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Accueil du site > Tribune Libre > Lettre aux dirigeants européens de la part d’un citoyen (...)

Lettre aux dirigeants européens de la part d’un citoyen indigné

Madame, Monsieur,

Citoyen français d’origine grecque de par mon père, et conformément au droit d’expression propre aux démocraties, je voudrais vous faire part ici de mes plus profondes inquiétudes à propos de la manière avec laquelle vous abordez la situation de la Grèce et de l’Europe. 

Les grecs vont être appelés à voter le 17 juin prochain. Ce scrutin est crucial et tout le monde a conscience que les enjeux nous concernent tous, européens. Me sentant concerné par la gravité des évènements, c’est naturellement que je me tiens quotidiennement au courant de l’actualité. Je me suis donc abreuvé des nombreux articles sur la question de savoir si la Grèce doit rester ou non dans l’Euro, et qui sont le miroir médiatique des propos de Mr Schäuble. Pour le Ministre des Finances allemand, la zone Euro peut se passer de la Grèce. Une manière de faire passer le message aux grecs qu’ils feraient mieux de ne pas faire trop d’histoires. J’ai aussi pu constater que les nombreuses pressions médiatiques attachées au scrutin du 17 juin prochain, sont dans la continuité des petites tactiques de Mme Merkel. La chancelière allemande suggérait au 1er Ministre grec de transition, Mr Pikramenos, d’accompagner le scrutin législatif à venir d’un référendum sur le maintien ou pas de la Grèce dans l’Euro. Et c’est avec un pincement au cœur, pour ne pas dire une certaine pointe d’humiliation que j’ai lu une multitude d’articles et de commentaires décrivant les grecs comme d’irresponsables fainéants égoïstes qui veulent que rien ne change, et qui ont trouvé leur écho dans les propos récents de Mme Lagarde, directrice du Fond Monétaire International.

La Grèce et l’Europe dans l’impasse

Ce qui est inquiétant c’est qu’en pesant avec de telles thématiques sur la campagne électorale grecque, vous privez le débat politique qui devrait avoir lieu de toute sa substance. En agitant le spectre de la sortie de l’euro, vous activez chez les grecs les mécanismes de la menace et de la peur. La peur de l’inconnue menaçant, la peur du retour en arrière, de l’abaissement du niveau de vie, et pire encore vous jouez sur la peur de la pauvreté, de la faim et de la honte. Vous savez pertinemment que les grecs craignent les scénarios d’une sortie de l’Euro. Comment expliquer autrement le fait que les partis grecs qui prônent cette solution, n’aient recueilli que 15% des voix lors des législatives du 6 mai dernier, malgré le contexte, les pressions et les humiliations ? Et vous poussez le cynisme jusqu’à utiliser cette menace sans vergogne, le plus naturellement du monde, alors même que vous ne disposez pas des armes nécessaires à cette politique ! Rien dans le traité de Lisbonne, ni aucun autre traité européen ne vous permet de vous prévaloir d’une telle procédure. Vous pouvez toujours essayer de changer les règles, mais il faudrait pour cela que la Grèce elle-même y consente, l’unanimité des Etats membres étant requise. Autant dire que vous vous inscrivez dans une démarche dont vous n’avez pas la solution. Cela ne donne pas vraiment l’impression que nous sommes face à une approche constructive.

Cette peur, vous l’utilisez pour pousser les grecs à voter en faveur des partis qui ne remettent pas en cause le mémorandum qui a été « négocié ». Il n’y en a actuellement que deux qui répondent à vos critères : le PASOK et la Néa Dimokrotia (ND), qui sont également les partis qui gouvernent de manière quasi dynastique et sans interruption depuis plus de 35 ans. Pour faire simple, votre stratégie est d’inciter les citoyens grecs à voter pour ceux qui les ont menés dans le mur ! 

Comment faîtes-vous pour ne pas voir que vous êtes face à une équation insoluble ?

Les marchés sont-ils devenus si puissants, qu’une notion aussi centrale que la relation de confiance entre les gouvernants et les gouvernés dans une démocratie ne vous apparaisse que secondaire ?

Posée ainsi cette question peut apparaître comme étant trop théorique et éloignée de la réalité. Je vais donc vous la poser différemment, sur un terrain plus pragmatique qui vous conviendra mieux : espérez-vous réellement qu’en période de crise et alors que chacun se serre la ceinture, que les gens vont se mettre à payer leurs impôts ? Vous croyez vraiment qu’ils vont avoir subitement confiance en un système qui les a conduits dans l’impasse ?

Même si vous parveniez à effrayer suffisamment les grecs pour qu’ils votent dans votre sens, je ne parierais pas dessus. Les turcs ont essayé pendant 400 ans d’assujettir le peuple grec à l’impôt, à coup de menaces, de pogroms et de massacres. Ils n’ont pas réussi. Et quand bien même les partis que vous soutenez parvenaient à former un gouvernement au soir du 17 juin, ne vous attendez pas à une quelconque évolution de la situation. Cela fait déjà deux ans que nous sommes dans cette configuration. Et rien ne bouge. A tel point que Mme Lagarde est sortie de ses gonds.

