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Réfugiés blues

Peut-on encore croire à l’aide humanitaire aujourd’hui ? C’est à vous de juger.

Afrique Centrale en conflit, années 90. De nos jours, rien ou presque n’a changé.

Le récit à peine édulcorée pour le rendre supportable, est volontairement cynique et désabusé, mais la réalité est bien pire encore. Hélas, l’humanitaire est un milieu qui trop souvent manque d’humanité.

Attention, il vaut mieux lire jusqu’à la fin pour comprendre, ou sinon, laisser tomber.

Quoi de plus édifiant qu’un gamin aux joues creuses qui tend la main ! S’il peut brandir une écuelle vide, c’est encore plus le pinacle. Dès qu’ils sont plus de quatre ou cinq à vous coller sous le nez un gobelet, un pied-bot ou un pot de chambre, ça commence à devenir irritant surtout quand on essaie de comprendre pourquoi et comment ils en sont arrivés là. Au delà de cent, cela devient de la statistique comme aurait dit Staline, et là, de deux choses l’une, soit on tire dans le tas soit on « fait » dans l’aide d’urgence. Bref, je plaisante, je me suis retrouvé dans l’humanitaire !

La dernière livraison de réfugiés promise par le Haut Commissariat aux Réfugiés a débarqué au camp deux jours après mon arrivée. J’avais juste eu le temps d’installer ma radio émettrice et les divers ustensiles superfétatoires mais recommandés de la « trousse de maquillage » de tout humanitaire (4x 4, eau minérale, drapeau, autocollants et logo de l’association…), de déballer quelques conserves, victuailles et boissons au milieu de cartons de médicaments et de matériel d’urgence et je les ai eus sur le poil.

Le pire, c’est qu’ils étaient plutôt sympas, en fin de compte, malgré leur statut de déplacés. Sympas et paumés. C’est en grande partie pour cette raison qu’ils n’ont pas obtenu grand-chose du H.C.R. Ils ne savaient pas intimider ! Ils n’ont pas foutu un bordel monstre, n’ont buté personne à la machette, à la hache ou au mortier ni avant ni pendant leur transfert.

C’étaient des pauvres types ni violents ni outranciers dans la revendication. Ils pouvaient donc se brosser avant d’obtenir l’essentiel et le superflu. Ils n’ont même pas osé réclamer des Adidas au nom des droits de l’homme, comme l’auraient fait des leaders Somalis à l’arrivée des secours. Pas un seul journaliste n’a pu constater leur air grave, ni remarquer qu’ils étaient sous le choc comme il se doit, (pour faire journal du 20 heures, on doit dire terriblement choqués et dérisoires quand il s’agit de moyens). Des individus sans histoire médiatisable qui fait pleurer Margot ; ils avaient tout juste les pieds sales.

De braves types, on l’a dit, bouille ronde, air ahuri. On le serait à moins après s’être fait sauter sa bonne femme par quatre soudards alcoolisés et chanvrés, braquer ses derniers biens personnels et brûler sa baraque ou la plante des pieds. Ils n’étaient pas d’un enthousiasme vaillant lors du transfert. Les femmes, pour la plupart, avaient des gueules à rendre abstinent un satyre en rut. Ce n’est que dans les films, qu’au milieu d’un cloaque, le bon docteur se retrouve confronté aux tétons turgescents d’une Noami Campbell en larmes avec un sparadrap au coude. Faut pas rêver, on n’est pas payé pour !

Et les gamins ! Des gosses partout, certains laids à vous modérer la compassion, d’autres plutôt futés, marrants avec de bonnes têtes rondes, les oreilles décollées et l’ombilic protubérant au travers du tricot troué incrusté de saletés immondes. Bref le matériel humain de base, la population cible dans tout son splendide dépouillement.

Exactement le genre de mioches cradingues que quelques « salopes »[1] bien payées par les Nations Unies ou par l’Union Européenne, aiment prendre sur leurs genoux le temps d’une photo qui sera publiée sur papier glacé dans la brochure de propagande de l’organisation. Bien sûr, après le cliché, elles iront prendre une douche, parce que les pauvres, ça pue !

