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Berlin-Paris : relancer la coopération en matière d’industrie de défense ?

France et Allemagne ont souhaité relancer la consolidation de l’industrie européenne de la défense, en explorant très vite leurs possibilités de coopération. Mais quel type de coopération ? Pour quel résultat ? Contre-exemple de l’Eurofighter, comparé au Rafale.

La France et l’Allemagne ont pris l’initiative le 14 juin de relancer la consolidation de l’industrie européenne de la défense, en décidant d’explorer très vite leurs possibilités de coopération. Conformément aux intentions déclarées du président François Hollande, la France, déjà liée par des accords bilatéraux avec la Grande-Bretagne, "se place ainsi au coeur d’un effort multinational", a déclaré Guy Anderson, analyste du groupe de consultants IHS Jane’s à l’AFP.

Une lettre d’intention a été signée jeudi matin. Elle est destinée à relancer la coopération militaire entre les deux pays, moribonde depuis des années. Elle liste huit thèmes [1] pour lesquels Paris et Berlin sont prêts à étudier la faisabilité de projets conjoints, selon Les Echos du 14 juin 2012. [2]

Quel type de coopération,
avec quels résultats ?

Si nous sommes pour notre part très favorables à une coopération intra-européenne en matière d’industrie de défense (voir par exemple "Les surcoûts de l’A400M en 21 questions. (1) Les délais et retards , (7) Tous les problèmes enfin réglés ?" "Et si l'Europe décidait de réussir vraiment ses coopérations ?!" "L'entente 'formidable' victime du fiasco du F-35"), nous rappelons ci-dessous quelques éléments, et nous complèterons cet article au fur et à mesure, pour rassembler des éléments déjà publiés, établir des faits les moins contestables possibles, et pour essayer d’élaborer des pistes sérieuses évitant les travers maintes fois constatés et malheureusement renouvelés.

Au moment où la crise économique, et notamment en zone euro, impose des choix délicats (restrictions budgétaires) et tend à accroître la coopération intra-européenne, si elle est efficace.

Car un des buts essentiels recherchés dans la coopération est de valoriser les compétences de chacun, pour réaliser ensemble un objet qui aurait été difficile ou impossible à réaliser par l’une des parties, et à un coût finalement moins important pour chacune des parties.

L’Eurofighter, un parfait contre-exemple

Sur la base de ces critères, le programme Eurofighter Typhoon représente un exemple à ne surtout pas imiter : les retards et surcoûts sont très importants, et sans obtenir un avion exceptionnellement performant ou polyvalent. Pendant que le Rafale, lancé en même temps et mené par un seul pays, se montre à la fois :
- moins cher, que ce soit au développement, à l’achat et à l’entretien,
- avec une excellente fiabilité et disponibilité,
- beaucoup plus polyvalent (avec notamment une version navale),
- et au moins aussi performant.

Alors qu’une saine coopération aurait dû bénéficier du meilleur des quatre pays participants de l’Eurofighter, et donc :
- du design italien
- de la fiabilité allemande
- du pragmatisme britannique
- de l’élégance espagnole,

avec focalisation de chacun sur ses compétences propres (core competencies),

les règles d’une coopération malsaine ont permis à chacun de compenser ses points faibles auprès de ceux qui maîtrisaient le sujet, au risque de retarder énormément le projet et d’alourdir considérablement les coûts, et cela a débouché sur l’assemblage :
- d’un design britannique ( !)
- d’une fiabilité italienne ( !)
- d’un pragmatisme espagnol ( !)
- et de l’élégance allemande ( !) ... ;-)

Au-delà des clichés (la ’nouvelle’ Fiat 500 a été conçue pour être particulièrement fiable, par exemple, et elle est une franche réussite), cette boutade nous semble particulièrement illustrative de ce qu’il ne faut pas reproduire.


Quelques éléments utiles à connaître, au niveau de la coopération européenne

Les programmes en coopération ne sont pas une nouveauté, mais ils ont pris une extension importante ces dernières années, notamment en Europe, mais pas seulement.

Mais diverses coopérations sont possibles :

- sur des programmes bi nationaux (Concorde, Jaguar, Transall par exemple), tri-nationaux (Airbus par exemple) et avec des variations au cours du temps (Alphajet, Airbus à ses débuts), Boxer (projet initial entre Allemagne, Pays Bas, Royaume Uni et France, qui s’est retirée en 1999, car le cahier de charges ne correspondait pas à ses besoins) etc.

