Le meurtre en débat ?
Oui, Christophe, tu as raison. Alors que nous avons conquis de haute lutte "le droit fondamental" de supprimer à notre bon plaisir les embryons et les foetus indésirables, il est scandaleux qu'on ne puisse pas encore supprimer à loisir les vieillards et les malades - ces légumes - qui nous encombrent et nous ruinent. A quoi servent ces vieux débris ? Non contents de ne plus produire et de ne plus consommer, ils coûtent horriblement cher à la collectivité qui manque de lits et de personnel dans les hôpitaux. Et ils osent en plus nous fatiguer de leurs râles ! Alors, oui, Christophe, avec toi, puiqu'ensemble tout devient possible, chantons gaiement :
"Vive l'euthanasie active, vive le suicide médical et vive la mort !"
Analyse des propos de Christophe Barbier qui se fait ici le porte-parole des pro-morts de l'ADM (d'inspiration maçonnique comme le suggère leur sigle et comme d'ailleurs ils ne s'en cachent guère) :
« Oui, il faut changer la loi sur l'euthanasie. [La nécessité ne se discute pas, elle est. Le changement est toujours à louer, la permanence à combattre. La mort pose des problèmes aux vivants ? Changeons la loi, tout ira mieux !]
On voit bien que... [Pas besoin de justification, l'invocation incantatoire du dieu Changement suffit] … la loi actuelle en France est insuffisante à régler les cas les plus douloureux... [Est-ce vraiment du domaine de la loi ? La loi fixe les limites et pose des interdits (interdit de tuer), est-elle censée s'immiscer dans la souffrance des malades ?] … des malades qui sont sortis de la dignité... [Affirmation péremptoire, sans aucune perspective rationnelle : il y a des malades qui sortent de la dignité, point. Mais pour aller où ? dans l'abjection ? dans l'inhumanité ? C'est toujours la même abstraction délétère, comme pour l'avortement (ou le gender) : le refus de reconnaître des limites naturelles à la vie humaine (de la fécondation à la mort naturelle), seules garantes objectives de sa dignité, seules barrières solides contre la tentation démiurgique de l'homme qui veut remodeler à sa guise la personne humaine] … des malades dont les souffrances dépassent la mesure... [Quelle mesure ?! Qui est apte à juger du niveau de dignité d'un être humain ? Le sujet lui-même, fragilisé par de grandes souffrances, enfermé dans le coma, mis sous pression par ses proches ? La famille, parfois peu scrupuleuse, ou bien le médecin, soumis à des pressions d'efficacité de gestion ? Ou plutôt, la nature elle-même, acceptant que la dignité humaine dure aussi longtemps que la vie ?] … et sur lesquels les médecins ne peuvent rien faire parce que la loi l'interdit. [Est-il interdit aux médecins de faire leur travail, c'est-à-dire de soigner, de soulager au mieux les souffrances de leurs patients (soins palliatifs), tout en refusant l'acharnement thérapeutique ?]
Il faut remettre sur l'atelier législatif ces textes et de nouveau, en concertation avec toutes les parties [...] mais aussi peut-être les autorités spirituelles... [Peut-être : à condition bien sûr qu'elles soient d'accord, qu'elles acquiescent, avalisant les nouvelles transgressions paradisiaques que je propose] … bref, avec tout le monde, ouvrir un grand débat pour savoir comment l'on peut améliorer cela. [La loi Léonetti du 22 avril 2005 est certes bien imparfaite – surtout dans la mesure où elle légalise une forme d'euthanasie passive en autorisant les soignants à arrêter l'alimentation d'un patient : « Un arrêt d’alimentation et d’hydratation peut ainsi être décidé avec pour intention de faire mourir »(Dr Véronique Fournier, Le Monde, 19 avril 2008) – mais changement n'est pas synonyme d'amélioration : en réalité, c'est l'impuissance de la loi à soigner la souffrance et la finitude humaines qu'il faut accepter, sous peine de s'enfoncer sans retour dans la quête utopique de la perfection humaine. En outre, les questions de vie et de mort peuvent-elles vraiment être soumises à un débat, c'est-à-dire à un consensus inévitablement provisoire ?]
Il y a et il y aura de plus en plus trop de gens qui souffrent... [Et pourquoi l'augmentation de ces souffrances sinon justement à cause du refus contemporain du risque, de la dépendance et de la souffrance, réalités pourtant inhérentes à la condition humaine ?] … et qui ont une fin qui n'est pas digne d'un être humain. [Encore la même affirmation gratuite : qu'est-ce qu'une fin digne pour un être humain ? Mourir vite et sans souffrir ? En quoi les agonisants ne sont-ils plus des êtres humains dignes ?]
La philosophie, c'est de pouvoir mourir dignement, c'est-à-dire que physiquement et psychiquement on ne doit à aucun moment dégringoler en dessous d'un certain niveau de dignité... [Quelle rigueur conceptuelle !] … et offrir à ses enfants, à tous ceux qu'on a aimés et qui vous ont aiment, un ultime spectacle qui laissera le plus mauvais des souvenirs. [Merci, M. Barbier, de vous préoccuper ainsi des souvenirs que nous laissent nos proches décédés, mais serions-nous trop immatures, ô grand rédacteur de L'Express, pour pouvoir nous passer de vos intrusions indélicates dans l'intimité de nos familles ?]
