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Accueil du site > Tribune Libre > Ne plus être malade du temps

Ne plus être malade du temps

 On ne peut pas penser vite à long terme

Comme le dit Jean-Louis Servan-Schreiber, nous sommes « plus stressés qu’obèses », et « nous travaillons sans recul. Pour un canon, c’est un progrès. Pas pour un cerveau »1 ! Partout, tout autour de moi, je ne vois que des gens en train de courir. Les directions enchaînent plan d’action sur plan d’action, et ne voient pas qu’à force de mouvement brownien, elles ne bougent pas et que rien ne se transforme : elles sont comme ces athlètes qui courent de plus en plus vite sur le stade, et passent de plus en vite au même endroit, elles tournent en rond.

Cette agitation ne concerne pas que les directions, mais s’est propagée à l’intérieur des entreprises : partout, on sent une activité trépidante. Pas un bureau vide, pas une tête songeuse, personne ne traîne devant la machine à café. Dès que l’on marche dans un couloir, on est bousculé par des gens qui courent en tous sens, les bras chargés de dossiers. En réunion, chacun a son téléphone connecté et répond immédiatement au moindre message. Dès huit heures le matin, l’effervescence commence et elle va durer jusqu’à vingt heures, voire au-delà. Cette attitude vibrionnaire se répand même le soir ou le week-end à la maison : tout « bon » cadre se sent coupable s’il ne suit pas le flux de ses mails ou s’il les laisse sans réponse.

Si agitation rimait avec efficacité, toutes les entreprises seraient performantes. Mais souvent, cette agitation rime avec moindre réactivité réelle, moindre compréhension de ce qui se passe, moindre rentabilité. Confusion entre activité et performance, agitation et progression…

La crise actuelle n’arrange rien, bien au contraire. Au lieu de se rendre compte que c’est parce que l’on a trop couru, que l’on n’a pas vu les signes annonçant la crise, on court encore davantage. Le stress et la crainte pour la survie ne sont pas toujours de bons conseillers : la peur de mal faire et d’être distancé déclenchent des réflexes issus de nos cerveaux reptiliens. (…)

Notre société est malade de « présentisme » : elle ne pense plus que dans l’instantané, dans l’immédiat, dans l’urgence. Mais est-ce encore de la pensée ? Si au moins, c’était de l’action, mais non : si l’on entend par action, capacité à entreprendre quelque chose, je crois que le plus souvent, c’est juste de l’agitation, de l’effervescence, de la dispersion. Les gens qui courent pensent qu’ils gagnent du temps. Mais pendant qu’ils courent, que font-ils d’autre que courir ? Quand je choisis de me déplacer plus lentement, comme je n’ai pas besoin de consacrer mon attention à mon déplacement, je peux profiter de ce temps pour lire, discuter ou simplement réfléchir. Qui gagne du temps ? Celui qui court ?

Car, la question n’est pas d’aller vite dans l’absolu, mais d’adapter la vitesse à ce que l’on veut faire, d’ajuster rythme et durée. Une idée centrale est de comprendre l’interaction entre la durée d’observation et l’analyse que l’on peut mener : un corps observé sur une courte durée peut sembler solide, alors qu’il ne le sera plus au bout d’un certain temps d’observation.

(1) Jean-Louis Servan-Schreiber, Le nouvel art du temps, p.77 et 116

 

(Voir ma vidéo "Adapter la vitesse à la situation")

 

Voir aussi Mes articles sur le temps,


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15 réactions à cet article    


  • morice morice 11 juin 2010 12:14

     Partout, tout autour de moi, je ne vois que des gens en train de courir. 


    remède : changez de quartier, ou allez habiter dans un centre gériatrique..

    Les gens qui courent pensent qu’ils gagnent du temps. Mais pendant qu’ils courent, que font-ils d’autre que courir ?

    ah, parce qu’en plus il faudrait PENSER EN COURANT ???? ça c’est un courant de pensée intéressant en effet...

    Car, la question n’est pas d’aller vite dans l’absolu, mais d’adapter la vitesse à ce que l’on veut faire, d’ajuster rythme et durée. 

    qui veut ménager ses montures de lunette, etc : vous allez encore longtemps nous vendre du vent ? Même au bistrot du coin on en entend de meilleures sur le sujet. Des brèves de comptoir, qui ne sont pas les élucubrations d’un formateur de vide :

    « Ce qui ne va pas dans la société, c’est les gens. »


    • Robert Branche Robert Branche 11 juin 2010 15:39

      Merci pour ce nouveau commentaire toujours aussi chargé de votre douce humanité si caractéristique smiley

      Un conseil pour avoir encore plus de temps disponible : éviter donc de lire mes articles puisqu’ils sont du vent. Laissez-les donc s’envoler ... sans vous smiley

    • Halman Halman 12 juin 2010 10:43

      Toujours aussi comique de lire un Morice toujours à côté de la plaque.


    • rocla (haddock) rocla (haddock) 11 juin 2010 16:08

      Robert ,

      c ’est pas de sa faute à Morice , il peut pas comprendre ce que vous voulez dire , en fait je crois qu’ il ne sait même pas lire .

      Il croit qu’ une voyelle c ’est la femme d’ un voyou .

      La réflexion il croit que c ’est quand le médecin tape sur la rotule avec son marteau en caoutchouc ....

      S ’il savait penser etc....

      Alors il éructe ......


      • Halman Halman 12 juin 2010 11:01

        Et oui, et il me dit que je plane alors qu’il refuse de sortir de son petit monde de la pomme arc en ciel.

         smiley


      • amipb amipb 11 juin 2010 16:38

        Sage article et réflexion. Le temps n’existe pas, sauf dans notre avidité à satisfaire continuellement nos désirs. C’est une boucle sans fin, tant que l’on ne décide pas d’arrêter d’être un esclave...