Il faut se rendre à l’évidence que quand les grecs se méfient, ils ne paient pas. Bien sûr, on pourrait leur jeter la 1ère pierre. Mais je ne pense pas qu’il s’agisse là d’une spécificité grecque. Essayez d’imposer n’importe quel peuple du monde qui doit faire face à une administration qui n’exerce pas ses prérogatives de puissance publique, et vous n’arriverez à rien. Il y aura toujours, même si c’est malheureux, forcément des gens qui tricheront. Et petit à petit, au fur et à mesure que les relations avec une classe politique apathique (pour être gentil) et une administration clientéliste vont se détériorer, ces pratiques vont s’étendre et progressivement gangréner tous les secteurs de la société. Ce n’est pas un problème de mentalité, mais d’administration.

Le mépris comme contrat social

Parfois on reproche aux grecs d’alimenter ce système et d’en être les complices, puisqu’ils persistaient jusque-là à voter pour les mêmes partis. C’est ne pas comprendre la réalité grecque : ce qui vous paraît être de la complicité peut tout aussi bien être vu comme une réaction d’indifférence et de mépris. Ce qui expliquerait un comportement malheureusement passif, aux conséquences désastreuses. Je pense, (j’espère !) que les leçons seront retenues. La crise a réveillé les consciences politiques que le clientélisme avait anesthésiées.

Depuis des années les grecs se méfient de leur administration. Comment pourrait-il en être autrement ? De nombreuses générations ont été imprégnées de la trahison de la junte des colonels, il n’y a même pas 40 ans. Le retour de la censure, les épurations politiques, la dénonciation, l’arbitraire et la répression pouvant aller jusqu’à la torture, ont profondément marqué la société grecque contemporaine. Imaginez-vous en train de vivre dans un Etat n’ayant jamais su se relever de cette défiance et perçu comme une entité dangereuse. Quel serait votre état d’esprit, si en plus, vous voyez bien que l’administration est incompétente et n’arrive pas à remplir correctement son rôle : collecter et répartir équitablement l’impôt ? Si dès le départ vous voyez bien qu’elle n’est pas capable de collecter, comment pourriez-vous lui faire confiance lorsqu’il s’agira d’utiliser cet argent ? Il n’est pas évident de convaincre les gens de payer leurs impôts lorsque ceux-ci ont le sentiment que c’est de l’argent gaspillé.

Comment dès lors ne pas sombrer dans une spirale infernale ? Quel français ne serait pas étonné d’avoir à payer, en plus des impôts destinés à l’Education Nationale, des cours du soir à ses enfants pour que ceux-ci aient une chance d’avoir leur bac ? En Grèce, les élèves de l’école publique suivent tous les après-midi des cours privés et donc payants, dans des « boîtes à bac » institutionnalisées, les frontistiria, qui compensent l’incurie de l’Education Nationale. Pour un français c’est impensable, puisqu’il paie déjà pour le service public scolaire !

Comment s’étonner que des gens qui travaillent en moyenne 42 heures par semaine, et qui enchaînent souvent deux emplois pour élever au mieux leurs enfants (plus hautes moyennes européennes selon Eurostat), préfèrent dépenser leur argent pour les éduquer efficacement plutôt que de payer des impôts pour un système éducatif totalement obsolète et insuffisant ?

Pour vous faire une idée de la réalité que vivent les citoyens grecs, ajoutez-y tous ces petits tracas, parfois bien tragiques, qui plombent les relations entre les citoyens et leur service public. Quand les ambulances mettent 45 minutes à arriver sur les lieux d’une urgence, quand vous n’êtes même pas sûr que votre grand père sera pris en charge sérieusement à son arrivée dans un hôpital public, quand pour obtenir une autorisation ou un permis vous devez glisser une enveloppe pleine de billets, quand vous constatez tous les jours que la part des impôts destinée à l’aménagement urbain est utilisée de manière désastreuse, n’auriez-vous pas vous aussi quelques hésitations sur le bien-fondé de ces dépenses, au moment de remplir votre feuille d’impôts ?

Ne vous poseriez-vous pas la question de savoir si tout ceci à un sens ?

Pire ! N’auriez-vous pas un peu le sentiment de vous faire tout simplement arnaquer ?

Je me suis rendu à Athènes en 2009. L’artère principale d’un des quartiers de la capitale, Halandri, un quartier dynamique et commerçant, était en train d’être complètement refaite à neuf. A coup de tranchées bloquant tout le centre pendant plusieurs mois, de travaux particulièrement bruyants et dérangeants, et au préjudice des très nombreux commerces. Lorsque je suis revenu un an plus tard en 2010, le contraste était saisissant. La place était flambante neuve, l’espace était redevenu accueillant. Les gens semblaient de nouveau prendre du plaisir à venir faire du shopping dans les rues piétonnes ou boire un café en terrasse. Quelle ne fût pas ma surprise lors de mon troisième et dernier passage en 2011…

Les mêmes tranchées assourdissantes qui étaient de retour, la circulation de nouveau complètement bloquée sur son artère principale. Des riverains une nouvelle fois obligés de faire tous les jours des détours improbables dans les bouchons pour rentrer chez eux. Les nombreuses terrasses de café et les magasins s’étaient vidés.

Une fois c’est normal. Deux fois en trois ans c’est trop. Tout ça parce que lors de la rénovation entreprise en 2009 on a « oublié » de refaire les canalisations d’eau…

Même moi, j’y aurais pensé.

Et ce n’est qu’un exemple parmi d’autres. On pourrait citer des milliers de cas de citoyens confrontés au gaspillage. Habitués qu’ils sont par tant d’incompétence et de malhonnêteté, les grecs subissent souvent, en profitent parfois, mais n’en pensent pas moins.

