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Accueil du site > Tribune Libre > Tibet : Tanggula Express, un train sur le toit du monde

Tibet : Tanggula Express, un train sur le toit du monde

Cette enquête de Marie Louville va être diffusée le 22 février à 20 h 55 sur France2.

Le 1er juillet 2006, Hu Jintao inaugure le premier train pour Lhassa au Tibet dans la gare de Golmud, dans la province du Qinghai. Une image de la Chine triomphante avant les JO de 2008, même si le président chinois, dénommé par certains militants tibétains le boucher de Lhassa, n’ira pas jusqu’à Lhassa cette fois-ci. Cette nouvelle liaison ferroviaire qui est dans le prolongement de la ligne de chemin de fer en provenance de Pékin devrait, disent les autorités chinoises, accélérer le développement économique et touristique du Tibet. Des efforts auraient été accomplis par les autorités dans la préservation de l’environnement au Tibet, pour y compenser l’essor industriel. Les rives des lacs entourant Lhassa, source importante d’eau potable et comportant une faune spécifique et variée, auraient notamment été interdites à l’agriculture intensive. Les militants de la cause tibétaine pensent plutôt que le train va accélérer la sinisation du Tibet.

Parcourant 1118 km, la ligne relie à présent la ville de garnison de Gormo, dans l’Amdo (en chinois : Golmud, région du Qinghai) à Lhassa, la capitale du Tibet.

Coût officiel : 3,2 milliards d’euros, plus des deux tiers de la ligne à plus de 4500 m d’altitude ; 550 km sur le permafrost. Les boues gelées du fait du climat très froid du Tibet résisteront-elles longtemps au réchauffement de la planète ? Le chemin de fer ne risque-t-il pas d’être affecté tôt ou tard par un tremblement de terre, le plateau tibétain étant une zone à fort risque sismique ?

Cette voie ferrée reliant Lhassa à la Chine joue un rôle stratégique majeur. Dans un sens le transport de troupe et de main-d’œuvre chinoise, dans l’autre, celui des ressources du sous-sol tibétain, dont la croissance chinoise a un si grand besoin. Le Tibet est devenu une sorte de Far West, et Tanggula Express un instrument à la conquête de l’Ouest version chinoise.

Avec cette ligne, les trains relient Pékin à Lhassa en 48 heures, en compartiments pressurisés pour compenser l’altitude. Jusqu’à seize trains par jour peuvent voyager entre Gormo et Lhassa, apportant potentiellement cinq millions de tonnes de marchandises vers le Tibet tous les ans et soutirant 2,8 millions de tonnes vers Pékin. Pensez donc, ces dernières années, plus d’un million de tonnes de cuivre et 20 000 tonnes de cobalt ont été découvertes sur le chantier. Pékin attend aussi 900 000 touristes supplémentaires.

Pourtant, Robbie Barnett, tibétologue d’une université américaine, qualifie la politique de Pékin au Tibet de keynésienne, "soutenant la croissance économique sans productivité réelle. Les économistes internationaux se laissent prendre pourtant étonnamment bien." Tandis que les villes du Tibet ressentent la croissance, les campagnes se paupérisent. Cependant, le budget du chemin de fer représente plus de trois fois les dépenses de Pékin pour la santé et l’éducation au Tibet en cinquante ans. Conséquence : en 1999 le taux d’analphabétisme du Tibet est de 67 %, comparé à la moyenne chinoise de 11 %. Le chemin de fer accéléra aussi la migration des Han au Tibet. Barnett explique qu’en public "les Tibétains n’exprimeront aucune critique. Mais en privé, ils vous diront que c’est la fin du Tibet".

Entre 1912 et 1949, la population de Han de Mongolie intérieure a été multipliée par cinq. Des millions sont arrivés après la construction du chemin de fer dans les années 1920, et en 1949, les Mongols devinrent onze fois moins nombreux que les Hans. Le même processus a eu lieu en Manchourie. Urumqi, la capitale du Turkestan oriental, est maintenant une ville han, et à Kachgar, la population des Hans a augmenté de 30 % en 2001, l’année où la ligne de chemin de fer fut achevée.

Le gouvernement tibétain en exil estime que "le chemin de fer facilitera le contrôle chinois du Tibet et entraînera l’arrivée de nombreux migrants chinois".

