La mafia corse

Tandis que ministres, criminologues, journalistes et autres responsables discourent encore et toujours sur la question du crime organisé en France pour réfuter systématiquement son existence, préférant les termes de milieu ou de bande organisée, les mafias de l’ile de beauté prospèrent et ce au moins les années 30 du siècle dernier. Presque cent ans que la mafia corse agit sur l’île, la France et au moins trois continents : l’Afrique, l’Amérique latine et l’Asie. Les organisations corses répondent à tous les critères des conventions internationales identifiant le Crime Transnational Organisé (CTR). Un « national-patriotisme » typiquement français empêche tout responsable d’affirmer que oui, il existe une mafia corse, selon les thermes de la convention de Palerme : Un ou plusieurs groupes organisés, protégés par un arrière pays, ayant des activités criminelles hors de leur région et/ou pays d’origine, agissant pour leur bénéfice financier propre, utilisant des moyens violents pour asseoir et préserver leur pouvoir, ayant une multitude d’activités criminelles et bénéficiant de connections/protections au sein de plusieurs institutions et administrations de l’Etat ainsi que des relations avec d’autres organisations criminelles.
A force de nier le phénomène tandis que en Corse elle-même il existe au moins une organisation de style féodal (sud) similaire à la ‘Ndrangheta calabraise et une autre de style entrepreneurial (nord) identique à la Sacra Corona Unita des Pouilles on continue à éviter une telle identification, cherchant mille et une excuses académiques. Cela pourrait faire sourire si cette négation, cette confusion délibérée de tout confondre dans un pot pourri dénommé violence corse, banditisme et nationalisme radicalisé ne devient pas à la longue un obstacle majeur à toute solution. Que les organisations criminelles investissent dans cette confusion et la complexité du dossier corse c’est, de leur part, cohérent. Mais que l’Etat lui même continue à se perdre dans des méandres sémantiques qui, bien entendu, sont eux-mêmes un extraordinaire bouclier et un facteur de paralysie évident, cela frise l’incompétence.
Saucissonner le problème corse entre un facteur « nationaliste » un autre « banditisme » ou même un troisième de « bergers criminels » (on disait la même chose pour la Mafia sicilienne et ses trafics de moutons avec l’Afrique du Nord, mais c’était dans les années 1930) participe à un aveuglement qui oblige à la division des rôles, exigeant plusieurs variantes de traitements.
Il n’y a pas d’un côté la lutte pour le patrimoine du littoral et de la haute Corse, les affaires immobilières, la main - mise dans toutes les activités sportives, ceux du jeu, de l’industrie hôtelière, les arnaques en tout genre (TVA, licences diverses, permis de construire, « continuité continentale »), etc., et, d’autre part règlements de comtes, assassinats, prostitution, tripots et machines à sous clandestins, racket, etc. Il n’y a pas d’un côté des bergers farouches et de l’autre des salles de jeux et autres clubs parisiens. Il n’y a pas d’un côté des « expropriations » extorquées par la force et de l’autre des Casinos africains, des comptes offshore caraïbes, des sociétés écran asiatiques. Il y a une mafia avec de multiples composantes qui agit de manière rationnelle, s’étend sur les nouveaux marchés (Russie, Chine) et consolide des anciens (Amérique latine, Afrique) en passant des alliances avec des organisations criminelles que celles-ci se situent au Maghreb, en Espagne, en Colombie, au Canada, en Malaisie ou en Thaïlande/Birmanie ; le tout comme il faut, en toute discrétion.
Il n’y a pas plusieurs éléments de violence et de crime, mais, tout simplement, le crime dans toutes ses variantes, des plus policées (blanchiment) aux plus violentes. Il y a enfin une population dépassée et terrorisée, qui subit ce crime polymorphe au quotidien et s’interroge sur l’inefficacité de l’Etat.
Il faut, en Corse, faire comme en Italie : condamner, confisquer et distribuer le patrimoine confisqué à la société civile. Il faut mettre en place un arsenal juridique et policier qui n’éparpillera plus sur une multitude de « violences » mais à la seule qui existe vraiment : celle du crime organisé prédateur dans toutes ses variantes…
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