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Accueil du site > Tribune Libre > Mont Beuvray, un oppidum où les Romains n’ont jamais mis les (...)

Mont Beuvray, un oppidum où les Romains n’ont jamais mis les pieds

Il fut un temps où nous, Bourguignons, étions très fiers de notre passé gaulois. Avec l'implantation récente du muséoparc d'Alésia, les archéologues sont arrivés à nous persuader "qu'heureusement Vercingétorix perdit sinon nous ne serions pas aujourd'hui ce que nous sommes". Disparues, les querelles gauloises interminables entre deux partis rivaux ! Bienvenue à la civilisation romaine et à son administration ! Contribuables désormais disciplinés, nous venons d'apprendre que nos élus ont accordé plus de 2 000 000 d'euros de subventions au musée archéologique européen du mont Beuvray pour une exposition à la gloire de la romanisation.

Le 16 mars 2013, lors de la réouverture de ce musée, on expliquera aux ignorants que nous sommes, "couche archéologique par couche archéologique, génération par génération", que c'est grâce à la romanisation qu'est né, au mont Beuvray, pour la première fois, un embryon de ville. http://www.bibracte.fr/fr/magazine/musee-en-chantier_01_03.html

Il s'agit là d'une thèse très surprenante. Dans sa description détaillée de l'Espagne, Strabon évoque pourtant des villes dont la fondation remonte aux Phéniciens tandis qu'en Gaule, César considérait Bourges comme une des plus belles villes, ou peu s'en faut, du pays. Ce n'est certainement pas le mont Beuvray qu'il faut choisir en exemple ; pour les Gaulois, c'était principalement une position militaire avec un casernement sommaire et quelques édifices religieux. Enfin, pour qu'il s'y trouve des traces de romanisation, encore faudrait-il que les Romains y aient mis les pieds. Je m'explique.

Napoléon III était pressé de terminer son ouvrage sur Jules César. Il lui manquait une pièce essentielle : l'emplacement de la capitale éduenne de Bibracte mentionnée par le général romain dans ses Commentaires. C'était l'époque où la société éduenne se déchirait entre une localisation à Autun ou au mont Beuvray. L'empereur opta pour le mont Beuvray. En 1984, les fouilles reprirent grâce à François Mitterrand. Le mont Beuvray sera alors proclamé site d’intérêt national et les fouilles seront subventionnées. Quatre ans plus tard y sera créé le centre archéologique européen : le musée en Saône-et-Loire, le centre de recherche dans la Nièvre (cf.wikipedia). Les fouilles seront alors européennes mais n'ont toujours pas apporté les preuves probantes que les archéologues attendaient. Ces archéologues en sont réduits à "un faisceau d'indices qui les amènent, selon eux, à une probabilité presque certaine". Comme preuve scientifique, avouez que cela fait un peu léger !

Et pourtant, dès l'époque de Napoléon III, des latinistes de la société éduenne avaient démontré que les textes interdisaient une telle localisation. Hélas, on ne tint pas compte de leurs avertissements. Il est vrai que leur localisation de Bibracte à Autun n'était guère plus crédible. http://www.mediterranee-antique.info/Auteurs/Fichiers/PQRS/Rossigneux/Bibracte/Bibracte.htm

Et pourtant, en mettant au jour, au mont Beuvray, des poteries boïennes, Joseph Déchelette aurait dû penser à l'oppidum de Gorgobina où César installa les Boïens après la fameuse bataille qu'il livra contre eux et les Helvètes ; et il aurait cherché Bibracte ailleurs. http://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/bibracte-la-decouverte-qui-tue-101713

Et pourtant, quand Strabon place Bibracte entre la Saône et le Dubis, il était tout de même assez facile de comprendre que le Dubis désignait à la fois le Doubs et la Dheune (Dubos > Dubina > Düenne > la Dheune : cf. Norbert Guinot, linguiste, "La bataille de Bibracte", page 93). Il fallait traduire, non pas "entre la Saône et le Doubs", mais "entre la Saône et la Dheune", ce qui excluait le mont Beuvray du territoire désigné. Erreur d'autant plus impardonnable que Strabon, dans sa vision de voyageur, dit la même chose pour les Ségusiaves. http://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/bibracte-au-mont-beuvray-une-104874

Loin de moi l'idée de dénigrer le mont Beuvray ! Pour un militaire possédant un minimum d'expérience et de sens du terrain, il saute aux yeux que c'était une position stratégique de premier ordre.

Cette position stratégique de premier ordre n'a pas échappé à l'oeil exercé d'Arioviste qui y a infiltré une troupe de 15 000 guerriers, d'où la première enceinte que les archéologues ont mise au jour. Lorsque l'armée gauloise, emmenée par les Eduens, a fait mouvement pour les attaquer, les Germains les ont devancés et les ont surpris alors qu'ils avaient dressé leurs camps à Mesvres, le Magobrium des chartes ; la logique de l'affrontement se devine sur le terrain comme le nez au milieu d'une figure. César a mentionné la bataille sous le nom de Admagetobriga. Il suffit de rajouter un g à Magobrium pour retrouver le Magobrigum originel, et le "ad", car l'usage était de dire qu'on allait à Magetobriga. La racine du mot étant, de toute évidence, le grand pont (de Mesvres).

Le mont Beuvray était une position stratégique. C'est bien pour cela qu'après leur défaite de Magetobriga, les Eduens ont fait appel aux Helvètes pour en déloger les Germains alliés aux Arvernes. Manifestement, les Helvètes se dirigeaient vers le mont pour le prendre d'assaut et s'y installer à la place des Germains, mais, cette fois, en alliés des Eduens. http://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/mais-ou-diable-la-bataille-des-66910

Mais lorsque César écrit que les Helvètes firent demi-tour, n'importe quel latiniste devrait comprendre qu'ayant modifié leur plan, ils tournaient désormais le dos au mont Beuvray. "Itinero converso" se traduit littéralement par "le cheminement ayant été inversé". Il faut vraiment ne rien s'y connaître en latin pour y voir un changement d'itinéraire, vers Montmort ou un autre lieu. Et si les Helvètes ont fait demi-tour, c'est pour s'en prendre à César qui n'arrêtait pas de les harceler sur leurs arrières. Poursuivi par les Helvètes, César écrit qu'il se dirigeait vers Bibracte, c'est-à-dire vers le Mont-Saint-Vincent. Comme l'a écrit Strabon, Bibracte - le Mont-Saint-Vincent - se trouve entre la Saône et la Dheune, à l'opposé du mont Beuvray.

Après avoir vaincu les Helvètes et les Boïens à Sanvignes, http://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/l-extraordinaire-bataille-des-125313 César a renvoyé les premiers en Helvétie mais il a passé un accord avec les Boïens. La suite des événements en révèle les termes. Les Boïens se sont emparés du mont Beuvray pendant que César est allé régler son compte à Arioviste dans la plaine d'Alsace. De toute évidence, la mission que César a donnée aux Boïens était de surveiller le pays éduen et, plus tard, de l'empêcher de se rallier à l'insurrection de Vercingétorix. La deuxième enceinte mise au jour par les archéologues sur le mont Beuvray est probablement celle des Boïens. 

Ensuite, quand Vercingétorix viendra mettre le siège devant Gorgobina, c'est pour rallier les Boïens à sa cause. Quand César se met en campagne en plein hiver, c'est pour aller les secourir. Quand Vercingétorix redescend sur Nevers, cela signifie qu'il a réussi dans son entreprise. Quand César arrive à Nevers, il est trop tard. Alors, il modifie son plan et se dirige vers Bourges pour s'emparer de la ville. Le texte est d'une clarté aveuglante. César n'a jamais mis les pieds au mont Beuvray.

Position stratégique, le mont Beuvray avait tous les atouts pour être également un site mystique, une nouvelle olympe consacrée au séjour des dieux. La preuve est le nom de Montjeu - la montagne de Jupiter - que le massif a conservé au-dessus d'Autun, également les monnaies qu'on y trouve en abondance, sachant que les Gaulois en jetaient dans les bûchers funéraires.

Enfin, comment expliquer le nombre considérable d'amphores brisées qu'on y a découvert, sinon par le fait qu'il a bien fallu ravitailler les Germains puis les Boïens pendant leur séjour ?

Grandes enceintes, amphores brisées, monnaies, tels sont les arguments que donnent les archéologues pour justifier leur thèse de Bibracte au mont Beuvray. Or, ces trois arguments prouvent justement le contraire.

1. La force d'une capitale gauloise réside, non pas dans son étendue, mais dans la hauteur de ses murailles et de ses tours (23 mètres à Bourges ; la base de trois tours monumentales y a été mise au jour).

