La lente et pernicieuse introduction d’un régime totalitaire
La lente et pernicieuse introduction d’un régime totalitaire
Il y a un mois, un accord commercial post-brexit a enfin été validé entre Londres et Bruxelles. Plus de quarante ans après la disparition de Jean Monnet, maitre d’œuvre de l’union Européenne, la Grande Bretagne et l’Irlande du Nord prennent donc le large…dans la douleur ! Les récentes voltefaces du premier ministre Britannique accentuent les divisions entre les pays du vieux continent. Elles parachèvent une succession de dissensions politiques et économiques (ex : non ratification Française et Néerlandaise du traité constitutionnel en 2005, gestion désordonnée de la crise économique en 2008 , absence de position commune à propos des flux migratoires en 2015) qui font vaciller une alliance , pourtant jugée indéfectible il y a 30 ans.
Ces événements dessinent les contours d’une Europe nouvelle. Nos gouvernants la devinent. Les relais d’opinion (journalistes, universitaires, oppositions) l’accompagnent et une faction du corps armé la prédit. Certains d’entre eux, la nourrissent, par leurs ouvrages, leurs interventions télévisuelles et/ou leurs communications webs.
La dialectique est construite et des idées défavorables aux régimes démocratiques actuels se propagent. Pour comprendre ce phénomène il faut, comme à l’accoutumé, regarder dans le rétroviseur de l’Histoire, et ce, avec les yeux du chercheur en psychologie (et atteindre le point Godwin !).
Un dangereux Tryptique : crise économique, rejet des partis historiques et conceptualisation du rejet
Il y a un peu plus d’un siècle, à l’issue d’une guerre mondiale cataclysmique, au bilan humain désastreux et à l’impact géopolitique tragique, l’Allemagne, vaincue, embrassait la République de Weimar. Le national socialisme était une idéologie moribonde, abandonnée par le peuple et rejetée des élites. Le score du NSDAP, diminuait, élections après élections. Le 20 mai 1928, il dépassait péniblement 2% (1,57% à Berlin !).
Le groupe d’extrême droite représentait pour beaucoup, le vestige d’une époque révolue, marquée par des conflits endémiques entre puissances européennes. La patrie de Bismarck profitait des crédits américains et partageait avec ses voisins, les fruits d’une croissance retrouvée et d’un progrès que rien ne semblait arrêter. La presse dépeignait Hitler comme un idiot, un fou. Le Frankfurter Zeitung, quotidien libéral, dressait un portrait peu flatteur du futur Chancelier, en cette année 1928 : « Hitler n’a ni pensée ni réflexion responsable [….] Il a un démon en lui, il s’agit d’une idée maniaque d’origine atavique, qui met de coté la réalité compliquée pour la remplacer par une unité de combat primitive […] Hitler est un fou dangereux [….] il a pris l’idéologie de guerre à la lettre et l’a interprétée de manière presque aussi primitive que si l’on vivait à l’époque de la Volkerwanderung (c’est à dire , au moment de la chute de l’empire romain et des grandes invasions barbares). »
Cette analyse est en partie vraie ; « en partie », car il existe bel et bien « pensée » et « réflexion » chez les Nazis. Conscients du déficit de crédibilité dont souffre leur mouvement, les cadres et Hitler lui même se sont attelés, dès les années 1920, à construire un modèle de société articulé autour des théories eugénistes, alors en vogue au début du siècle. Le darwinisme social devient la pierre angulaire de leur programme. Ils considèrent, eu égard à cette doctrine, que les individus les moins adaptés ont vocation à disparaitre. Autrement dit, aucune action publique ne doit perturber la sélection (naturelle) des plus aptes à survivre ; et pour aller plus loin, elle peut même encourager « des mariages préférentiels entre les meilleures souches [raciales] » (Galton, 1865).
Un tel projet est considéré absurde et dangereux dans un environnement socio-économique stable. Il ne peut exister qu’en cas d'effondrement du système.
C’est chose faite en 1929. Les allemands découvrent que leurs efforts sont anéantis par un krach boursier inédit. Quatre ans plus tard, après plusieurs campagnes électorales et d'interminables tractations, Hitler est nommé Chancelier.
