Syrie : le poids de savoir
Il y a ceux qui savent et ceux qui refusent de savoir. Politique de l'autruche ou décision courageuse qui oblige à taper sur la queue du diable, la question Syrienne pose un véritable dilemme aux démocraties et à leurs opinions publiques.
Les nouvelles techniques de communication nous offrent une fenêtre sur le monde. Cet accès quasi instantané aux drames qui touchent la planète n'a pas que des avantages. Au-delà de l'atteinte au confort douillet de celui qui ne sait rien ou ne souhaite rien savoir, les risques de manipulation de l'information sont bien réels.
Savoir est une chose, être en capacité de prendre une décision en conséquence en est une autre notamment sur des sujets complexes aux allures de billard à huit bandes. Il y a comme aujourd'hui des moments où le poids qui pèse sur les épaules des dirigeants est énorme où l'histoire s'écrit en direct et fera de vous, selon vos choix, un Daladier ou un Churchill. C'est sans doute pour cela, qu'une délibération collective de la représentation nationale constitue vraisemblablement le meilleur moyen de dégager la réponse la plus adaptée à une situation inextricable.
Munich ou la guerre. "La France est donc maintenant coincée entre une reculade pitoyable et une offensive mal comprise" a parfaitement résumé Jacques Attali. Car la France et son président sont désormais dans la nasse, piégés par ricochet par la surprenante décision du parlement britannique de rejeter tout engagement en Syrie au regard des mensonges de Tony Blair sur l'Irak.
La poudrière du Moyen-Orient est au bord de l'explosion depuis le renversement de Saddam Hussein qui n'a débouché que sur un peu plus de morts et d'instabilité dans une région qui n'en avait pas besoin. L'intervention en Libye, de la même façon, ne s'est pas plus traduite par l'émergence d'un état de droit ou d'un nouvel ordre mais, la pérennisation d'un indescriptible chaos. La guerre civile qui déchire la Syrie laisse présager la même fin.
Faut-il pour autant se résigner à cohabiter avec des dictateurs sanguinaires au seul motif qu'ils sont un gage de stabilité internationale ? L'intervention en Libye était fondée juridiquement sur une résolution qui mettait en avant la protection des populations. Mais si déboulonner ou punir les tyrans devient un impératif légal en droit international, les marchands d'armes peuvent se frotter les mains car il y a du pain sur la planche.
La particularité de la crise syrienne comme l'a rappelé Daniel Colard sur France Culture, c'est sa complexité. Quatre conflits se dessinent en arrière plan : l'affrontement occident-orient, les rivalités entre pays arabes, le conflit religieux sunnites-chiites et le bras de fer Russie-USA. Sans oublier le risque de remplacement du régime baassiste par une théocratie sectaire et belliqueuse.
Pourquoi dès lors une telle prise de risque ? Par peur qu'un silence occidental ne soit assimilé à un feu vert donné à l'usage banalisé d'armes chimiques sur les populations civiles en dépit de leur interdiction en droit international par une convention de 1925 et le Traité de Paris de 1993. La décision du président Hollande s'inscrit dans ce contexte. Eviter préventivement le pire et ne pas mettre un mouchoir sur les valeurs humanistes universelles qui fondent les démocraties occidentales. A un bémol près. La route de l'enfer est, dit-on, pavée de bonnes intentions.
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