La Grèce, seule face à la meute
"La Grèce a vécu au dessus de ses moyens". " Les contribuables européens ne veulent pas payer pour les fonctionnaires grecs". " Si la Grèce fait défaut, ce sont les Français qui paieront". "D'autres pays ont fait des efforts et ont réussi à se redresser" et la dernière de Nicolas Sarkozy ce mercredi 8 juillet à TF1 : " les Grecs ne travaillent pas assez". Depuis le référendum de ce 5 juillet et le NON massif du peuple grec à l'austérité et au saccage social imposé par Bruxelles, les libéraux et les technocrates de l'Eurogroupe se déchainent pour dresser les peuples européens les uns contre les autres et pour punir le peuple grec d'avoir osé défier le diktat des eurocrates en refusant l'austérité imposée par les créanciers.
La détresse d'un retraité grec, Giorgos Chatzifotiadis, le 3 juillet 2015 devant une banque à Thessalonique, au nord de la Grèce. (AFP/SAKIS MITROLIDIS)
« L’histoire récente de la Grèce, c’est l’histoire de la plus grande punition d’un pays en temps de paix », écrit dans une tribune à Mediapart l'ancien premier ministre Dominique de Villepin. En effet, depuis l'élection de Syriza il s'agit bien d'humilier le peuple grec pour avoir osé affirmer avec son gouvernement qu'il existe une autre alternative à la politique ultralibérale érigée en dogme par les instances européennes.
Le "NON" à plus d'austérité de ce 5 juillet apparait comme un ultime affront à cette Europe libérale. "NON" qu'il faut absolument discréditer avant que d'autres peuples s'avisent d'en faire autant. Il est à craindre que cette attitude punitive des institutions européennes conduisent dans les semaines à venir à un désastre social en Grèce et, à plus long terme, à la montée des nationalismes et la faillite définitive de tout projet intégrateur européen.
Les dirigeants européens prisonniers de la doxa des comptables, apprentis sorciers économistes,en enchainant tous les pays de la zone euro sans distinction au carcan de chiffres arbitraires et néfastes que sont entre autres les 3 % de déficit budgétaire maximal et les 60 % du PIB pour le montant maximal autorisé de la dette, "marchent, en somnambules, vers la catastrophe" ( lien) en référence au livre de l’historien Christopher Clark sur les origines de la première guerre mondiale (Flammarion, 2013).
Afin de pouvoir désigner les responsables de ce désastre à venir il est nécessaire de faire la peau à tous ces mensonges que nous assènent la plupart de nos " irresponsables politiques" et que répètent en boucle sur tous les médias les chiens de garde des pouvoirs en place.
CES MENSONGES SUR LA GRECE QUE L'ON NOUS ASSENE TOUS LES JOURS
Depuis 2007 la dette grecque a explosé, passant de 100 % du PIB à 180 % du PIB.
NON ce n'est pas la faute des Grecs qui auraient dépensé sans compter depuis leur entrée dans l'Euro en 2002 !
Dans un premier temps l'endettement du pays qui possède très peu d'industries mais qui a une position géo-stratégique importante pour l'Europe et possède des atouts culturels et touristiques incontestables est dû en premier lieu à un budget militaire surdimensionné (4,5 % du PIB au lieu de 2,4 % en France ). Il faut savoir que l'armée grecque possèdent autant de chars que la France ! En 2007 le scandale des sous-marins allemands U-214 de HDW (Howaldtswerke-Deutsche Werft) ( lien ) d'une valeur globale de 5 milliards d'euros (120 millions de pots de vins) qui se révèlent être défectueux ( ils gitent énormément à gauche et l' équipement électronique est défectueux) illustre parfaitement ces dépenses inutiles de l'Etat grec. Pour ne pas faire de jaloux l'Allemagne a vendu à la même période six sous-marins identiques à la Turquie. D'autre part comme en Espagne, la réalisation de multitudes infrastructures surdimensionnées et inutiles comme l' autoroute Aegnatia avec 1650 ponts et 76 tunnels ( 1) et des équipements pour les Jeux Olympiques de 2004, aujourd'hui délabrés et à l'abandon, a rempli généreusement les carnets de commandes des grandes entreprises de travaux publics allemandes françaises ou italiennes. Marchés juteux pour les pays exportateurs et bien arrosés de pots de vin conséquents pour les décideurs locaux. L'incapacité des gouvernements successifs à lever l'impôt à la hauteur des dépenses, avec une bonne dose d'exemption fiscale pour les armateurs grecs et l'église locale et un gros zeste d'évaporation d'argent en Suisse de la part de nombreux dirigeants politiques et hommes d'affaires locaux ont creusé inéluctablement le déficit grec. Dépenses publiques financées par des bons du trésor achetés par les organismes financiers privés ( fonds d'investissement, assureurs et banques européennes qui se rémunèrent avec des taux d'intérêts particulièrement attractifs). Ainsi ce sont bien les pays industriels du coeur de l'Europe, Allemagne et France en particulier, avec leurs entreprises et leurs banques, qui ont, pendant cette période, profité à fond du creusement du déficit public.