A son arrivée, les fondements du 3ème Reich sont d’ores et déjà établis : favoriser les plus « aptes » (de sang allemand, non juifs, sans tare physique ou psychologique, soutenant massivement le NSDAP), stopper les autres. En dépit d’une progression fulgurante (de 2% en 1928 à 43% en 1933), il lui reste à convaincre une frange encore large d’électeurs, déçus par ses prédécesseurs et préoccupés par l’attitude belliqueuse des Sections d’Assaut. Pour promouvoir leur vision du monde racialiste, le Fuhrer et son entourage, s’inspirent des techniques de communication contemporaine en les poussant à l’extreme. Ils engagent trois chantiers stratégiques : la falsification de l’histoire, la corruption de la communauté scientifique et l’édification d’un nouveau langage politique.
Commençons par la tartufferie historique. Le Reich Millénaire est subordonné à l’existence d’un peuple aryen. Cette notion est une construction de l’esprit ; elle repose sur un passé fantasmé et fait appel à des événements fictifs. Il faut donc lui donner vie. C’est à cet instant qu’intervient le concept de mémoire collective (Halbwachs, 1925 ; Roediger, Henry, Abel, Magdalena, 2015). « La mémoire collective est essentiellement une reconstruction du passé […] elle adapte l’image des faits anciens aux croyances et aux besoins spirituels du présent » (Halbwachs, 1941). Il s’agit d’une mémoire aussi influençable qu’instable (Peschanski parle de mémoire « faible »). Les nazis l’ont compris et s’appuient sur le traumatisme de 1918 (éclatement du pays, cession de territoires, migration forcée) pour justifier leurs exactions. Selon eux, la situation de l’Allemagne (au banc des nations, sous domination Française) n’est pas liée à sa défaite militaire mais s’explique par la faiblesse de ses dirigeants, une mixité ethnique exacerbée et l’influence du lobby juif (liste non exhaustive). A travers cette distorsion de la réalité, Goebbels, Himmler et consort cherchent à fédérer un peuple circonspect, parfois sous alimenté, en proposant une analyse erronée du contexte politico-économique et de ses origines. Pour faire face à la crise économique, sociale et identitaire qui touche leur nation, ils évoquent une Allemagne prospère mais disparue ; prospère car (selon eux) centrée sur elle même, xénophobe et antisémite (la liste n’est toujours pas exhaustive). Le rejet du 'non Allemand’ constitue alors la matrice de leur représentation mentale. Si l’empire a échoué en 1918 et s’il en résulte un régime chimérique, « vomi » par les nouveaux maitres de Berlin, c’est en raison d’une dégénérescence de l’ « archétype germanique ». Un archétype dont la psyché est à la croisée des préceptes développés dans « Le monde comme volonté et représentation » (Schopenhauer), des délires racistes de Houston Stewart Chamberlain et des pamphlets antisémites des Protocoles des Sages de Sion.
Lorsque cette « structure de base » fut ancrée en mémoire chez la population allemande, les cadres du NSDAP convoquèrent la biologie pour justifier l’éloignement puis l’extermination de millions d’individus dits « allogènes » (selon leurs termes). Ils transformèrent des stéréotypes racistes, en vérités scientifiques.
Le stéréotype est par essence, un jugement subjectif. Il est très souvent erroné mais présente l’avantage d’être connu et compris par le plus grand nombre. « Économe, stable, consensuel : autant de qualités qui rendent le stéréotype communicationnellement rentable » (Boyer, 2008). Il l’est d’autant mieux lorsqu’il est étayé par des théories hautement explicatives (Schadron, 2006).
Qu’à cela ne tienne ! Les travaux relatifs aux lois de l’hérédité sont dévoyés et mis au service de la raciologie pour légitimer la scission entre l'archétype germanique et le genre humain.
Otto Reche, à la tête du département d'anthropologie de Vienne, déclare alors « la raciologie […], grâce à notre Führer est devenue l'un des fondements les plus importants de la nouvelle Allemagne ».
Les thèses défendues dans cette discipline sont pourtant en contradiction totale avec les modèles Darwinistes (qui définissent les espèces comme « groupes de populations […] interfécondes »). En ajoutant une strate supplémentaire au monde du vivant , le concept de race chez homo-sapiens sapiens, les auteurs des lois de Nuremberg trouvèrent un écho favorable auprès d’une partie de la communauté scientifique.