2. Il n'existe pas d'exemple de capitale gauloise se signalant par autant d'amphores brisées. Ce n'est donc pas un critère de référence, bien au contraire.

3. Il n'existe pas d'exemple de capitale gauloise se signalant par autant de médailles perdues, à l'exception d'un site : Corent en Auvergne, mais c'est un lieu sacré où se tenaient des festins funèbres. 

Les Bourguignons sont d'une crédulité incroyable. Parce qu'Augustodunum était le nom ancien de leur ville, les habitants d'Autun s'imaginent qu'elle a été fondée au Ier siècle par l'empereur Auguste. On a beau leur dire qu'en latin, l'adjectif "augustus" est un terme courant pour qualifier un site consacré, notamment à l'Auguste du ciel, on a beau leur dire que Strabon, si précis sur l'oeuvre d'Auguste, n'a jamais signalé qu'il ait fait quelque chose dans la région, ils ne veulent pas en démordre.

Ils s'attribuent la gloire d'habiter une ville qui aurait été honorée, dès cette époque, du titre de soeur de Rome, alors que ses murailles, ses portes monumentales et son théâtre ne datent que du IVème siècle, au temps de Constance Chlore. Ils ne veulent pas comprendre que leur ville n'était que la ville colonie d'une cité nommée "Augustodunum" dont la capitale/forteresse se trouvait à Mont-Saint-Vincent. Ils ne veulent pas admettre que les écoles moeniennes, c'est à Mont-Saint-Vincent qu'on en trouve la trace et que toutes les tribulations de l'Histoire, pillages, destructions, batailles, etc, c'est le Mont-Saint-Vincent qui les a connues. http://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/exceptionnelle-decouverte-103369 par exemple, le trésor de Gourdon.

Certes, en fondant le monumental Autun, Constance-Chlore avait bien l'intention d'en faire une ville capitale. Force est de constater qu'au temps des ducs de Bourgogne, c'était encore Chalon-sur-Saône qui l'emportait en tant que ville marchande.

La gloire d'Autun, c'est sa cathédrale. Encore faudrait-il que les Autunois la comprennent et qu'ils expliquent correctement aux touristes les merveilles qui s'y trouvent. http://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/le-tympan-de-la-cathedrale-d-autun-115239

Copie aux responsables politiques, culturels et médiatiques concernés qui, pendant ce temps, bayent aux corneilles.

Madame la Ministre de la Culture

Monsieur le Directeur de la DRAC Bourgogne
Monsieur le Président du Conseil régional de Bourgogne
Monsieur le Président du Conseil général de Saône-et-Loire
Monsieur le Président du Conseil général de la Nièvre
 
Monsieur le Député de S-et-L, 3ème circonscription, Philippe Baumel
MM. les Sénateurs de S-et-L, René Beaumont, Jean-Patrick Courtois, Jean-Paul Emorine
 
Monsieur le Maire de la ville d'Autun
Monsieur le Rédacteur en chef du journal de Saône et Loire
Monsieur le Directeur de FR3 Bourgogne
 
Il me semble qu'il est de votre responsabilité de faire en sorte : 
1. que la vérité soit établie dans cette affaire, une commission d'enquête faisant appel à des latinistes et à des militaires indépendants et compétents pouvant être une solution.
2. éventuellement, qu'une enquête soit diligentée afin de déterminer les responsabiltés aux différents niveaux du service public.
 
Emile Mourey
ancien officier de carrière
17 rue du château
71100 SAINT REMY
[email protected] 

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38 réactions à cet article    


  • Montagnais .. FRIDA Montagnais 5 février 2013 12:07

    Bonjour Emile, 

    Comme d’habitude, démonstration serrée, argumentée, imparable .. mais la vérité historique, globale, ne s’établit pas par de patientes accumulations de vérités élémentaires, vous êtes bien placé pour devoir l’admettre ..

    Non seulement vous tentez de corriger de monumentales erreurs, mais c’est toute la façon dont se construit l’histoire que vous allez déstabiliser avec vos entêtements ..

    Si le sujet avait de l’importance pour le pouvoir politique et dans la pensée du peuple, on vous taxerait de révisionniste .. 

    puisque : 

    - le moindre petit doute n’a pas sa place dans la littérature commerciale du « Grand Site »
    - la légèreté des travaux officiels n’est jamais reconnue
    - aucune intention de reprendre sérieusement n’a jamais été exprimée
    - aucun projet de vérification sur Mont Saint-Vincent n’a jamais été envisagée
    - ..

    Il y aurait pourtant matière à partir de vos travaux, à partir de la simple reconnaissance des ratés ayant abouti à la version officielle, à partir de la simple nécessité de procéder à vérification .. histoire de conforter la position ..

    L’Histoire écrite, au service des pouvoirs, ne se met pas en doute ..

    Ne seriez-vous pas un peu complotiste Emile ?

    Pourtant, j’y reviens, c’est vous qui avez raison, mais ni le JSL, ni Voisin, ni Patriat, ni le Conseil Général, régional, ministères .. n’en ont rien à f..

    Wikipedia exprime cependant des doutes qui vont dans le sens de vos convictions : 


    « La technique de prospection utilisée par Bulliot est rudimentaire. Elle consiste à observer les accidents du terrain puisque le mont n’a pratiquement pas évolué depuis l’époque. Ceci lui permit de relever un plan des remparts presque sans fouiller ... »

    Ensuite, les prudences s’enchaînent et sont bien de nature à permettre le doute quant à la version officielle..

    A l’orée de 70, Badinguet avait autre chose à f... que de s’occuper du Mont Beuvray, Bibracte et la Guerre des Gaules .. il avait la sienne à jouer .. les Français se trouvaient très-heureux dans les guerre à biribi, excellaient .. mais devant les hordes d’hommes bleus - de Prusse - très-mécanisés, très-disciplinés, mille autres qualités encore, il s’agissait d’une autre affaire.

    J’ai réouvert mon Camille Jullian, Vercingétorix.

    Merci à vous.

    • Emile Mourey Emile Mourey 5 février 2013 13:31

      @ Montagnais

      Bonjour et merci pour votre commentaire.

      Agoravox est très intéressant car il me sert d’archives. Le jour où un journaliste intelligent voudra faire un scoop, il n’aura qu’à y puiser. J’ai fait intervenir quelques dix élus. Nous avons eu des réponses écrites de trois ministres de la Culture. Mais que de la langue de bois ! Et les dits élus s’en contentent, ce qui montre bien comment tous les dossiers à problème s’enterrent dans notre république finissante.

      Je prends un exemple : Tasca répond à un député qui lui a posé une question écrite que Christian Goudineau, professeur au Collège de France, juge certaine la localisation de Bibracte au mont Beuvray. Je ne vois pas comment elle peut l’assurer, sinon par ouï dire, car Goudineau, dans ses écrits, précise bien que c’est Bulliot qui est l’inventeur du site et pas lui. Vincent Guichard, le Directeur du centre archéologique, prend le fait comme acquis, mais son seul argument est de dire que « Cela fait plus de cent ans qu’on dit que Bibracte est au mont Beuvray, et qu’on ne va pas recommencer une nouvelle polémique d’Alésia ». Tout ceci pour dire que le seul responsable que l’on trouvera, ce sera finalement le malheureux Bulliot, un marchand de vin d’Autun qui vivait au temps de Napoléon III.

      Finalement, mon problème, c’est que cette histoire est tellement folle que les gens n’arrivent pas y croire.

    • njama njama 5 février 2013 13:41

      on vous taxerait de révisionniste ..

      C’est marrant de constater que révisionniste ait pris un sens péjoratif.
      L’anglais revisionism le définit comme the critical re-examination of presumed historical facts and existing historiography.

      Ce serait donc plutôt un compliment qui vous serait lancé cher Emile Mourey, qui vous honore, vous le méritez bien !

      Il est simplement logique que un ou des faits nouveaux portés à notre connaissance, nous amènent fort naturellement à reconsidérer les perspectives qui étaient établies, dussent-ils amener une controverse, laquelle a tout loisir d’être contestée. Simple bon sens ...

      L’Histoire n’a d’ailleurs pas le monopole de cette assez naturelle méthodologie de l’esprit, plus globalement toutes sciences procèdent de la même façon, tout comme la Justice prendra en compte des faits dont elle n’avait pas eu connaissance pour reconsidérer un jugement qu’elle aurait établi.

      Réviser, n’est-ce pas revoir quelque chose (du latin revisere, « revenir pour voir ; revenir voir ») ; soumettre quelque chose à un nouvel examen ; l’étudier en vue de le vérifier, de le modifier ou de l’amender éventuellement. Réviser un compte, un procès, un règlement, la constitution ... Modifier son point de vue, son jugement en fonction des faits, de l’expérience ...