A la limite, vous pourriez leur reprocher d’avoir continué à voter pour les mêmes partis, en alternant entre les socialistes du PASOK et les libéraux de la ND, et de ne pas avoir fait plus tôt le choix des extrêmes. Si cela était arrivé, je n’ose imaginer le concert de vos réactions, voir des sanctions qui se seraient abattus sur les grecs, que vous auriez tenus, là encore, pour des irresponsables.

Crise de confiance

Croyez-vous vraiment que les grecs soient aveugles au point de ne pas voir ce que l’on fait de l’argent public ? Il me semble évident que le problème de la rénovation du quartier de Halandri n’est pas dû au fait que les grecs n’aient pas payé leurs impôts. Ils les ont même payés deux fois, pour la même chose en trois ans. Et en plus ils en ont subi les dérangements.

Si cela ne vous convainc pas, dois-je parler de la gestion des installations olympiques qui ont tant coûté ? Est-ce que cela vous semble concevable qu’à peine cinq ans après les Jeux Olympiques, elles ne servent pratiquement à rien alors que deux des plus grands clubs de football d’Athènes, le Panathinaïkos et l’AEK, n’ont d’autres alternatives que de chercher à se construire un stade neuf ? Tout cela était-il si difficile à prévoir ? (Bien évidemment ces projets de stade ont été reportés à plus tard)

Plus grave encore, dois-je parler des incendies de 2007 dans lesquels ont péri plus de 60 personnes alors même que l’Etat fanfaronnait, depuis les J.O de 2004, qu’il était prêt à affronter les traditionnels incendies estivaux ? Comment oublier ces images qui ont fait le tour du monde, de pompiers en T-Shirt, même pas équipés d’un malheureux casque et qui s’acharnaient à éteindre des flammes de plusieurs mètres avec… des branches d’arbres !?

C’était ça le plan incendie ?

A peine trois ans après les Jeux Olympiques et les coûteux investissements en équipements de sécurité qui allaient avec, c’est Olympie elle- même, l’un des cœurs du patrimoine grec, site le plus olympique qui soit, qui était ravagée par les flammes !

Et si vous pensez, comme le laisse entendre certains hauts-responsables dans les chancelleries, que les grecs refusent de faire des sacrifices, vous vous trompez. Le taux de chômage est passé de 14% fin 2010 à 21% un an plus tard. 40% des moins de 26 ans sont sans emploi. Le salaire minimum a été abaissé de 22%, passant à 585€ bruts, alors que dans un supermarché ou dans une station-service les prix sont les mêmes qu’en France (pour un salaire minimum de 1400€ bruts). La classe moyenne a nettement réduit son train de vie mais continue malgré tout à s’endetter. Les pensions de retraites ont considérablement diminué, les durées de cotisation ont été allongées sur le modèle européen, le droit du travail totalement dérégulé, les conventions sociales renégociées branche par branche, et tout ça pour quoi ?

Pour que rien ne change et que tout continue comme avant !

Vous essayez d’expliquer au peuple grec, qu’en plus de tous ses efforts, il doit se sacrifier encore plus pour que les mêmes qui ont menti sur les comptes de la Grèce lors de l’adhésion à l’Euro, pour que les mêmes qui planifiaient les stades des Jeux Olympiques, les mêmes qui n’ont pas su protéger le pays des incendies pourtant récurrents, les mêmes qui n’ont pas été capable d’anticiper les canalisations d’eau dans les plans de rénovation de Halandri continuent à occuper les mêmes fonctions, les mêmes rôles, dans le même système ! Les mêmes qui, chacun à leur niveau, ont institutionnalisé le clientélisme et qui devraient continuer à percevoir l’argent durement gagné par les citoyens. Les mêmes qui délivraient des permis, soignaient ou remboursaient en priorité ceux qui se présentaient avec la fameuse petite enveloppe (fakellaki en grec). Comment voulez-vous que quelqu’un qui doit déjà glisser des pots-de-vin pour obtenir quelque chose de l’administration se sente redevable de l’impôt ?

Comment voulez-vous convaincre les grecs que leur salut passe par le fait de voter pour ces mêmes partis, ces mêmes hommes, ces mêmes tenants de ce système qui s’est tragiquement moqué d’eux ? Ne comprenez-vous donc pas que leur plus grande crainte n’est pas tant les mesures d’austérités, que la peur que rien ne change !

Mais c’est pourtant flagrant !

Des manifestations monstres comme on n’en a jamais vu, des émeutes violentes qui ont accaparé les médias en juin 2011, des immeubles incendiés, trois morts dans un incendie à coup de cocktail-molotov d’une agence bancaire en mai 2010, des hommes politiques qui ne peuvent plus se promener dans la rue sans être pris à partie, un bouleversement profond et sans précédent de la carte politique lors des dernières élections… Mais comment faîtes-vous pour ne pas vous en apercevoir ?

La peur du vide

Ce sont pourtant tous ces problèmes de fond qui devraient être sur la table lors de cette campagne électorale. Et au lieu de ça vous monopolisez le débat sur la mauvaise question. Pourtant ce sont ces problèmes que là que nous devons résoudre ! Pas seulement les grecs, mais nous tous les européens. Nous ! L’Europe !