En octobre 2009, peu après les élections, le nouveau premier ministre Georges Papandréou (PASOK) fait une opération "vérité" sur les chiffres du déficit grec. Il n’est pas de 6% comme annoncé par le précédent gouvernement, mais de 12.7% du PIB. En 2010, les banques européennes créancières de la Grèce risquent de perdre gros avec un défaut de la Grèce. De nouvelles faillites bancaires dans la zone euro, en Grèce mais aussi en France et en Allemagne menacent. Fin 2009, selon la Banque des règlements internationaux, les banques françaises étaient celles qui détenaient le plus de dette grecque dans leur portefeuille (57 milliards d’euros), devant les banques allemandes (34 milliards d’euros). La crise grecque fait paniquer les marchés financiers qui rechignent aussi à prêter à l'Espagne, l'Italie, le Portugal, l'Irlande… les taux d'intérêt auxquels ces pays empruntent bondissent.
Alors comme toujours après que les entités privées se soient gavées, on nationalise les pertes. En deux plans d’aide, 2010 et 2011, la dette grecque change de structure. Elle était constituée à 80% par des bons du trésor échangeables sur les marchés financiers. Aujourd'hui, ils représentent 29% de la dette (soit 91.6 milliards d'euros, dont 27 milliards détenus par la BCE) ; le reste (221,05 milliards d'euros) est constitué de prêts. Par cette transformation, ce sont des entités publiques (FMI, BCE, FESF, Etats de la zone euro) qui ont remplacé les investisseurs privés. Les fonds publics sont venus au secours des banques privées qui jusque là, pour amasser toujours plus, pléonexie oblige, avaient été bien imprudentes. Ainsi, comme l'affirment les aboyeurs médiatiques, les contribuables européens ne payent pas pour les fonctionnaires grecs - dont le nombre a été réduit d'un tiers en cinq ans-. Ils payent pour les épargnants européens, français et allemands en particulier, qui par l'intermédiaire de leur banque ont investi, souvent sans le savoir, dans des projets hasardeux.
Les institutions européennes qui ont fermé les yeux sur l'achat à prix d'or par les autorités grecques d'un tas d' équipements inutiles ont imposé ensuite au peuple de vendre à prix cassé son unique richesse qu'est sa force de travail au nom de la réduction du déficit budgétaire et de la recherche d'une compétitivité avec les salaires low-cost des pays de l'ex-Europe de l'Est.
Depuis 2010 les plans d'austérité dictés par la troïka se succèdent, avec à chaque fois, gel des embauches et licenciements dans la fonction publique, baisse des salaires et des retraites,réduction des aides sociales, recul de l'âge de départ à la retraite, augmentation des taxes et impôts sur la consommation, programme de privatisation, etc...
Fin avril 2013, la loi prévoit une restructuration du secteur public avec la suppression de 15 000 postes d’ici à la fin 2014. Elle prévoit aussi l’extension d’un impôt foncier très impopulaire existant depuis 2011.
Le projet de loi 2013-2016, que la coalition gouvernementale a défendu, annonce de nouvelles coupes dans les retraites, les salaires dans le secteur public, les prestations sociales et les dépenses de santé. Le texte accentue aussi la dérégulation des marchés du travail et des services, réclamée par les bailleurs de fonds, et repousse à 67 ans, contre 65 ans, l'âge légal de départ à la retraite.
Ce sont en tout plus de 10 plans qui se sont succédé pour aboutir à un résultat bien éloigné de celui escompté : le PIB a diminué de 26,2 % au cours des six années de crise, alors qu’il avait augmenté de 25 % lors des six années précédant la crise. Le bilan de la mise sous tutelle de la Grèce depuis cinq ans est particulièrement désastreux.( lien ) et devrait conduire à réparation de la part des trop fameuses" institutions européennes" :
- Salaire :-38 %
- Chômage :+190 %
- pauvreté :+33%
- suicides :+44%
- mortalité infantile : +42 %
- Dépression : +272 %
Tous ces sacrifices et cette casse sociale pour voir augmenter sans fin le fardeau de la dette :117 milliards en 2000, 312 milliards en 2015.
