Tu bores ou quoi ?!
Après le coming out, le burn-out (voire le burnes-out pour ceux qui baisent au boulot), voici venu le temps du bore-out !
A croire que l’on s’intéresse de plus en plus au phénomène des bullshit jobs.
Hein ?! Des quoi ?
Mais si, rappelez-vous, ces boulots que vous faites sans avoir nécessairement la capacité d’expliquer en quoi ils consistent – ni vous, ni a fortiori votre chef – et où vous vous rendez à reculons le lundi matin en faisant le business moonwalk du pauvre. Des jobs à la con, quoi !
Et vous ?
Il est facile de savoir si vous faites un job à la con. En gros, si tu vous lisez cet article au boulot, la réponse est « oui ».
Si vous n’êtes pas au taff (iImaginons que vous le consultez le soir parce que vous étiez en réunion de service toute la journée (avec une chef particulièrement perverse qui interdit les portables)) alors il vous suffit de répondre au questionnaire ci-dessous :
-Pensez-vous que si vous arrêtez de travailler, personne ne s’en rendra compte avant plusieurs jours ?
-Ressentez-vous l’inutilité profonde d’une majorité de tâches que vous êtes censé accomplir ?
-Pensez-vous qu’il y a plus de sens à être boulanger qu’à faire votre travail ?
-Savez-vous expliquer en moins de 30 secondes en quoi consiste votre travail à un inconnu ?
-Passez-vous des heures sur Facebook ou Youtube pendant vos heures de bureau ?
-Vous arrive-t-il fréquemment de faire complètement autre chose pendant des réunions de travail avec vos collègues (comme planifier vos vacances ou répondre à des mails perso) ?
-Etc.
Bon, on va pas enculer les mouches en quatre pendant 107 ans, hein ? Inutile de vous cacher derrière votre petit doigt non plus (vous avez quand même pas mal grossi récemment), si vous lisez cet article, il est assez probable que vous avez répondu par l’affirmative à au moins une question et dans ce cas-là, le verdict est implacable : vous faites un bullshit job.
D’où ça vient ?
Le terme bullshit job a été inventé par un anthropologue anglais (qui doit s’y connaître en enculage de mouche) : David Graeber.
Sans faire dans la paraphrase, ni même l’analyse poussée, la montée en puissance de ce type de boulot vient du choix occidental de tenter de faire rentrer le cadre professionnel dans des environnements de plus en plus normés et de plus en plus cloisonnés aux tâches parcellisées à l’extrême.
Genre, la Défense : tout le monde est habillé en gris neutre, la normopathie à l’extrême est encouragée, et les nouveaux parias sont les créatifs dont la tête dépasse du rang. En parallèle, on crée des silos dans lesquels les responsabilités sont diluées, la tâche principale des employés consistant désormais à respecter et à faire respecter des procédures qui sont censées fonctionner dans une majorité de cas, mais laisse la réalité opérationnelle des gens qui font vraiment le boulot s’immiscer dans les interstices.
En essayant de faire appliquer ces normes auxquelles ils ne croient plus à des gens pas dupes dans des situations qui ne s’y prêtent pas – car imaginées dans les environnements aseptisés des sièges sociaux – on obtient le cocktail idéal d’une machine grippée dans laquelle tout le monde se tient par la barbichette. Environnement matriciel à la con quand tu nous tiens.
La victime collatérale de ce beau système homéostatique est la motivation des employés, totalement conscients de la superficialité de leur contribution à la société et en quête de sens dans un champ exo-professionnel… pendant leurs heures de bureau.
Et alors ?
Oui, parce que là bon, c’est sympa tout ça, mais on voit pas trop le rapport avec la choucroute garnie. Eh ben, le rapport, c’est que la plupart des employés qui s’ennuient ferme au boulot ne font finalement pas beaucoup d’autre chose que tuer le temps. Or, plusieurs études récentes montrent que le fait de s’emmerder royalement dans sa vie professionnelle est générateur de stress, dévalorisation de l’estime de soi, sans compter le manque de stimulation intellectuelle – létale pour nos neurones – qui s’accompagne parfois de surconsommation (de cigarettes, de pizzas 4 fromages, de barres chocolatées, de danseuses ukrainiennes, etc.).
Non content de s’emmerder, l’employé se met à fumer comme un pompier et son taux de cholestérol explose (heureusement qu’il reste le 5 à 7 avec les ukrainiennes pour faire un peu de sport, bordel).
Certains médecins prétendent même que les employés victimes de bore-out (l’ennui extrême) peuvent développer des symptômes plus graves que des burn-out.
Comme un claquage à l’envers, en somme (et le somme, ça les connaît).
Vous l’avez compris, tout ceci est très très grave. Bon par contre, comptez pas sur moi pour vous dire de vous remettre au boulot (surtout si vous l’inventez tous les jours à l’instar de ma pomme). Mon conseil serait plutôt de développer une activité parallèle sur votre lieu de travail (écrivain, c’est pas mal, en plus vous pourrez flamber à la machine à café et vendre vos bouquins via le CE de votre entreprise, c’est tout bénéf’ – si avec ça, vous vous tapez pas votre secrétaire, le ministère du cul peut rien pour votre gueule mon pauvre ami).
En tout cas, la conclusion s’impose d’elle-même : pour supporter son sort, il faut avant tout l’accepter (Jean-Fabien, 2ème dan de psychologie de comptoir). Prenez un mégaphone et hurlez dans le couloir que vous vous faites sérieusement chier, ça changera rien mais ça libère.
Et puis vraiment, si vous vous ennuyez trop – je sais que vous êtes nombreux à me lire chaque semaine, donc y’en a qui doivent se sentir un peu visé tout de même –, il ne reste plus qu’à faire votre coming out en changeant de bore.
Je vous laisse, je dois aller poster mon 10ème statut Facebook de la matinée.
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L’auteur précise que cet article a été intégralement écrit pendant les heures ouvrées et grâce au matériel mis à disposition par son employeur (auquel il dit « merde » au passage).
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