      Il n’y a que le dogmatisme, ou le pédantisme qui ne supporte pas le révisionnisme.


    • Gollum Gollum 5 février 2013 12:20

       les archéologues sont arrivés à nous persuader « qu’heureusement Vercingétorix perdit sinon nous ne serions pas aujourd’hui ce que nous sommes ».


      Oui ben je pense que cela a été une des plus grandes catastrophes qui nous soient jamais arrivées avec la victoire de la ploutocratie bourgeoise en 1789..

      Il en est de même d’ailleurs du christianisme qui est devenu romain et qui a perverti et pollué l’essence même de cette spiritualité...

      Mais âge de Kali oblige.. cela faisait partie de la montée progressive des Ténèbres.

      • Antenor Antenor 5 février 2013 13:48

        « Loin de moi l’idée de dénigrer le mont Beuvray ! Pour un militaire possédant un minimum d’expérience et de sens du terrain, il saute aux yeux que c’était une position stratégique de premier ordre. »

        Pourtant, il n’y pas la moindre trace d’une citadelle au sommet du Mont-Beuvray et ce quelque soit l’époque.

        Pour l’époque médiévale, on sait que la principale citadelle du secteur était la Rochemillay. On pourrait envisager qu’à l’époque gauloise, il y ait eu un binôme alliant une citadelle (la Rochemillay) et une capitale politico-religieuse (le Mont-Beuvray). Les capitales politico-religieuses gauloises à l’image du Mont-Beuvray et de Corent se sont ensuite déplacées dans les grandes villes (Autun *, Clermont) à l’époque romaine.

        Si Mont-Saint-Vincent était la citadelle des Eduens alors il doit exister une capitale politico-religieuse semblable au Mont-Beuvray dans ses environs (Mont-Brogny => Pagus Arebrignus ?)

        Pour ma part, je placerais plutôt les Ambivarètes au Mont-Beuvray. L’objectif initiale des Helvètes était peut-être Besançon vers laquelle les Eduens ont lancé César juste après sa victoire sur les Helvètes.

        *Si Autun est devenue la capitale des Eduens pendant la période romaine, c’est à mon avis parce que les cités ambivarète et éduenne ont été fusionnées. Autun se trouvait à la frontière entre les deux territoires. (cf la carte de répartition des céramiques de la revue Archéologia hors série consacrée à Alésia). Cela explique également l’abandon du Mont-Beuvray.


        • Emile Mourey Emile Mourey 5 février 2013 14:20

          @ Antenor

          Vous dites : Pourtant, il n’y pas la moindre trace d’une citadelle au sommet du Mont-Beuvray et ce quelque soit l’époque.

          Très juste remarque. Mais voilà bien pourquoi je dis qu’il s’agit d’une histoire de fous ; car il s’y trouvait bien une haute fortification ovale « gauloise », un peu à l’image de celle qui existait à Alise-Sainte-Reine. Xavier Garenne en a retrouvé la trace sur les deux sites et en a publié les croquis dans son ouvrage. Le problème, c’est que Bulliot, en faisant ses fouilles du mont Beuvray, a fait disparaître ce qui restait des fondations et à cru retrouver, à cet endroit, un camp à la romaine qu’il a baptisé « camp de Marc-Antoine ». Aujourd’hui, les archéologues reconnaissent que le camp de Marc-Antoine n’a existé que dans l’imagination de Bulliot ?

        • Antenor Antenor 6 février 2013 12:19

          @ Emile

          Le fait qu’on retrouve des grands oppidums semblables à ceux du Mont-Beuvray et de Corent sur d’autres sites tels que ceux de Viermeux (Cusset) ou de Chateloi (Hérisson) me fait penser que ces grands oppidums sont en réalité des chefs-lieux de pagus. D’où mon idée de placer au Mont-Brogny le chef-lieu du « Pagus Arebrignus ».

          Si c’est le cas, se pose alors la question suivante : Où placer les chefs-lieux de cités ?

          Dans des citadelles ? Dans des grandes villes ?

           


        • Antenor Antenor 6 février 2013 12:20

          Un même site peut-il cumuler la fonction de chef-lieu de pagus et de chef-lieu de cité ?


        • Emile Mourey Emile Mourey 6 février 2013 14:25
          @ Antenor
          Extrait d’une lettre que j’ai adressée à M ; Combier :
          où faut-il situer le pagus Arebrignus ? Dans mon Epée flamboyante, page 139, j’ai écrit que l’abbé Chaume le situait à la pointe méridionale du Chaunois. Le Chaunois étant apparemment le pagus de Chalon au temps des Francs (cf. Jean Richard, croquis p. 107 de son Histoire de la Bourgogne), le pagus Arebrignus ne peut être que celui de Mont-Saint-Vincent. Mais cela demande à être vérifié (Origines du duché de Bourgogne de l’abbé Chaume, p. 80). J’ai identifié ce pagus au pagus Arebrignus du rhéteur Eumène, pagus d’Augustodunum, alias Bibracte, alias Mont-Saint-Vincent, selon moi. Evidemment, cela paraît, à priori, assez compliqué, mais la description d’Eumène s’accorde parfaitement à la région est de Mont-Saint-Vincent jusqu’à la Saône.



        • Emile Mourey Emile Mourey 6 février 2013 15:08

          @Antenor

          Ma vision de la Gaule de cette époque est beaucoup plus simple. Elle se réduit pour le pays éduen à quelques capitales fortifiées alliées entre elles et dont les traces subsistent, et à des positions secondaires, notamment pour assurer la sûreté des itinéraires. Ce n’est qu’à partir du Moyen-âge que l’emprise sur le terrain va s’étendre. Les archéologues nous ont intoxiqués l’esprit avec leur idée d’oppidum de grande étendue. S’il a existé, en effet, des plateaux des « Alouettes », il faut plutôt y voir des lieux de mobilisation, de regroupement et d’exercices, et il faut les situer plutôt près des capitales. Je veux bien qu’on appelle oppidum, de telles positions en Centre-Europe, mais cela correspond à des implantations de troupes militaires dans une opération de conquête. Ce n’est pas le cas en Gaule où l’expansion s’est faite par fondation de colonies/filles à partir de cités/mères. 

        • Antenor Antenor 6 février 2013 18:46

          @ Emile

          Ces vastes oppidums existent et la Gaule en comptent probablement plusieurs dizaines voir centaines. Il est important d’arriver à bien déterminer quelle était leur fonction justement pour relativiser leur importance.

          On ne peut pas reprocher aux archéologues de s’intéresser à ces sites qui sont à la fois faciles à fouiller (peu de contraintes d’aménagement urbain) et riches en vestiges. Là où ça coince, c’est quand les archéologues se rendent eux-mêmes prisonniers de ces sites en en faisant l’alpha et l’oméga de la civilisation gauloise.

          On a parfois l’impression que ce ne sont plus les fouilles archéologiques qui sont au service de la reconstitution de l’histoire gauloise mais l’inverse. Si on retirait l’étiquette de Bibracte au Mont-Beuvray, les fouilles s’y poursuivraient-elles ?

          Je situe comme vous le pagus arebrignus autour de la côte chalonnaise. Je me demande simplement si le Mont-Brogny n’était pas l’équivalent du Mont-Beuvray pour cette zone.

          Pour arriver à identifier de la manière la plus convaincante possible les capitales gauloises, il me parait important de comprendre l’organisation territoriale gauloise. Par exemple, arriver à établir quelles étaient les dimensions des pagus et des vicus et quel était leurs rôle dans l’organisation, notamment militaire, de la cité .

          Du point de vue militaire, je me demande aussi jusqu’à quelle échelle il est important que la capitale militaire se trouve dans une citadelle. A l’échelle de la Gaule, on voit bien que les chefs de guerre gaulois ne dirigent pas la manoeuvre de leurs troupes contre les Romains depuis une unique citadelle plantée au centre de la Gaule. Ils restent à proximité de leurs troupes sinon leurs lignes de communication seraient trop étirées. Les cités gauloises ne sont-elles pas déjà trop vastes pour que leurs défenses soient dirigées depuis un unique nid d’aigle central ? Ne faut-il pas plutôt descendre à l’échelon du pagus pour que l’utilisation des citadelles comme centres de commandement devienne pertinent du fait des distances plus réduites à cet échelon ?


