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Nul en orthographe… euh…

Recension critique d’une émission (Grand bien vous fasse) d’Ali Rebeihi sur France Inter. Ali Rebeihi trouve le sujet si palpitant et important qu’il l’a proposé pour la deuxième fois le 9 février (la première étant le 14 décembre). On se régale.

D’abord, Ali Rebeihi défend la conservation de la langue écrite, mais pas la prononciation. Il a tendance à ouvrir les « o » et les « eu », ce qui produit à un certain moment de l’émission un effet comique involontaire.

Il y a là une question de richesse de la langue, de diversité, au sens de la biodiversité. La langue française comporte 36 sons. Si on ne pratique plus les « o » et les « eu » fermés, il nous reste 34 sons. Il ne voit là ni faute (-moi si) ni orthoprononciation (-moi si). La langue parlée est une base, les enfants parlent longtemps avant d’écrire, nous parlons tous beaucoup plus que nous écrivons et écoutons beaucoup plus que nous lisons. Nous écrivons la langue parlée, nous ne parlons pas la langue écrite. Il y a une succession (dans le temps) et cette succession est une primauté.

Une radio de service public devrait avoir pour tâche de ne pas perdre des pièces en route (ici des sons). Surtout quand elle nous fait valoir la langue comme patrimoine immuable, pleine de richesses passionnantes : comment écrivez-vous fuchsia ?.. Etc.

Dès le début, Ali Rebeihi nous propose de faire le point sur les fotes les plus courantes. Au mot faute, il prononce un « o » ouvert du plus bel effet ! Voilà pourquoi j’écris fote, j’écris ce qu’il a dit.

En principe, on dit automne (premier « au » fermé, deuxième ouvert). L’orthographe (premier « o » ouvert, deuxième fermé) ne suit pas les sons, comme souvent en Français, d’une façon qui selon moi n’a pas d’intérêt, oblige à un effort de mémoire qu’il serait plus utile de mettre dans des choses plus consistantes et qui favorise les esprits soumis : « au » et « eau » sont toujours fermés (à moins de quelques exceptions toujours possibles que je n’ai pas en tête) ; la lettre « o » se prononce avec un son ouvert ou fermé, c’est selon. On écrit parfois des accents circonflexes sur les « o », dans ce cas leur prononciation est fermée. Faute se prononce avec un son « o » fermé. Sinon, c’est une faute de français. Voilà pourquoi il faut écrire fote pour transcrire

Ali Rebeihi n’a pas conscience apparemment de ces deux sons. Plus loin dans l’émission, il parle du chauffe-biberon (il prononce un « au » ouvert qui est faux) dans l’auto (il prononce deux « o » fermés comme il se doit).

Le « eu » se prononce fermé : heureux (deux « eux » fermés ; deux (« eux » fermé)) ; bonheur « eu » ouvert. Parfois, rarement, la fermeture du son est écrite avec un accent circonflexe sur le « u ».

On réentendit l’exemple qu’on avait lu et fait circuler abondamment sur le Net à propos d’une réforme de l’orthographe qui ôtait certains accents circonflexes : je vais me faire un petit jeune ou je vais me faire un petit jeûne, qui était mis là pour prouver que l’accent circonflexe était absolument nécessaire et que le supprimer ne pouvait qu’entrainer moult confusions, dont il était un exemple remarquable.

Or, la phrase « je vais me faire un petit jeune », que ce soit avec un « eu » ouvert ou un « eu » fermé, est une phrase très ordinaire, vulgaire, qui n’honore pas la langue française. Le verbe « faire » est faible et obscène voire criminel s’il s’agit d’un jeune vraiment jeune (le contraire d’un vieux, « eu » fermé pour vieux). Une invitée, Muriel Gilbert, trouve que si l’on écrit « jeune » c’est ambigu. Pour aimer la langue française et la défendre, il faut aimer les mots, c’est-à-dire leur donner leurs valeurs. Ce n’est pas ambigu. Ambigu c’est autre chose. C’est vulgaire. Ali Rebeihi, lui, prononce jeune comme jeûne, s’il est là pour défendre l’existant orthographique, (l’accent circonflexe fait passer d’un sens acceptable à un autre sens inacceptable, tout à fait hétérogène), il confond les deux prononciations avec une innocence de nouveau-né.

Un peureux (deux « eux » fermés) a peur (« eu » ouvert). Et pas de circonflexe pour signifier la différence des sons écrits de la même manière. Un œuf, des œufs. Ouvert, fermé.

