Marine Le Pen ou la déchéance de personnalité
Sous les airs graves de circonstance et de composition, l’attentat terroriste de Trèbes tombe à point nommé :
enfin de la matière pour attaquer « l’usurpateur laxiste » sur la sécurité, le point fort que la Droite la plus bête du monde s’est auto attribué depuis 2002.
Et l’opposition de re-présenter, comme si de rien n’était, son catalogue de mesures sécuritaires :
Pour les « fichés S », selon qu’ils soient étrangers, binationaux, ou uniquement Français, l’expulsion, la déchéance, l’internement préventif - en Guyane, au Kerguelen, en Terre Adélie ou que sais-je encore.
Pour « Les Revenants djihadistes », pas de retour.
Pour les mosquées salafistes, dont elle semble tenir la liste à jour tous les matins, la fermeture.
Pour l’UOIF, la prohibition.
Pour les frontières, la fermeté.
Etc etc etc.
Mon propos n’est pas d’analyser dans le détail l’inventaire des VRP de la Droite, qui finissent toujours plus ou moins par expliquer qu’il conviendrait d’interdire la méchanceté. La question est soigneusement pensée pour être sans issue, comme l’a annoncé Marion Maréchal Le Pen, lors de son « Grand oral » devant les conservateurs états-uniens, aux airs de « Dîner de Con »
« le terrorisme n’est que la face cachée de l’iceberg mondialiste qui transforme la Fille aînée de l’Église en petite nièce de l’Islam ».
Autrement dit, la croisade interne contre l’Islam durera d’autant plus longtemps que, très « spirituelle » (ne riez pas !), elle se situe clairement au-delà du réel, avec un objectif aussi insaisissable que l’horizon qui recule plus on s’en approche.
Lors de son interview par Jean-Jacques Bourdin le 26/03 dernier, Marine Le Pen a toutefois poussé le bouchon encore un peu plus loin, sans crainte du ridicule :
Ministre de l’Intérieur, et donc responsable de la sécurité des Français, Gérard Collomb, qui a reconnu que ses services n’avaient pas anticipé le passage à l’acte du terroriste, « doit démissionner ».
Cette « exigence » (ne riez toujours pas !), quoique tout à fait dérisoire par rapport à la violence islamiste, est révélatrice d’une grave duplicité.
Rappelons donc à Marine Le Pen qu’une élection présidentielle s’est tenue l’année dernière. Elle n’a pas été élue, et a même été clairement battue.
Va-t-elle, avec ses petits camarades, nous « refaire le match » pendant 5 ans (4 ans maintenant) ?
Et puisqu’elle veut mettre en jeu « la responsabilité » du Ministre... Faut-il lui rappeler que, dans un accès de franchise dont on ne peut que la féliciter, elle a expliqué benoîtement avoir « jugé plus efficace de dénoncer la politique d'Emmanuel Macron [que de] présenter [son] projet aux Français » lors du fameux « débat raté » de l’entre deux tours de la présidentielle de 2017 ?
Peut-on vraiment incriminer les circonstances ou une « erreur tactique » à ce niveau ? Une erreur tactique qui dit en fait clairement que, depuis le début, et mis à part les difficultés évidentes qu’elle pourrait rencontrer pour recueillir « 50 % des voix plus une », il semble qu’elle n’ait pas envisagé sérieusement une seule seconde la possibilité d’être élue. On peut presque imaginer l’angoisse qui a dû la saisir entre les deux tours : « Oh les c..s, si ça se trouve, ils vont m’élire présidente ! ».
Si le but était de ne surtout pas être élue, bien loin d’être raté, le débat a au contraire été un énorme succès.
Voir donc l’ancienne candidate qui a ouvertement flanché face aux responsabilités « exiger » la démission des responsables et leur demander carrément de mettre en œuvre, à sa place, ce qu’elle préconise, ne manque pas de sel.
Un tel épisode tragi-comique a d’ailleurs déjà eu lieu sous le quinquennat précédent lorsque, aux lendemains des attentats de novembre 2015, un François Hollande en quête d’unité nationale a repris mollement la proposition de déchéance de nationalité pour les terroristes, mantra de la Droite sécuritaire, l’air de dire : « Après tout, s’il n’y a que ça pour leur faire plaisir... ».
Avant d’abandonner totalement l’idée après quelques mois de pantalonnade au sommet de l’État. On se souvient dans ce contexte, d'un Florian Philippot, interrogé sur la faisabilité de cette mesure, répondant hilare que « c’est [au gouvernement] de nous le dire ».
Si le programme de Marine Le Pen lui était si cher, et la sécurité des Français si importante pour elle, que n’a-t-elle cherché à mieux les convaincre lorsqu’il en était temps ?
À défaut d’être élue, ce qui était effectivement peu probable, du moins prendre date pour l’avenir.
Face à ces objections la Droite la plus bête du monde, qui sait parfaitement ouvrir les parapluies pour se couvrir, a trouvé la parade depuis le début :
« si notre expression n’a pas été entendue, c’est la faute aux médias qui ont outrageusement déformé nos messages et favorisé celui qu’il faut bien appeler l’usurpateur du trône ». L’argument du camp de François Fillon a été repris instantanément par les amis de Marine Le Pen dans un mimétime remarquable.
On ne leur rappellera pas que le candidat Fillon s’est largement enfermé tout seul avec (au choix), un programme économique punitif, sa promesse de se retirer en cas de mise en examen, par laquelle il a lié lui-même sa légitimité à une éventuelle procédure judiciaire, etc...
Ou que ce handicap est en réalité inhérent à celui qui veut vraiment changer, alors que Macron, fort habilement, était le candidat conservateur du changement dans la continuité, celui qui va "tout changer pour que rien ne change".
Post scriptum : Comme si cette comédie n’était pas suffisamment déplacée, Marine Le Pen n’a pas hésité, à 15 minutes, à se mettre en scène seule "résistante" (on ne rit toujours pas !) devant la lâcheté de la diplomatie française, prompte à condamner l’empoisonnement (supposé) de l’ancien espion russe en Grande Bretagne, et à fermer les yeux devant l’offensive turque d’Afrin.
Comme autrefois les staliniens du PCF défendant le pacte germano-soviétique du jour au lendemain, après des années de « Front anti fasciste », elle aussi n’a « pas eu un mot » lorsque Jean-Jacques Bourdin lui a fait remarquer perfidement que cette opération militaire se faisait avec le soutien russe.
Marine Le Pen, qui veut tant « déchoir », s’est-elle aperçue qu’elle est déjà morte politiquement, comme ces astres éteints qui brillent encore quand on les regarde de suffisamment loin ?
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