Pour justifier ces séances de photos, les grandes organisations parlent désormais de visibilité. Elles utilisent des posters, des revues, des autocollants et des drapeaux là où les canidés marquent leur territoire de leur urine. La visibilité n’est rien d’autre qu’un jet de pisse de chien à la base d’un tronc d’arbre. Toute cette imagerie rapporte du fric grâce au marketing humanitaire et des Nations-Unies !

Grands ou petits, le but du jeu est de caler les réfugiés dans une statistique et un tableau Excel, avec des indicateurs chiffrables et des objectifs vérifiables, minimum 1500 calories par personne et par jour y compris 60 grammes de protéines. Avec en prime une machette, un jerrican en plastique, une couverture aux normes, du genre à enrouler un cadavre et un morceau de bâche du HCR de 9,82m2 par famille (en mesure anglaise, cela doit correspondre à un chiffre rond) et en avant !

Le clampin de base est devenu un réfugié.

Va leur expliquer à ces gens après une émeute, une guerre civile, un génocide ou une autre fantaisie du genre, qu’il fallait se construire un abri avec le morceau de bâche, ou sinon dormir sous la pluie, les pieds dans la boue ! Côté bouffe, ils étaient habitués au manioc et aux bananes plantains depuis des générations. On leur a bien-sûr fourgué des haricots secs, du sel, un peu d’huile … et du maïs. Les premiers jours, ils ont roté et pété comme des forcenés. Les gosses chiaient des grains entiers comme des poulets « Vallée d’Auge ». Après deux mois de ce régime, ils s’y sont accoutumés, le maïs ne les enthousiasmaient guère plus, mais ils pétaient moins fort. On s’habitue à tout. Dans le milieu on ose parler de « résilience alimentaire »[2] ; les experts internationaux n’ont peur de rien, surtout pas du ridicule.

Au milieu de la foule, entassées dans la zone de transit, les femmes prenaient les gamins sur leurs genoux, les retournaient et leur soufflaient dans le cul à l’aide d’une calebasse creuse en forme de poire, toutes sortes de produits laxatifs à base d’herbes et de décoction. Après le lavement, les enfants en bas âge couinaient comme des porcelets à l’abattoir et relâchaient illico par le bas et par le haut, le repas de la veille et quelques amuse-gueules. Ensuite, ils devenaient fripés et plaintifs, donc bon pour le dispensaire. Il fallait assurer, c’était mon rôle.

Personnel local médiocre en dehors d’un infirmier local dynamique et compétent (un Hutu marié à une Tutsi).Les autres, pas du tout motivés et mal payés, envoyés sur le site par les autorités médicales du pays d’accueil, du genre à penser « J’en ai rien à battre de ces bâtards qui n’ont pas un sou en poche, et qui en plus ne sont pas de ma tribu ! »

Et les malades ! De braves types au départ deviennent en quelques jours les pires revendicateurs. Pour capter l’attention, tout est bon, que d’effort pour avoir l’air mal en point. Désir de revente au marché des remèdes reçus gratuitement ou bien rôle magique des comprimés, partout les médicaments attirent les gens.

Et je te montre mon cul, et je t’exhibe la glotte pour obtenir deux aspirines, trois antibiotiques ou un superbe placebo d’un vert attrayant ! Mais même les plus isolés en Afrique de nos jours ont été pollués par l’industrie pharmaceutique, l’agressivité des tenanciers d’officines de santé et des vendeurs ambulants de médicaments. Même dans les endroits les plus reculés, ils ont été en contact avec les pharmacies privées et les margoulins de la profession médicale. « La santé pour tous en l’an 2000 » avait sévi avec son slogan malsain comme un droit à la surconsommation médicale[3].

Les cartons de soins standard, qualifiés de Kits UNICEF dans le jargon ; avec leur conditionnement en gros et leurs comprimés blanchâtres, les malades potentiels les ont vite repérés. Ce n’était pas une question de qualité, mais d’apparence. Les réfugiés se sont mis à bramer qu’ils voulaient de « vrais » médicaments, des piqûres, des perfusions, un microscope. Ils ont réclamé à cor et à cri des gélules « rangi mbili  » ce qui veut dire de deux couleurs en swahili[4]. Et encore, je n’avais pas à faire à un groupe de furieux. Ils ne pensaient pas que l’UNICEF voulait les stériliser ou leur inoculer le sida avec les vaccins.

