Les fêtes de fin d’année m’attristent !
Etrange revirement que le long périple nous conduisant de l’enfance innocente à la lucidité de l’âge avancé. Je ne parlerai pas du gâtisme de la vieillesse qui est un naufrage, selon un bon mot du Général de Gaulle, remettant à plus tard cette tâche. Dans 30 ans, si l’arthrose ne m’interdit pas de taper sur un clavier, je ferai un billet, le cinq millième sur Agoravox, où je parlerai de ce naufrage. Mais rien n’est certain. Rien ne permet d’assurer le fonctionnement des PC si la température dépasse les 50 degrés. Serai-je encore vivant ? Cette question ne me préoccupe guère puisque les fêtes approchent et donc, il sera question de l’appréciation portée sur ces événements contrastés et des sentiments qui affectent les âmes.
Les fêtes m’emmerdent ! Il y a longtemps, ces mêmes fêtes me ravissaient de joie et j’attendais semaine après semaine, jour après jour, le moment fatidique, le réveillon autour du sapin, les huîtres et le saumon et plus si affinité, le vin d’Alsace, parfois le champagne, les cadeaux. Quand j’avais huit ans, c’était plus les cadeaux, mais à dix-huit ans, le vin blanc. Et puis le lendemain, quelle tristesse. Le dicton populaire ne trompe pas. On dit bien triste comme un lendemain de fêtes. La vie reprend et le moment magique s’estompe. L’imagination humaine est sacrément inventive pour créer cette illusion de bonheur ; enfin, soyons honnête, c’est du bonheur mais artificiel. Un bonheur devenu obligatoire. On voit fleurir sur le Net quelques conseils pour éviter que les réunions de famille tournent au drame. Bientôt, il y aura des coachs spécialisés dans l’apprentissage de la gestion des fêtes. Pour éviter les engueulades entre la poire et le fromage, une fois les bouteilles descendues et les ressentiments libérés par les vapeurs d’alcool. Ces fêtes, ça peut vite dégénérer, comme un accrochage sur le 38ème parallèle.
Ces fêtes sont devenues d’une crasse banalité. Il faut s’emmerder à choisir des cadeaux qui se retrouvent le lendemain en vente sur Ebay ou le surlendemain dans la boutique, prêts à être échangés. Les plus sages sont ceux qui offrent un peu d’argent. Mais c’est assez restreint. Seuls les parents peuvent se permettre de filer du pognon comme cadeau à leurs enfants. Quoique, je me souviens d’un petit billet offert par mes tantes et oncles. Filer du fric, c’est le meilleur moyen de ne pas gaspiller son argent en cadeaux inutiles. Offrir un présent est un art qui suppose une connaissance complice des goûts et de la personne. C’est rare quand un cadeau va droit au but. Je me souviens de la fête des pères. Ma mère achetait toutes les années une cravate que ma sœur et moi offrions à notre géniteur. Une fois l’enfance achevée, il m’arrivait d’offrir un cadeau plus personnalisé. Souvent, un bouquin pour ma mère qui aimait tant lire et pour mon père, une bonne bouteille. C’est banal. Je sens que ce billet va être descendu et c’est tant mieux. C’est normal. Je ne vais quand même pas vous parler du rapport entre l’esthétique transcendantale de Kant et la physique mathématique de Newton deux jours avant le réveillon ! On m’offre parfois un disque pour Noël. Une fois c’était Ever de IQ, une autre fois un live d’Opeth et l’année dernière, un coffret contenant les trois premiers albums d’Opeth.
Les cadeaux les plus fabuleux, c’est ceux qu’on s’offre soi-même. Voilà pourquoi bien souvent, la cérémonie des présents n’offre aucune surprise. Au moins, ce n’est pas du fric foutu en l’air. Et puis quelques fois, ce sont des cadeaux utiles. Un pull, une paire de gants, une paire de ski, attention à ne pas commettre d’impair ! Une fois la bonne bouffe ingurgitée, il m’arrivait de méditer face au sapin illuminé de sa guirlande électrique venue de Chine. Des millions d’années d’évolution, des siècles de drames et tragédies, souffrance et labeur, pour se retrouver comme un con face à un sapin vêtu de quelques guirlandes, le regard hagard, faussement émerveillé. Ces moments là resplendissent de vérité et on se trouve face à l’abîme de l’insignifiance de l’existence. Etre et temps, être pour la mort, pensait Heidegger qui m’aurait bien enguirlandé pour avoir écrit sur ces bêtises.
C’est fou tous ces gens au regard absent, le nez sur le guidon, obnubilés par l’obligation d’acheter des cadeaux, une étrange messe macabre de la servitude volontaire et de l’esprit qui se noie dans la marée humaine des rues piétonnes et des magasins saturés des angoisses existentielles d’âmes en recherche d’objets à mettre sous le sapin. Chaque année, le mois de décembre devient une fête païenne qui ravit ceux dont la disposition d’esprit et le contexte fait qu’ils y trouvent leur compte, alors que beaucoup n’aiment pas cette période, pour diverses raisons. Les uns sont seuls, les autres esseulés, mais la bonne conscience leur dira que ce n’est pas bien de jouer les mécréants, que cela traduit de l’envie, de bas sentiments et qu’il faut laisser les gens être heureux.
J’espère que la marchande d’huîtres du bassin sera présente sur la place de Talence. Elle vend sa production directement et ce n’est pas du standard comme dans les supermarchés, de la numéro 2 ou 3. Mon plaisir, c’est de la zéro ou de la double zéro. Gros calibre. Que j’ouvre en utilisant une vendetta corse à la lame pointue. Tout un art.
J’ai décidé d’être heureux et de partager ce billet d’humeur où je confie ma distance et mon emmerdement. Je m’en amuse. La justice des sentiments saura rétribuer aussi ceux qui n’aiment pas les fêtes. Une fois passées, ils auront non pas la joie mais une sorte de sérénité d’avoir passé la fin d’année et de voir le soleil remonter dans le ciel. Ces fêtes, les médias en font tout un plat. Les analystes évaluent le budget dépensé par ménage. Le fric, la croissance. Le mieux, si on déteste ces fêtes, c’est de se faire deux bonnes bouffes, le 24 et le 31, en célébrant le passage à l’année nouvelle et en pensant à cette sérénité que procure le passage à l’année nouvelle. Pour les uns, c’est tristesses, le souvenir des paillettes, pour d’autres, le bonheur, passé l’enfer des fêtes.
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