Le séisme Macron
La campagne et la victoire d’Emmanuel Macron ont produit une onde de choc dans la classe politique française. Et celle-ci n’est pas prête de s’apaiser.
Dans Théorème de Pier-Paolo Pasolini, l’arrivée d’un mystérieux et troublant visiteur (joué par Terence Stamp) dans une famille de la vieille bourgeoisie italienne bouleverse tous les repères de ses membres, provoquant la libération de leurs désirs les plus cachés. Au niveau de la maison France, le parallèle s’impose de lui-même avec l’élection d’Emmanuel Macron, jeune homme de 39 ans encore inconnu en politique voici trois ans. Si sa victoire au second tour ne fut pas une surprise, ce qui l'a été, en revanche, c’est la rapidité avec laquelle il s’est imposé dans cette campagne. En moins d’une année, il a pris de court toute la classe politique française en créant un mouvement à caractère fédérateur, censément ouvert à toutes les bonnes volontés, bouleversant ainsi la bonne vieille logique du « ou bien ou bien ».
Certes, il n’y a pas de fumée sans feu : des divisions traversaient toutes les formations politiques de ce pays, mais elles étaient tant bien que mal contenues. Il fallait sauver les apparences, précisément dans la perspective de l’échéance présidentielle – où chaque candidat pensait avoir une carte à jouer. Mais à présent la messe est dite et personne n’entend plus se gêner pour exprimer ce qu’il pense ou se repositionner sur l’échiquier politique.
Le premier, Manuel Valls en franchi le pas en demandant son investiture sur les listes des futurs députés macronistes : mais n’avait-il pas déjà appelé à voter pour son ex-ministre du budget au mépris des accords passés à l’issue des primaires citoyennes ? Il n’a récolté qu’une procédure d’exclusion du PS sans d’ailleurs être avalisé – juste retour de bâton - par les instances d’En Marche. C’est la même tentation qui taraude une partie des Républicains, à présent que leurs principaux ténors ont été renvoyés à leurs chères études. Là encore il faudra que ces âmes chagrines fassent un choix définitif ; et les appelés seront bien moins nombreux que les élus. Du côté du FN, l’heure est également à l’aggiornamento ; mais transformer une machine à perdre en un parti capable de remporter une élection présidentielle n’est pas une mince affaire. Du coup, c’est une de ses figures emblématiques, Marion Maréchal Le Pen, qui a décidé de se mettre en vacances de la politique pour une durée indéfinie. On aurait pu penser, connaissant ses convictions, que c’était pour rentrer dans les ordres. Mais non ! La raison invoquée est l’éducation de sa fille – motif auquel personne ne croit. Au PS, aussi, c’est l’ébullition. Grand perdant de ces élections (avec seulement 6% des voix), Benoît Hamon ne compte pas, pour autant, en rester là et lance un mouvement qui reprendra ses principales propositions de campagne – qu’il estime être les seules novatrices. Tandis que Martine Aubry, Anne Hidalgo et Christiane Taubira ont constitué un triumvirat féminin qui ne compte pas se réunir que pour prendre le thé. Rupture, également, avec ses alliés communistes pour le leader de la France Insoumise. Car Mélenchon entend bien récupérer à son seul profit le succès considérable qu’il a connu durant cette campagne.
Bref, c’est de tout côté le grand chamboulement avec l’émergence de nouveaux mouvements – forme plus souple de militance – qui cherchent à prendre le pas sur les partis traditionnels. La stratégie du ni-ni a fait son effet de sape. Un nouveau paysage politique est en train d’apparaître sur les ruines de l’ancien. Même si l’on peut légitimement penser que les vieux appareils de pouvoir n’ont pas dit leur dernier mot.
Jacques LUCCHESI
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