Je suis globalement pour la logique et ne verrai a priori pas d’inconvénients à mettre systématiquement des accents circonflexes sur les « u » des « eux » fermés. D’écrire : Un peûreûx a peur de tout ; un bœuf, des bœûfs. Mais : Oh ! Ne les faites pas lever ! C’est le naufrage… (Arthur Rimbaud).

Un étranger, Thomas, passe à l’antenne pour dire que les fautes d’orthographe ont tendance à primer le contenu et s’en étonne (il a un fort accent, mais ferme les « o » et ouvre les « o » à bon escient). Ali Rebeihi croit qu’il est espagnol alors qu’il est allemand. Ali Rebeihi plaisantait bien sûr. On avait compris, cependant il valait mieux qu’il le dise.

Il faut garder l’accent circonflexe de forêt qui a dans sa famille forestier. Une belle histoire. Ben voyons ! C’est dans ce qui a été réformé, pour cause d’abus d’intérêt (un peu comme conflit d’intérêts ; mais à l’envers, au lieu d’un surcroit d’intérêt, une absence d’intérêt).

S’extasier sur des détails qu’on ne voit passer que de loin en loin pour perdre presqu’une heure à répéter la loi qui est la loi parce qu’elle est la loi, sans jamais questionner aucune intelligence, aucun raisonnement, et surtout pas la nécessité d’avoir une orthographe, d’une part ; et une orthographe illogique et arbitraire, d’autre part, est très étonnant (euphémisme ; son « eu » fermé).

Ali Rebeihi nous dit qu’il y a des mots hermaphrodites ! C’est navrant ! Les mots n’ont pas de sexe, les mots ont un genre. Il n’y a pas de mots transgenre. Il y a quelques mots, rares, qui changent de genre selon l’emploi, notamment suivant le singulier et le pluriel, ça ne les rend pas transgenre. Ils ont deux genres, alternativement. Mes amours étaient bonnes. Mon merveilleux amour !

Un homme est une personne. Une femme aussi. Cela n’a rien à voir avec leur sexe, qui n’en est pas altéré. La poule est un animal (de sexe féminin). Le Mont Saint Michel n’est pas une montagne, alors que le Mont Blanc, lui, est une montagne. Il n’y a rien de bizarre.

Grammaticalement, c’est une propriété de l’attribut du sujet que de relier des noms de genre (et parfois de nombre) différents, tandis que l’adjectif attribut s’accorde en genre et en nombre : Un homme est beau, une femme est belle, des hommes sont beaux, des femmes sont belles.

Je n’ai pas entendu nommer cette fonction d’attribution, avec les caractéristiques que je viens de dire, j’ai entendu dire que les mots étaient merveilleux parce qu’ils étaient susceptibles d’être transgenres !

On est tous nuls en orthographe (et en diction) ; mais on tient à l’orthographe, on lit les dictionnaires, on garde avec foi des distinctions orthographiques que l’on ne se soucie pas de maintenir à l’oral. On écarte ainsi un peu plus l’écriture du prononcé, ce qui est un des premiers problèmes de l’orthographe française.

Cette émission plane grave dans un pastis délicatement cauchemardesque.

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21 réactions à cet article    


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     « cm2 : 15% illettrisme »
     
     
    ’La Boobaisation’ Naïade Vagino Bécassine la colon


    • http://marthetmarie.lifediscussion.net/t128-arriver-a-un-tel-niveau-d-imbecillite
       
      Traduisez de bobo de la benêtisation nationale en benet :
       
      Je pars comme intervenant en zone proximale de développement pour une autosocioconstruction des savoirs des apprenants, à base d’outils synthético-audiomorpho-programmables à trous mais sans mon référentiel bondissant aléatoire pour sphère de diversité.

       
      Pontification pédagogo de gogocho aux frais des contribuabenets et des intervenants.
       
      seuls 30,7% des dépenses publiques ex-françaises d’éducation sont consacrées aux salaires des enseignants, contre 51% en Allemagne

       


      • cathy cathy 10 février 2017 12:51

        C’est bien la langue qui fait un peuple, ou le peuple qui fait la langue.


        La réforme de l’orthographe imposée par notre ministre de l’Éducation nationale, prévoit de simplifier notre langue afin que les plus mauvais en orthographe n’’aient plus de complexes… En obligeant les plus doués à rejoindre le niveau des plus nuls.

        Ainsi, le « ph » de « pharmacie » sera remplacé par un « f » pour donner « farmacie ». « Orthographe » s’écrira « Ortografe » et « Analphabète » deviendra « Analfabète ».

        Or, chaque mot prenant son sens dans ses racines, le mot « analphabète » est issu des deux premières lettres de l’alphabet Grec, « alpha » et « beta » précédées du préfixe privatif « an » qui lui donne son sens originel, à savoir : « qui ne connaît pas les lettres » donc qui ne peut ni lire, ni écrire.