Quand j’avais consulté cinquante deux de ces blaireaux, j’en avais ma claque, d’autant qu’à tout casser, il n’y en avait guère plus de quinze qui avaient réellement besoin de soins. Le personnel soignant était furieux. D’abord du fait de l’excèdent de boulot, mais surtout parce qu’il ne pouvait rien soutirer à ce ramassis de crève-la-faim. De plus, du fait de l’éloignement de la ville, il n’y avait aucun recours possible pour un business juteux avec des cousins ou des commerçants du coin. Ma présence limitait le pillage à grande échelle de l’aide internationale, disons qu’à défaut de grande échelle, ces braves gens utilisaient un escabeau pour se servir.

Alors arriva l’opération Cavaillon.

Trois semaines au camp avaient été consacrées à des activités terre-à-terre. Vaccination contre la rougeole, (j’avais insisté pour qu’on ne conserve pas les bouteilles de bière dans les boites isothermes et le réfrigérateur à pétrole, privant ainsi certains infirmiers d’une source de recettes en revendant des boissons fraîches) suivi des femmes enceintes, creusage de fosses d’aisance (une famille produit plus d’un kilo et demi de merde par jour y compris les week-ends). La routine banale dans son utilité. Et puis, sans crier gare, un premier gaillard a baissé son pantalon pour m’exhiber ses burnes. Autres femmes, autres gamins, autres types venus profiter des médicaments gratuits. Un second client avec les bourses distendues, puis un autre, voussure mobile à l’aine glissant vers les roustons. Lendemains qui chantent, cinq autres patients montrant du doigt leurs génitoires. Aspect de melon mur en taille et consistance, l’odeur fruitée en moins.

D’un coté les hydrocèles, de l’autre les hernies inguinales. Enfin de la médecine festive, pittoresque et ludique ; joie du diagnostic différentiel.

Pour les urgences, j’avais repéré un chirurgien africain qui vivotait dans l’hôpital du coin à 40 kilomètres de là. Un type dont la compétence et l’honnêteté faisaient tache au milieu de l’océan de médiocrité ambiante. Cela me changeait des canailles et escrocs qui sous d’autres cieux humanitaires n’avaient rêvé que de mon expulsion, pour pouvoir continuer d’opérer des appendicites fictives à des patients dont le seul symptôme était leur solvabilité.

Les signes extérieurs de richesse sont des appels à une chirurgie que l’on pratique larga manu, dans beaucoup de pays africains. Le compte en banque du patient est trop souvent un prétexte à l’utilisation du bistouri sous les tropiques ; quoique Toulouse et ses prostatiques ne soient pas vraiment sur les bords lointains du Zambèze.[5]

N’ayant ni bloc opératoire au camp de réfugiés ni les compétences requises, j’envoyais donc mes cavaillons se refaire une santé auprès de mon confrère, qui honnêtement arrondissait ses émoluments. J’en ai expédié 39 en quelques semaines, à leur plus grand bénéfice car ils sont revenus le sourire aux lèvres, guéris et les bourses plates bien qu’ils n’aient point dépensé un sou. J’annonçais ces transferts à ma base par message radio. Il était de bon ton d’utiliser des mots codés et des périphrases afin d’éviter l’espionnage des ondes par des oreilles rebelles et hostiles. Les factions inamicales n’avaient cesse que de surveiller les humanitaires, considérés comme des espions, des nervis à la solde de ceux d’en face ; quelque soient ceux d’en face. La paranoïa est l’apanage des gouvernements en guerre et des mouvements rebelles quelque soit l’idéologie proférée, même si leur seul programme est de piller, violer, massacrer et de s’en foutre plein les poches, souvent avec la complicité tacite des Nations Unies, des ONG et des bailleurs de fonds.

Le microcosme onusien et humanitaire gobe très facilement des informations de seconde main qui ne sont le plus souvent que des rumeurs mises en circulation par le personnel local. Le but de celui-ci, partagé par les responsables politiques du crû, est de paralyser les expatriés dans leur base et laisser le terrain libre à des magouilles éhontées loin des regards inquisiteurs.