        • Emile Mourey Emile Mourey 6 février 2013 20:49

          @ Antenor

          Votre exemple du mont Brogny est intéressant mais j’y vois plutôt une confirmation de mon précédent commentaire, à savoir une main mise progressive sur le terrain. Le mont Brogny se situe sur un itinéraire important qui ouvre la cité de Chalon en direction de l’ouest. Saint Désert qui s’est développé à son pied était, si mes souvenirs sont bons, le siège d’un monastère dédié à saint Isidore, suffisamment riche pour payer d’importantes redevances au comte de Chalon vers le XIème siècle. Ceci pour dire qu’en remontant dans le temps, on retrouvera toujours à l’origine les lieux de pouvoir que César a évoqués dans ses Commentaires : Mont-Saint-Vincent, Chalon, Brançion, Mâcon, Nevers et ceux de la carte de Peutinger.

          Quant aux pagus, il n’y a pas de mystère. Ils se sont assez bien conservés dans les pagus du Moyen-âge. L’abbé Chaume en a donné une carte intéressante. Elle nous montre par exemple que le pagus du Chaunois est issu du pagus gaulois de Chalon mais d’un pagus qui a été un peu « mangé » au nord par le Beaunois, à l’ouest par l’Autunois et, au sud, par le Maconnais et le Lyonnais. La géographie se modifie en fonction des événements de l’histoire mais le schéma gaulois avec ses pagus centrés sur les capitales historiques est toujours bien là. 

          Concernant le pagus gaulois originel, je ne pense pas qu’on puisse le définir par des frontières. En réalité, il ne devait correspondre, à l’origine, qu’au territoire sur lequel un oppidum central pouvait assurer une sécurité, et par la surveillance à vue et par des possibilités d’intervention rapide et par un refuge en cas de danger des citoyens qui travaillaient aux champs. Que les limites de ces pagus se soient étendues jusqu’ à devenir les pagus du Moyen-âge, cela me semble logique.

          Quant aux vicus, le meilleur exemple, me semble-t-il, est l’Avitacus de Sidoïne Apollinaire au Crest, autrement dit « le viacus d’Avitus ». Autre exemple : Divitiacus dont le nom signifie manifestement « le viacus de Dieu », autrement dit : Bibracte/Le Mont-Saint-Vincent. Le vicus serait donc un centre urbain qui pourrait aller d’un simple bourg à une vraie petite ville.

          Enfin, il faut noter que les troupes gauloises étaient bien originaires des pagus des capitales historiques, les seules aptes à procéder à des opérations de mobilisation si nécessaire. Les 10 000 hommes de Litavic étaient originaires du Chalonnais.

        • Antenor Antenor 7 février 2013 13:45

          @ Emile

          En fait, ce qui m’intéresse surtout, c’est d’arriver à comprendre quel était l’échelon géographique le plus important dans l’organisation militaire gauloise. Comparées à leurs voisines d’Italie, les « civitae » gauloises ont des dimensions impressionnantes. Les cités arverne ou éduenne couvrent une superficie aussi vaste que l’ensemble des cités du Latium ou de l’Etrurie.

          Du point de vue de la superficie, l’équivalent gaulois de la civita italienne, c’est le pagus.

          Cela pose la question du réel pouvoir du Sénat des cités gauloises par rapport à celui des pagus. Quand on voit que des cités latines aussi proches que Rome et Albe (30 km de distances, l’équivalent de Clermont-Issoire) se sont livrées à des guerres fratricides, on peut se demander si les vastes cités gauloises n’ont pas elles aussi connues des conflits internes entre sous-ensembles régionaux.

          Dans ce cadre, on peut faire deux hypothèses quant à l’origine des pagus :

          - Soit ils sont le prolongement d’anciennes petites cités du début de l’âge du fer (voir avant) qui se sont, bon gré mal gré, regroupées peu à peu dans des ensembles plus vastes et plus centralisés que leurs équivalentes italiennes. Dans cette option, cela signifie que les frontières des pagus sont celles des anciennes frontières militaires des petites cités qui les ont précédés. Cela veut dire également que chaque pagus dispose d’une citadelle centrale et d’une organisation militaire relativement autonome. La citadelle de la cité est celle du pagus le plus puissant auquel les autres sont inféodés.

          - Soit au contraire, ils sont le résultat d’un découpage de type jacobin imposé par le pouvoir central de la cité et ne correspondent à aucune réalité politico-militaire antérieure. Dans cette option, on peut penser que le pouvoir central de la cité a dessiné les pagus de manière à ce qu’ils ne puissent pas être défendus efficacement de manière autonome afin de limiter au maximum les risques de division de la cité. Et dans ce scénario, la répartition des citadelles et celle des pagus n’ont rien à voir.

          D’où ma question sur la pertinence du pagus comme entité militaire viable et autonome. Le pagus m’intéresse tout particulièrement parce qu’il marque un seuil en dessous duquel on ne peut pas se permettre de faire de concession territoriale.

          Par exemple, la cité arverne dans son ensemble peut se permettre de perdre des pagus entiers (Aurillac, Moulins). Mais laisser des troupes ennemies s’installer à Cournon serait suicidaire à court terme pour les habitants du pagus du bassin de Clermont.


        • Emile Mourey Emile Mourey 7 février 2013 15:05

          @ Antenor

          Pour moi, le peuplement de la Gaule s’explique d’une façon simple. C’est sur le horst de Mt-St-Vincent que je vois s’installer une tribu néolithique. La zone qu’elle contrôle est ce qu’on peut appeler un pays, alias « pagus ». Son entrée est contrôlée par une garde installée à Chamilly/Chassey-le-Camp. Cette implantation va jusqu’à Chalon-sur -Saône, riche en poissons de la Saône. J’y vois une première implantation fixe dans une Gaule jusque-là de cueilleurs/chasseurs/pêcheurs. Ensuite, nous avons un premier phénomène : une arrivée de colons venus principalement de l’ancienne Chaldée et pays de Canaan, qui s’installent pacifiquement et en alliance dans des pagus voisins. Puis deuxième phénomène, une expansion par fondation de colonies/filles qui peuvent rester près ou même partir assez loin de la cité/mère. Ce qui correspond à un mouvement de colonisation de la Saône vers le nord depuis Bibracte. Mais il y a aussi un autre mouvement qui part de Gergovie et qui fructifiera sur ce qui sera la Province dont les Romains s’empareront. Tout laisse à penser qu’au début, Bibracte et Gergovie se soutenaient l’un l’autre, notamment pendant leurs excursions en centre-Europe et en Italie. Ce n’est qu’ensuite que les deux cités sont devenues concurrentes.

          En ce qui concerne Rome, la situation est différente et plus complexe. Il faut relire Tite-Live et son histoire sur les origines de Rome. Quand le troyen Enée débarque en Italie pour fonder une première colonie, il y trouve déjà des cités installées dans leurs pagus. Il mène une opération de conquête : Lavinium, Albe, Monte Cavo, Rome, puis extension par actions de guerre et alliances.

          En Gaule, l’extension des trop plein de peuples se fait par expédition en Centre Europe et en direction de l’Italie, jusqu’au moment où Arioviste renverse le mouvement en s’attaquant à une Gaule qui s’est divisée.

          Pour moi, c’est l’histoire évolutive de la Gaule qui permet de comprendre au mieux, comment une cité naît et se forme dans un pagus primitif qui, ensuite, se précise et se limite au contact d’autres pagus etc... Je pense que pour l’Italie, ce fut un peu la même chose avant qu’Enée vienne bouleverser la situation.

          Bien sûr, les choses ne sont certainement pas aussi simples mais il y a tout de même une logique historique et géographique dans la naissance des cités. Voyez Strabon : il qualifie Chalon de cité et Bibracte de forteresse. Et, en effet, au temps des comtes de Chalon, le centre économique, culturel et intellectuel, le centre vivant, c’était Chalon ; le Mont-Saint-Vincent n’était que la citadelle refuge. 

        • Emile Mourey Emile Mourey 7 février 2013 15:19

          @ Antenor

          Vous pensez que les cités voisines pouvaient se faire concurrence et se battre entre elles. C’est ce que dit César en arrivant en Gaule. Mais Tite-Live nous démontre le contraire quelques siècles plus tôt, en évoquant le contingent gaulois qu’Ambicat a lancé à la conquête du Centre-Europe. Eduens de Bibracte, Ambarres d’Ambérieu/Ambronay ; Brannovice de Brançion, Blannovices de Blnot, Bituriges d’Autun etc.

          Enfin, l’histoire nous prouve la permanence au cours du temps de Bibracte et de Gergovie comme capitales. 

        • Antenor Antenor 10 février 2013 23:37

          @ Emile

          Les alliances, ça va ça vient au gré des circonstances. Il suffit de regarder la France médiévale dont l’histoire est jallonée de phases d’unions-expansions et de divisions-régressions. Cela peut aller très vite dans un sens ou dans l’autre.