        Si désormais on écrit « analfabète », c’est différent. Dans ce cas, il faut revoir son étymologie et par conséquent, son sens. Donc :

        « anal » : qui a rapport à l’anus,

        « fa » : la quatrième note de la gamme

        « bète » : personne un peu sotte.

        Donc « analfabète » : Con qui fait de la musique avec son trou de balle.

         


        • rogal 10 février 2017 16:01

          @cathy
          Chi lo fa ?


        • Pseudonyme Pseudonyme 10 février 2017 14:16

          ’ je vais me faire un petit jeune ou je vais me faire un petit jeûne ’ ...

          Si c’est Frédéric Mitterrand cela a effectivement son importance.

          Après nous sommes victimes de notre environnement, et la langue agit comme un marqueur social à l’insu de notre plein gré .

          Il est très facile d’imiter le français des banlieues, mais difficile de parfaire son langage quand tout le monde baragouine autour de soi.

          J’ai un copain prof de français .... et patati et patata ... mais n’est ce pas impoli de reprendre un adulte ! Alors il est bon en français mais il ignore totalement la politesse française !

          Merde alors !!



          • bouffon(s) du roi bouffon(s) du roi 10 février 2017 14:19

            Le « nous sommes ouverts » de la photo, c’est pour une boite gay non ? ^^


            • rogal 10 février 2017 16:05

              « Je n’ignore pas qu’à Marseille, on dit un peneu ». En France (-Inter) on dit Ouesteu du pays et testeu-match.


              • L'enfoiré L’enfoiré 10 février 2017 17:29

                @rogal,

                 En Belgique, on mange de l’américain dans des pistolets ou du pain français...
                 On peut manger ainsi un cannibale avec des chicons.
                 Mais tout cela vous trouverez notre langage fleuri dans ce lexique.
                 Attention, certains mots sont plus sudiste et d’autres plus nordistes.
                mais au milieu on trouve de tout...
                 On ne sait même plus quand on parle en français, en flamand ou en anglais...
                 C’est fou, non ? smiley  


              • L'enfoiré L’enfoiré 10 février 2017 17:18

                Bonsoir Oralien,

                « On écarte ainsi un peu plus l’écriture du prononcé, ce qui est un des premiers problèmes de l’orthographe française » dites-vous.

                Et c’est exactement ce que je reprochais dans l’article que je commentais et qui évidemment n’a pas été répondu.
                La langue fait le grand jeu des langues de la bouche et pas de l’écriture.
                 


                • Doume65 12 février 2017 10:25

                  @L’enfoiré
                  « l’article que je commentais et qui évidemment n’a pas été répondu. »
                  Tu veux dire « Le commentaire auquel personne n’a répondu » ?
                  Revois ta rédaction, tu auras plus de réponses.


                • aimable 10 février 2017 21:06

                  j’ai toujours parlé Français , j’ai commencé par le vieux Français que l’on appelle le patois bon avec quelques ,enfin , beaucoup de mots déformés , je n’ai appris le Français moderne qu’a l’âge de 6ans ( avec 2 rudes hussards de la république ) et mes intonations font partis des nombreuses et différentes intonations de ma région car il y a presque autan d’intonations que de cantons ( mais avec la télé les bonnes manières se perdent )


                  • CHALOT CHALOT 11 février 2017 10:29

                    Je vous demande de bien vouloir m’autoriser à reproduire ce texte, avec votre signature sur le blog de familles laïques de Vaux le Pénil

                    cordialement
                    JF Chalor


                    • Orélien Péréol Orélien Péréol 11 février 2017 11:09

                      @CHALOT
                      Je vous remercie de l’intérêt que vous portez à mes écrits sur la langue.

                      Vous avez bien sûr mon autorisation et mes remerciements. Orélien

                    • ricoxy ricoxy 11 février 2017 11:27

                       
                      Et inutile de signaler la confusion quasi générale entre les sons in et un : emprunt prononcé comme empreint. Mais cela est dû, paraît-il, à la phonologie parisiennne.
                       


                      • Gilles COLIN 12 février 2017 16:58
                        Lu sur le site de l’Académie française : http://www.academie-francaise.fr/dire-ne-pas-dire&nbsp ;
                        Je suis professeur des écoles et j’ai eu une formation sur la langue française et l’étymologie des mots au service de la compréhension hier soir. Les formateurs nous ont fait relever toutes les graphies du son [in] et ils y ont mis les graphies UN et UM. Cela m’a choquée car pour moi « in » et « un » ne se prononcent pas de la même façon. Mais j’étais la seule à le penser. Qu’en est-il vraiment ?
                        Claire B. (France)

                        L’Académie répond :
                        Les dictionnaires qui utilisent l’A.P.I. mentionnent tous la différence entre un et in.
                        Il est exact que certaines personnes ne font plus la différence, mais la majorité continue à la faire.
                        Les enseignants que j’ai contactés considèrent cette différence comme très importante et l’enseignent tous à leurs élèves.

