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Accueil du site > Tribune Libre > Prohibition : la solution ?

Prohibition : la solution ?

Interdire, toujours interdire davantage. Pas un jour sans qu’une nouvelle loi ou qu’une campagne d’information ne soit envisagée pour supprimer tel ou tel droit, pour rendre illégal tel ou tel comportement… Comme si notre civilisation, à bout de souffle et de moins en moins tolérante, cherchait ainsi des garde-fous pour éviter l’implosion. Pour autant s’agit-il de choix durables à long terme et efficaces ? Pas sûr. Pour preuve, différents exemples, choisis de façon partiale puisqu’il est ici impossible de traiter de tous les sujets.

 Première illustration : l’euthanasie… ou le droit à mourir demeurant pour l’heure toujours interdit en France bien qu’il soit autorisé dans d’autres pays d’Europe (Belgique et Suisse notamment). Une question hautement morale (voir religieuse) qui, par conséquent, divise ses détracteurs et ses partisans. Force est de constater sur ce sujet que la question mérite d’être débattue tant le nombre de médecins mis en accusation ou de familles s’expatriant à l’étranger n’a cessé d’augmenter. Pourquoi aujourd’hui ne pas accorder ce droit aux individus qui le souhaitent ? Tout simplement parce que la question demeure : quand peut-on le permettre ? Nous pourrions en effet, si le droit de mourir était accordé, en arriver à certaines extrémités. Car si l’euthanasie peut se justifier pour des personnes en phase terminale d’un cancer et souffrant atrocement, peut-elle l’être pour des personnes qui, suite à un accident, ont subi un lourd handicap ? Pas sûr. Sinon, toute personne devenue aveugle, ayant perdu l’usage d’un membre ou ayant une maladie dégénérative pourrait demander à vouloir mourir. Certains me répondront que le suicide ne demande pas de consentement mais franchement la société n’a-t-elle pas comme devoir aussi d’aider et d’intégrer toute personne dont la vie n’est pas en danger à court terme. D’ailleurs la société n’a-t-elle pas aussi le devoir, argument a contrario, de ne pas abandonner les familles devant des cas de conscience souvent cruels.

Second sujet : le cannabis. Sur ce point également, l’interdiction, en France, de tout usage du produit semble immuable. Force est de constater que les arguments des défenseurs de la dépénalisation tiennent la route. Pourquoi ne pas vendre du cannabis, drogue considérée comme douce par les professionnels, alors que l’Etat organise la vente du tabac ou de l’alcool (drogue dure par excellence). Pourquoi ne pas lâcher du lest alors que, de toute façon, tout adolescent sera forcément en contact avec le cannabis à un moment de sa vie et qu’il est aussi facile de s’en procurer aujourd’hui que d’acheter un paquet de cigarettes quand on est mineur (la vente par les buralistes de longues feuilles ou de « cartons » destinés officieusement à rouler des joints en atteste) ? Parce que tout simplement, répondront les opposants (et à juste titre), banaliser l’usage du cannabis serait nier le fait qu’user du joint peut conduire à passer aux drogues dures (il est tout de même rare de se piquer à l’héroïne sans être d’abord passé par la case « pétard »). Ce serait aussi nier la dangerosité d’un produit qui n’est pas connu pour être souvent compatible avec la réussite scolaire ou professionnelle.

Troisième approche : les punitions corporelles des enfants. Récemment, une campagne de publicité vient d’être engagée afin de militer pour l’interdiction totale de la gifle ou de la fessée, interdiction déjà légalisée dans certains pays. Très sincèrement, si personne ne nie le fait que battre son enfant est légalement condamnable, doit-on empêcher les parents d’éduquer leurs enfants via une petite fessée de temps en temps. Les exemples d’enfants ayant parfois été fessés mais n’ayant pas fini leur carrière de parent en bourreau d’enfants sont assez nombreux pour ne pas être anodins. Ne risque-t-on pas de donner ainsi une nouvelle arme aux enfants déjà rois dans de nombreuses familles ou à l’école ?