          Le Mont-Saint-Vincent n’est-il pas trop éloigné de Chalon-sur-Saône pour garantir sa sécurité ? Quarante kilomètres, cela fait beaucoup pour l’époque. N’y a-t-il pas un risque que le temps de réaction face à une invasion soit trop long ?

          Le Crest n’est situé qu’à quinze kilomètres de Clermont. La même distance sépare Aurillac de Carlat, la plus puissante citadelle de Haute-Auvergne. Mehun-sur-Yèvre qui semble être la principale citadelle du Berry est à 16 km de Bourges et de Vierzon. Autres exemples : Beaune-La Rochepot : 16 km ; Luzy-Larochemillay : 11 km

          Il semble y avoir une sorte de distance de sécurité standard d’environ 15 km entre la ville principale d’une région (pagus ? vicus ?) et la citadelle. Cette distance répétitive pourrait s’expliquer par le fait que les citadelles se trouvent systématiquement au centre (zone la moins accessible) du territoire qu’elles contrôlent alors que les plus grosses villes se trouvent souvent à la frontière (zone la plus accessible) de ces même territoires. C’est flagrant notamment pour Chalon sur les bords de la Saône.

          Les grandes cités gauloises seraient ainsi découpées en sous-secteur d’environ 15 km de rayon avec une citadelle à la tête de chacun d’eux. Dans ce schéma, la citadelle du secteur de Chalon serait vraisemblablement celle de Montaigu située à peu près à équidistance entre les frontières de la Dheune, la Saône et la Thalie.

          Saint-Martin-sous-Montaigu->Chalon : 13 km

          Saint-Martin-sous-Montaigu->Chagny : 13 km

          Saint-Martin-sous-Montaigu-> Buxy : 16 km

          Saint-Marin-sous-Montaigu-> Saint-Léger-sur-Dheune : 10 km


        • Emile Mourey Emile Mourey 14 février 2013 13:05

          @ Antenor

          Vous dites : Il suffit de regarder la France médiévale dont l’histoire est jallonée de phases d’unions-expansions et de divisions-régressions. Cela peut aller très vite dans un sens ou dans l’autre.

          En effet, c’est l’impression qu’on peut avoir mais cette impression est une erreur, tout au moins pour la Bourgogne, dès lors qu’on remet en place Bibracte à Mont-Saint-Vincent. Je m’explique.

          En mettant Bibracte au mont Beuvray, les archéologues d’hier et de maintenant, ont été et sont amenés à imaginer une Gaule qui ne commence à se structurer que dans les deux premiers siècles avant J.C. (fondation et romanisation de Bibracte au mont Beuvray), premier temps. En mettant ensuite Augustodunum à Autun, ils sont amenés à imaginer une autre Gaule, une Gaule romaine tout à fait différente avec une apparition de grandes villes à la romaine dès le Ier siècle après J.C. Tout cela est archi-faux, contraire aux textes et au bon sens ; et ces archéologues n’arrivent à se justifier qu’en faisant mentir les textes et l’archéologie ( refus de voir des villes gauloises existant déjà en Gaule lorsque César y arrive : à Alésia, à Bourges, à Gergovie/Le Crest etc. Invention d’une Gaule romaine mise en place par Auguste alors qu’Auguste n’a fait que reprendre une situation existante).

          En revanche, en remettant Bibracte, puis Augustodunum, à Mont-Saint-Vincent, nous retrouvons toute une histoire continue depuis ce que dit Strabon (Bibracte/Cabillo), ce que développent les textes d’Eumène (+ Autun +Bourbon Lancy), la carte de Peutinger (+ Perrecy-les-Forges + Toulon-sur-Arroux etc.), autrement-dit une expansion logique depuis le texte de Strabon. Ensuite, ce sont les chartes qui nous montrent que le système perdure dans l’organisation féodale en dépit des conflits locaux et de personnes mais avec des transformations que l’historien peut expliquer. 

        • Antenor Antenor 14 février 2013 14:42

          @ Emile

          La Gaule a connu une relative unité politique aux IVe et IIIe siècles avant notre ère, c’est un fait sinon il n’y aurait jamais eu d’expansion jusqu’en Italie et en Asie Mineure. Elle semble ensuite avoir connu une domination arverne jusque vers -125. A partir de ce moment, force est de constater que l’Etat de la Gaule n’était guère différent de celui de la France lors de la Guerre de Cent Ans. Deux factions en lutte perpétuelle s’entredéchirent pour la suprématie et font appel à des forces étrangères qui finissent par constituer une menace majeure et même à s’imposer.

          Ce ne sont pas les Romains qui ont inventé la Gaule mais il ne faut non plus tomber dans l’excès inverse en l’idéalisant. Les égoïsmes des cités/royaumes pesaient de tout leur poids. Matériellement la Gaule avait largement les moyens de reprendre la lutte quelques années après Alésia. Manifestement, la volonté n’y était pas. Il est probable que les cités gauloises se sentaient plus autonomes et traitées de manière plus équitable sous la domination de Rome que sous celle des Eduens ou des Arvernes qui eux fonctionnaient sans doute sur un mode féodal plus hiérarchisant.


        • Antenor Antenor 14 février 2013 14:54

          Le cas des Belges dans ce contexte est d’ailleurs intéressant. Les politiciens romains ont justifié les multiples guerres dans cette région par le fait que les Belges étaient soit-disant de nature plus guerrière que les autres Gaulois. Ne serait-ce pas plutôt parce que les Belges perdaient beaucoup sur le plan économique à l’intégration de la Gaule dans un Empire méditerranéen ? On sait que les Belges avaient des liens très forts avec les Germains. Or ces liens ont été coupés nets par les nouvelles frontières de l’Empire. L’entrée de la Gaule dans l’Empire a transformé la Belgique en une zone périphérique tout juste bonne à encaisser les invasions et à servir de garnisons aux troupes impériales.


        • Emile Mourey Emile Mourey 14 février 2013 15:45

          @Antenor

          Bien d’accord avec vos deux commentaires. Bien sûr qu’il ne faut pas trop idéaliser l’Histoire. Avec le recul du temps, l’historien n’a pas à cacher, ni la cruauté d’un Vercingétorix faisant crever les yeux de ses opposants politiques, ni celle d’un César dévastant tout le territoire d’une cité. Mais il n’en est pas moins vrai qu’il est absurde de dénigrer l’un (Vercingétorix) au profit de l’autre (César). Si parfois, je peux donner l’impression d’être plutôt pro-gaulois, c’est par réaction contre ceux qui, ouvertement, prennent parti pour une romanisation qui aurait modelé notre pays dès l’époque d’Auguste, ce qui est faux. C’est cette gigantesque erreur qui fait qu’ils ne peuvent admettre mon histoire de Gergovie dans mon article sur l’Atlantide, ni mes interprétations concernant les églises romanes. Alors que le touriste étranger aimerait qu’on lui montre notre antique patrimoine, on ne l’amène voir que le mont Beuvray et ses très modestes murailles de pierres sèches. C’est un scandale qui ne peut que conforter l’étranger dans cette idée fausse qui appauvrit, et notre histoire, et notre patrimoine.

          Il y a un problème et il est sérieux. En général, la modération d’Agoravox accepte de publier mes articles sur des sujets particuliers. En revanche, mon dernier article proposé n’a pas passé la barre. Pourquoi ? Parce qu’elle ne veut pas trancher ?... Contre cette maudite bien-pensance de Wikipédia ?  

        • Antenor Antenor 14 février 2013 16:48

          Le problème, c’est qu’on a pas encore assez « tué » l’image romantique des Celtes. On évoque souvent la récupération des Gaulois à partir du 19ème siècles à des fins nationalistes pas toujours très intelligentes mais on oublie un autre aspect. A une époque où la société s’industrialisait et s’urbanisait de manière gallopante, les Gaulois se sont aussi mis à représenter une sorte de passé rural mythique. A mi-chemin entre l’homme moderne et l’homme préhistorique des origines, le celte incarnait l’humain vivant en harmonie avec la nature. Et j’ai l’impression qu’on a encore beaucoup de mal à se défaire de cette image. La localisation de Bibracte au Mont-Beuvray entre tout à fait dans ce cadre mental. Les forêts se prêtent mieux à l’imaginaire romantique que les vieux bourgs crasseux ceinturés de zones pavillonaires. Abandonner l’idée de Bibracte au Mont-Beuvray, c’est renoncer à ce rêve.