A la fin de 2014, au lieu de constater le désastre et de corriger le tir les instances européennes poussent à la crise politique ce qui ne fait qu'accentuer la crise financière.
En janvier 2015, la venue de Syriza au pouvoir sera considérée alors par Bruxelles comme un affront inadmissible du peuple grec aux institutions européennes. Depuis six mois on assiste à une entreprise de discrédit permanent d'Alexis Tsipras et de son ministre des finances Yannis Varoufakis en tant qu’interlocuteurs politiques pour les réduire au seul rôle de « vilains débiteurs » en les mettant sur un pied d’inégalité face à des « créanciers » tout-puissants qui refusent toute négociation sur la dette et assènent des contre-vérités pour dresser les uns contre les autres les peuples européens.
Non la Grèce ne doit rien au contribuables français ! Au contraire jusqu'à présent la dette grecque a rapporté de l'argent à ses créanciers. Les 226,9 milliards d’euros prêtés par les pays de la zone euro à la Grèce ne l’ont pas été à taux zéro. Lors du premier plan d’aide, ils faisaient une « marge » de 300 points de base (c'est-à-dire que si eux-mêmes empruntaient à 1.5%, ils prêtaient à 4.5% à la Grèce). Quant à la BCE, depuis 2010, elle achète des bons du trésor grecs qui rapportent aussi des intérêts. On estime que ces bons du trésor grecs ont rapporté plus de 2 milliards d’euros par an en intérêt depuis 2010. Pour la France et depuis 2010, sur quatre ans, les prêts à la Grèce lui ont rapporté 729 millions d’euros, qui sont rentrés comme des recettes dans le budget de l’Etat. Le montant de la dette est déjà inscrit au passif du budget, en cas de défaut , c'est seulement à partir de 2020 et si aucune solution n'est trouvée que l'Etat devra emprunter à nouveau. Ce ne seront alors que les intérêts qui seraient perdus. ( lire "tout comprendre sur la dette grecque en six etapes )
Non les grecs ne vivent pas au dessus de leurs moyens ! Les efforts imposés par les "institutions" européennes ont eu des conséquences dramatiques sur leur niveau et leurs conditions de vie en faisant passer la Grèce de statut de "pays développé" à celui de "pays émergent" pour les agences de notation et de conseil en investissement.
Non Monsieur Sarkozy les grecs ne sont pas des fainéants ! Ce sont eux, pour ceux qui ont un emploi, qui travaillent le plus en Europe : 42 heures par semaine pour 35 heures en Allemagne et 30 heures en Hollande.
Toutes nos élites politiques ont failli. Constatant l'ampleur des conséquences de leurs erreurs, devant leurs victimes agonisantes qui tentent malgré tout de se relever, ils ne trouvent rien d'autres à faire que de tenter de les achever.
Il reste à espérer que l'histoire jugera les responsables de ce véritable crime économique contre un peuple souverain.
En conclusion empruntons ces lignes remplies malgré tout d'espoir à Frédéric Lordon qui dans "Le crépuscule d’une époque" ( 07/07/15) écrit :
"Même au milieu des ruines fumantes de l’Europe effondrée, eux ne lâcheront rien : ce sera toujours la faute à autre chose, les Grecs feignants, les rouges-bruns, la bêtise des peuples, l’erreur, quand même il faut le dire, de trop de démocratie. Mais tous les systèmes ont leurs irréductibles acharnés et leurs obturés du jusqu’au bout.
Têtes politiques en gélatine, experts de service, journalisme dominant décérébré, voilà le cortège des importants qui aura fait une époque. Et dont les réalisations historiques, spécialement celle de l’Europe, seront offertes à l’appréciation des temps futurs. Il se pourrait que ce soit cette époque à laquelle le référendum grec aura porté un coup fatal. Comme on sait, il faut un moment entre le coup de hache décisif et le fracas de l’arbre qui s’abat. Mais toutes les fibres commencent déjà à craquer. Maintenant il faut pousser, pousser c’est-à-dire refaire de la politique intensément puisque c’est la chose dont ils ignorent tout et que c’est par elle qu’on les renversera.
L’histoire nous livre un enseignement précieux : c’est qu’elle a des poubelles. Il y a des poubelles de l’histoire. Et c’est bien. On y met les époques faillies, les générations calamiteuses, les élites insuffisantes, bref les encombrants à oublier. Alors tous ensemble, voilà ce qu’il faudrait que nous fassions : faire la tournée des rebuts, remplir la benne, et prendre le chemin de la décharge."
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(1) Voir l'article de ALDOUS : UE DE LA CORRUPTION A LA DETTE
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