Enfin , après avoir construit un passé alternatif et promu une croyance raciste au rang de pseudo-science, les nazis vidèrent les termes national et socialisme de leur signification première. Pour rassurer investisseurs et électorat, tous deux inquiets face à l’expansion du bloc Soviétique, ils s’attelèrent à édifier le socle d’une novlange, en qualifiant le national socialisme de « défense du peuple allemand » et de combat « contre l’internationalisme ». Pourquoi un tel intérêt ? « La langue d'une société […] organise l'expérience des membres de cette société et par conséquent façonne son monde » (Sapir-Whorf). D’un point de vue psychologique, cela signifie que la langue établit un premier niveau d’interprétation du réel ; elle donne à voir une image filtrée du monde. On parle de « représentation interne » (Johnson-Laird). Afin que cette représentation soit partagée par tous, il est préférable d’en être l’instigateur. Sous le 3ème Reich, cela se traduit par le développement d’un champ sémantique nouveau ; champ qui résulte « d’une élaboration consciente et raisonnée » des agents de l’institution nazie, qui appliquèrent « la volonté politique » du Fuhrer à travers son utilisation et sa diffusion (Krieg-Panque, 2012).
En résumé, l’endoctrinement de millions d’européens, leur ralliement à une idéologie xénophobe et leur participation active à l’extermination systématique et industrielle de leurs concitoyens, repose, certes, sur un processus d’idéalisation d’un chef et d’un groupe (Casoni & Brunet, 2005) mais il s’appuie surtout sur un projet sectaire dont découle une vision falsifiée de l’histoire et de la science. Empêcher l’émergence d’un(e) nouveau(elle) leader d’extreme droite (ou d’extreme gauche), prétendant au pouvoir absolu, n’est donc pas suffisant pour stopper le retour de la « bête immonde ». Un tel raisonnement suppose qu’un individu, à lui seul, peut faire basculer la planète dans la terreur et le chaos. Cette grille de lecture est dangereusement restrictive. Hitler et ses acolytes eurent besoin du soutien d’investisseurs, de hauts fonctionnaires et surtout d’intellectuels pour conceptualiser et mettre en oeuvre leur programme ; un programme si succinct, que son application se bornait à une règle élémentaire : « travailler en direction du Fuhrer » (Kirshaw, 1999,2000) . De Reinhard Höhn à Carl Schmitt , en passant par le terrible docteur Mengele, tous disposaient d’un fort bagage universitaire et ont consacré leur carrière à exécuter cette « sinistre » consigne.
En somme, un régime totalitaire émerge rarement, de façon rapide et brutale. Il survient lorsque plusieurs facteurs convergent : un contexte socio-économique défavorable, un échec des politiques traditionnelles et l’adhésion à une idéologie anti-démocratique, d’une fraction du monde académique et des relais d’opinion. La manipulation de l’esprit est pernicieuse et passe, comme nous venons de le voir, par la construction progressive d’une représentation du monde, à la fois simpliste et paranoïaque. Cette représentation est d’autant mieux acceptée lorsqu’elle est véhiculée par des personnalités à fort capital social, reconnues pour leur niveau d'étude, leur notoriété et/ou leur fonction. C’est à cette condition que l’esprit des foules est prêt à accueillir un modèle de société basé sur la haine d’autrui, puis, à désigner l’homme ou la femme, le plus à même d’appliquer un programme extrémiste cohérent avec ce modèle.
Ces conditions sont elles aujourd’hui réunies, en France, en Europe ?
L’état actuel de la société , entre similitudes et particularismes
Le triptyque - réécriture de l’histoire, détournement du fait scientifique, novlangue - n’est pas exclusif à l’appareil de propagande nazie. Il constitue depuis la fin du 20ème siècle, un levier de communication privilégié pour bon nombre de représentants politiques. En revanche, il est moins ordinaire qu’il se manifeste au coeur d’une crise sanitaire mondiale, dans un contexte de rejet massif des partis historiques. Ce rejet n’est d’ailleurs pas un épiphénomène consécutif à ladite crise ; il est durable et s’accentue au fil des suffrages (51% d’abstention aux élections législatives en 2017, soit 9 points de plus qu’en 2012 ; 60% aux municipales en 2020, soit 14 points de plus qu’en 2014). De même, la récession provoquée par la COVID19 est loin d’être un événement isolé. Elle s’ajoute à une succession de crises socio-économiques quasi ininterrompues depuis les années 1980 (e.g. explosion du nombre d’entreprises en situation de défaillances dans les années 1990, subprimes en 2008, flux migratoires dès 2015).