        • Emile Mourey Emile Mourey 14 février 2013 18:05

          @Antenor

           Que les Romains aient été des gens pragmatiques, peut-être, et encore, ce n’est pas sûr. Il suffit de lire Virgile. L’histoire de la Gaule ne peut se comprendre que dans son aspect romantique. Vercingétorix est un personnage romantique. On ne peut le représenter, le comprendre et l’expliquer aux enfants que sous ce jour. Et pour cela, il suffit de rappeler sa vie et ses déclarations. La bible, les évangiles, c’est du pur romantisme : abandonné par Dieu, l’homme l’invente par un prodige de l’imagination. Toute l’histoire de notre pays qui a suivi est imprégnée de romantisme. C’est sous un ciel et sur une terre sublimés dans une vue romantique que les générations de nos pères ont essayé de prendre le bon côté de la vie.

          La vision de la Gaule du mont Beuvray me semble assez misérable : des pauvres maisons en bois ou en pierres mal appareillées, des hivers rigoureux, ni lac, ni fleuve pour se baigner, ni champs cultivés, ni vastes prairies pour y chevaucher à cheval en poussant des cris de guerre ; non, je ne vois pas mes Gaulois « romantiques » s’enterrer sur un tel lieu désert. En revanche, oui dans la Bourgogne du sud, avec sa vie associative, ses artisans, ses marchands, ses fêtes, ses danses, ses processions, ses croyances... tout cela avant l’industrialisation, avant les usines enfumées, le travail à la chaîne, et aujourd’hui, une terre épuisée et une atmosphère bientôt irrespirable.

        • Antenor Antenor 15 février 2013 13:25

          @ Emile

          On peut auréoler les Celtes de romantisme mais à condition de ne pas se limiter à eux. Ce qui me dérange, c’est que les Celtes sont souvent présentés de manière romantique en opposition dans l’espace (pour faire simple, ils sont opposés aux Romains qui incarneraient la Raison) et dans le temps (les Celtes seraient plus romantiques que leurs ancêtres de la Préhistoire et que leurs descendants médiévaux). On dirait qu’aux yeux de certains, ils incarnent une sorte d’équilibre idéal entre le « sauvage » préhistorique et le moderne « civilisé ».

          Qu’on juge la période pré-industrielle plus romantique (ou enchantée) que notre époque, d’accord. Mais laisser entendre que les Celtes sont la quintessence du romantisme par rapport aux autres civilisations ou à leurs successeurs, c’est le résultat d’une vue biaisée par le manque d’informations à leur sujet ; ce qui laisse plus de liberté à notre imagination et conduit certains à placer des capitales commerciales au sommet des montagnes.


        • Emile Mourey Emile Mourey 15 février 2013 15:24

          @Anteor

          Vous dites : ce qui laisse plus de liberté à notre imagination et conduit certains à placer des capitales commerciales au sommet des montagnes.

          Bien d’accord. Strabon avait déjà tout dit quand il définissait le pays éduen par une cité « Cabillynum » et par une « arx », Bibracte. Et, en effet, c’est bien le rôle de forteresse que le Mont-Saint-Vincent, ville murée, jouait encore au temps des Burgondes et des Francs puisque c’est là qu’a eu lieu l’affrontement décisif dans une région plutôt montagneuse. Quant à Chalon-sur-Saône, située près de la Saône, le fait qu’elle ait été qualifiée de cité montre bien que c’était la capitale commerciale, riche en blé, avec une population de citoyens cultivateurs, pêcheurs, artisans et commerçants, ce qui ne veut pas dire qu’il ne s’y trouvait pas un oppidum sur la colline de Taisey. Le binôme Augustodunum « Mt-St-Vincent/Autun » que j’ai appelé « la cité double » répond au même critère logique.

          Vous avez donc tout à fait raison de penser qu’il est absurde de placer la capitale commerciale des Eduens sur le mont Beuvray. Même Vincent Guichard l’a reconnu mais cela ne l’empêche pas de persévérer dans cette erreur.

          Concernant le romantisme, bien d’accord. Les Celtes ne sont pas un cas particulier. L’héroïsme était magnifié par les Grecs, l’amour de la Gloire aurait été apporté aux autres peuples par les Romains et nul doute que les légionnaires étaient animés par un désir de gloire, César l’a mentionné plusieurs fois.

        • Antenor Antenor 16 février 2013 00:01

          Pour des raisons évidentes de sécurité les villes commerciales se situent souvent en une place aisément défendable. Mais on raisonne là à l’échelon micro-local. Paris sur son Ile de la Cité ou Clermont sur sa butte illustrent bien ce phénomène. Ces sites défensifs se situent dans des secteurs sillonnés de grands axes commerciaux.

          Rien de tel pour le Mont-Beuvray, la grande route de Lyon à Paris passe à plus de 20 km. Près d’une journée de marche à l’époque. Soit l’équivalent d’un Marseille-Lille en camion de nos jours. Je ne comprend pas comment les archéologues peuvent mettre le Mont-Beuvray et Chalon sur le même plan. Le fait que Chalon existe toujours aujourd’hui alors que le Mont-Beuvray a été abandonné depuis belle lurette devrait tout de même leur mettre la puce à l’oreille !

          Je radote avec mes questions d’échelle mais on est vraiment au coeur du problème. Si on ne prend pas en compte les distances et le relief dans la problématique des déplacements, on peut localiser les capitales gauloises n’importe où.

          La question de la localisation des capitales économiques est plus aisée que celle des capitales militaires dans la mesure où on connaît relativement bien l’histoire de nos villes depuis l’époque romaine. C’est plus complexe sur le plan militaire face aux manques de données concernant beaucoup de citadelles. A part un nom de famille aristocratique par-ci par-là, on n’a souvent pas grand chose.

          Etant donné que je pense que vous avez raison pour Le Crest, Alise et Luzech, je veux bien vous faire confiance pour Mont-Saint-Vincent mais j’ai toujours un doute à cause de la distance qui le sépare de Chalon. De manière générale, les cités gauloises de l’époque de César me semblent trop vastes et aux contours trop mouvants pour qu’une citadelle centrale se trouve à leur tête. Comme expliquer dans un commentaire précédent, j’aurais plutôt tendance à penser que la principale citadelle d’une Cité, celle qui sera défendue en dernier recours, sera celle de la sous-région (pagus ? Vicus ?) la plus puissante.

          Par exemple, si le Crest était la principale citadelle des Arvernes, ce serait dans mon hypothèse, d’abord parce qu’elle était la citadelle du secteur de Clermont, c’est à dire le plus riche d’Auvergne. Mont-Saint-Vincent me semble un peu trop isolé sur les hauteurs pour jouer le même rôle vis a vis de Chalon que le Crest vis à vis de Clermont. A mon sens, il ressemble plus à un site comme Murol en Auvergne. Citadelle impressionnante mais trop éloignée de Clermont pour jouer un rôle de tout premier plan.


        • Emile Mourey Emile Mourey 16 février 2013 02:10

          @ Antenor

          Vous cherchez une logique d’implantation en commençant par identifier la ville commerciale de la cité. Peut-être ? Mais dans le cas de la Bourgogne, ce sont d’abord les textes qui nous mettent sur la piste pour Bibracte : les distances que donne César lors de la bataille contre les Helvètes, le texte de Strabon qui nous impose un site fortifié entre la Dheune et la Saône, le fait que les chartes et écrits anciens ne mentionnent pas le Mt-St-Vincent sous ce nom ou sous un autre, ce qui s’explique justement parce qu’il s’appelait Augustodunum. C’est une anomalie qui m’a tout de suite interpellé. C’est probablement la même chose pour Le Crest. Vous avez ensuite les traces archéologiques avec le fameux oppidum ovale ou plus ou moins ovale ; les avantages tactiques de la position qui permettait de bien se défendre. Le horst de Mt-St-Vincent et l’éperon du Crest sont des positions idéales + les possibilités de vues + une source pour boire + la permanence de ces points fortifiés comme capitales de comté + les temples (attestés par Eumène) etc. etc... En outre, ces deux positions sont suffisamment proches des voies naturelles de communication. Le Crest s’avance, domine et surveille l’étranglement de la voie commerciale sud/nord. Mt-St-Vincent surveille et domine la voie de la Dheune, importante voie transversale qui relie la Saône et la Loire.

          Autrement-dit, j’irai même jusqu’à dire que si le pays éduen s’est articulé au temps de César et de Strabon sur le binôme Mt-St-Vincent/Chalon, citadelle/ville, il est très possible, et même probable, qu’à l’origine, les deux cités aient été indépendantes, voire concurrentes : Eduens à Mt-St-Vincent, Bituriges à Chalon. Ensuite : Eduens sur les deux sites, Bituriges à Autun au temps de Dumnorix - qui y a marié sa mère - et au temps de César qui y voyait de grandes mines, ce qui vrai pour Autun mais pas pour Bourges.

