique le rend impuissant d’appliquer quelconque orientation ou effectuer quelconque régulation.
Pour qu’un projet comme le développement durable, si global et si ample, soit adopté il faudrait que les individus convergent en termes de stratégies, d’intérêts, donc d’objectifs et de finalités, et ce à l’échelle planétaire. Ce qui n’est pas de tout le cas actuellement. D’une part, l’attachement à la nation et à ses valeurs gardent un taux de fécondité élevé, dit-on par instinct de préservation. Ensuite, l’augmentation de la demande alimentaire sous le poids démographique, entrave entièrement la faisabilité du programme dit développement durable.
Evidemment, on n’exclut pas que l’économie libérale a sa part de responsabilité. Mais la politique libérale, qu’on appelle parfois politique capitaliste, est favorisée par la croissance démographique mondiale. Rappelons à ce titre, qu’à l’intérieur d’une même société, les logiques antagonistes accroissent proportionnellement avec la population, car chaque individualité constitue une potentielle force centrifuge. Notons ensuite, qu’au niveau macro-régional, notamment en Afrique, les tensions et les rivalités entre nations autour des ressources frontalières existantes, accroissent aussi proportionnellement avec la population.
Enfin, chaque individu étant un consommateur, la consommation générale accroît également avec la croissance démographique mondiale. Or, le capitaliste s'en sert de ces tendances, notamment les rivalités entre nations, et les logiques antagonistes, pour imposer sa stratégie économique.
Malheureusement, le déni, tendance récurrente chez l'être humain, se traduit toujours par une déresponsabilisation, en incriminant systématiquement l’autrui, et particulièrement le capitaliste. Cependant, par une prise de recul, et par une réflexion purement objective, on constate que le capitaliste n’est pas une entité identifiable, mais le Système. Un système nourrit directement et indirectement par tous les êtres de la planète. En effet, la triste réalité est que l'homme, capitaliste ou non, est devenu par ses actions l’espèce la plus destructive pour l'environnement naturel et pour la biodiversité. Or, encourager la croissance démographique c’est pur et simple, favoriser l’augmentation en quantité de ce potentiel destructif.
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