Le débat sur la laïcité par M. de Voltaire
Envoyé par la planète Sirius, planète gouvernée par la Raison, Micromégas arrive sur terre, bien décidé à étudier les moeurs curieuses des habitants de cette contrée. En effet, les terriens se sont longtemps considérés comme habitant le centre du monde et toute leur philosophie s'en est trouvé bouleversée lorsqu'ils se sont rendu compte de leur erreur. Après avoir barboté dans la mer Méditerranée, Micromégas aborde au pays des quatre vents. Se présentant comme ambassadeur originaire d'un pays lointain, il est aussitôt invité à assister, en tant qu'auditeur, au grand débat parlementaire sur la laïcité.
Bien que peu étendu par rapport à la surface de la terre, le pays des quatre vents a joué un rôle très important dans l'histoire de cette planète. Aujourd'hui, il se trouve confronté à de nombreuses difficultés mais ce qui agite le pays est un problème de religion. Il existe trois grandes religions. En les classant par ordre d'ancienneté, ce sont le judaïsme, le christianisme et l'islam.
I. Le judaïsme.
L'histoire de cette religion se trouve relatée dans un livre connu sous le nom de Bible. Il débute par un texte fondateur considéré comme très ancien. C'est une allégorie évoquant la naissance d'une des premières cités de Palestine comme s'il s'agissait de la création du monde. Le génial poète - ou poètes - qui en est à l'origine y évoque un amour presque conjugal qui lie le clan à sa tribu, ou pour être plus précis, le conseil qui gouverne - Adam - à sa population - Ève. Chassés de leur pays d'Eden, leurs descendants (Caïn puis Lamek) auraient ensuite fondé des colonies en pays de Sumer où l'on dit que la civilisation serait née.
Les terriens sont d'une crédulité incroyable. Ils n'ont pas encore compris que si Pharaon a désiré la belle Sarah, ce n'est pas par concupiscence charnelle mais parce que c'était une très belle troupe militaire qu'il a voulu intégrer dans son armée de mercenaires. Ils n'ont pas compris qu'Abraham, son mari, était son conseil de chefs/prêtres qui, pour ne pas être éliminé, s'est fait passer pour son frère.
Ils croient dur comme fer que Moïse - qui vécut 120 ans - fut un individu alors que c'est le nom d'un conseil, d'abord conseil révolutionnaire ayant réussi à soulever le peuple juif alors en servitude, ensuite conseil de guerre guidant le peuple élu jusqu'à la terre promise, puis cédant la place au conseil Josué chargé de la conquête.
En revanche, les terriens ont toujours fait preuve d'une grande imagination pour conduire les peuples au combat. Un des meilleurs exemples est le livre de Daniel. C'est un nom collectif que s'étaient donné les prêtres juifs revenus de l'exil à Babylone. Dans ce texte, ils y relatent la résistance du peuple déporté face à un Nabuchodonosor méchamment surnommé Balthazar. Puis, sans aucune transition et sans changer de temps, ils poursuivent le récit en prophétisant la grande guerre de reconquête de Jérusalem comme si c'était déjà écrit dans le ciel, un écrit qu'il suffisait d'accomplir.
C'est cette trop grande imagination accompagnée d'une très grande crédulité qui a conduit le peuple juif à la désastreuse guerre de Jérusalem de l'an 70 où il a failli disparaître. Car, bien que les Juifs n'aient pas vu la prophétie de Daniel s'accomplir dans les termes annoncés, ils s'étaient persuadés que les temps étaient venus en l'an 70 et que le Fils de Dieu devait apparaître, à ce moment-là, dans l'apocalypse de la guerre, pour restaurer les douze tribus d'Israël dans leurs anciennes prérogatives.
II. Le christianisme.
Issue d'une refondation du judaïsme, née à la fois dans la diaspora juive et dans la prolongation de la pensée essénienne des documents de la mer Morte, le christianisme fut la grande religion du pays des quatre vents. Elle a fécondé le pays pendant près de deux mille ans, lui donnant ses valeurs, sa façon de vivre et son patrimoine, jusqu'à enfanter la modernité et la démocratie comme l'explique le philosophe Marcel Gauchet. Il s'agit là d'un phénomène très étonnant où une religion qui, après avoir rayonné pendant des siècles sur la terre, revient, sa tâche accomplie, dans l'humble pratique de la sphère privée, et s'efface.