          Autrement-dit, dans le cas de la Bourgogne et de l’Auvergne, votre condition « commerciale » devrait tout aussi bien vous conduire à porter votre choix sur Mt-St-Vincent et Le Crest avec toutefois une différence : Chalon a probablement été fondée avant Mt-St-Vincent, tandis que Clermont l’a été après Le Crest.

        • Emile Mourey Emile Mourey 16 février 2013 14:50

          @ Antenor

          J’ajoute que votre réflexion n’est pas dénuée d’intérêt car elle repose la question de la datation de ces fondations. Quels sont les sites qui ont été fondés en premier et dans quel ordre. Si je reprends le cas éduen, en suivant votre logique commerciale, c’est Chalon qui contrôle la voie de la Saône à l’endroit où elle bifurque dans plusieurs directions pour irriguer la Gaule, et ensuite Mont-Saint-Vincent qui renforce ce contrôle sur la voie de la Dheune dans les deux sens Saône/Loire et Loire/Saône. Et en effet, on peut comprendre que si le bâti de Mt-St-Vincent est plus complexe (oppidum ovale + temple style temple de Salomon), c’est qu’il est postérieur au bâti de Taisey/Cabillodunum (pas de temple mais une forteresse à haute tour d’entrée, haute fenêtre et base constellations « Petite et Grande Ourse », l’ensemble constituant l’édifice religieux). Le problème est que Diodore de Sicile parle de la fondation première d’une Alésia qui ne peut être que Bibracte (devenue Augustodunum) à Mont-Saint-Vincent. Quand Pline dit que l’étamage des métaux a été inventé à Alésia, cela confirme Mt-St-Vincent mais quand il ajoute que ce fut à la gloire des Bituriges, cela indique plutôt Chalon qui fut le siège d’une fabrique d’armement sous le nom d’Argentomagus, selon la notitia dignitatum. Il me semble y avoir retrouvé des restes de fonderie antique. J’y ai signalé à la DRAC des découvertes d’armes anciennes jamais déclarées.

          Carthage aurait été fondée en 814 av. J.C., il s’y trouverait des traces cananéennes. Cela s’accorde avec ma thèse d’une fondation cananéenne pour Gergovie et chaldéenne pour Bibracte, mais quand ?

          Didon aurait quitté Tyr et la Phénicie suite à des troubles politiques. Cela donne une date pour le courant d’émigration qui s’est établi entre les côtes orientales et occidentales de la Méditerranée... jusqu’en Auvergne et jusqu’en Bourgogne, mais quand ? Probablement après la fondation de Carthage, mais avant que le pays de Canaan ait été judaïsé complètement, vu qu’on ne trouve dans nos temples de nos Gergovie et Bibracte que des sculptures de chapiteaux d’inspiration cananéenne/sumérienne etc.. Les premiers colons venus en Gaule n’étaient pas de culture judaïque. La logique voudrait qu’il y ait eu un exode des habitants de Canaan dans les époques de troubles. La conquête de Josué nous fait remonter trop loin. L’époque de Salomon du Xème siècle nous montre un pays où les croyances cananéennes étaient encore présentes (il arrivait à Salomon de fauter). On y sculptait encore des symboles d’animaux/chérubins à visage de lion. Mais après le retour de Babylone et l’implantation d’un judaïsme pur et dur vers 538 av.J.C., plus question de symboles animaux. En outre, le souvenir du temple de Salomon et de son architecture s’était perdu puisque le second temple ressemble à une synagogue (voir mes ouvrages).

          Donc, nous nous trouvons dans un créneau possible qui va de 814 à 538 ou mieux de 814 à vers 590, date où le temple de Salomon a été détruit et son souvenir perdu... sauf à Mont-Saint-Vincent. En revanche, les quadrilatères en forme de constellation de Petite Ourse qu’on retrouve dans certaines synagogues et dans l’esplanade du temple d’Hérode nous rapprochent de notre ère.

          Tout cela est bien compliqué et demande encore beaucoup de réflexion

        • Emile Mourey Emile Mourey 16 février 2013 15:11

          @Antenor

          Concernant les Bituriges, voir ma thèse sur leur implantation première à Chalon. Ambicat, roi des Bituriges, lança les deux grandes expéditions celtes qu’évoque Tite-Live, l’une vers l’Italie, l’autre vers le Danube. Selon Tite-Live, l’expédition vers l’Italie rassemblait les Eduens (qui auraient donc supplanté à cette date les Bituriges à Bibracte), les Bituriges (qui se seraient maintenus à Chalon et dans l’Autunois avant d’être absorbés), les Aulerques de Brançion et de Blanot, les Ambarres du Bugey - autrement dit une Celtique réduite centrée sur Bibracte. A cette coalition se seraient joints, toujours selon Tite Live, les Arvernes de Gergovie, les Carnutes d’Orléans et les Senons de Château-Landon. Nous sommes au VI ème siècle av. J.C. ce qui implique que Bibracte et Gergovie étaient déjà fondées, probablement depuis le VII ème siècle ou même avant. 

        • Emile Mourey Emile Mourey 16 février 2013 16:12

          @Antenor

          Au Vème/VIème siècle, Hécatée de Millet atteste de l’existence de Nuerax/Nue-arx/Bis-arx, Bibracte. Le vase de Vix atteste de l’existence de Gergovie. Avant le IVème siècle, Platon voit Gergovie en expansion. L’aristocratie celte avec ses tombes etc. est observée dès le VIème siècle, ce qui peut laisser supposer des fondations déjà existantes au VII ème siècle. Quand les Celtes se lancent dans leurs grandes expéditions, cela suppose que Bibracte et Gergovie se sont déjà bien implantés en Gaule. etc.

        • Antenor Antenor 17 février 2013 00:10

          @ Emile

          Pour ce qui est de l’influcence cananéenne en Gaule, je pense qu’on peut la situer à la période que les archéologues appellent le « Bronze Final 3 » (-930 -800). Cette période est marquée par plusieurs phénomènes significatifs :

          - des céramiques ornées de pictogrammes dans le sud de la France

          http://lemarquoirdelise.over-blog.com/article-les-pictogrammes-du-bronze-final-106256704.html

          http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/bspf_0249-7638_1978_num_75_2_8163

          - le début de la métallurgie du fer (l’auteur de l’article ci-dessus exclut cependant une origine méditerranéenne)

          http://halshs.archives-ouvertes.fr/docs/00/39/51/40/PDF/St-Romain.1ers_Fers.Texte.pdf

          - le déclin des champs d’urnes peu à peu supplantés par la résurgence des tumuli

          Si Carthage a été fondée vers -814, rien ne s’oppose à ce que les phéniciens cananéens aient commencé à parcourir la Méditerranée Occidentale un peu plus tôt.

          En ce qui concerne la fondation de l’Alésia celtique, je campe sur mes positions en la plaçant au 14ème siècle (début du Bronze Final-Champs d’urnes) sous l’égide d’un Héraklès mycéno-troyen.

          Par contre, je n’exclus pas qu’il y ait eu une première colonisation cananéenne en Méditerranée Occidentale (les Gorgones, Grées et autres « monstres marins » combattus par les Grecs) aux alentours de -2300 (Bronze ancien I) voir un peu avant. La métallurgie du Bronze est arrivée par la mer dans le Sud de la France et en Espagne.


        • Antenor Antenor 17 février 2013 00:43

          J’ai trouvé quelques exemples de citadelles situées à des distances comparables à celle séparant Mont-Saint-Vincent de Chalon (40 km).

          Le plus fameux : Windsor - Londres = 37 km

          http://fr.wikipedia.org/wiki/Ch%C3%A2teau_de_Windsor#XIe_et_XIIe_si.C3.A8cles

          L’évêque de Besançon est assiégé par le Duc de Bourgogne à Gy située à 32 km de Besançon.

          http://fr.wikipedia.org/wiki/Gy_(Haute-Sa%C3%B4ne)#Histoire

          Philippe-Auguste s’empare de la Normandie en faisant tomber Chateau-Gaillard bâti à 39 km de Rouen. Chateau-Gaillard dépendait de l’archevêque de Rouen. Cela indique qu’on n’a pas affaire ici à un champs de bataille désigné par le hasard de la guerre mais qu’il s’agit bien d’un site de premier plan.

          http://fr.wikipedia.org/wiki/Ch%C3%A2teau-Gaillard_(Eure)

           

          Il ne faut pas perdre de vue que les duchés médiévaux regroupent souvent le territoire de plusieurs anciennes cités gauloises mais ces exemples autorisent à placer la capitale militaire éduenne au Mont-Saint-Vincent. Par contre, ça m’étonnerait qu’elle ait pu rivaliser avec Chalon sur le plan économique. C’est toujours mieux que le Mont-Beuvray mais on reste tout de même assez éloigné des routes des fonds de vallée.