Parce que si j’en crois vos différentes déclarations et vos différents articles, il semblerait que vous ayez bien intégré, Mr Schäuble y compris, qu’une sortie de la Grèce de l’Euro n’est dans l’intérêt de personne. Ce ne serait pas régler le problème que de fragiliser encore plus la structure financière de la monnaie unique. D’autant plus qu’après avoir encaissé le choc de la sortie de la Grèce, qui pourrait être assez violent pour certaines grandes banques françaises et allemandes, on risque sérieusement de se retrouver avec des jumeaux sur les bras : l’Espagne et l’Italie.

« Un tien vaut mieux que deux tu l’auras », dit le dicton français.

En ce qui concerne la Grèce, j’ai beau chercher, je ne trouve aucune raison d’être optimiste quant aux conséquences du fameux « grexit ». Les défauts structurels de l’économie grecque sont trop énormes pour que la politique monétaire puisse rééquilibrer l’économie par les taux de change. En général cette tactique est utilisée pour relancer les exportations et rééquilibrer la balance commerciale. C’est ce qu’a fait l’Argentine en 2002 notamment. Mais l’Argentine faisait partie des tous 1ers exportateurs mondiaux de viande et de soja. Malgré ça, l’Etat a été obligé de geler une partie des épargnes de ces citoyens pour contrôler l’inflation. Transposée à la Grèce, cette mesure pourrait s’avérer particulièrement douloureuse. Et de toute façon, comment voulez-vous relancer la compétitivité d’une industrie qui n’existe pas par un simple ajustement monétaire ? Pour exporter, il faut produire non ? Sur quel marché voulez-vous que la Grèce se présente dans son état actuel ? Qui viendra investir pour relancer la production dans un pays qui sera devenu totalement instable et qui trainera une réputation rédhibitoire ? 

Là encore on se retrouve dans l’impasse. Alors je vous pose encore une autre question puisqu’apparemment c’est le seul sujet qui vous intéresse : qu’est-ce qui vous fait croire que la Grèce va prendre le risque d’un tel saut dans le vide ? Ne voyez-vous pas là l’incongruité de votre fameuse thématique qui claque en Une de tous les journaux « La Grèce doit-elle sortir de l’Euro ? »

A part si vous tablez sur un coup de folie, je crois que vous faîtes fausse route. A moins que vous n’espériez pousser les grecs à bout… A entendre certaines déclarations et à lire certains articles, on a parfois l’impression que c’est ce que vous recherchez. Dans ce cas-là assumez vos responsabilités et dîtes le clairement plutôt que de les presser inutilement comme des citrons.

En agissant comme vous le faites, vous privez les grecs du débat essentiel qui leur permettrait d’aller de l’avant et de réinventer ce système de confiance.

Comment se fait-il que des gens aussi brillants que vous, ne comprennent pas que rien ne sera possible tant que cette confiance ne sera pas rétablie ? Que c’est seulement ainsi, sauf à utiliser des méthodes de contrainte plus proches d’une dictature que d’une démocratie, que vous pourrez relancer la machine, convaincre les gens qu’il est dans leur intérêt de payer leurs impôts, et par la suite réduire les déficits. Vous restez là, suspendus et tremblants devant le verdict des urnes, menaçants comme des loups acculés comme si le 17 juin était une date fatidique. Vu comment vous vous y prenez, vous espérez un dénouement qui n’arrivera pas, et dont vous-même vous doutez. Ce n’est pas par la menace qu’on rétablit une relation de confiance. Et ce n’est pas en alimentant la défiance envers un système politique qu’on reconstruit une société démocratique.

Votre comportement est d’autant plus schizophrénique que vous-même n’avez pas confiance en ce système. Sinon pour quelle raison auriez-vous mis les comptes de la Grèce sous tutelle ?

Rendez-vous manqué

Vous ne voyez pas que votre manque de vision à long terme de la gouvernance européenne nous conduit tous dans l’impasse. Vous avez refusé de conférer aux négociations la légitimité populaire, en vous opposant à tout référendum sur la question. Vous avez même provoqué la chute de l’ex-1erMinistre grec (élu, contrairement à son successeur), George Papandréou, lorsqu’il a eu l’audace de vouloir s’adresser au peuple. Et maintenant vous vous étonnez que la légitimité des négociateurs soit contestée.

J’ai décidemment bien du mal à croire que ce soit le bon sens qui vous guide. Le « bon père de famille » d’Adam Smith est-il vraiment aussi rationnel que vous le prétendez ?

Cette situation me rend d’autant plus amer que non seulement vous êtes en train de passer à côté des véritables enjeux, mais qu’en plus, en faussant le débat, vous prenez le risque de priver l’Europe d’un formidable défi : réinventer la République moderne.

La République des nouvelles technologies, la République de la société en mouvement, ouverte, dynamique, avant-gardiste sur les questions d’environnement, surpassant les vieux concepts nationalistes sans pour autant s’éloigner de ses citoyens.

En clair, alors que vous espérez sauver l’Europe, vous êtes en train de passer à côté.

Quel laboratoire plus formidable que la Grèce pour réinventer l’Etat démocratique ? Comment pouvez-vous ne pas voir la force du symbole ? La Grèce, pays de Platon auteur de « La République », de Socrate, de Périclès. La Grèce, initiatrice d’un système qui donne le pouvoir à ses forces vives, qui réinventerait le modèle qui tout en respectant son héritage, notre héritage à tous, l’adapterait pour que citoyens et exigences du marché s’entendent et se complètent.