        Alors seulement commence la maturité, l’apprentissage de l’attitude, du geste ou de la parole juste, car mûrement réfléchie.


        • gimo 11 juin 2010 21:41

          l’auteur 

           j’ai bien aimer 

          exactement il faut de la sagesse pour voir le temps passer sur nos vies
          et comprendre   le pb de cette société   la maladie des temps perdus

          vouloir arriver avant de partir ..
          . !! pressé pour aller nul part 
          être bien nulle part 
           et malheureux partout cela est triste
          toute une philo et un programme que cela 
           merci  !!!
          c’est rare de voir des gens qui parlent pour dire quelque choses visible avec l’esprit


          • marie81 12 juin 2010 09:37

            dans l’agitation mentale et corporelle on est toujours à côté de la plaque
            on ne vit pas au contact de la réalité,la globalité de la vie nous échappe,on ne voit rien, on n’entend rien, incapables à écouter,prendre le temps de comprendre avant de réagir..

            les sages de tous les temps étaient lents,lis vivaient dans « ici et maintenant »

            à l’opposé,
            nos politiques,qui s’agitent,qui courrent, voyez le résultat....
            il n’a pas qu’eux,c’est une tendence générale d’homme moderne

            vite et bien, quelle drôle d’expression

            merci pour cet article,un peu d’air frais ça fait du bien


            • ZEN ZEN 12 juin 2010 10:48

              Ce n’est pas le temps qui nous rend « malades », c’est nous-mêmes, tels que nous sommes conditionnés pas un système qui nous pousse à l’urgence

              L’homme pressé vit en marge de lui-même
              La Lenteur fait gagner du temps


              Marcher (autrement)peut être un remède

              « Une sage lenteur a raison de la hâte » (Th. de Mégare
              -"
              Les seules vérités qui vaillent sont des vérités lentes" (E.Orsenna)
              -« 
              Tout ce qui doit durer est lent à croître » (L. De Bonald)


              • Halman Halman 12 juin 2010 10:56

                Très bon article très bien vu Robert.

                On est passé à une forme de travail où il est impossible de s’organiser tellement il faut courir partout tout le temps, impossible de se concentrer sur quelque chose, tout le temps il faut aller voir quelque chose en urgence, tellement on est interrompu en permanence dans tout ce que l’on fait par mille intervenants téléphoniques ou physiques.

                Résultat, j’en ai encore eu la preuve hier, attendre que les furieux à la mode foutent le camps à 17 heures, et là avec les 3 collègues restants, nous avons pu faire SEREINEMENT en deux heures ce que nous aurions du faire dans toute la journée.

                C’est vraiment grave d’en arriver là.

                Ces furieux pensent être productifs parce qu’ils courent tout le temps, mais en fait, mettent la journée à changer un écran et un ordinateur portable là où cela peut être fait tranquillement en deux petites heures.

                Parce que ça s’énerve, parce que cela parle de sa « super efficace manière de travailler », « moi je m’y prend comme ça tu vois, parce que bla bla bla », plus que cela ne bosse.

                Mais on s’en fout !!!!!!!!!!

                Ceux qui m’énervent le plus sont ceux à qui l’on pose une question, qui vous répondent mille autres choses qui n’ont rien à voir, finalement vous ressortez deux heures après de leur bureau avec mille conneries dans la tête, pour vous apercevoir après vous être détendu un moment que la réponse tient en une solution de même pas deux minutes.

                Et ils ont l’impression de faire plein de choses, d’être efficaces, alors qu’ils se dispersent dans mille gadgets et détails qui ne sont utiles qu’à leurs yeux, mais qui foutent le binz sur l’ordinateur de l’utilisateur lambda.

                Et ça rentre le soir épuisé et ennervé.
                 
                Bref ça fait du vent et du bruit pour pas grand chose quoi.

                C’est devenu le mode de fonctionnement normal de la plupart des gens aujourd’hui.


                • Robert Branche Robert Branche 12 juin 2010 11:34

                  C’est effectivement devenu une forme de névrose collective.

                  C’est un des points que je mets en avant et face auquel je suis déterminé à lutter : et c’est possible ! 
                  J’ai fait une conférence le 10/6 devant un ensemble de cadres dirigeants et ce fut une des sujets (un des participants a commencé un compte-rendu avec des dessins plutôt sympas : http://dessinsdefix.viabloga.com/news/les-mers-de-l-incertitude-une-conference-de-robert-branche-partie-1 )

                • Nicolas 12 juin 2010 12:12

                  C’est ce que j’ai pu constater dans mes quelques boulots, on parle du travail plus qu’on en produit réellement, et j’ai travaillé dans le public et dans le privé. Un détail personnel qui m’a frappé est l’inflation du management et de la réunionnite, qui devient une vraie maladie. C’est pour cela et d’autres choses que j’ai apprécié la justesse des points de vue de cet article.


                • COVADONGA722 COVADONGA722 12 juin 2010 10:59

                  bonjour , je ne comprend pas toujour ou veut en venir mr Branche « ça vient de moi yep »
                  mais il ne me viendrait pas à l esprit de me montrer outrecuidant et boursouflé de l égo
                  comme mr Morice .Mais faut dire que je ne fais partie de dream team produiseuse de nartic ou seule la dithyrambe est autorisée .


                  • Robert Branche Robert Branche 12 juin 2010 11:37

                    Mon premier objectif est d’amener à une prise de conscience des erreurs collectives et de déclencher un changement, ce d’abord auprès des dirigeants, car, comme le dit un proverbe chinois, le poisson pourrit par la tête...


                  • rocla (haddock) rocla (haddock) 12 juin 2010 13:47

                    bon , maintenant je vais lire le deuxième mot ... smiley

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