Je n’ai même pas eu de visite éclair de branleurs en chemisette et en 4x4 japonaise avec drapeaux et autocollants des agences onusiennes de toute la durée de ma mission sur place. Pas une seule Emmanuelle Béart exaltée et échevelée n’est venue justifier par sa présence la vente des cartes de vœux aux mémères donatrices habituellement scotchées devant leur télévision. J’aurais très bien pu inventer des opérés fictifs et facturer leur intervention, aux Nations Unis. Ces gens sont trop occupés par leurs meetings au Sheraton sur la santé, la résilience (encore elle) des masses qui fin de marxisme oblige, ne sont même plus populaires, le sous-développement durable. La visite de terrain ne peut être faite qu’au pas de charge et l’audit financier ne se résume souvent qu’à une analyse des tampons et des dates sur les factures, fussent elles des faux éhontées.

Un petit détournement crapuleux aurait pu me permettre de satisfaire le désir de ma copine du moment, une charmante petite Cendrillon qui fantasmait sur l’acquisition d’une rôtissoire électrique quatre, voire huit poulets. Elle me réclamait sans vergogne l’ustensile de ses rêves. Son désappointement fut à l’égal de mes limites financières. Elle a pleurniché un peu, a bu deux bières et s’est contentée d’une paire de chaussures neuves. Pour sûr, je suis passé à coté du grand amour. Elle est retournée chez elle en boudant, car c’est bien connu, quand on aime d’un amour profond, on achète des rôtissoires. Avec le modèle douze poulets, on égale les demi-dieux. Mais, pour les fonctionnaires internationaux, il y avait plus important à faire dans les cocktails et au buffet des ambassades, que d’éplucher ma comptabilité.[6]

Après quatorze ou quinze heures, j’en avais fini avec les malades. Venait alors la cohorte des revendicatifs. C’est fou ce que l’on peut réclamer quand on a droit à rien ! Face à une machette, un fusil, un lance-roquettes ou un tank, le plus téméraire dit peu. Il couine quand on le cogne et à la première balle perdue. Quand il est devenu réfugié, il commence à ouvrir le bec.

Des plaintes et des récriminations, j’en ai entendu et non des moindres. D’abord ils voulaient plus de bouffe. Il faut dire que les responsables locaux de la distribution n’y allaient pas de main morte quand il s’agissait de leur propre part. Malgré tout, il en restait assez pour tout le monde, les distributeurs étaient honnêtes dans leur genre, il ne disparaissait que 30% des quantités distribuées ; dans d’autres camps, c’est souvent la proportion inverse. En dehors de la part qui passait par la cave, il en restait suffisamment pour nourrir tout le monde. Y compris tous les anciens arrivés depuis des années de conflits divers, car la fournée nouvelle initialement évaluée à 2327 par le HCR ne comptait en fait que 622 personnes, rejointes quelques temps plus tard par 128 retardataires.[7]

Quand il n’était pas question de quantité, c’est la variété qui excitait les réfugiés. Ou bien c’était pourri, je confesse que cela arrivait quelques fois, mais rarement. Ou bien alors, c’était du jaune et il ne mangeait que du maïs blanc. Ou enfin c’était trop dur, trop mou, ça cuisait mal ou bien ça demandait trop de bois pour le préparer. Il fallait aussi compter avec les distillateurs pour créer l’ambiance. Eux, ils laissaient fermenter les surplus de l’aide alimentaire pour faire de la gnôle. Un tord-boyaux atroce, à coller des hémorroïdes à un cardiaque. Tout ce qui fermentait faisait leur affaire, sauf les haricots, car ça on n’arrive pas encore à les distiller. En pareille circonstance, ils gueulaient à l’unisson avec les non-buveurs.

Quand on ne me harcelait pas avec l’alimentaire on s’escrimait dans le domaine du coutumier. Il y en avait toujours au moins un qui avait enfreint le droit traditionnel d’une des peuplades sur place. Avec deux ethnies dans le même camp, c’est déjà très chaud. Avec quatre ou cinq tribus on risque l’émeute à chaque instant. Les « miens » avaient débarqué dans ce camp, ouvert dans les années 70, remplaçant les anciens arrivés depuis des lustres par vagues successives au fil des conflits locorégionaux. Ils ne pouvaient se sentir entre eux pour d’ataviques raisons. Et je te sors la machette ou la lance, si tu sors ta queue devant ma fille ! A chaque adolescente ou femme mariée qui se faisait approcher de façon plus qu’explicite par un gars d’en face, les frères, pères, cousins ou maris en attrapaient des quintes. Le cul interethnique est mal vu dans les camps de réfugiés et n’entraîne que querelles, revendications et revanches. Mais s’il n’y avait eu que cela !