Quatrième exemple : la pratique religieuse. Le choix de ce terme n’est pas anodin car il ne vise pas à cibler uniquement la question de la burqa, hautement polémique aujourd’hui et qui a fait l’objet d’une loi jugée inapplicable par de nombreux observateurs. Les plus intégristes de la laïcité s’insurgent aujourd’hui contre toute sorte d’affichage public religieux. Ceux-là même qui, trop souvent, ne se plaignent pas de voir des religieuses en habit ou des prêtres en soutane déambuler dans les rues (l’exemple des fêtes de Pâques l’a démontré). A l’inverse, d’autres arguent de leur droit à la liberté religieuse en niant parfois le principe essentiel de nos sociétés : « la liberté des uns s’arrête où commence celle des autres ». 

Dernière thématique : la prostitution. Nicolas Sarkozy en avait fait l’un de ses chevaux de bataille. Il fallait cesser de choquer les bonnes familles avec ces filles de petite vertu arpentant les trottoirs des rues. Avec un résultat accablant. Non seulement, la précarité des travailleuses du sexe n’a jamais été aussi forte mais, de surcroît, elles n’ont pas disparu pour autant. 

Et si finalement la solution n’était pas la prohibition dont on sait qu’elle est aussi vaine qu’inutile, voir contre-productive ou dangereuse comme l’a démontré l’interdiction aux Etats-Unis de la vente d’alcool au siècle dernier. Pas plus que la loi Hadopi n’a stoppé le téléchargement illégal sur internet, la loi sur la burqa ne fera pas cesser une certaine pratique de l’islam. Pas plus que l’augmentation prohibitive du prix des cigarettes n’a réduit la consommation de cigarettes (au regard de la contrebande et des achats à l’étranger), une loi pour criminaliser les clients ne supprimera le plus vieux métier du monde. L’interdiction ne résout jamais les problèmes, elle ne fait souvent que les dissimuler. Y-a-t-il moins de souteneurs et de prostituées ? Non, les voilà toujours plus nombreuses sur le net. Y-a-t-il moins de dealers et de consommateurs ? Non, ils commercent au bas des immeubles. Y-a-t-il moins de femmes prisonnières de leur mari ? Non. Elles seront simplement cloîtrées. L’euthanasie est-elle marginale. Non, cette pratique ne cesse de croître dans l’indifférence de nos politiques. L’interdiction des gifles empêchera-t-elle que des enfants soient maltraités par leurs parents ? Franchement qui peut y croire ?


Faut-il pour cela prôner la liberté absolue ? Souvenez-vous de la formule si chère aux soixante-huitards : « il est interdit d’interdire ». Bien sûr que non, tant toute société a besoin d’un cadre de valeurs et de règles pour vivre ensemble. Comme toujours, c’est dans la mesure et l’équilibre qu’il faut chercher à résoudre les oppositions.

Pourquoi ne pas autoriser l’euthanasie sous certaines conditions à remplir : la volonté du patient (via pourquoi pas une carte comme il existe des cartes de donneur d’organe afin que ce ne soit pas les pressions extérieures qui dictent sa conduite) conjuguée à l’assentiment du corps médical via une commission spécifique d’experts.

Pourquoi l’Etat n’organise-t-il pas la vente de cannabis via des échoppes spécialisées et contrôlées. Sans pour autant bien sûr créer des coffee-shop tels qu’on les voit aux Pays-Bas et où l’on s’adonne à la drogue, l’été, en terrasse. Ceci aurait pour effet d’occasionner des rentrées d’argent pour l’Etat, de mettre à mal les trafics et permettrait de se concentrer sur de vrais enjeux : la sensibilisation plutôt que la diabolisation (fumer des pétards reste une pratique dangereuse) et la lutte contre les drogues dures. Pour preuve, les Pays-Bas sont le pays d’Europe où les fumeurs de joint seraient proportionnellement les moins nombreux.

Pourquoi ne pas laisser les parents seuls maîtres de l’éducation de leurs enfants tout en veillant bien sûr à ce qu’il n’y ait pas de débordement. Car, soyons clairs, la perte d’autorité des parents est la première cause aujourd’hui de la délinquance. Un exemple : aujourd’hui les enfants ont pris conscience que leurs professeurs et éducateurs n’avaient aucun moyen de les garder dans le droit chemin et nous en voyons le résultat au quotidien : des enseignants déboussolés et des enfants toujours plus indisciplinés dans les classes.