Certains voisins de la Chine, comme l’Inde, regardent aussi le chemin de fer avec inquiétude en raison des implications militaires. Il pourrait être employé pour renforcer la présence militaire déjà lourde de la Chine au Tibet, y compris dans sa capacité à déployer des armes nucléaires tactiques.

Lors de l’ouverture de la voie de chemin de fer, le Dalaï Lama demandait aux Tibétains d’attendre pour évaluer le bénéfice ou les nuisances que pourraient apporter cette nouvelle ligne de chemin de fer. Le Dalaï Lama accueillait favorablement la voie ferrée « à la condition qu’elle bénéficie à la majorité des Tibétains ». Mais, fin janvier 2007, le Dalaï Lama semble avoir eu vent de nouvelles inquiétantes. Il affirme que Pékin utilise la nouvelle liaison ferroviaire pour inonder le Tibet de mendiants, de prostituées et de sans-emploi, mettant en danger la survie de la culture et des traditions tibétaines. "La ligne ferroviaire est un vrai danger," a-t-il déclaré. "Des mendiants, des personnes handicapées arrivent en grand nombre. En outre les sans-emploi connaissant des difficultés en Chine, viennent à Lhassa", a-t-il indiqué lors d’une conférence dans la ville indienne de Bombay. Le Dalaï Lama a affirmé que Pékin forçait de pauvres villageois chinois à s’installer au Tibet et envoyait également des jeunes filles incultes des campagnes pour "s’installer comme prostituées" à Lhassa. "Cela augmente le danger de la propagation du Sida", a-t-il affirmé.
Le Dalaï Lama a indiqué qu’en plus de détruire l’identité culturelle du Tibet, le chemin de fer représentait "une menace environnementale" parce que la Chine envisage d’exploiter des mines à des altitudes très élevées, mettant en danger le fragile écosystème du plateau tibétain. "Nous sommes très inquiets des incidences de la ligne de chemin de fer sur l’environnement", déclare le Dalaï Lama.

Nous regarderons avec attention cette enquête exclusive sur le train le plus haut du monde et ses coulisses, tournée par une équipe d’Envoyé spécial. Elle va être diffusée le 22 février à 20h55 sur France2.


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10 réactions à cet article    


  • Tibet Libre France-Tibet Ile-de-France 19 février 2007 12:56

    Nous venons d’apprendre que le sujet est déprogrammé et reprogrammé pour les vacances d’avril, et sera diffusé le 5 ou le 12 avril 2007. Il faudra donc patienter pour voir l’enquête sur France 2.


    • LE CHAT LE CHAT 19 février 2007 14:50

      J’ai lu un article sur ce sujet dans courrier international .On peut s’interroger sur les buts réels des autorités chinoises en effet .....


      • Briseur d’idoles (---.---.168.182) 19 février 2007 17:19

        Je pense que toutes les tragédies qui endeuillent le monde ou qui le menacent, doivent être traitées globalement.

        Il nous appartient à tous, à l’exception des bourreaux qui se placent partout, de réagir !


        • Rdlm (---.---.114.107) 19 février 2007 19:58

          1) On gueule contre les dirigeants de la corée du nord parce c’est entre autre un pays fermé, et on gueule quand on ouvre le Tibet ! Faut vous mettre d’accord les amis !!!

          2) que le train coute des milions, qu’il soit détruit par un tremblement de terre,... je vois pas où est le problème ???

          3) 900 000 touriste, euréka ! le problème, c’est pas les chinois, c’est le tourisme comme à phuket, république dominicaine,... et non le PCC !!!

          4) « en 1999 le taux d’analphabétisme du Tibet est de 67 % » peut être mais en 1948 il était de 99%

          5) « Entre 1912 et 1949, la population de Han de Mongolie intérieure a été multipliée par cinq » et alors ? en 1900 il n’y avait aucun Han à Taïwan et maintenant ils sont 98%, et personne ne gueule contre Taiwan (j’aurais pu choisir les indiens d’amérique, les ainous d’hokkaido, les aborigènes d’australie, et même les bretons chez nous il n’y a pas si longtemps...)

