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Accueil du site > Tribune Libre > « Panama Papers » : Victoire de la Transparence ?

« Panama Papers » : Victoire de la Transparence ?

La victoire du libéralisme et plus particulièrement celle de la concurrence sur l'idée de coopération et de collectivité imprègne durablement nos consciences. Jadis, la victoire libérale était peut-être jugée inéluctable, depuis la chute du mur de Berlin, elle passe pour irrémédiable, que se soit dans l’expression des chroniqueurs de la presse mainstream ou plus généralement, sous la plume des intellectuels, subventionnés ou non. Les "Panama Papers" pourraient nous inciter à reprendre espoir dans la pertinence et la légitimité de la bataille qui se cristallise entre deux paradigmes irréconciliables : concurrence et opacité contre coopération et transparence.

La concurrence est un moteur actif du système libéral et elle nécessite l'opacité pour fonctionner normalement. Aussi est-on en droit de s'interroger sur l'affaire des "Panama Papers", s'agit-il là d'une victoire de la transparence ? Peu d’éléments permettent de se forger une opinion objective. Il peut aussi bien s'agir d'une guerre stratégique entre les différentes factions d'une bataille économico-financières à l’échelle mondiale que de l’œuvre d’un héros solitaire et anonyme.

Toutes sorte d'hypothèses peuvent être émises car, paradoxalement, et c’est là un point important de l'affaire des « Panama Papers », le ou les hackers ne sont pas connus, et probablement même pas des organismes de presse qui exploitent les information divulguées (en effet, le(s) hacker(s) aurai(en)t communiqué par chat et email crypté). Ce secret est-il une saine mesure de précaution d’un hacker prudent face à l'oligarchie mondialisée ou bien une manœuvre machiavélique d’un puissant stratège ? A-t-on affaire à un nouvel « Edward Snowden » qui reste caché pour se protèger de menaces de poursuites ? On sait que les sources ont le plus grand mal à demeurer anonyme quand ils déclenchent l’ire américaine. Pour ne citer que les plus célèbres, c’est ainsi que le soldat Bradley Manning a-t-il été condamné à 35 ans de prison, Julian Assange est privé de liberté de mouvement dans l’espace clos de l’ambassade d’Equateur à Londres, Edward Snowden est pour sa part réfugié en Russie. Il est clair que les perspectives d'avenir des lanceurs d'alertes ne sont pas réjouissante quand on assiste à la descente aux enfers des anciens employés poursuivis en justice et plus que jamais sous le feu de la rampe : Stéphanie Gibaud (UBS), Nicolas Forissier (UBS), Hervé Faciani (HSBC) etc… sans parler des illustres précurseurs trop longtemps pourchassés par la justice à l'instar de Denis Robert (Affaire Clearstream 1 et 2). Si le hacker est un individu, le choix de l’anonymat semble évident, et ce n’est pas le récent cas du hacker roumain : Marcel Lazăr Lehel dit « Guccifer » (en instance d’extradition aux USA où il risque une peine de plusieurs dizaines d’années de prison) qui nous en fera douter.

Toutes les suppositions sont permises, ainsi, peut-être s'agit-il là d'une attaque pilotée par les Etats-Unis que certains suspectent de fomenter des troubles au sein de divers pays afin d’en extraire les capitaux « flottants » pour les réorienter vers des lieux plus propices au développement de l'économie étasunienne (offshore américain Delaware, South Dakota, Nevada et d’une façon plus générale vers les places off-shores anglo-saxonnes : la City de Londres ..., sans oublier Israël, protectorat de l’Empire).