Vous ne devriez pas négliger la force d’un tel renouvellement à l’heure où la plupart des démocraties européennes sont confrontées à la montée des extrêmes-droites et à la résurgence des nationalismes. C’est l’Union Européenne toute entière qui est sous la menace. Et l’émergence de nouveaux mouvements alter-démocratiques tels que les « indignés », le parti pirate en Allemagne, voir même les anonymous, devrait vous interpeller. Et Le Printemps Arabe a montré au monde entier que les nouvelles technologies sont des outils que les peuples savent mettre à profit pour parvenir à leurs fins.

Malgré tout, vous avez là une opportunité de vous tourner vers l’avenir. Mais vous refusez de la voir.

Il ne faut pas être grand clerc pour voir que nous disposons aujourd’hui d’outils de communication fantastiques, qui avec un peu de volontarisme et d’imagination pourraient permettre d’établir un dialogue beaucoup plus direct entre les citoyens et les gouvernants. Ces mêmes outils qui, bien gérés, pourraient être les vecteurs de la transparence. Et il n’y a pas besoin d’être un grand philosophe pour comprendre que dialogue et transparence sont les deux bases de la confiance.

Mais comment relever ce défi puisque le plan d’austérité, dans sa conception actuelle, empêche toute réforme en ce sens ? Comment même lui donner la moindre chance de réussite lorsque vous vampirisez le débat électoral au point d’empêcher que les questions les plus importantes ne soient abordées ? Ne comprenez-vous pas, Mme Merkel, que l’attitude et la politique que vous mettez en place sont aujourd’hui le principal frein à toute reconstruction de la société grecque ? Et donc qu’en agissant ainsi vous vous privez de toute possibilité de régler le problème auquel vous êtes confrontée ? Ce type de dépenses pourrait s’avérer bien moins coûteux et surtout bien plus rentable que les 400 milliards d’Euros engloutis dans un plan de sauvetage aussi hasardeux que la manière avec laquelle il a été mené.

Le pouvoir de blocage

Le mal est profond à un point tel que vos mesures que vous croyez réformatrices, n’ont pas d’autres forces que celles de l’immobilisme. Pourtant c’est d’un grand bouleversement dont a besoin et que veut la société grecque ! Ne voyez-vous pas que ce sont là des étapes inéluctables si nous voulons avoir une chance de redresser l’Europe ?

Il ne tient qu’à vous de contribuer à rendre ces changements salutaires. Ce serait une chance énorme pour la Grèce de vous avoir pour partenaires dans un tel contexte, vous qui permettriez une transition la plus sereine possible, grâce à l’appui de l’Europe. Le défi que nous devons relever n’est pas simplement de sauver un ensemble monétaire, mais tout autant de se montrer à la hauteur d’un principe fondamental de l’Union : être les garants de la démocratie. Ce serait un argument à n’en pas douter décisif pour convaincre vos peuples du bien-fondé de l’Union. Et pour ça, la meilleure chose que vous puissiez faire serait d’offrir aux citoyens grecs cette chance de se sentir sincèrement redevables de les avoir soutenus dans un projet d’avenir, qui ne serait rien de moins que le contrat social qui fait tant défaut à ce pays. Ce serait le signe d’une Europe solide, attachée à ces valeurs et porteuse d’un projet d’avenir.

J’ai le sentiment assez net que très peu de dirigeants européens ont saisi l’importance de l’enjeu, obnubilés qu’ils sont par les données comptables. Il est temps de prendre pleinement conscience des contradictions et des impasses que génère cette intrusion dans le débat électoral. Au lieu de mettre une telle pression sur les citoyens, qui ne fait qu’aggraver les clivages entre les grecs et les autres européens, entre les grecs et l’administration et au sein du peuple lui-même, il est temps de mettre sur la table une vision d’avenir pour la Grèce dans l’Europe, les deux étant désormais inextricablement liées. L’Histoire de l’Allemagne a montré en 1933 ce que peut donner le cocktail inflation/humiliation. A mon avis, le sens des responsabilités impose de ne pas jouer à ce jeu-là, surtout au moment où des nazis ont fracassé les portes du Parlement.

Le problème grec n’est pas irrémédiable. Mais les solutions satisfaisantes ne pourront surgir que d’un débat serein qui vous permettra d’identifier les bons interlocuteurs, ceux avec qui vous pourrez légitimement négocier. Ces négociations finiront par devenir inévitable. Si le Pasok et la ND ne peuvent gouverner après les prochaines élections, et si le nouveau gouvernement refuse de sortir de l’euro, vous n’aurez pas d’autre choix. A moins que vous ne préfériez qu’un nouveau blocage se remette à faire tanguer de plus-en-plus dangereusement l’Italie, l’Espagne et l’Irlande entre autre, et créer ainsi une spirale qui mettrait en danger toutes les économies européennes... Quand bien même le PASOK et la ND l’emporteraient, vous n’aurez réussi qu’à reporter à plus tard un problème qui ne souffre plus d'aucun délai. 

Il est grand temps d’arrêter de faire souffler ce vent de panique qui nous dessert tous, que l’on soit grec ou ressortissant d’un autre pays membre de l’Union. Il est urgent que vous preniez conscience que vous ne devez exclure de ce projet aucun peuple, et mieux même, que vous n’avez pas d’autre choix que de les associer à ce projet. Si vous refusez, vous serez inexorablement confrontés à des blocages.

La démocratie ne se négocie pas.