Cette dynamique est accompagnée par la médiatisation de projets racialistes, qu’ils soient ultra-conservateurs ou d’extreme-gauche ; projets conceptualisés par des auteurs, artistes, universitaires ou journalistes.
À droite de l’échiquier politique, il est question de civilisation européenne, réunie autour de valeurs chrétiennes et sociales démocrates ; théorie largement défendue dans l’hexagone. Premier exemple d’une distorsion de la réalité. La notion d’Europe n’apparait en réalité qu’à travers la pensée humaniste (et des papes) du 15ème siècle !
Autre sujet de prédilection des conservateurs Européens, le réchauffement climatique. Pour les uns, il est purement fictif, pour les autres il est surestimé. Le fait scientifique est remis en question et le risque environnemental lié à l’usage de certains types d’énergies est minimisé (y compris par des experts).
Enfin, le discours de l’ultra droite est articulé autour d’une réthorique simple et puissante. Il est question de « dictature rose » pour désigner la prétendue pensée unique du camp adverse. On ne parle pas d’immigration mais d’invasion.
Au delà des conservateurs, la défiance à l’égard de l’autorité, du fait historique et des institutions , s’affirme crescendo à gauche de l’échiquier.
Les luttes actuelles pour la parité et contre la xénophobie sont projetées au 17 ème siècle ou à l’heure pré-révolutionnaire. Cette « pirouette histiographique » permet à ses auteurs, par le truchement d'un biais cognitif, la corrélation illusoire, de confondre l’action d’un roi qui gouverne seul (ex : Louis XIV) avec celle d’un chef d’état élu pour 5 ans, au mandat renouvelable une fois (ex : Emmanuel Macron, Nicolas Sarkozy, Jacques Chirac). Une telle déviation du jugement et de la pensée logique, dresse un continuum (fictif) entre la « cruauté » avérée d’un personnage historique et celle supposée d’une personnalité d’aujourd’hui. Elle est pourtant le fait de journalistes reconnus voire de conseillers officiels.
Pour appuyer leurs hypothèses, ces derniers n’hésitent pas à faire appel à une autre distorsion cognitive : le biais de confirmation. Ils sélectionnent le ou les événements qui confirment leurs analyses, quitte à réduire l’image du même chef d’état (ou de tout autre personnalité) à une partie de son programme voire à des propos décontextualisés.
Au delà de cette lecture singulière du présent, le passé n’échappe pas à un examen de conscience. Des figures et des états, autrefois jugés belliqueux et barbares, sont considérés sous un jour meilleur. Sade, bourreau en son siècle, devient une référence littéraire et ses textes se trouvent enseignés à l’université. Des dictatures d’Amérique du Sud ou d’Asie, sont dépeintes comme des régimes exemplaires par des intellectuels qui n’hésitent pas à apporter leur soutien à ces clones du Stalinisme. Dans ces deux situations , un besoin profond de se conformer à une norme nouvelle (e.g. Sade réhabilité par les surréalistes, l’expansion d’un altermondialisme et d’un antiaméricanisme primaire) anime celles et ceux qui défendent ce cher Marquis ou les nouveaux pères des peuples, et ce faisant renforcent les effectifs de leurs promoteurs. Au lieu de considérer le réel tel qu’il est, ils préfèrent céder au biais de conformité.
La réalité scientifique est aussi mise à l’épreuve. Il y a 70 ans Lyssenko réfutait les théories de l'hérédité car contraires au dogme soviétique. Aujourd'hui des interprétations hâtives concernant les notions de genre et de specisme sont soutenues avec vigueur. Il n’est pas question ici de les discuter mais il est naturel (et scientifique) de tester leur validité. Dans le premier cas, les travaux de John Money (l’un des pères de la théorie du genre), se soldèrent par des événements tragiques ; événements qui sont régulièrement omis dans les débats et qui interrogent sur le bien-fondé de sa théorie. Dans le second, il est légitime de combattre avec fermeté la maltraitance et par la même de défendre les droits des animaux, mais il l’est tout autant de s’interroger sur le caractère binaire de cette approche réduisant les groupes humains à deux catégories : specistes d’un coté et antispécistes de l’autre. Il est également compréhensible de remettre en question les recommandations de mouvements véganistes qui préconisent de substituer le lait animal au lait végétal chez le nourrisson (https://www.francetvinfo.fr/sante/alimentation/belgique-un-bebe-est-mort-apres-avoir-ete-nourri-au-lait-vegetal_2194899.html).
