Pique-nique à Casablanca

Il devrait peu m’importer que mes voisins, les gens que je côtoie quotidiennement soient musulmans, juifs chrétiens ou bouddhistes. Je dois même dire, ayant pris dernièrement quelques kilos, que j’accompagne le ramadan, de loin bien entendu, comme un touriste. Je continue à fumer et à boire de l’eau, et mon café matinal, très matinal, ne compte pas. Du moins je le crois. Comme d’autres croient à la réincarnation ou à la virginité de Marie. Je crois aussi que les religions, toutes les religions, se doivent d’être discrètes et non belliqueuses.
Au moment où les attentats suicide en Irak se multiplient autant que les bombes qui pleuvent sur l’Afghanistan, c’est pourtant un « fait de société » qui m’a interpellé. Dans le Maroc moderniste et touristique, dirigé par un roi commandeur des croyants, des jeunes ont été arrêtés parce qu’ils ne voulaient plus se plier à une loi d’un autre temps qui prévoit la prison pour toute « tentative d’incitation à la rupture du jeûne en public ». On les a donc embarqués, ces jeunes militants du libre pique-nique. Et ils risquent six mois de prison.
Quant au conseil des oulémas du coin, il se déchaîne : il s’agit, selon lui « d’un acte odieux qui défie les enseignements de Dieu et du Prophète ». Les dieux et autres prophètes ont bon dos : en leur nom on empêche les gens de manger leur sandwich tranquilles. Vous me direz, tu n’as pas d’autres chats à fouetter ? Les lapidations des femmes infidèles saoudiennes, les égorgements des otages au Pakistan, les mutilations des votants afghans, c’est tout de même plus important.
Certes, mais dans ces coins, une guerre idéologique a lieu, les fous de dieu visent le pouvoir, c’est de la géopolitique. Mais le sandwich, lui, c’est de la normalisation, de l’oppression d’un ordre établi s’insérant dans les moindres détails de la vie quotidienne, du totalitarisme pur et dur. Qui pointe son nez là où on ne l’attend pas. Du genre préservatif papal, refus de permis de conduire à la gent féminine saoudienne, du genre fatwa Rushdienne. Ah ce dolorisme religieux, ce masochisme croyant qui veut que la souffrance, la frustration des sens, les obstacles à la jouissance soient notre pain quotidien.
La morale de cette histoire ? Chez nous, en Grèce, dès qu’on aperçoit un curé on se touche les organes génitaux. On dit que ça porte chance. Mais je soupçonne une autre raison : à sa vue on veut surtout nous assurer qu’ils sont toujours là.
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