                        Ce que j’en pense :
                         Je rappelle que l’opposition de certains phonèmes ne doit pas freiner la découverte de la langue. Qui prononce encore différemment le â de gâteau et le a de bateau ? La question n’est pas d’opposer arbitrairement les prononciations de brin et brun mais d’admettre qu’il existe une gamme de prononciations pour certains phonèmes à la manière des vocalises pour une cantatrice.
                         Vous trouverez une vue d’ensemble des relations grapho-phonétiques à cette page : https://sites.google.com/site/motsetsons/home/1-toutes-les-facons-d-ecrire-les-sons.

                        La démarche du Dicthographe est d’aider à la découverte des mots et de leur(s) orthographe(s) en prenant en compte la diversité des prononciations : https://sites.google.com/site/ledictho/

                        • Doume65 12 février 2017 18:20

                          @Gilles COLIN
                          « pour moi « in » et « un » ne se prononcent pas de la même façon. Mais j’étais la seule à le penser. Qu’en est-il vraiment ? »

                          Ce qu’il en est ? C’est que Paris gouverne la France.


                        • Orélien Péréol Orélien Péréol 12 février 2017 22:38

                          @Gilles COLIN
                          J’ai écrit cet article sur le fait qu’Ali Rebeihi, sur France Inter, nous engage à respecter des orthographes signalants des mots différents tandis qu’il ne les différencie pas à l’oral.

                          C’est surtout ça, mon sujet.
                          Il a fait précédemment une émission sur le jeûne (le fait de se priver de manger pendant un certain temps) en riant au début sur la différence entre les sons « jeune » et « jeûne ».
                          Dans son émission sur l’orthographe, le très mauvais exemple qui a servi à valider le caractère irremplaçable de l’accent circonflexe (je vais me faire un petit jeûne, petit jeune) est sorti de nouveau, alors que l’usage de deux sons « eu » parait n’avoir aucun intérêt pour cet animateur.

                        • Xenozoid 12 février 2017 18:22

                          MOI JE SUIS NUL


                          • Orélien Péréol Orélien Péréol 13 février 2017 10:11

                            Je tiens à faire connaître publiquement la réaction d’Ali Rebeihi à cet article (par mails personnels).

                            Il me dit qu’il sent dans mon texte du racisme et un mépris de classe.
                            Je lui demande d’argumenter sur mes arguments et de ne pas surinterpréter. Je suis fils de prolo, mes parents n’ont pas leur certificat d’étude...etc. Quant à l’accusation de racisme, il ne peut pas commander les autres à se ranger à son avis avec cette « accusation ». Je lui rappelle les grandes lignes de cet article : le caractère de service public de France-Inter comporte certaines obligations en matière de respect de l’oral canonique (est-il d’accord ? pourquoi oui, pourquoi non ?...) et respecter l’orthographe et ne pas respecter l’oral ne va pas ensemble (de ça, il peut me parler, et même trouver que je me trompe).
                            Réponse : Arrêtez de me harceler.
                            Eh ben ! Les bras m’en tombent.

                            • Doume65 13 février 2017 10:39

                              @Orélien Péréol
                              « Il me dit qu’il sent dans mon texte du racisme »
                              Le coup du racisme, ca marche bien pour les israéliens, alors pourquoi pas en profiter ?
                              Non, franchement, Orélien, vous demandez à un intervenant sur France Inter de faire des efforts ! Vous exagérez !


                            • Gilles COLIN 14 février 2017 12:14

                               En France la langue française est confisquée par ceux qui en vivent et les médiacrates veillent à ce que cette base de l’élitisme ne subisse aucune atteinte, par exemple en interdisant les commentaires.

                               Dans les présentations, sur le site de France Inter, des émissions que vous citez, j’ai relevé ces fautes : « les fautes d’orthographes » et « entre partisan de la simplification et ceux qui ne veulent quasiment rien changer » ainsi que des formulations redondantes : « Dites-nous si vos problèmes en orthographe vous ont posé des problèmes dans votre vie sociale ? Que faites-vous pour remédier à ce handicap orthographique ? » « Et puis notre camarade de France Inter, Xavier Mauduit, nous proposera deux ou trois dictées pour nous tester. »

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