C’était sans compter les bovins. Certains vicieux se réfugient avec leurs vaches ! Qui dit vaches dit accès aux points d’eau, droit de passage des animaux, création de comités de l’eau, de comités d’éleveurs et de paysans, zoonoses et épizooties quand on a vraiment de la chance.

Enfin, au dessus du lot des embrouilles, il y avait la sorcellerie et le recours au poison quand ils voulaient vraiment me faire sortir de mes gonds. J’ai du appointer des goûteuses ethniques au centre de nutrition infantile pour éviter des mutineries de mères furieuses et inquiètes pour leur progéniture. Une Munyankole ne laissera jamais une Acholi préparer et servir du porridge à ses gosses sans forte réticence, et ne parlons pas du trop célèbre binôme Tutsi/Hutu !

Quand un agriculteur avait piétiné dans une bouse à la sortie de son abri en bâche bleue, il s’engueulait ferme avec un pastoral. Le dit pastoral répliquait souvent d’un coup de bâton bien senti après quelques menaces en vernaculaire. J’étais censé intervenir au troisième horion ou quand le contusionné saignait par trop du nez. En de telles circonstances, tout le monde braillait. Comprendre ce qui était arrivé tenait de la divination tant ils jacassaient ensemble en poussant des cris d’orfraies. Au milieu du tumulte je croyais comprendre : « et qui va me le payer mon poulet ? » ou bien « bande d’obsédés sexuels, voleurs de poule, fumeurs de chanvre ! » Du fait des nombreux dialectes, j’avais du mal à suivre. Souvent, je n’avais pas la moindre idée du problème, mais il était évident qu’il y en avait un. Pour juger une affaire selon le droit coutumier, il faut en théorie des plaideurs de la même ethnie. C’était rarement le cas, il fallait alors avoir recours au droit national du pays d’accueil ; le résultat, avouons le, n’était guère probant.

Ce genre de joyeux débat m’arriva lors du passage au camp d’une anglaise égarée dans la nutrition. Une espèce de molasse à la poitrine basse qui n’avait jamais fait cuire un œuf de sa vie chez elle, mais qui pouvait déblatérer pendant des heures sur l’intérêt des acides gras poly-insaturés dans le régime sans fibres. Ce genre de femme vous calcule des ratios de protéines avec une dextérité qui dépasse l’entendement.

Un jour, j’en ai eu marre de les voir bouffer du maïs. Nourrir des gosses, ce n’est pourtant pas sorcier. Il suffit d’un peu de bon sens, de vivres frais disponibles et de savoir un peu cuisiner. Je n’ai jamais ouvert un livre sur la nutrition, si ce n’est pour le balancer aux chiottes devant mes collègues, histoire de théâtraliser un peu la scène. J’achetais ce que je trouvais au marché de coin, faisait participer les mères à la confection des repas et regardais sans en avoir l’air ce que les gamins finissaient rapidement ou laissaient traîner dans leurs gamelles, histoire de retenir les recettes les plus attrayantes. Ayant à faire à des pauvres, il faut les inciter aux économies, même si c’est la communauté internationale qui paie, car un jour, ils rentreront chez eux et sans aide. Exemple simple, je leur faisais cuire les pommes de terres à l’eau avec la peau, on gagne au moins 15% de matière consommable si on les épluche après cuisson. J’utilisais aussi les os et les arrêtes de poisson fumé pour des fonds de soupe.

Bien sûr, les nutritionnistes ne pensaient jamais à ce genre de détail trop trivial à leur goût. Elles dressaient des courbes, des abaques et des histogrammes, c’est nettement plus gratifiant ! Elles mesuraient le périmètre brachial des enfants, parce qu’on leur avait appris à le faire, sans réfléchir. Moi, je savais comment le personnel local truquait les résultats, s’il le fallait. En serrant un peu fort la ficelle autour du bras des gosses à la première estimation et en mesurant lâche à l’évaluation finale on obtient ainsi 10% à 20% de résultats encourageants sans avoir donné un seul biscuit à un gamin, tout réside dans l’habileté à pratiquer les mesures et à manier le brassard. Le tour de bras avait augmenté miraculeusement.