C'est ça, le message principal que vous ont envoyé les citoyens grecs le 6 mai dernier. Vous y avez vu une menace pour votre mémorandum, moi j’y ai entendu le cri d’un peuple qui n’en peut plus d’être gouverné de cette manière. Et pour lequel le point de non-retour est atteint. Les grecs ne sont pas aussi bêtes que certains veulent nous le faire croire. Soyez certain qu’ils ont mieux compris que quiconque que la situation implique des sacrifices. Ils subissent suffisamment violemment les effets de la contraction économique pour voir que le redressement implique de gros efforts. Ils voient bien qu’ils vont devoir faire face à l’appauvrissement de leur situation puisqu’ils doivent affronter un quotidien nettement plus compliqué. Mais que les coupables de cette gabegie soient toujours là, toujours habilités à prendre des décisions en leur nom et qu’en plus vous les souteniez, ça ne passe pas. Ca ne peut pas passer. C’est une simple question de bon sens. C’est donc à lui, à ce fameux bon sens que j’en appelle lorsque je m’adresse à vous, dans l’espoir que vous vous rendrez compte assez tôt, que le cas de la Grèce est l’illustration que dans une démocratie, aller à la confrontation avec un peuple n’est pas une manière de efficace de gouverner. Et même au-delà de ça, il est de votre responsabilité d’imposer que les valeurs fondamentales de l’Union soient au centre de l’action européenne. Ce n’est qu’ainsi que l’Europe pourra dépasser le simple stade d’union économique et acquérir la solidité qui fait la force d’une civilisation.

Stélios Haratsis


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7 réactions à cet article    


  • alinea Alinea 7 juin 2012 14:18

    Merci de ce magnifique message ; pour ma part, je vous crois bien naïf de prendre les néo-libéraux pour des gens intelligents ! L’ Europe s’est construite comme un empire voulu par les libéraux. La seule chose que j’espère c’est que les grecs auront la bonne idée de voter Tsipras. Cela ne voudra pas dire qu’ils seront au bout de leurs peines dans l’instant, mais cela bouleversera la donne et tous les autres peuples pourront, en leur temps d’élections, en faire autant. Je ne connais pas assez le problème pour imaginer une solution idéale mais ce qui est sûr, c’est qu’il ne faut pas continuer comme ça. Tous les peuples de la Méditerranée sont des grecs en puissance pour Merkel and co.
    Vive la Grèce belle et démocratique et que les grecs se préservent du tourisme qui a ravagé leur belle et ancestrale culture en la vendant comme une vulgaire marchandise.
    Ensemble, nous y arriverons.


    • easy easy 7 juin 2012 15:39

      Vibrant.
      J’apprécie.

      Je ne suis pas Grec.
      Je m’offre à la porosité, à la compréhension sur ce sujet qui m’afflige et pour lequel je n’ai pas de certitudes.

      Ce drame me fait penser à la sortie de la colonisation.
      La sortie de la colonisation, même celle qui avait été très formalisée, l’évacuation de l’Indochine en 1954 suite à une défaite irréfragable, avait fait surgir des réactions paradoxales. Certes il y avait des ex colonisés qui étaient ivres de joie (sur le coup en tous cas) mais il y en avait aussi énormément qui pleuraient en « Quoi ? Vous partez ? Vous nous abandonnez ? »

      Et la France défaite de leur répondre « Certes, nous partons, m’enfin c’est vous qui l’avez voulu »

      Jeu de la patate chaude, du renvoi des responsabilités. 



      Toutes les histoires dans le genre démontrent qu’il y avait matière à réfléchir à une nouvelle sorte de responsabilité.
      Nouvelle responsabilité qu’avait formulée Saint Exupéry « On est responsable à tout jamais de ce qu’on a apprivoisé ». Mais il ne l’avait pas explicitée


      Prenons un groupe de joueurs au casino. Ils ont l’habitude de jouer gros. Un d’eux est régulièrement accompagné par un ami bien trop pauvre pour jouer de telles sommes et qui se contente de regarder (A part ça il est content de sa vie modeste)
      Mais pris par je ne sais quel élan prométhéen, l’ami riche insiste pour que son ami pauvre ose participer au jeu « T’inquiète pas, tout va bien se passer. Je te conseillerai »

      Et voilà le pauvre qui joue à cette grosse table. Il pète de trouille mais il est fier de faire partie de ce groupe.

      Il perd

      Il se serait bien retiré aussitôt mais son ami (qui se sent fautif et qui cherche à se voiler la face) insiste encore. « Mais non, garde ton sang froid. Tiens, je t’avance de l’argent. Ca ira mieux, tu verras »

      Ce tissage d’une toile d’aliénations (réciproques, faut pas croire) ne permet pas au pauvre de se retirer. Et il se ruine.

      Ensuite ?
      C’est là que devrait intervenir l’assertion de Saint Exupéry.
      C’est là que l’ami riche devrait prendre ses responsabilités d’apprivoiseur et nourrir à vie celui qu’il a rendu dépendant.

      Les pionniers américains avaient repoussé, exterminés ou parqués les natifs mais n’avaient pas eu l’idée de les convertir culturellement. Ces pionniers ne voulaient conquérir que des terres.
       
      Différemment, les hussards de Ferry voulaient conquérir les esprits. Dans nos colonies, les indigènes (sans majuscule, c’est pas la peine) étaient obligés de renoncer à la langue originelle et apprenaient que leurs ancêtres étaient des Gaulois. Tous les convertis ou francisés ont forcément et progressivement aimé la culture française, les manières, les modes, la littérature.
      Lors de la décolonisation, ces apprivoisés se sont retrouvés cocus. (et quelques fois massacrés par les nationalistes ou indépendantistes)
      C’est cela qui a produit le phénomène boat people.