- ou sur des programmes européens, d’office (échecs de la fusée Europa), ou après une démarche nationale (Ariane 1, par le Cnes) ou multinationale (exemple à trouver)

- avec des entreprises multi-nationales à vocation pérenne et pour plusieurs programmes (Eurocopter, Eads, Mbda), ou centrées sur un programme (RollsRoyce-Turboméca, EJ200, Eurofighter Gmbh, pour moteur TP400 de l’A400M, NH90), avec extension à d’autres programmes ultérieurs (General Electric-Snecma pour les réacteurs, dont les fameuses versions du CFM 56)

- conduites éventuellement par un seul pays dans un premier temps : France (Ariane1), avant transfert vers l’Agence Spatiale Européenne (ESA)

- dans le cadre d’organisations internationales : Esa (Ariane, satellites Meteosat par exemple), OCCAr (Tigre, missile Roland/Frode, A400M, FREMM, Boxer par exemple), ou d’un accord entre deux organisations (Commission Européenne-ESA pour GALILEO)

ou sous l’autorité d’une agence ou organisation nationale d’un pays européen : Agence britannique d’achat de défense (British Defense Procurement Agency) pour le missile Meteor, DGA en France pour le drône furtif de combat nEUROn ou des Etats-Unis, pour le F-35.

Des dysfonctionnements, des progrès... à ne pas arrêter !

Coopérer efficacement n’est pas si facile, et de nombreux dysfonctionnements ont été constatés, relevés par différents organes comme le Sénat français, la Cour des Comptes française (sur plusieurs programmes dont Tigre, NH90, Eurofighter, A400M ou sur la gouvernance d’EADS), ou britannique (le NAO, sur l’Eurofighter par exemple), ou la Cour des comptes européenne (sur le programme Galileo par exemple).

Certains dysfonctionnements, certaines erreurs dans les décisions ou dérives ont été corrigés depuis (par exemple dans la gouvernance d’EADS, ou dans le programme GALILEO de géolocalisation GPS), mais d’autres persistent, dus notamment à la règle du "juste retour" géographique, source de surcoûts (par exemple pour Ariane5) ou de dysfonctionnements majeurs, du fait de l’obligation de choisir des entreprises nationales n’ayant pas jusqu’alors les compétences pour réaliser les programmes ou projets financés.

Les dysfonctionnements liés à des lacunes de gouvernance, dans les processus de décision et à des règles de coopération inappropriées sont nombreux, entraînant des surcoûts et/ou des retards très importants (Eurofighter, A400M par exemple), pendant que des programmes multinationaux gérés par un seul pays (Meteor, nEUROn par exemple) semblent se dérouler correctement (coûts tenus, délais respectés, objectifs techniques prioritaires satisfaisants).


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5 réactions à cet article    


  • Leo Le Sage 12 juillet 2012 06:52

    @AUTEUR

    Le contre exemple Eurofighter...


    Mmmhh.
    Il se vend des EF, y commpris en Arabie [tout un symbole] mais pas de rafales pour le moment !
    « Une cinquième ligne d’assemblage devrait être mise en place pour la construction des 48 avions saoudiens »

    (source : Eurofighter Typhoon - Wikipédia)

    Peut-être que le rafale est moins cher en termes de coût mais il ne se vend pas de Rafales sauf en France.
    Bon ; en Inde mais c’est un contrat qui n’est pas encore abouti : prudence.
    "Le Rafale n’a pour l’heure pas reçu de commande ferme. Cependant Dassault aviation est entrée en négociation exclusive en février 2012 pour 126 avions destinés à l’armée indienne pour un montant de 12 Milliards $ qui en ferait le plus gros contrat export d’armement jamais remporté par la France"

    (source : Dassault Rafale - Wikipédia)
    "Celles-ci porteront sur les différents aspects du programme, notamment la partie concernant le transfert de technologie vers les entreprises indiennes qui réaliseront le Rafale. Si tout va bien, la commande devrait être entérinée dans les prochains mois"

    (source : Mer et Marine : Le Rafale sélectionné pour équiper les forces aériennes indiennes)

    REM : L’inde ne veut pas d’avions américains donc on comprend que le contrat soit simple...


    Cordialement

    Leo Le Sage


    • Leo Le Sage 12 juillet 2012 09:38

      @Par cogno3 (xxx.xxx.xxx.179) 12 juillet 08:30

      Vous dites :
      « Les ventes exports n’ont rien à voir avec les capacités d’un avion, une vente d’arme est essentiellement politique »

      1/ Un avion sert à dissuader donc la capacité ne compte pas vraiment...
      Ce n’est pas comme si on va aller en guerre contre un adversaire qui a du Raptor furtif...