Enfin, ce diptyque est complété par l’instauration d’une novlangue qui mêle anglicisme et argot (« verlan » ou syllabes inversées). Ce nouveau dialecte est caractérisé par un champ sémantique aussi pauvre que versatile ; il limite la capacité d’expression, et par extension, toute réflexion structurée. Le débit de parole est élevé car l’attention est réduite (https://time.com/3858309/attention-spans-goldfish/) ; le locuteur dispose de quelques dizaines de secondes pour faire passer un message à un auditoire constamment à court de distraction. Pour cette raison, les débats se trouvent circonscrits à des échanges de « slogans ». Le développement de cette novlangue est encouragé par de nombreux linguistes, qui le légitiment, en vertu de la nature « dynamique » du langage…
Que retenir ? Nous dirigeons nous vers un régime autoritaire ?
Le contexte social, économique et démographique de l’Europe de la première moitié du 20ieme siècle n’est en rien comparable à celui du bloc européen de la première moitié du 21ième. La France de 2020 n’est pas l’Allemagne ou la Russie des années 1920-1930. Mon propos n’est donc pas de comparer les militants d’aujourd’hui aux nazis ou aux soviétiques d’hier.
En revanche, nous sommes forcés de constater qu’il demeure, sur notre continent et dans notre pays, une situation socioéconomique défavorable qui se dégrade au gré des crises, entrainant une opposition au système politique actuel et au régime présidentiel ; opposition soutenue par une frange du corps intellectuel. Il convient de veiller à ce que l’histoire ne bégaie pas et que les pratiques mises en oeuvre il y a près d’un siècle, pour convaincre un peuple éduqué, d’accepter et d’appliquer un programme d’une sauvagerie sans limite, ne soient reconduites en notre temps et en notre lieux.
La tâche est d’autant plus complexe qu’elles furent introduites de manière insidieuse et sournoise. Elles se développèrent progressivement sur la base de théories formalisées par des représentants du monde académique. Ainsi, à une époque qui glorifiait le darwinisme sociale, l’anthropologie raciale et le colonialisme, la mise en place d’un système dont les fondements reposaient sur ces principes, apparaissait naturel pour bon nombre de citoyens.
Nous assistons aujourd’hui à une radicalisation du discours politique, qui pourrait se conclure par l’accession au pouvoir d’un(e) nouveau(elle) despote. L’exacerbation de haine qui s’exprime sur le terrain médiatique et associatif donne lieu à des événements tragiquement proches des luttes qui déchiraient l’Allemagne des années 1930. Des militaires à la retraite attendent leur heure. À droite, les positions se durcissent et le refus de l’étranger est affiché au grand jour. À gauche, des individus ne cachent plus leur volonté d‘arranger la réalité historique à leur doctrine, et par la même, de rayer certains personnages et auteurs des manuels scolaires. Ceux qui participent à ces actions (à droite comme à gauche) alimentent le moulin à eau des relais d’opinion d’extreme droite et d’extreme gauche ; ce faisant, ils posent les pierres du chemin qui mènera l'autoritarisme aux portes de l’Elysée. Plus ces manifestations d'hostilité à l’égard du système actuel, c’est à dire d’un régime organisé autour de la « concurrence pacifique pour l’exercice du pouvoir » (Aron) , seront répétées et violentes, plus la marge de manoeuvre des ultras s’étendra.
Si celles-ci prennent part à une stratégie du pourrissement, vouée à révéler l’incompétence des extrémistes une fois aux affaires, alors il serait bon de se plonger dans les archives. En 1933, Franz Von Papen a ouvert, avec le chancelier Von Schleicher, les portes du pouvoir à un certain Adolf Hitler ; tous deux étaient convaincus qu’il échouerait à l’instar de ses prédécesseurs. Von Papen et ses équipes déclaraient alors qu’ils allaient « faire couiner Hitler ». Le résultat fut aussi funeste que leurs prévisions erronées…
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