Si elles revenaient aujourd'hui sur terre, les quatre communautés esséniennes qui ont rédigé les évangiles seraient très étonnées en constatant comment leurs successeurs, depuis les pères de l'Eglise, les ont interprétés. Imprégnés d'un profond humanisme, ces textes sont un sommet de la littérature et de la pensée antiques. Dans la tradition allégorique bien connue de la littérature juive pesher, on y trouve relatée l'histoire pleine de foi mais douloureuse de quatre communautés dans lesquelles s'était incarnée l'idée d'un Jésus idéal qui souffre anonymement dans le corps des communautés mais qu'on espère se voir révéler "en gloire" sur la croix... espérance déçue. Il faudra toute l'habileté de saint Paul pour transformer une non réponse/intervention de Dieu en théologie fondatrice, s'appuyant, il est vrai, sur les quelques témoignages qu'il a pu recueillir.
Replacés dans leur ordre logique, les quatre évangiles retrouvent toute leur cohérence, en commençant par celui de Jean à sens plutôt prophétique jusqu'à celui de Mathieu, évangile de synthèse, dans lequel le conseil de Dieu des Esséniens se résoud au sacrifice ultime et volontaire de ses dirigeants sous la pression mystique populaire.
Mais au-delà de cette pression mystique populaire, c'est l'histoire tout à fait prosaïque d'une lutte d'influence entre un judaïsme de Jérusalem sous influence civilisatrice romaine, et un authentique judaïsme essénien de retour de Babylone qui, sous écrits allégoriques, veut restaurer dans une profonde réforme l'ancienne royauté des conseils de Dieu d'Israël... autrement dit un nouveau royaume gouverné par un Jésus/conseil ou, à défaut, par le nouveau conseil de Galilée habité par l'esprit de Jésus. Car comme le dit encore l'Eglise "Je serai toujours parmi vous".
III. L'islam.
Arrivé depuis peu au pays des quatre vents, l'islam est la religion qui tend à prendre la première place jusqu'à introduire des préceptes étrangers qui surprennent alors qu'après la révolution de 1789 et divers aménagements, les habitants pensaient avoir tourné définitivement la page des conflits religieux.
Les musulmans considèrent Mahomet comme le fondateur de leur religion. Mahomet étail-il un homme ou un conseil ? L'islam s'inscrivant dans la continuité du judaïsme et du christianisme, on peut se poser la question. Il est vrai que la durée de vie de 62 ans du Prophète peut correspondre à celle d'un individu, mais celle de son grand-père, Abd al Muththalib, mort à 110 ans, évoque plutôt la durée de vie d'un conseil ; de même que la vie des grands ancêtres : Ismaël mort à 137 ans et Abraham à 175 ans. Dans le contexte de ce type de filiation d'ordre spirituel et religieux, on peut comprendre que les chroniqueurs musulmans aient relaté la vie de ce conseil comme les juifs l'ont fait pour Moïse et comme les chrétiens l'ont fait. Racontée dans le style merveilleux et épique du genre, surtout pour les récits de l'enfance, ces histoires avaient manifestement pour but "d'enchanter" les populations naturellement naïves et désireuses d'intervention divine. Quant aux témoignages extérieurs à l'islam, force est de constater leur absence ou leur hésitation. Mahomet n’est qu’un nom, lointain, souvent abrégé dans la forme mt. On y met la bataille de Mouta sous Abou Becker alors qu’elle a eu lieu sous Mahomet. Seul, Théophile d’Edesse considère Mahomet comme un marchand mais son témoignage est si inconsistant, voire fautif, qu'il ne faut y voir qu'un simple supposé.
La guerre de Mahomet s'explique parfaitement dans le contexte du VII ème siècle. Dans la pluralité des croyances religieuses qui divisait alors le Proche-Orient, on peut comprendre qu'un certain courant ait voulu réunifier la région en y imposant une seule et unique religion. En faisant de la religion le moteur de la guerre suivant le triste exemple donné avant lui par l'Occident, Mahomet a réalisé l'unité de l'Arabie mais c'est Omar qui fut le grand artisan de l'expansion de l'islam.
Derniers arrivés au pays des quatre vents, les plus exaltés des musulmans estiment qu'ils sont stigmatisés par le reste de la population. Suivant l'exemple donné par le fondateur, ils pensent que lorsqu'ils seront en nombre et en force, ils pourront imposer leur loi.
IV. Et Micromegas conclut.
Ces trois religions sont persuadées de détenir, chacune, la Vérité. Elles disent que c'est dans leurs livres que Dieu s'est révélé. Brûler ces livres est considéré comme un très grand sacrilège. Chacune pense que sa doctrine gagne à être connue même si elle diffère des autres, mais quand on propose aux adeptes des explications rationnelles, ils ne les prennent pas en considération pour ne pas mettre leur foi en péril.
Aujourd'hui, presque tout le pays des quatre vents mange de la viande hallal.
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