      2/ Je n’ai jamais dit que c’est un exemple à suivre.
      le texte dit que techniquement le Rafale est meilleur en production.
      Ca me paraît clair.

      Cordialement

      Leo Le Sage


    • Laurent Simon 12 juillet 2012 18:27

      @Leo Le Sage

      A ma connaissance, il n’est plus prévu de faire une 5e ligne d’assemblage d’Eurofighter en Arabie Saoudite (Wikipedia n’est pas forcément à jour).

      Et les négociations BAE - Arabie Saoudite, justement pour ces 48 avions, n’est pas finalisée, elle semble être assez difficile.
      Il est probable que les difficultés rencontrées par les 4 pays pour se mettre d’accord sur les évolutions à venir de l’EF, et surtout qui paie (c’était déjà le cas avant la cris en zone euro, mais cela n’a rien arrangé) n’aident pas.

      Et au sujet de l’Inde, je ne suis pas sûr que l’Inde ne voulait pas d’avion américain, puisque deux avions (F18 et F16) avaient concouru (éliminés assez vite, sur des critères ’techniques’, du genre difficulté avec décollage en altitude).
      Et les Indiens n’avaient pas apprécié ne pas recevoir de réponse à leur demande d’information sur le F-35 américain.

      Pour plus d’infos sur la sélection en Inde, cet article écrit avant que le Rafale ne soit sélectionné : « Les offres (Eurofighter et Rafale) pour l’Inde ouvertes début novembre 2011. Pourquoi le Rafale peut l’emporter en Inde »

      Et sur les qualités du Rafale « Les avantages indéniables du Rafale vs l’Eurofighter »
      et la rubrique sur le même site « Avions de combat européen : Rafale, Eurofighter, Gripen »


    • chuppa 12 juillet 2012 17:39

      un grand complexe militaro industriel vous dites ?? Voir les USA.....

      extrait prophétique du discours d’adieu d’Eisenhower prononcé le 17 janvier 1961 :

       « Cette conjonction d’une immense institution militaire et d’une grande industrie de l’armement est nouvelle dans l’expérience américaine. Son influence totale, économique, politique, spirituelle même, est ressentie dans chaque ville, dans chaque Parlement d’Etat, dans chaque bureau du Gouvernement fédéral. Nous reconnaissons le besoin impératif de ce développement. Mais nous ne devons pas manquer de comprendre ses graves implications. Notre labeur, nos ressources, nos gagne-pain… tous sont impliqués ; ainsi en va-t-il de la structure même de notre société.
       Dans les assemblées du gouvernement, nous devons donc nous garder de toute influence injustifiée, qu’elle ait ou non été sollicitée, exercée par le complexe militaro-industriel. Le risque potentiel d’une désastreuse ascension d’un pouvoir illégitime existe et persistera. Nous ne devons jamais laisser le poids de cette combinaison mettre en danger nos libertés et nos processus démocratiques. Nous ne devrions jamais rien prendre pour argent comptant. Seule une communauté de citoyens prompts à la réaction et bien informés pourra imposer un véritable entrelacement de l’énorme machinerie industrielle et militaire de la défense avec nos méthodes et nos buts pacifiques, de telle sorte que sécurité et liberté puissent prospérer ensemble. »