L'hypothèse d'une politique de "refiscalisation" tous azimuts du trésor américain semble plus hasardeuse même si cette « manœuvre » a déjà été constatée dans un passé récent. On se souvient d’un principe que l’Etat américain tend à affirmer hors de ses frontières, il vise l'extension infinie du champs de compétence du droit national américain en oeuvrant à son internationalisation. Un nouveau « droit » asymétrique qui repose sur la légitimation de l’usage du dollar. Nous pourrions citer à titre d’exemple le cas des amendes records infligés aux banques européennes (BNPP 8,97 milliards de $, Crédit Suisse 536 millions de $,etc...) mandatées par le trésor américain. Pourtant, comment expliquer que globalement, les contribuales américains semblent n’avoir guère été impactés dans l’affaire panaméenne ? La logique de la désinformation est de fait tellement fine et tortueuse qu'il apparait difficile d'écarter cette option. En effet, le trésor US aurait pu éliminer des fichiers « pirates » les contribuables américains justement pour ne pas être suspecté, sachant qu’in fine, l’Etat américain a de toute façon toujours la possibilité de contacter les contribuables fautifs de façon discrète comme l’a fait Bercy dans l’affaire UBS suisse avec sa cellule de « dégrisement ». Revenons sur ce qui constitue peut-être le cœur du dispositif, à savoir le gain financier issu de la relocalisation des fonds aux USA, qui serait selon certaines personnalités[1] de haut rang, l'explication principale de la sortie de la crise de 1929 (et non le new-deal ou même la 2nd guerre mondiale). Une telle source de devises aurait effectivement un impact beaucoup plus puissant que la simple refiscalisation de capitaux blanchis off-shore. Notons que les flux de capitaux, d’autres dirait le « ressac post-subprime » en direction des USA, semblent être initiés par des évènements déstabilisateurs que les mauvaises langues associent à la galaxie Soros (également citée dans l’affaire des Panama Papers). On peut citer à titre d’exemple les mouvements de capitaux chypriotes et grecs associés aux turbulences des dettes souveraines.

Tout cela n’est que pure spéculation et permet simplement d’émettre des hypothèses propres à souligner la complexité de l’affaire. Dans une vision utilitariste, la mise en exergue de cet évènement, permet de promouvoir et de légitimiter la transparence, et par la même la coopération, ce qui constitue certainement l'impact le plus positif dont puisse bénéficier notre monde. Les lanceurs d'alertes, les wikileaks, Julien Assange, Denis Robert, Edward Snowden, sont les héros du paradigme enfin revivifié de la coopération. Bravo et merci à eux. Concernant les héros de l’ombre des "Panama Papers", n’attendons pas de pouvoir évaluer leurs aspirations afin de déterminer la légitimité de leur cause. Même si ce n’est pas leur but, ils oeuvrent malgré tout pour le bien commun.

On voit que l'opacité des "leakers", nécessaire compte tenu de leur manque de protection juridique, nous oblige à d'infinis conjectures, ce faisant, la prudence doit prévaloir. Il convient de laisser passer plusieurs semaines avant de pouvoir reformuler de nouvelles hypothèses mieux étayées. Il sera peut-être plus aisé de déterminer quels sont les grands bénéficiaires de cette fuite, en laissant une part raisonnable, et par principe, au doute.

 

[1] Citons notamment Christina Romer choisie par Obama pour présider son Comité des conseillers économiques.


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9 réactions à cet article    


  • Shawford 9 avril 2016 09:26

    Excellent panorama des différents éléments de la cause. In fine ce qui est terrible c’est de ne s’interroger (et encore, l’éclairage donné à tout ça est d’ores et déjà en train de s’estomper dans les médias et ailleurs) que sur les bénéficiaires des fuites, sur la distribution de bons ou mauvais points aux acteurs concernés, mais en aucun cas sur la problématique perverse fondamentale de tous les mécanismes utilisés pour créer et entretenir cette opacité.

    Pour ne prendre qu’un exemple explicatif, il s’agit désormais de condamner la Société Générale pour avoir créer des sociétés off shore au Panama car ce serait donc pas bien de le faire dans ce Paradis(site) fiscal là, mais en aucuns cas de retoquer le principe même de la création opaque de ces coquilles vides.

    Très clairement il s’agit donc juste d’un simple jeu de chaises musicales pour déterminer à quel moment il est temps de « changer de crémerie » en fonction d’intérêts financiers « supérieurs », en clair au moment où il devient indispensable que ces magouilles soient exportées ailleurs (c’est à dire quand « insupportabilité » vis à vis de l’intérêt général devient trop criante), car quel que ce soit le lieu et l’heure, ce sont toujours des magouilles de la première intention à la dernière exécution.