      En prenant des risques extrêmes, certains des apprivoisés ont atteint les rivages de la France et ils ont été souvent admis à bord. Idem avec les EU quand les Viets ont pu s’installer à San Diego.
      Mais il leur fallait risquer leur vie pour se faire accepter à bord du Navire mère.
      Que de douleurs !

      (je suis autant d’un pays très pauvre que d’un pays très riche alors je ne fais mon assise ni du développement ni du primitif. On peut me traiter de l’un ou de l’autre, ça m’indiffère) 


      Concernant la Grèce
      Il se pourrait que dans les premiers temps de l’Europe, la Grèce ait été invitée, fortement invitée, à participer à la réunion. Ces Monnetistes qui rêvaient probablement de constituer une belle carte européenne toute d’une seule couleur, sans allure mitée, avec une seule frontière périphérique tout au loin, au plus loin possible, avaient probablement insisté auprès des Grecs en exposant des arguments de légitimité historiques et géographiques, en éludant alors les incompatiblités techniques, économiques ou culturelles éventuelles. 
      Il est certain qu’il devait exister des points noirs mais je ne me souviens pas en avoir entendu parler. 

      La Grèce se serait donc retrouvée embarquée, avec plaisir et fierté, dans un jeu où les mises étaient trop grosses pour elle. 
      Quand je dis que la Grèce n’était probablement pas de taille, je le dis sans jugement de valeur. Je ne suis pas de ceux qui méprisent les petits, les simples et les ignares.

      Il faut sortir des complexes soit de supériorité soit d’infériorité pour convenir sans honte ni arrogance, sans aucun complexe donc, qu’il y a des parties où seuls les gros joueurs devraient participer. Les autres devant rester en retrait prudent. 

      C’est sans complexe que les Grecs devraient (si c’est bien le cas) admettre que la partie avait été trop grosse pour eux. Ils devraient s’en prendre d’une part à leur prétentions d’alors, à leur manque de raison ou modestie d’alors et s’en prendre également à ceux des Européens riches et puissants qui les avaient poussés ou encouragés à participer à un jeu aussi pointu. 

      Dans le cas de la colonisation, les indigènes n’avaient vraiment pas le choix. Ils ont été absolument contraints de jouer le jeu du puissant envahisseur.
      Dans le cas de la participation de la Grèce à l’Europe, les Grecs n’étaient pas obligés. Ils se sont retrouvés en Pinocchio séduit par le Chat et le Renard. Pinocchio était certes libre de refuser le jeu mais, c’est le propre de la manipulation et de la séduction qui sait éveiller la cupidité d’une cible pour en tirer profit, il n’a pas pu résister à la tentation de la richesse. 

      Les Madoff font de même. Ils visent pourtant des gens fortunés et avertis. Mais ils parviennent à exciter la cupidité à un tel point que la vigilance de leurs cibles diminue et elles se font rouler dans la farine. Comment les victimes des Madoff peuvent-elles se plaindre ? Tout le monde leur rira au nez en les renvoyant à leur cupidité. Ils ne leur reste donc plus qu’à assumer leur ruine.


      Je peux me tromper concernant le dosage mais il s’était forcément passé quelque chose dans ce genre lors de l’entrée de la Grèce.


      Maintenant que les jeux sont faits, qu’on ne peut plus rien cacher du dessous des cartes et que la Grèce se retrouve ruinée en termes de crédibilité, invoquer la responsabilité de ceux qui l’ont apprivoisée n’est possible que dans une certaine mesure puisque la Grèce se prétendait adulte, savait philosopher et réfléchir, puisqu’elle se disait consentante, ajoutons éclairée pour faire bonne mesure.

      Il y aurait à dire sur « éclairée » Beaucoup à dire. 
      Et à redire aussi. Car même parmi les gros joueurs, lequel savait d’avance ce qui pouvait se produire de désastreux ? Qui s’était douté qu’un membre pouvait faire faillite ? Qui pouvait prédire des taux d’emprunt aussi élevés et une croissance aussi faible ?

      Au fond, aucun des joueurs ne peut être considéré comme ayant été à l’époque, très parfaitement éclairé et conscient des risques.

      N’empêche qu’en tenant compte du meilleur partage possible des responsabilités, le principe de la responsabilité des apprivoiseurs-séducteurs doit être évoqué. 

      Ce qui veut dire que si honte il devait y avoir, elle devrait être partagée par tous les joueurs.
      Si ruine il y a, elle devrait être partagée par tous les joueurs.

      Les autres joueurs ne peuvent pas se débarrasser de leur responsabilité en disant Grexit 

      Mais je serais Grec, je le dirais ce mot. 
      Je ne serais pas du tout malheureux de revenir aux chèvres et aux olives. 
      Après une telle expérience, les miroirs aux alouettes me laisseraient froid et je préférerais ma petite misère bien comprise.


      Hélas, vous l’affirmez, bien des Grecs refusent un retour au pastoral. Ils refusent de renoncer au rêve de villas avec piscine. Ils refusent de ne plus pouvoir rouler en voiture et de devoir se contenter d’ânes ou de bicyclettes. Ils refusent que leurs enfants ne puissent aspirer à une belle réussite. Ils refusent un enseignement de misère et un isolement des progrès technologiques. 
      Et ils seraient donc susceptibles de se laisser tenter par des illusionnistes extrémistes. 