           

           


        • Emile Mourey Emile Mourey 17 février 2013 22:14

          @ Antenor

          Au sujet de la fondation d’Alésia par Héraklès, je n’ai pas d’idée arrêtée. Votre hypothèse d’une fondation dès le XIV ème siècle ne me paraît pas illogique en soi puisque j’ai développé l’idée d’une implantation néolithique au Mont-Saint-Vincent http://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/naissance-d-une-civilisation-de-la-34394.&nbsp ;Mais cela implique que Carthage n’aurait été fondée qu’ensuite et qu’il faudrait donc donner à Bibracte une primauté dans le temps ce qui n’apparaît dans aucun texte. Je reste donc prudent.

          De même pour Gergovie et les Gorgones. Il n’est pas illogique de penser que les combats mythiques des Grecs contre les Gorgones évoquent des conflits lointains entre partisans d’Athènes et partisans de Gergovie. Les Gorgones ont également combattu contre les Amazones et Diodore de Sicile - livre III, XXVII - fait remonter ces combats plusieurs siècles avant la guerre de Troie (avant le XIIème siècle ?). Je reste toutefois prudent. Pour le moment, il n’y a que le pithos de Thèbes qui nous fait remonter jusque vers 660 av. J.-C. http://www.agoravox.fr/ecrire/?exec=articles&id_article=125152&nbsp ;

          Quant aux céramiques, je ne connais pas assez bien le sujet.


        • Emile Mourey Emile Mourey 17 février 2013 22:35

          @ Antenor

          En effet, quand on lit César, c’est bien Bibracte qui est mise en valeur. La raison en est que c’est la position militaire où habite la famille régnante entourée de sa soldatesque, dans son château/castrum, siège de l’autorité suprême comme César l’a écrit. Mais la cité, celle qui fournira les 10 000 fantassins de Litavic, c’est la cité de Chalon. Le coeur économique, c’est Chalon. Strabon n’a pas cité le castrum de Taisey pour la bonne raison qu’il est constituant de la cité. Une cité de Chalon sans son castrum qui, en son centre et au point haut, pouvait surveiller un vaste horizon de champs et de prairies jusqu’à la Saône, c’est impensable.

          Autrement-dit, si on veut mieux comprendre le pays éduen, c’est d’abord Taisey qu’il faut essayer de comprendre et ensuite Mont-Saint-Vincent.

        • plexus plexus 5 février 2013 16:28

          Très érudits, tous vos échanges, je suis admiratif et sans voix.......avec mes regrets.
          Car la Bourgogne n’est pas loin de chez moi, et j’avais projeté d’emmener ma famille sur des lieux qui auraient vu combattre mon idole, Vercingétorix. !!!!
          Le symbole de la « furia francese », et de son manque de discipline ou d’organisation.
          Quant aux spéculations sur le devenir de notre civilisation, chrétienne ou pas, j’ai envie de les provoquer, car, avec des « SI » on peut démontrer ce qu’on veut.
          « Si » les anglais et les américains ne nous avaient pas aidés, le 11 novembre 1918 devenait une défaite.
          Nous parlerions tous l’allemand, nous serions au volant d’une mercédès, et nous voterions pour madame merkel.. ?..?ou peut être, même, pour des individus à casquette.
          Quand même, ici ou ailleurs, et d’après ce qu’on nous a raconté quand nous étions mômes, Vercingétorix, c’était quelqu’un !!
          A quand le parking sous lequel on retrouvera son squelette ?
          C’est mon voeu le plus cher...et pas trop loin !!


          • Emile Mourey Emile Mourey 5 février 2013 18:20

            @ plexus

            Mais bien sûr que si. Il faut venir en Bourgogne. Vous y verrez des choses absolument merveilleuses. Mais emportez avec vous mes articles sur les objets et les monuments qui vous intéressent. Ne manquez pas de photographier les ruines de Mont-Saint-Vincent. Le point de vue depuis le mont Beuvray est magnifique. Il s’y trouve une atmosphère de mysticisme inexplicable. Les ruines du village gaulois d’Alésia dont on vous dira qu’il est gallo-romain. La cathédrale d’Autun, les églises de Mt-St-Vincent, de Gourdon, etc. c’est fabuleux ; vous pourrez vérifier de visu toutes les interprétations que je donne...

            Vercingétorix ? Il faudra pousser jusqu’en Auvergne, au Crest. Son corps ? Il a été étranglé à Rome. Je ne me suis pas posé la question sur ce que les Romains ont fait de son corps mais cela serait intéressant de le savoir.

          • njama njama 5 février 2013 23:13

            Je ne me suis pas posé la question sur ce que les Romains ont fait de son corps ...

            Peu de chance qu’il soit sous la Place St Pierre, le cirque de Caligula Circus Vaticanus c’est vers 40 après JC .
            Je préfère l’imaginer en charmante compagnie dans ou à proximité de l’atrium vestae


          • njama njama 6 février 2013 00:50

            Finalement, mon problème, c’est que cette histoire est tellement folle que les gens n’arrivent pas y croire.

            Pas plus peut-être que « Et pourtant elle tourne » ... ni moins.
            Le problème n’est pas ce que dit votre thèse, comme disent d’autres thèses, qu’elles soient historiques ou scientifiques, en Histoire, l’obstacle c’est le « roman national » , pour reprendre des propos de Suzanne Citron, c’est un héritage de la Troisième République pour célébrer les grands hommes et exalter ainsi le sentiment national.
            C’est, ce qu’on appelle une mytho-histoire des origines (puisqu’elle constitue la Gaule comme une pré-France) mais aussi sur une mise en perspective que je qualifierai volontiers de téléologique (puisque la France préexiste dans la Gaule il s’agit de montrer que toute son histoire en découle !). Et un tel récit constitue la nation de façon ambivalente : à la fois ethnique ( puisque « nos ancêtres les Gaulois ») et messianique (il prend appui sur les valeurs de la Révolution réputées universelles).

            L’Histoire reste encore très hagiographique, du mois dans la sphère publique, éducative. Elle n’a pas beaucoup évolué depuis Voltaire, sauf de façon assez confidentielle pour les passionnés, les érudits. On peut le tenir pour le père de l’Histoire moderne avec son Essai sur les mœurs et l’esprit des nations (1756) , il sortait l’Histoire de son côté hagiographique, de l’histoire des vaincus et des vainqueurs, avec ses portraits sans concessions. La méthodologie historique n’était pas encore ce qu’elle est aujourd’hui, mais il en posait les bases, les principes.
            Fort heureusement au niveau de la recherche, des publications plus larges, tout cela évolue, chemine. L’Histoire est aujourd’hui perçue sous différents angles de lecture anthropologiques, économiques, politiques, sociaux, esthétiques, ... et militaires ainsi que vous le faîtes de manière singulière et remarquable. Les archives et travaux s’échangent, peuvent se recouper entre chercheurs, entre nations.
            Le « roman national » peut-il être remis en question ?
            Que faire contre cela ? de la persévérance bien sûr, communiquer, transmettre ... pour fissurer petit à petit la muraille, l’idéalisé paravent qui occulte bien des réalités, des faits tenus pour sans valeur, pour que la controverse subsiste et fasse son œuvre. Pas évident de briser les préjugés, les dogmes, le consensus supposé vrai ... travail de longue haleine. Encore une chance que vous ne soyez pas traité de « complotiste »  smiley
            C’est sûr qu’en tant que chercheur, auteur, on peut se questionner à savoir si nos travaux aboutiront à quelques fécondités espérées qui nous paraîtraient naturellement bien légitimes, d’autant plus qu’ils sont personnellement désintéressés, gratis pro Deo comme on dit.
            Une chose est je crois sûre, les mystifications ont la vie courte, la vérité finit toujours par resurgir, le talent, la qualité d’une oeuvre prospèrent d’une façon ou d’une autre avec le temps.
            Bien à vous. Merci pour votre article.


            • Emile Mourey Emile Mourey 6 février 2013 02:30

              @ njama

              Ce qui m’ennuie le plus, c’est de lire ou d’entendre les explications débiles qu’on donne aux touristes étrangers, que cela soit sur les Gaulois et leurs batailles ou sur les merveilleuses sculptures qu’ils nous ont laissées, une véritable bible de pierre qui raconte toute leur histoire. J’en ai parfois honte pour mon pays.

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