    IL y aurait en effet tout aussi fondamentalement des règles imparables qui devraient définir la non tolérance de ces mécanismes, par exemple créer en quelque endroit que ce soit une société, et que celle ci puisse créer et détenir à son tour un compte bancaire dans un autre Pays : par définition il n’y a ici aucune explication valable de simple organisation du patrimoine, mais bien une intention manifeste de dissimulation.
    Mais de discussion là dessus : que nenni, et si il y a donc bien une arnaque incontestable, elle est bien là (et toussa sans même préjuger de toute la composante géopolitique qui émarge dans cette affaire)


    • Arturo ZAPATA Arturo ZAPATA 10 avril 2016 11:56

      @Shawford
      Etant un « fan » inconditionnel de Denis Robert, J’ai pu me rendre compte via ses ouvrages que le système financier fait parti intégrante de la sphère politique. Pour ne citer que deux noms : on se souvient du banquier Pompidou comme on connait le banquier Macron.

      Le système de défiscalisation off-shore est international et institutionnel. Les politiques s’appuient dessus pour édifier leur carrière politique. Il leur est nécessaire (on l’a vu ô combien concernant les campagnes de Sarkozy, la fragilité du montage Bygmalion ne fait que rendre encore plus nécessaire les dissimulations off-shore). 
      C’est pourquoi, il me semble que l’élément de réflexion important revient à l’exigence de la transparence qui est fondamentale s’agissant de coopération. On peut également comme je le fais s’interroger sur les luttes intestines comme l’est peut-être l’affaire des Panama Papers afin d’en évaluer l’usage géopolitique.
      Bien à vous.

    • Deneb Deneb 10 avril 2016 08:28

      Depuis quelques jours, les Russes se ruent sur les instruments de musique. Ils ont en effet appris que Rodoulguine a gagné 2 milliards de dollars en faisant commerce d’instruments « couteux » et en jouant de la violoncelle... Quid de Bono, de Paul McCartney ... ce sont des petits joueurs comparés au roi de la violoncelle et du pipeau. Les pionniers de ce nouveau gisement économique sont fortement encouragés par l’incorruptible Président V.V.Poutine, qui démontre brillamment qu’en mettant de côté 1 million de $ par mois, il suffit de moins de 200 ans pour économiser ce petit pactole alléchant.


      • Ben Schott 10 avril 2016 08:53

        @Deneb
         

        Très drôle.
         
        Bon alors, c’est Poutine ou l’ami de Poutine qui a goinfré les deux milliards d’euros ?
         
        PS : on dit un violoncelle.
         


      • Deneb Deneb 10 avril 2016 10:21

        @Ben Schott non, il n’est pas mentionné, c’est bien-sûr la preuve qu’il n’a rien à voir. D’ailleurs il l’explique lui-même : https://www.youtube.com/watch?v=tTNx2aE1RSs


      • Arturo ZAPATA Arturo ZAPATA 10 avril 2016 11:58

        @Deneb

        Désolé, personnellement, je n’ai pas creusé cet aspect. D’une façon générale, attendons pour faire le bilan, peut en saurons nous plus dans quelques semaines afin d’évaluer à qui profite cette fuite...

      • Deneb Deneb 10 avril 2016 12:58

        @Arturo ZAPATA Il n’y a rien à creuser. C’est un complot de la CIA. Le PM islandais tombe, Cameron est très mal, le président de l’Argentine en train de sauter, la finance mondiale ébranlée ...., mais c’est une machination poutinophobe et russophobe, vu que c’est le nombril du monde, c’est clair comme l’eau de roche.
        Eh non, il n’y a pas de notables américains dans les Panama papers. Avez vous pensé à l’hypothèse que les américains aient compris que le plus simple et profitable c’était de suivre les règles, étant eux-mêmes maîtres du système ?


      • Ben Schott 10 avril 2016 14:28

        @Deneb
         

        Résumons : Il n’est pas impliqué, Poutine le confirme, mais pour vous c’est pas possible il doit forcément l’être, c’est bien ça ?
         
        Charlot.
         


      • Deneb Deneb 11 avril 2016 15:18

        @Ben Schott enchanté Charlot, moi c’est Deneb.

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