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Merci, pour la Commission !

La composition de la Commission européenne (CE), mise en place sous la présidence de Jean-Claude Juncker, pour les années 2014-2019, est maintenant connue. Les péripéties, depuis la campagne électorale des européennes, ont montré que les principes ne sont pas toujours respectés ni par le Parlement européen (PE), ni par les gouvernements de façon plus ou moins publique.
L'audition par le PE des commissaires nommés a permis de mettre en évidence des incompétences et des conflits d'intérêt qui n'ont pas empêché des prises de fonction discutables.
De même, si l’organigramme de la CE a été conçu pour éviter les incohérences trop voyantes de l'équipe des commissaires, rien n'a percé sur les futures initiatives...

Selon les textes, le Conseil européen, les 28 chefs d’État ou de gouvernement de l'Union européenne (UE), proposent un candidat à la présidence de la Commission, en tenant compte du résultat des élections européennes, et le Parlement doit voter pour accepter ou refuser cette nomination.
Chaque État désigne ensuite un commissaire. Le président élu, sans interférence des États, constitue son équipe en attribuant des fonctions à chacun des 27 commissaires.
Enfin, après avoir réalisé l'audition de chacun des commissaires pour examiner son aptitude aux fonctions qu'il devra assumer, le PE doit accepter ou refuser, en bloc, par un seul vote, l'ensemble de la commission telle que présentée par le président.

 

Cette procédure théorique a subi quelques accrocs.

Lors de la préparation des élections européennes, Martin Schulz, député allemand du PSE (Parti socialiste européen), président du PE, propose que le président de la CE soit le candidat présenté par le parti européen arrivé en tête aux élections. C'est une façon de tenir compte du résultat de ces élections, entirant un peu le texte vers plus de démocratie. En votant pour un parti européen, les citoyens de l'UE, élisent ainsi le président de la CE. Peu à peu, les gouvernements de l'UE se rallient à cette idée, avec quelques réticences mais seuls le Britannique David Cameron et le Hongrois Viktor Orban maintiennent leur opposition jusqu'au bout. Du coté des partis européens, le Parti populaire européen (PPE) est le dernier à désigner son candidat, Jean-Claude Juncker, au poste de président de la CE en cas de victoire électorale.

Angela Merkel, d'abord opposée à la procédure qui diminue le pouvoir du Conseil européen (et donc la gouvernance intergouvernementale) et au candidat, a dû céder sous la pression de l'évidence démocratique et de ses troupes de la CDU (parti démocrate chrétien allemand).

Par un double paradoxe, c'est finalement, Jean-Claude Juncker, non candidat aux élections européennes et présenté par le PPE, parti le plus réticent à la procédure, qui a été proposé par le PE, accepté par le Conseil européen et finalement élu au poste de président de la CE.
La procédure a donc été inversée : c'est le PE et, de façon indirecte, les électeurs européens qui ont choisi et élu le président de la CE.

 

Le président élu de la Commission a, ensuite, constitué son équipe en attribuant des fonctions à chacun des commissaires nommés par les 27 États. Il n'a pas le choix des personnes de son équipe, seulement des fonctions qu'il leur attribue.

Pour mettre en place un collectif politique, donner de la cohérence à une équipe disparate (14 PPE, 8 PSE, 5 libéraux, 1 eurosceptiques), le président Juncker a donné une structure pyramidale à la CE en nommant 7 vice-présidents chargés de superviser un ou plusieurs commissaires.

 

Les chefs d’État ou de gouvernement n'ont pas leur mot à dire sur l'attribution des fonctions. Mais Matteo Renzi et François Hollande ont proclamé, haut et fort, les fonctions qu'ils voulaient voir attribuées, respectivement, à Federica Mogherini, ministre italienne des Affaires étrangères, et à Pierre Moscovici, ancien ministre français de l’Économie et des Finances, opportunément non reconduit dans cette fonction lors du dernier remaniement ministériel.

 

Federica Mogherini, nommée Vice-président Haut représentant pour les Affaires étrangères et la politique de sécurité, a montré ses compétences lors de son audition par le PE, malgré jeunesse et peu d'expérience qui lui étaient reprochées.

Pour Pierre Moscovici, les choses ont été plus compliquées. Nommé commissaire aux Affaires économiques et financières, Fiscalité et Union douanière, malgré Angela Merkel, ce ne sont pas ses compétences qui ont été mises en question par le PPE, les Libéraux, les non inscrits. Mais sa neutralité et sa capacité, en tant que commissaire, à faire respecter par la France une politique qu'il n'avait pas suivie quand il était ministre ! Pierre Moscovici s'est, bien sûr, engagé à respecter les règles, sans traitement de faveur pour la France..

A sa façon, le président de la CE avait circonscrit le risque et Pierre Moscovici, malgré l'importance de son poste, n'est pas vice-président et sera supervisé par deux vice-présidents acquis à la rigueur, comme le Letton Valdis Dombrowskis,vice-président chargé de l’Euro et du Dialogue social, qui a soumis son pays à de strictes et douloureuses réformes.

 

Pierre Moscovici n'est pas le seul commissaire nommé à contre emploi ou au risque de conflit d’intérêts, politiques dans son cas, contradiction entre ses anciennes et ses nouvelles fonctions.
Ainsi, Jean-Caude Juncker a confié l’Emploi, la Croissance, l’Investissement et la Compétitivité à Jyrki Katainen, ministre finlandais. Cet adepte de la rigueur sera chargé de mettre en œuvre le programme d’investissements de 300 milliards d’euros annoncé par le président Juncker.