      • Soi même Soi même 12 juillet 2012 18:44

        Un grand moment de honte national

        <De son côté, l’Europe a vu la quantité et le niveau des armements implantés sur son sol ou pointés vers elle s’élever. La supériorité conventionnelle soviétique et l’implantation, déjà ancienne, de missiles nucléaires à moyenne portée avaient entrainé le perfectionnement d’avions américains stationnés en Europe, appelés pour cette raison « systèmes avancés ». L’Union soviétique en a pris argument pour installer de nouveaux missiles mobiles à trois têtes ’missiles SS 20’, avec 5000 km de portée et une précision accrue. 5000 km de portée, assez pour atteindre l’Europe, pas assez pour atteindre le continent américain.
        - Les pays membres du commandement militaire intégré de l’OTAN, ont alors répondu par ce que l’on appelle communément la "double décision" qui prévoyait d’entamer une négociation sur les armes nucléaires à moyenne portée sur le continent européen, négociation dont dépendra le niveau de déploiement des nouveaux missiles américains à partir de décembre 1983 ’fusées Pershing II’. Je rappelle ces faits, vous les connaissez, mais nous nous adressons à nos peuples et il convient de connaître le cheminement de ces actes pour tenter d’approcher les solutions d’aujourd’hui.
         Mesdames et messieurs, nos peuples haïssent la guerre, ils en ont trop souffert et les autres peuples d’Europe avec eux. Une idée simple gouverne la pensée de la France : il faut que la guerre demeure impossible et que ceux qui y songeraient en soient dissuadés.
        - Notre analyse et notre conviction, celle de la France, sont que l’arme nucléaire, instrument de dissuasion, qu’on le souhaite ou qu’on le déplore, demeure la garantie de la paix, des lors qu’il existe l’équilibre des forces. Seul cet équilibre, au demeurant, peut conduire à de bonnes relations avec les pays de l’Est, nos voisins et partenaires historiques. Il a été la base saine de ce que l’on a appelé la détente. Il vous a permis de mettre en oeuvre votre « ost-politik ». Il a rendu possible les accords d’Helsinki.
        - Mais le maintien de cet équilibre implique à mes yeux que des régions entières d’Europe ne soient pas dépourvues de parade fâce à des armes nucléaires spécifiquement dirigées contre elles. Quiconque ferait le pari sue le « découplage » entre le continent européen et le continent américain méttrait, selon nous, en cause l’équilibre des forces et donc le maintien de la paix. Je pense et je le dis que ce « découplage » est en soi dangereux et je souhaite ardemment que les négociations de Genève permettent d’écarter un danger qui pèse singulièrement sur les partenaires européens non détenteurs de l’arme nucléaire.
        - C’est pourquoi la détermination commune des membres de l’Alliance atlantique et leur solidarité doivent être clairement confirmées pour que la négociation aboutisse - aboutisse, condition nécessaire à la non installation des armes prévues par la « double décision » de décembre 1979 ’fusées Pershing II’.
        - ... Ce que nous voulons d’abord, mais vous aussi, c’est la paix. La paix n’est possible que par la négociation. Il dépend de ceux qui négocient de préparer les chemins de l’harmonie indispensable. Il suffit que l’un des partenaires, quand ils ne sont pas deux, s’y refuse pour que l’accord ne puisse se faire. Il faut donc que demeurent les conditions de l’équilibre nécessaire dans l’assurance, pour les peuples intéressés, qu’ils ne seront pas sous le poids d’une éventuelle domination extérieure. De cette solidarité, la France est, croyez-moi, consciente lorsqu’elle maintient en République fédérale allemande une part importante de la première armée française dont elle étudie précisément l’accroîssement de la mobilité et de la puissance de feu. Et, à Berlin en particulier, la France confirme qu’elle assume et assumera toutes ses responsabilités. Ainsi concevons-nous la défense de notre territoire et de nos intérêts vitaux, tout en nous affirmant le partenaire loyal de l’Alliance atlantique et l’ami fidèle, connaissant ses obligations, de la République fédérale d’Allemagne.
        Mais que l’on me comprenne bien, et c’est là l’expression de nos situations différentes qui découlent de l’histoire, dont nous ne sommes pas les auteurs. La France, qui ne participe pas et ne participera pas aux discussions de Genève, entend laisser les négociateurs libres de leur conduite. A chacun de discerner ce qu’il y a de bon ou d’insuffisant dans les dernières propositions émises. Intéressée comme vous-mêmes par l’aboutissement des négociations, la France se réfère pour en juger à quelques données simples que je me permettrai de rappeler ici brievement.
        - Primo, on ne peut comparer que ce qui est comparable : types d’armements, puissance de feu, précision, portée. Secundo, entre deux pays qui ont la possibilité de se détruire, si j’ose dire, plusieurs fois, ce qui est le cas des Etats-Unis d’Amérique et de l’Union soviétique, des pays comme le mien, dont la possibilité majeure est d’interdire à un agresseur éventuel d’espérer tirer avantage d’une guerre, la marge est immense : il y a une différence de -nature... J’exprimerai cela plus concrétement en disant que si l’une des deux plus grandes puissances détruisait tous ses missiles à moyennes portée, il lui resterait encore des milliers de fusées, alors que la France y perdrait un élément déterminant de sa capacité dissuasive, et donc la garantie de sa sécurité qui n’existerait plus au-dessous d’un certain seuil. Tercio, la force nucléaire française est et demeurera indépendante. Cette indépendance, avec tout ce qui en découle, n’est pas seulement un principe essentiel de notre souveraineté - c’est sur le Président de la République française, et sur lui seul, que repose la responsabilité de la décision - elle accroît également, je vous demande d’y réfléchir, elle accroît également l’incertitude pour un agresseur éventuel et seulement pour lui. Elle rend du coup plus effective la dissuasion t par la même, je le répète l’impossibilité de la guerre. >

        http://discours.vie-publique.fr/notices/847900500.html

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