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Accueil du site > Tribune Libre > Pris dans les mailles du filet de notre interdépendance

Pris dans les mailles du filet de notre interdépendance

Tous connectés, tous proches, tous codépendants

Grâce au langage, nous avons appris à manipuler des concepts et des représentations, et à construire des interprétations. Grâce à l’écriture, nous avons pu stocker de l’information non plus seulement dans notre mémoire personnelle, mais aussi dans un support externe, début d’exodarwinisme mental en reprenant la terminologie de Michel Serres. Grâce à l’imprimerie, ce stockage externe a gagné en puissance avec la multiplication facilitée par la reproduction.

Ce processus se poursuit avec l’arrivée des technologies de l’information :

Elles viennent donner une toute nouvelle puissance au stockage de l’information : nous sommes constamment à un clic tant de la sauvegarde que de l’accès, et on peut stocker aussi bien de l’écrit et de l’image que du son. Le coût du gigaoctet s’effondre et devient de plus en plus une commodité dont la charge tend vers zéro. Ce stockage se fait maintenant sur le réseau et, grâce à l’indexation, aux liens RSS et aux moteurs de recherche comme Google, l’accès est facile et immédiat quel que soit l’endroit où l’on se trouve.

Elles nous connectent progressivement tous, individus comme systèmes : le monde devient progressivement une grande toile réticulée qui nous prend dans ses filets. Tout peut se propager : comme la toile d’une araignée vibre à la moindre proie qui se prend dans les mailles, nous résonnons au moindre aléa.

Chacun peut vivre intellectuellement des situations sans avoir à les expérimenter physiquement : chacun peut avoir un avatar et circuler dans le cyberespace pour y interagir avec d’autres excroissances virtuelles. Le développement des systèmes experts facilite l’élaboration de scénarios et la construction de représentations : il est possible de traiter une quantité de plus en plus grande d’informations, de structurer automatiquement des analyses et des synthèses à partir de ce traitement, d’élaborer des représentations de ces résultats plus facilement manipulables dans l’esprit humain.

De plus, nous sommes non seulement connectés par des systèmes, mais aussi physiquement au contact les uns des autres : nos corps se touchent de plus en plus. Depuis un siècle, la croissance de la population humaine s’est brutalement accélérée : en cinquante ans, nous venons de passer de deux milliards et demi d’hommes à six milliards, alors que nous n’étions qu’un milliard, il y a deux cents ans, et deux cent cinquante millions, il y a mille ans. Demain, en 2050, nous serons probablement neuf milliards.

Dans le même temps, l’impact de chacun de nous est démultiplié par tous les outils mis à notre disposition : grâce aux « objets-monde », il suffit de quelques hommes pour agir sur le monde tout entier. 

Résultat, comme l’écrit Michel Serres, « nous dépendons enfin des choses qui dépendent de nous. (…) Ladite mondialisation me paraît aujourd’hui au moins autant le résultat de l’activité du Monde que des nôtres. » (*)

Qu’est-ce à dire ? Que nous sommes pris dans les mailles de l’effet de nos propres actes, que la boucle d’interaction entre l’action et ce sur quoi on agit devient prépondérante. Témoin les débats actuels sur le climat et le réchauffement de la Terre, l’eau, la pollution, l’énergie…

Conséquence, l’horizon du flou se rapproche et il devient de plus en plus aléatoire de voir précisément au-delà d’un horizon proche. Très vite, nous ne pouvons au mieux que prévoir les grandes tendances, et non plus les évolutions précises.

Plutôt que parler d’horizon de flou, je devrais parler de flou progressif : plus je m’écarte du présent, moins je vois clair. A un moment, le flou est tel que je ne perçois plus que les grandes lignes.

Vers quel système d’organisation allons-nous ? A quoi va ressembler demain ce « Neuromonde » en train d’émerger ?

Personne ne le sait vraiment. Simplement, ce sera un monde où il sera très difficile de démêler les fils, où une action en un point pourra se répercuter de partout. Toutes les crises récentes témoignent de ce flou qui nous envahit de plus en plus.

(*) Le temps des crises

Pour plus d’informations, aller lire mes articles sur :


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8 réactions à cet article    


  • herbe herbe 5 juin 2010 12:31

    je ne sais plus si je vous avais déjà signalé cette méthode :

    méthode la MCR ( Méthode de Conceptualisation Relativisée ) :

    http://www.automatesintelligents.com/echanges/2009/mar/mcr.html

    http://philoscience.over-blog.com/article-1542920-6.html

    De façon analogue à la théorie quantique qui permet un nouveau cadre théorique consacrant l’interdépendance entre l’observateur et les phénomènes observés ( explication rapide qui synthétise pour aller à l’essentiel), cet outillage conceptuel me parait utile au cadre général et maintenant universellement constaté que vous venez de décrire...

    pour info connexe Il y a un auteur qui décrit ce cadre avec des concepts comme la créolisation du monde et « mondialité » (monde inextricable) et d’identités en relation :

    http://www.potomitan.info/atelier/glissant3.php


    • Robert Branche Robert Branche 5 juin 2010 12:39

      Merci pour tous ces liens que je vais aller lire ! 


    • morice morice 5 juin 2010 13:45

      Qu’est-ce à dire ? Que nous sommes pris dans les mailles de l’effet de nos propres actes, que la boucle d’interaction entre l’action et ce sur quoi on agit devient prépondérante. Témoin les débats actuels sur le climat et le réchauffement de la Terre, l’eau, la pollution, l’énergie…


      vous allez être nommé baratineur en chef, sur le ouaibe, à ce rythme. Ce que vous dites assis, on le dit debout : vous brassez de l’air, là, c’est EVIDENT.

      le mieux, c’est la conclusion
      Personne ne le sait vraiment. 

      on dirais du Jean Gabin...


      finalement, vous n’avez que 50 ans de retard...

      • Robert Branche Robert Branche 5 juin 2010 16:09

        Je préfère les articles qui se terminent sur des questions que sur des réponses : dans les systèmes complexes, il n’y a jamais une réponse unique et chacun, là où il est, peut construire la sienne.

        De plus cet article n’est qu’un morceau d’un puzzle plus vaste : dans mon blog et mon livre, la question est précisée et les réponses que personnellement je vois sotn proposées...

      • Vox Populi 5 juin 2010 22:40

        "dans les systèmes complexes, il n’y a jamais une réponse unique et chacun, là où il est, peut construire la sienne.« 

        Ceci dit il me semble très hasardeux de vouloir interpréter ce principe sur des systèmes dans lesquels le »sens" à une grande importance...


      • Robert Branche Robert Branche 6 juin 2010 09:21

        certes, mais comment le « sens » peut-il être unique ?


      • Yoann Yoann 11 février 2011 23:49

        Très bon article qui m’a rappelé des vieux cours de philosophie, merci.
        En effet, le plus flippant c’est que ce monde interconnecté pourra à terme être géré par quelques personnes, que seront les autres ? Des serfs ?


        • Robert Branche Robert Branche 12 février 2011 00:35

          Merci pour votre appréciation. Non, je ne crois pas que ce monde sera géré par quelques personnes, je le vois beaucoup plus comme un monde multiple, complexe et changeant, et donc largement « incontrôlable », du moins par dans le sens que vous craignez.

          D’ailleurs, la façon dont se propage actuellement la vague partie de Tunisie en est un bon exemple. Qui peut prévoir jusqu’où elle ira ?....

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