          6) « Il affirme que Pékin utilise la nouvelle liaison ferroviaire pour inonder le Tibet de mendiants, de prostituées et de sans-emploi, mettant en danger la survie de la culture et des traditions tibétaines » ;
          a) Les mendiants, prostitués et sans emploi vont là où il y a de l’argent à faire comme dans n’importe quelle ville comme Bangkok, Paris et ailleurs, le PCC n’a probablement peut de chose à voir dedans...
          b) Pourquoi lutte t’on pour la défense de la culture et les tarditions du Tibet, alors qu’en Afghanistan et beaucoup d’autres pays (pas forcément musulmans), on lutte contre d’autres traditions et cultures ? Encore une fois il faut vous mettre d’accord !
          c) Je me souvient d’un reportage sur les indiens d’amazonie lorsque j’étais jeune où un indien vivant à la ville disait : Avant, on était libre, mais la vie était dure avec des périodes de famine fréquentes, beaucoup de maladies et peu dépassaient les 40ans, bref, on vivait au jour le jour. Maintenant on a la TV, on vit beaucoup plus longtemps et en se fatiguant moins


          • (---.---.152.178) 19 février 2007 20:10

            Les gouvernants chinois aussi affirment que tuer des millions de civils et de moines a été profitable à l’alphabétisation....

            Sans même entrer dans le côté humain de la question : le Tibet est un éco-système fragile, dont plusieurs espèces ont disparu les dernières années, dont le sol est pourri de polluants jour après jour, dont les ressources minières seront maintenant exploitées à l’envie,...

            Et oui, Lhassa a été peturbée dans son histoire, dans ses traditions, dans sa culture. Si la Chine n’était pas si puissante commercialement, si les Etats-Unis et l’Europe ne jouait pas à « celui qui dit non » à tour de rôle pour empêcher toute résolution, on appelerait ça de son vrai nom : un génocide.


          • Tashidelek (---.---.184.232) 19 février 2007 23:13

            Je suis choquée par votre riposte... voici l’exemple d’une « chinoisation d’esprit » (pardonnez-moi, le français n’est pas ma langue maternelle) accomplie, dit donc ! Votre discours est une copie conforme de celui des autorités communistes ! Eh bien, heureusement que ces formidables Chinois sont partis développer ces sauvages analphabetes aux pratiques religieuses macabres ! Vive la globalisation à la chinoise ! Et les humains dans tout cela ?!! Ce qui se passe au Tibet, cela s’appelle un génocide. Et l’histoire du train n’est qu’un clou en plus dans le cercueil de la civilisation tibétaine...


          • bulu (---.---.12.185) 20 février 2007 08:56

            RDLM a ecrit « Je me souvient d’un reportage sur les indiens d’amazonie lorsque j’étais jeune où un indien vivant à la ville disait : Avant, on était libre, mais la vie était dure avec des périodes de famine fréquentes, beaucoup de maladies et peu dépassaient les 40ans, bref, on vivait au jour le jour. Maintenant on a la TV, on vit beaucoup plus longtemps et en se fatiguant moins »

            S’ils le disent a la tele alors....


          • Tibet Libre France-Tibet Ile-de-France 20 février 2007 20:48

            Réponse à Rdlm :

            Point 1) : Il n’y a aucun rapport, et la Corée n’est pas l’objet de l’article. Cependant, on ne peut être insensible au fait que la Corée du Nord est une des pires dictatures existant de nos jours. Ce sont les violations des Droits de l’Homme et la montée d’un pouvoir totalitaire qui est en cause en Corée du Nord, et non pas la fermeture de ce pays, bien que ce facteur soit aggravant.

            Point 2) : c’est en effet absurde de dépenser des millions pour la construction d’une ligne de chemin de fer sachant qu’elle risque d’être détruite par un tremblement de terre ou la disparition du permafrost. Mais, vous le savez, Pékin a dépensé cet argent dans un but politique clairement avoué, celui de poursuivre la colonisation du Tibet, et de marginaliser les Tibétains par une marée de Han.

            Point 3) : l’afflux d’un nombre aussi important de touristes (près d’un millions par an), met en effet en danger la survie écologique du plateau tibétain.

            Point 4) : 1948 est l’année d’invasion du Tibet par la Chine. Par contre, avant 1950, le Tibet avait un système d’éducation vaste, principalement bouddhiste donné principalement par les monastères, bien qu’il y ait eu aussi plusieurs écoles laïques créées notamment par le précédent Dalaï Lama. Aujourd’hui au Tibet, l’enseignement bouddhiste est maintenant interdit, sauf dans les monastères, mais même là, il est sévèrement limité. De nos jours, le Dalaï Lama en exil, a généralisé l’accès de l’école laïque pour près de 100 % des Tibétains. C’est l’une des raisons pour lesquelles près de 3000 jeunes tibétains s’exile en traversant l’Himalaya pour rechercher une éducation qu’ils ne trouvent pas au Tibet.