      Ouille !
      Car en ce cas, même moi qui apprécie la misère matérielle, je fuirais le coin.



      Si ce risque existe vraiment et vous semblez en livrer la preuve (il serait abusif d’agiter le spectre de l’extrémisme pour faire peur), alors l’Europe ne doit pas laisser tomber la Grèce. Ca vaut le coup de faire un effort collectif pour effacer l’ardoise grecque afin qu’elle reste démocratique. 

      Mais quid de l’après ? 

      Même ardoise partagée entre les joueurs, que va devenir la Grèce dans un jeu où ce sont les plus prométhéens, ceux qui inventent des concepts et formules, ceux qui déposent des brevets, qui s’en sortent le mieux (dans les régions sans ressources naturelles abondantes) ? 

      Peut-être faut-il deux sortes de périmètres à l’Europe. Un premier qui serait géopolitique et où même les pays les plus arriérés (chez moi ce n’est pas péjoratif et je ne m’embarasse pas de guillemets) pourraient entrer. Un second qui serait économique et monétaire où seuls les plus prométhéens pourraient jouer.


      Enfin, sur ce sujet, ce qui stérilise les débats ce sont les réactions en « Que vous êtes méprisants ou arrogants ! » quand elles en restent là, quand elles ne démontrent pas qu’au contraire, la Grèce est performante au sens où l’entendent les marchés des capitaux. 

      S’il n’est pas possible de dire les faiblesses structurelles de la Grèce (qui existaient il y a 30 ans et qu’il aurait fallu considérer en premier rang, non en dernier) parce qu’en les exposant on se fait traiter de prétentieux, sans se voir opposer des contre arguments prouvant que la Grèce est aussi forte que les autres joueurs, alors on ne peut pas en débattre. 

      Et c’est bien ce qui est en train de se produire. 

      Par exemple, le fait que Christine Lagarde rappelle aux Grecs -en lettre ouverte- qu’ils doivent commencer par payer leurs impôts, est effectivement inutile, humiliant et elle n’avait pas à dire ça. Mais pour autant, se servir de cette bêtise pour interdire ou castrer toute assertion établissant que la Grèce n’avait pas à jouer à une telle table, empêche définitivement d’entreprendre une analyse sérieuse des causes et effets.

      Ou alors, il faudrait utiliser des formules tellements euphémisées ou alambiquées que personne ne verra la moindre pertinence à une telle étude.
      Il faut pourtant bien en faire une d’étude sur cette catastrophe.
      Il faut pourtant bien qu’on sache ce qui a foiré dans cette association.
      Car d’autres catastrophes peuvent survenir qui pourraient être évitées si on savait quoi vérifier ou mesurer.


      Il faudrait qu’on puisse débattre des systèmes économico-financiers et des différences entre les pays sans que les esprits soient d’abord hystérisés sur des questions d’amour propre ou de fierté.


      « Quoi ? Parce qu’on dépose moins de brevets que vous, vous nous prenez pour des idiots, des incapables, des insolvables ? » 

      Si ça ce n’est pas de la panaroïa, ça y ressemble déjà trop pour discuter librement. 


      • tf1Goupie 7 juin 2012 18:05

        On comprend les difficultés que vous exposez ici longuement.

        Mais si vous dites que les Grecs n’ont pas confiance dans leur propre administration, comment voulez-vous que les autres pays de l’UE aient confiance dans la Grèce ?

        Si les Grecs ne font pas le ménage chez eux, entrainant alors les autres pays de la zone Euro dans la tourmente, cela vous surprend-il que les pays auxquels la Grèce à décider de se lier soient fortement désappointés ?


        • Stelako 7 juin 2012 18:22

          C’est justement la question à laquelle j’essaie de répondre. Soit je n’ai pas été assez clair, dans ce cas là je m’en excuse, soit vous avez juste survolé le texte. La politique actuelle de l’Europe empêche de faire le ménage puisqu’elle appuie les partis qui ont conduits la Grèce dans le mur. Or les grecs aimeraient bien faire le ménage, mais si ils le font, vous les menacez de sortir de l’Euro. C’est un non sens.


          • alinea Alinea 7 juin 2012 19:50

            Vous ne dites pas si vous, vous voteriez Siriza ; bon sang, vous êtes au fond du trou, il faut en sortir : foncez ! Si la vie matérielle n’en est pas meilleure immédiatement, au moins vous serez libres ! Voter pour les mêmes : c’est une impasse de toutes façons. L’ Europe, l’ Europe, oui, mais surtout le libéralisme, la mondialisation !


          • Stelako 8 juin 2012 01:15

            J’estimais ne pas avoir à prendre position sur ce plan dans ce texte là. Je m’adresse ici aux gens qui ne connaissent pas la réalité de la société grecque parce que je la trouve particulièrement mal retransmise dans les médias. Ce n’est donc pas aux grecs que je m’adresse et dès lors ça ne me semblait pas utile d’appeler des gens à voter pour un parti, dès lors qu’ils ne participerent pas à ces élections. L’objectif était autre, mais il est évident que les grecs doivent assumer leur indépendance et profiter de l’opportunité pour mettre un frein à cette fuite en avant néo-libérale.


          • lloreen 8 juin 2012 09:33

            Pour (re)prendre votre vie en mains et vous débarrasser de vos chaînes, je vous invite à lire la Charte du Monde Libre et à la faire connaître autour de vous.

            http://www.freeworldcharter.org/fr/charter

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