La France abolira-t-elle la prostitution ?
Le nouveau gouvernement français veut concrétiser l’intention votée en 2011 par la gauche et la droite. Il veut mettre en place une loi qui devrait abolir la prostitution en criminalisant le client, qui encourra jusqu’à deux mois de prison et plus de trois mille euros d’amende. Elle passera probablement puisque c’est une loi opportuniste et démagogique.

L'idéologie contre la liberté
J’ai traité ce sujet il y a quelques mois déjà. Je rappelle ici les points d’opposition à cette volonté législative car il n’y a plus de débat sur le sujet. L’intention de lutter contre la traite des humains est louable et logique. Les Etats doivent garantir l’intégrité de la personne. Mais ici il ne s’agit pas que de cela. L’Etat, sous influence dogmatique, s’apprête à faire du déni de démocratie. L'abolition de la prostitution est un symbole pour le féminisme radical :
« La loi contre l’achat de sexe a été introduite par des responsables politiques féministes qui ont fait valoir que la prostitution est une forme de violence masculine contre les femmes, qu'il est physiquement et psychologiquement dommageable de vendre du sexe et qu'il n'y a pas de femmes qui se prostituent volontairement. En outre, il était affirmé que si l'on veut parvenir à une société de genre égalitaire, alors la prostitution doit cesser d'exister - non seulement pour les raisons ci-dessus, mais aussi parce que toutes les femmes dans la société sont lésées tant que les hommes pensent qu'ils peuvent acheter le corps des femmes . Que l'interdiction ait des effets néfastes pour les femmes qui vendent des services sexuels, ou qu’elle viole leur droit à l'autodétermination n’est pas la question. La valeur symbolique d’égalité de genre de la loi contre l’achat de sexe est plus importante. Ce point de vue d'inspiration féministe radical sur la prostitution existe en occident depuis les années 1970, mais n'a pas été appliqué au niveau de l'Etat avant. » (Lien plus bas vers un article du Monde).
Ce point de vue idéologique est évidemment contraire à l’autodétermination individuelle, autodétermination qui a été pourtant l’un des credo du féminisme sous le thème : « Mon corps m’appartient j’en fais ce que je veux.
Prostitution volontaire et précarité
Une partie des prostituées et des prostitués défendent leur métier. Ils n’acceptent pas qu’une loi les jette dans l'insécurité d’une prostitution qui deviendra illégale sans pour autant diminuer. En effet l’expérience montre que l’abolition ne marche pas.
« Les détracteurs de la résolution pointent également les enseignements de la Suède, qui criminalise le client depuis 1999. Si la prostitution de rue y a fortement baissé, une large partie de l'activité se déroule désormais sur Internet. Pas sûr, donc, qu'une loi pénalisant le client soit efficace face à la prostitution invisible, celle qui fleurit dans les salons de massage, les appartements et surtout sur Internet, et qui représente la majorité du marché. »
La précarité des travailleuses du sexe va augmenter avec cette prohibition. J’utilise le terme prohibition à dessein car il s’agit d’autre chose que de l’abolitionnisme. Les abolitionnistes comparent la prostitution à de l’esclavage. C’est le cas quand elle est contrainte et pratiquée sous la menace. Mais ce n’est pas le cas quand elle est librement décidée. Interdire crée de nouvelles formes de prostitution, de nouveaux lieux, avec moins de contrôles possibles. Les risques sanitaires et l’insécurité seront accrus.
« Défenseur de la prostitution librement choisie, le Syndicat des travailleurs du sexe (Strass) dénonce sa répression. Le syndicat a de nouveau manifesté à Paris début juin pour critiquer la proposition de loi, avertissant que pénaliser les clients ne ferait que précariser davantage les travailleuses du sexe : contraintes de se tourner vers des intermédiaires, donc des réseaux, elles seraient poussées vers plus de clandestinité et éloignées des associations de prévention. »
Que disent les rapports ?
Un rapport publié dans Le Monde du 25 juin enfonce le clou :
Ce rapport est publié par le Pro Sentret, Centre d’aide aux prostituées d’Oslo en Norvège. Que dit-il ?
« De nombreuses prostituées ont indiqué que cette nouvelle loi avait fait fuir une grande partie de leurs clients fiables, tandis que les clients les plus violents ne se sont pas laissés décourager. Toujours selon ce rapport, elles seraient moins enclines à demander de l'aide, se sentant perçues comme des criminelles. Anniken Hauglie, élue du parti conservateur norvégien, souhaite donc que cette loi soit abrogée : « La réalité est que la loi a rendu plus difficile la situation des femmes dans la prostitution. »
Et plus loin :
« Ce constat ne surprend pas le Syndicat du travail sexuel (Strass) français, pour qui « la pénalisation a des effets catastrophiques », explique Morgane Merteuil, secrétaire générale de ce syndicat. « Elle favorise la stigmatisation, la précarisation et les contaminations par le sida, ajoute-t-elle. Cette loi a déplacé la prostitution à l'extérieur des centres-villes et l'a éloignée de la rue, mais cela se passe de plus en plus sur Internet, dans les bars et les salons de massage. »
Un autre rapport, venant d’une organisation suédoise, affirme :
« ... que la pénalisation des clients favorise la stigmatisation des travailleuses du sexe. Si les chercheuses suédoises reconnaissent que la prostitution de rue a diminué d'un tiers, elles l'imputent directement à une tendance mondiale causée par la généralisation de l'utilisation des téléphones et d'Internet ces dernières années. »
Le ministère suédois de la Justice se félicite pour sa part de la diminution de la prostitution de rue. Une manière de faire l’autruche puisque la prostitution s’est déplacée et qu’elle est clandestine, donc moins repérable.
Des chiffres peu fiables
Quelle est la réalité de la prostitution forcée ? L’Etat français la chiffre à 9 prostituées sur 10, sur un total d’environs 20‘000 péripatéticiennes dans le pays. J’ai déjà montré que cette estimation ne repose sur rien de concret. Pourtant c’est le rôle de l’Etat que d’enquêter et de fournir des informations fiables. Ce n’est pas le cas.
La pénalisation du client sera faite sur la base d’une loi absurde. En effet, si les prostituées ne risquent rien, si donc elles fournissent une prestation pour laquelle elles ne sont pas considérées comme criminelles, comment peut-on considérer ceux qui ont recours à cette prestation comme des délinquants ? C’est comme si la vente d’héroïne était libre et sa consommation seule pénalisée. C’est le monde à l’envers, à l’envers de la démocratie. L’influence d’un certain féminisme tend, dans ce cas comme dans d’autres, à contraindre la société et à fabriquer des lois sexistes contre les hommes - puisque ce sont eux que l’on vise de toute évidence.
Sous un bon prétexte, on prépare un mauvais coup pour la démocratie.
Le client paiera pour ce que la police ne fait pas : démanteler les réseaux.
A voir ou à revoir : « Travailleuses du sexe et fières de l’être ».
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