Pourquoi ne pas cesser de parler de l’islam extrémiste et aider au contraire les musulmans à pouvoir, comme la loi de 1905 le leur permet, exercer leur religion avec quiétude (des lieux de prière adaptés à leur proposer d’urgence) ? A force de stigmatiser tel ou tel comportement, nous ne faisons finalement que figer les positions et encourager les partisans du prosélytisme à être toujours plus agressifs afin de gagner en médiatisation. Et que l’on ne nous dise pas que l’islam et le catholicisme ne seraient pas à mettre, sur ce point, sur un pied d’égalité. J’entends ici ou là des gens déclarer qu’il s’agit d’une question culturelle. Aurait-on oublié que la chrétienté est rentrée dans notre culture française avec le temps et qu’elle ne lui est pas innée. Aurait-on oublié aussi que l’interdiction des pratiques religieuses n’a jamais eu les effets escomptés comme en témoignent les ex-pays du bloc soviétique ?

Pourquoi enfin ne pas dépénaliser la prostitution. Pas pour promouvoir des bordels en cœur des villes mais pour permettre à celles qui le souhaitent de vivre d’une activité qu’elles auraient choisies. Récemment, Claude Guéant déclarait vouloir lutter contre la prostitution via le web. Il s’agit là d’un combat perdu d’avance. Concentrons-nous plutôt sur ces filles mises en esclavage par des réseaux mafieux. Ah bien sûr, ce sera plus difficile que d’arrêter une prostituée ou un client et moins médiatique mais ce sera à terme plus efficace.

Malheureusement, la politique du juste milieu risque de ne pas rallier grand monde. Les partisans trouveront toujours qu’on ne va pas assez loin, les opposants qu’on est trop libéral. Mais le but de toute société n’est-elle pas de concilier des intérêts contraires pour atteindre l’intérêt général quitte à déplaire à tous. Nos politiques le savent pertinemment mais, électoralement parlant, ce n’est pas forcément vendeur. Cherchez l’erreur.

Rédigé par Fred H.


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13 réactions à cet article    


  • Deneb Deneb 30 avril 2011 13:18

    « il est tout de même rare de se piquer à l’héroïne sans être d’abord passé par la case « pétard » »

    Il est rare de s’adonner à l’alcool sans d’abord passer par la phase « lait maternel ».


    • Fred H. 30 avril 2011 13:25

      Et il est rare d’être passé par la case lait maternel sans être né avant


    • Deneb Deneb 30 avril 2011 13:29

      Ca vaut pour l’héroïne, aussi. Pour ne pas sombrer dans la drogue, évitez de naître.


    • Mohad Dib Mohad Dib 30 avril 2011 13:42

      la prohibition cree la difficultee a trouver ,donc la raretee et ca augmente donc les prix en plus aussi car c’est illegal , les lois vont donc dans le sens de la mafia des drogues ou autres....
      etrange non ?
      a qui cela peut il profiter globalement....j’ai des doutes..
      car la drogue circule sur toute la planete, je parle de drogues dites illegales..
      de plus la fumette peut faire reflechir....l’alcool euh !!!!!
      maintenant laissons faire....que va t’il se passer ?
      je ne sais pas exactement...mais la mafia va faire la tronche....
      baisse des prix et fin du monopole...oui la prohibition cree un monopole souterrain..
      derniere question : ou va cet argent ????


      • zadig 30 avril 2011 20:18

        Bonjour,

        Je suis d’accord avec commentaire court mais bien percutant

        Cordialement


      • zadig 30 avril 2011 20:23

        Bonjour Orion,

        Je suis bien d’accord avec ce commentaire court mais percutant.

        Cordialement


      • Radix Radix 30 avril 2011 14:13

        Bonjour

        Quand un état n’a plus les moyens d’agir sur l’essentiel, il légifère sur l’accessoire pour faire croire qu’il existe encore et qu’il est indispensable !