            Point 5) : Le train de la Chine vers la Mongolie a entraîné un afflux massif de Chinois, et les Mongoles ne représentent plus que 17 % de la population en Mongolie « intérieur ». Il s’agit bien évidemment d’un mécanisme de colonisation. Concernant Taiwan, renvoyons à un lien plus précis que les raccourcis du commentaire : http://fr.wikipedia.org/wiki/Histoire_de_l’%C3%AEle_de_Taiwan

            Selon wikipedia, la population taïwanaise est constituée à 84 % de « Taïwanais de souches » (chinois Han), 14 % de Chinois venus après 1945 et 2 % d’aborigènes devenus minoritaires. http://fr.wikipedia.org/wiki/D%C3%A9mographie_de_Ta%C3%AFwan

            Point 6) : Il semblerait que ce ne soient pas les mendiants et les prostituées qui viendraient de leur plein gré au Tibet, mais qu’ils sont envoyés par Pékin dans un but précis : inonder le Tibet de Han pour achever la colonisation.

            Mais le plus triste dans le commentaire de Rdlm, c’est qu’il occulte le problème principal : celui de la colonisation d’un peuple par un autre, sans que l’avis de ce peuple soit pris en compte, ni que l’on s’en souci.


          • Alexandre 1er avril 2008 03:56

            Pourquoi cette déferlante d’humaniste occidentaux pour dénoncer le problème du Tibet, ne c’est-elle pas manifesté avec autant de conviction, pour les massacres  contre la population de Tchétchénie qui a fait 5000 fois plus de morts ? Vous imaginez un intellectuel français ou un journaliste « engagé », brandir une banderole de dénonciation  pendant un meeting de Poutine  à Paris, ou pendant un match de tennis  comme une rencontre France-Russie à Bercy. Vous n’imaginez pas ? Je vous rassure, moi aussi je n’imagine pas. C’est quoi la raison, parce-que les bouddhistes sont des pacifiques, alors que les musulmans sont des gens cruels ? Je vous laisse répondre. En tous cas les chinois ont fait beaucoup moins d’horreur au Tibet, que les russes en Tchétchénie, ou que les américains en Irak, ou que les français pendant la guerre d’Algérie, où que les israéliens de ce qui reste de la Palestine. Dans ces derniers cas, "les humanistes" se font plus discrets. Les mauvaises langues vont dire « il ne faut pas mettre des malheurs humains en concurrence… » Le problème c’est que c’est toujours à sens unique.  Continuez à vous donner bonne conscience messieurs les humanistes, c’est bien…. Tous ça ne sent pas très bon…Salut ! Alexandre.


            • Alexandre 1er avril 2008 04:01

              Pourquoi cette déferlante d’humaniste occidentaux pour dénoncer le problème du Tibet, ne c’est-elle pas manifesté avec autant de conviction, pour les massacres  contre la population de Tchétchénie qui a fait 5000 fois plus de morts ? Vous imaginez un intellectuel français ou un journaliste « engagé », brandir une banderole de dénonciation  pendant un meeting de Poutine  à Paris, ou pendant un match de tennis  comme une rencontre France-Russie à Bercy. Vous n’imaginez pas ? Je vous rassure, moi aussi je n’imagine pas. C’est quoi la raison, parce-que les bouddhistes sont des pacifiques, alors que les musulmans sont des gens cruels ? Je vous laisse répondre. En tous cas les chinois ont fait beaucoup moins d’horreur au Tibet, que les russes en Tchétchénie, ou que les américains en Irak, ou que les français pendant la guerre d’Algérie, où que les israéliens de ce qui reste de la Palestine. Dans ces derniers cas, "les humanistes" se font plus discrets. Les mauvaises langues vont dire « il ne faut pas mettre des malheurs humains en concurrence… » Le problème c’est que c’est toujours à sens unique.  Continuez à vous donner bonne conscience messieurs les humanistes, c’est bien…. Tous ça ne sent pas très bon…Salut ! Alexandre.

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