 

L'audition des futurs commissaires permet de connaître le degré de compétence et les éventuels conflits d’intérêts des candidats. Transposée au niveau national, cette procédure aurait peut-être permis d'éviter certaines déconvenues récentes avec des ministres de la République. A condition qu'il soit tenu compte des faits révélés à l'occasion de ces auditions. Ce qui, malheureusement, n'a pas toujours été le cas au niveau de la CE.

 

Certains commissaires ont « passé leur examen » de façon satisfaisante : le premier vice-président, le socialiste néerlandais Frans Timmermans, appelé à remplacer le président Juncker en cas d'empêchement et à coordonner le travail de l'ensemble de l'équipe, la socialiste italienne Federica Mogherini qui va succéder à Catherine Ashton, la libérale danoise Margrethe Vestager, commissaire à la Concurrence,...

 

D'autres ont eu plus de difficultés soit avec des réponses qui montraient quelques défaillances dans leurs compétences, soit que leurs activités passées ou leurs intérêts soient peu compatibles avec leurs nouvelles fonctions...

Ce sont syrtout trois personnalittés qui ont posé problème

- Tibor Navracsics, l’ancien garde des Sceaux hongrois, qui a mis au pas la justice et les médias dans son pays, s'est vu attribuer l’Éducation et à la Culture et la Citoyenneté. Il a été refusé par la commission culture et éducation du PE car en tant que ministre de la Justice en Hongrie, il a contribué à l'instauration de lois considérées comme liberticides. La gauche du PE a seulement obtenu que la Citoyenneté soit retirée à ce proche de Viktor Orban.

- Jonathan Hill, eurosceptiquebritannique, a été nommé commissaire à la Stabilité financière, aux Services financiers et Union du marché des capitaux ! Cet ancien président de la chambre des Lords a étéfortement contesté en raison de son passé de lobbyiste et des soupçons de conflitsd’intérêts. Ce proche des milieux financiers britanniques a bénéficiéd'un fort soutien de David Cameron.

- Miguel Arias Cañete a été chargé de l’Énergie et du Climat alors que la gauche et les écologistes lui reprochent d'avoir des intérêts personnels (déclarés revendus) et familiaux dans l’industrie pétrolière. En tant que ministre espagnol de l’Agriculture et de l’Environnement, il s’est prononcé en faveur du gaz de schiste et a autorisé les forages en Méditerranée. Le Parti populaire européen (PPE) a fortement pesé en sa faveur. Il est cependant confié à l'attention de Frans Timmermans, premier vice-président de la CE.

 

Finalement, la seule véritable « victime » des ces auditions est la libérale slovène Alenka Bratusek, ancienne Premier ministre slovène, pressentie pour le poste de vice-présidente, chargée de l’Énergie. Elle s'était « autonommée » candidate de la Slovénie, avant de perdre les élections dans son pays mais n'a pas réussi son examen. Ses compétences techniques ont été prises en défaut lors de son audition mais, ce qui lui a coûté son siège, c'est aussi la faiblesse du soutien des Libéraux (et probablement du nouveau gouvernement slovène).Le gouvernement slovène a nommé Violeta Bulc pour la remplacer. Ce qui risque d'entraîner un retard dans la mise en place de la CE car la nouvele candidate doit se soumettre à une audition par le PE.

Je te tiens, tu me tiens par la barbichette...

Le PPE n'ayant obtenu qu'une majorité relative lors des élections, un pacte de non agression a été conclu avec le PSE. Lors des auditions, les candidats des deux partis aux postes de commissaire ont pu être soumis à la question, par écrit ou par oral, avec session de rattrapage..., il n'était pas question de refuser tel ou tel candidat... sans s'exposer à des mesures de rétorsion. C'est ainsi que, en échange de la confirmation de Pierre Moscovici, Miguel Arias Cañete, Tibor Navracsics et Jonathan Hill ont conservé leur poste alors que, dans d’autres circonstances, il leur aurait probablement été refusé. Cependant, le commissaire espagnol sera supervisé directement par le premier vice-président, Frans Timmermans, tandis que la Citoyenneté a été retirée des compétences du commissaire hongrois.

 

Cet accord de non-agression a neutralisé le processus démocratique des auditions. C'est d'autant plus regrettable qu'il était possible de demander aux gouvernements de remplacer les candidats incompétents ou soupçonnés de conflits d'intérêts en désignant des candidats au dessus de tout soupçon sans modifier l'équilibre politique. Mais il fallait aussi ménager les susceptibilités des gouvernements.
Quoi qu'il en soit, les commissaires vont prendre en charge leurs fonctions supervisés par des vice-présidents et sous l’œil averti des députés qui doivent, chaque année, leur donner un quitus sur leurs activités..
.


Les partis politiques avaient bien commencé en poussant un peu les institutions et les gouvernements vers plus de démocratie. Ils ont terminé en montrant ce qu'il y a de plus discutable dans une solidarité mal venue.

Reste à souhaiter que l'équipe mise en place par Jean-Claude Juncker, qui se dit social-chrétien mais qui a été de longues années Premier ministre de l'un des paradis fiscaux de l'UE, mettra en œuvre une politique économique, plus courageuse que celle de son prédécesseur,
politique attendue par les millions de chômeurs de l'UE.


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1 réactions à cet article    


  • ELCHETORIX 14 octobre 2014 18:54

    bonjour l’auteur
    Ces commissaires de l’ue me font penser aux commissaires politiques de l’ex-URSS !
     Nous sommes en UERSS , avec à Bruxelles un soviet non élu , cette ue est une dictature économique au service des oligarques européens , dictature vassale de la « dictature » us .
    Autrement dit , de cette Europe , personne parmi les « petits » peuples de cette europe n’en rêve ni n’en veut !
    RA .

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