        Radix


        • Julius Julius 30 avril 2011 15:25

          Cette manie d’interdire est une partie du problème beaucoup plus vaste : nous sommes devenus une société qui a peur. Peur de tout. Ce sentiment est alimenté et utilisé par les médias et la politique. Parmi les hommes politiques, personne ne propose de nouvelles Opportunités, de nouvelles Libertés, la construction de l’Avenir. Ils jouent tous avec la crainte, et ils veulent tous nous protéger. Les dangers dont ils traitent sont différentes : les immigrés, l’Europe, l’Afrique, la Chine, les riches, les pauvres, la pollution, le CO2, l’énergie nucléaire, ... La liste est sans fin. Mais la base est toujours le même : L’avenir est sombre, il ya des dangers tout autour, et nous allons vous protéger ! Comment ? Nous allons vous dire qui est coupable, qui est un ennemi et nous allons les expulser, de les jeter en prison, les tuer, de les punir, interdisent à leurs acsts dangereuses, les réglementer, ... Nous allons vous protéger !


          • Fred H. 30 avril 2011 16:29

            D’autres sujets de société à découvrir sur mon blog : http://c-monavis.blogspot.com

            N’hésitez pas à laisser vos commentaires et/ou à rejoindre mon groupe facebook.

            Merci


            • HELIOS HELIOS 30 avril 2011 17:28

              Il est interdit d’interdire !

              cela ne vous rappelle rien ?

              Pour tous les detracteurs de ces années là qui pensent encore que la jeunesse de l’epoque n’est que « bobo », cette jeunesse là en avait marre de toutes les prohibitions et a eu les co.illes de faire sa révolution.
               
              Où sont ils les jeunes et les moins jeunes pour remettre de l’ordre ? Il n’y en a plus ? ils sont scotchés devant leur psp ? leur ecran plat ? en tout cas ils acceptent tout, sans exception, a croire qu’a eux, et leurs parents, cela leur plait.

              Il faut assumer, du moment qu’ils votent pour l’UMP, le PS etc qu’ils assument toutes les lois, les regles et les multiples interditions que l’auteur cite, mais les autres aussi, depuis la ceinture de securité et les limitations de vitesses jusqu’aux 5 fruits et legumes par jours... !!!... et ne rigolez pas, la ceinture on dit la mettre par conviction, pas par obligation.

              La liberté ne se detaille pas c’est un tout. On l’a perdue au nom d’une illusoire securité. cette securité nous ne l’avons pas, et la liberté elle est belle et bien perdue.

              Le seul espoir qu’il reste, c’est l’education. helas, ceux qui sont au pouvoir le savent aussi et c’est pour cela que plus rien ne marche a l’ecole.

              Reflechissez bien... il n’y a qu’un seul candidat « utile » pour le coup de pied dans la fourmiliere en 2012... l’objectif est de tout remettre a plat, en France et en Europe.


              • c.d.g. 30 avril 2011 22:44

                en 68 cetait la generation du baby boom qui avait 20 ans : ils etaient nombreux
                en 2011 , ils sont toujours nombreux et les jeunes sont eux quantite negligeable (electoralement et économiquement parlant)
                donc on a une societe diriges par des vieux pour des vieux.
                Et comme ceux ci on peur, on brasse du vent pour les rassurer en interdisant tout ce qui depasse.

                Ca sert a rien sauf a se faire mousser la la TV et gagner des voix


              • francis francis 1er mai 2011 17:48

                Ah ! ben voila quelque chose de pertinent ! Mais tout le monde à oublié, étouffé par les débilités sur mai 68 qu’on nous balance depuis 40 ans.... Faudrait peut-être remettre les choses à leur place de ce côté la et arrêter avec le 68 arts barbus qui fume son joint... Y’a eu bien d’autres choses en 68


              • LE CHAT LE CHAT 30 avril 2011 23:00

                J’en causais l’autre jour avec un pote , qu’est ce qu’on peut nous faire chier avec des conneries !
                franchement , à l’époque de Rahan , on se faisait moins burner !!!

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