Sarkozy, touche pas à mon Afrique !
La politique étrangère de la France ne se fait qu’à coups d’embardées. Le tandem Kouchner-Sarkozy est passé maître dans l’annonce puis au désistement, cela s’est vu en Libye, au Tchad avec l’Arche de Zoé. Le Financial Times disait de Sarkozy : « il serait naïf d’attendre de lui une certaine cohérence ». Lui qui disait rompre avec le passé, et faire la politique autrement, semble décrédibiliser la diplomatie française et les espoirs fondés dans le renouveau qu’il était supposé incarner. Les prises de position du président de la République au Tchad, son positionnement par rapport aux dictateurs africains, montrent que, quoi qu’on dise, l’Afrique avec Sarkozy est mal partie.
Version light de la néo-colonisation
C’est une mélodie déjà entendue, une rengaine ; les accords de défense, qui existent entre la France et certaines de ses anciennes colonies, l’autorisent à intervenir en cas d’agression extérieure pour protéger l’intégrité territoriale de ces Etats. Seulement voilà, l’argument de l’agression extérieure n’a plus cours dans la mesure où, en fait d’agressions, l’on est de plus en plus face à des guerres déclarées entre anciens frères d’armes, que tout tend aujourd’hui à opposer. En Centrafrique, ce sont les anciens alliés du général-président Bozizé, ceux-là mêmes qui l’avaient aidé à déboulonner Ange Félix Patassé, qui lui en veulent à mort aujourd’hui. Au Tchad, ce sont les anciens crocodiles d’un même marigot qui se livrent à une bataille féroce. Comment comprendre alors le comportement, sinon le zèle de la France, qui n’hésite pas à voler au secours de dirigeants, quand force est de reconnaître qu’il ne s’agit pas d’agression extérieure ? En réalité, les prétendus accords de défense ne sont que des clauses secrètes d’intervention en cas de troubles internes en vue de soutenir des potentats du pré-carré français, véritables gardiens du temple néo-colonial. C’est l’usage de la force au service de dictateurs locaux, les mieux placés pour offrir la garantie de la préservation des intérêts français.
Quand la France protège les plus forts
Mais, malheureusement aussi, c’est une prime à la dictature. Si, au Tchad comme en Centrafrique, au Gabon, au Cameroun, pour ne citer que ces pays, l’armée française n’hésite pas à apporter ouvertement son soutien aux deux hommes forts du moment, il est pourtant clair que ces interventions militaires ne servent pas les intérêts des deux peuples. Encore moins ceux de la majorité du peuple français, mais exclusivement des groupes financiers et industriels de l’Hexagone. Denis Sassou N’guesso du Congo, Omar Bongo du Gabon, Biya du Cameroun, Blaise Comparoe du Burkina Faso et même Laurent G’bagbo de Côte-d’Ivoire, tous doivent, à dire vrai, leur pouvoir à la France et n’ont certainement pas manqué, à un moment ou à un autre, de lui renvoyer l’ascenseur. Qu’un chef d’Etat doive son fauteuil à l’ancienne métropole plutôt qu’à son peuple, voilà qui est d’une absurdité déroutante et qui a de quoi écorner davantage l’image de l’Afrique. S’il est aisé de comprendre que la France veille à la préservation de ses intérêts sur le continent, il est tout de même regrettable de constater que les moyens et les manières d’y parvenir laissent à désirer. Inefficaces et anachroniques, ils le sont à la fois. Jusqu’à quand cette recette qui n’a pas varié dans l’absolu - même si, d’un régime à l’autre, elle diffère quelque peu par sa subtilité -, va-t-elle durer ? Toujours est-il que l’interventionnisme, auquel se livre dangereusement la France, crée des ressentiments de plus en plus généralisés et renforce l’instabilité sur le continent.
La démocratie de la violence
Il est dommage qu’au moment où il n’est plus question de monarchie dans la France des droits de l’homme et où la question du retrait des troupes militaires françaises d’Afrique se fait de plus en plus récurrente, la France du XXIe siècle se livre à un anachronisme qui ne l’honore pas. Quand la liberté et la démocratie auxquelles aspirent légitimement les peuples opprimés sont prises en otage, quand le changement a du mal à s’opérer par les urnes, quelle autre solution pour terrasser ces formes d’autocraties moyenâgeuses, que l’insurrection populaire ou le canon ? Les dirigeants français en sont certainement conscients. Ils devraient par conséquent contribuer, à leur manière, à rendre le terreau de la démocratie plus fertile ; et ce en commençant par rappeler à l’ordre tous ces potentats, plutôt que d’avaliser des parodies d’élections présidentielles. Evidemment, la France pourrait brandir l’argument selon lequel elle ne veut pas faire de l’ingérence. Dans ce cas, on voudrait bien comprendre pourquoi lorsqu’il s’agit de préserver des régimes aux abois, vomis par leur peuple, elle n’hésite pas à essuyer ses pieds sur le fameux principe de non-ingérence, en se battant aux côtés de ces dictateurs. L’Hexagone n’a décidément pas fini de dérouler à nos pieds les incohérences de sa politique africaine.
Aimé Mathurin Moussy, Paris
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