Aux candidats à la présidentielle de prendre leurs responsabilités... [Est-il de la responsabilité du chef de l’État de lever l'interdit de tuer ?] … et de s'engager [...] à faire avancer la France dans le sens de l'euthanasie active. » [« Faire avancer » : l'euthanasie, pratique de prédilection des grands humanistes national-socialistes, serait donc indiscutablement un progrès ?]
En somme, l'ami de Carla Bruni finit comme il a commencé : en martelant des pétitions de principes vagues (la dignité, la souffrance, la mesure) et des arguments spécieux (« il y a des gens qui souffrent : pour soulager la souffrance, supprimons les malades ! », rappelant le tristement célèbre « il y a des futures mères en détresse : pour soulager la détresse, supprimons le bébé ! »), dans une succession de coups de force rhétoriques dénués de toute référence à un réel incarné. Ce petit bijou de manipulation, exploitant sans vergogne l'angoisse bien légitime devant la mort, au service d'une idéologie mortifère prétendant émanciper l'homme de sa finitude d'être créé, montre combien les transgressions de l'ordre naturel ne reposent que sur une désinformation permanente, faite d'esbrouffe, d'amalgame et d'incantation. Confondant volontairement - à moins qu'il ne soit vraiment stupide, ce dont il est permis de douter - la philosophie avec le sophisme le plus caricatural, l'ancien normalien illustre ici à merveille le vide intellectuel d'une « nouvelle éthique » aussi nocive qu'infondée. Cette énième intervention (le bonhomme en abuse) ne fait cependant qu'entériner sur un mode grossier les prévisions autrement plus subtiles de Jacques Attali, le grand gourou cosmopolite annonçant dès 1981 dans L’avenir de la vie (Entretiens avec M. Salomon sur l'avenir des questions bioéthiques, Seghers) :
JA - « Je crois que l'important de la vie ne sera plus de travailler mais d'être en situation de consommer, d'être un consommateur parmi d'autres machines de consommation » (p. 270). « L'homme du XXIe siècle des pays riches [...] sera certainement un homme beaucoup plus angoissé qu'aujourd'hui mais qui trouvera sa réponse au mal de vivre dans une fuite passive, dans les machines anti-douleur et anti-angoisse, dans les drogues, et qui tentera à tout prix de vivre une sorte de forme marchande de la convivialité » (p. 272). « Du point de vue de la société, il est bien préférable que la machine humaine s'arrête brutalement plutôt qu'elle ne se détériore progressivement » (p. 273) MS - « Le monde à venir, « libéral » ou « socialiste », aura besoin d'une morale « biologique », de se créer une éthique du clonage ou de l'euthanasie par exemple ». JA : « L'euthanasie sera un des instruments essentiels de nos sociétés futures dans tous les cas de figures. Dans une logique socialiste, pour commencer, le problème se pose comme suit : la logique socialiste c'est la liberté et la liberté fondamentale, c'est le suicide ; en conséquence, le droit au suicide direct ou indirect est donc une valeur absolue dans ce type de société. Dans une société capitaliste, des machines à tuer, des prothèses qui permettront d'éliminer la vie lorsqu'elle sera trop insupportable, ou économiquement trop coûteuse, verront le jour et seront de pratique courante. Je pense donc que l'euthanasie, qu'elle soit une valeur de liberté ou une marchandise, sera une des règles de la société future » (p. 275).
Nicolas Bonnemaison, médecin urgentiste de l’hôpital de Bayonne, a administré en cinq mois à quatre personnes dont une femme de 92 ans décédée le 3 août des « substances ayant entraîné le décès immédiat ». Sylvain Bourmeau en profite dans un éditorial de Libération pour réclamer « la reconnaissance législative de l’aide active à mourir », se lamentant qu'en France, « l’Etat rechigne toujours à abandonner le moindre droit de vie ou de mort sur ceux qu’il considère davantage comme ses sujets que comme des citoyens - les débats sur la peine de mort, la contraception, l’IVG, la stérilisation ou, plus récemment, les lois de bioéthique en témoignent. Comme c’est le cas en Belgique, aux Pays-Bas ou en Suisse, nous devrions exiger de l’Etat qu’il respecte un principe de neutralité morale en autorisant chacun à vivre et à mourir selon ses propres conceptions philosophiques. Et ce n’est certainement pas au nom de la dignité - concept dangereux car réversible - qu’il convient de mener ce combat mais beaucoup plus simplement en celui de la liberté ».
Thierry Boutet conclut sur Liberté politique : « Il ne s’agit donc pas de sortir les médecins et les familles, des dilemmes et des cas de conscience qui entourent l’accompagnement des personnes en fin de vie. Il s’agit au nom d’une conception abstraite - et fausse - de la liberté de faire des médecins les exécutants au sens strict du « mourir quand je veux, comme je veux » de ceux qui veulent à n’importe quel prix être les seuls et uniques maîtres de leur destin jusqu’au bout. »
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