Pour le poids, c’est encore plus simple, on pèse les gosses à poil la première fois, avec de plus en plus de vêtements les fois suivantes. Là aussi, les enfants grossissent sur le papier et l’UNICEF est contente, elle peut publier. On peut obtenir ces bons chiffres sans même vouloir truquer intentionnellement. Le personnel s’aperçoit vite que déshabiller les gosses prend du temps, ils le font la première fois, après ils éludent le caleçon, le maillot, la couche et gagnent ainsi deux heures par séance de pesée pour aller glander ou boire des bières. Les enfants, eux gagnent du poids sans avoir rien bouffé de plus.

L’anglaise survint donc à l’improviste, lors d’une de ces séances de réconciliation procédurière, de mélodrame comico-légal. Une vague histoire de viol, où intervenaient deux piles pour radiocassettes non remboursées et un sous-vêtement féminin rouge qui aurait été détérioré lors de l’incident. Il était neuf pour l’une, usagé pour les accusés, qui à part cette manœuvre dilatoire sur l’état de fraîcheur du slip, niaient tout en bloc. J’y étais depuis deux heures et n’avançais pas d’un poil. Mon rôle n’était pas de juger, mais de les aider à trouver une issue acceptable par tous, avec l’assistance d’un des deux gendarmes du camp et la participation de juges bénévoles acceptés par les deux partis, une dizaine de plaideurs.

Ma responsabilité consistait surtout à les empêcher de se battre en passant par le biais du psychodrame judiciaire. Il fallait parler plus ou moins français, anglais et swahili et faire semblant de comprendre les cinq ou six dialectes du camp. A une question en anglais ou en swahili, ils s’obstinaient à répondre en kitoro, kinande ou ankole, quelque soit la personne qui avait posé la question.

Ma britannique avait du mal à suivre et m’interrogeait en prenant des notes ; ce qui ralentissait le cours du procès. Elle ne voyait pas très bien le sens de mon intervention. J’avais envie de répondre que moi non plus, je ne le voyais pas, mais je ne voulais pas en rajouter, c’était déjà assez complexe.

Je reçus une autre visite. Une américaine qui ne supportait pas la chute de fientes de chauves-souris sur sa moustiquaire. Elle était aussi venue pour les réfugiés, pas pour les chiroptères ! Etre poli, du moins au début, ne mangeant pas de pain, après l’épisode des chiroptères, je lui ai proposé le meilleur endroit pour dormir, c’est-à-dire mon lit, en prenant bien garde de ne pas y passer la nuit moi même.

Ce n’était pas le genre de personne qui vous demande gentiment une bière. Plutôt de celles qui s’enquièrent de la moustiquaire, du coût et des horaires des repas et qui demandent où sont les toilettes pour dames. Elle faisait une enquête pour l’American Congress sur la situation nécessairement tragique des réfugiés. Son obsession était de voir des gens marcher en colonnes au bord des routes, de préférence l’air hagard et harassés. Une personne déplacée doit impérativement circuler sans fin à pied sur les chemins de l’errance pour avoir un tant soit peu de crédibilité.[8] Quand j’ai annoncé qu’ils étaient arrivés en camion, ils lui ont soudain paru moins émouvants.

Elle pensait l’Afrique en termes de paludisme, d’eau minérale en bouteille scellées et autres nuisances et manières de s’en protéger. Je lui ai servi une salade de crudités, elle a aussitôt pensé aux amibes.

Que faire, que dire en dehors de la communication professionnelle et des banalités d’usage ? Elle a abordé l’apiculture, son hobby, dans un coin isolé de l’Ohio. Ma réplique, « le miel, c’est comme le sperme, mais c’est nettement plus sucré »[9], a définitivement tué dans l’œuf toute tentative de rapprochement mutuel, malgré ses quelques allusions appuyées sur la solitude de la femme blanche sous les tropiques, en début de soirée.

Quand ils eurent enfin fini de gémir, de soupirer et de se plaindre, les réfugiés n’avaient pas grand-chose à faire dans ce trou, une fois installés. Cultiver quelques arpents, et guère mieux. Côté distraction, reconnaissons-le, ce n’était pas très folichon, même pour eux.

Evidemment, les rois de l’alambic sortaient une eau-de-vie digne de la prohibition avec un tuyau de cuivre, un fut vide et un bidon en plastique. Ces trafiquants de gnôle au regard torve, à la lèvre épaisse et à l’air embrumé en permanence, l’œil rougi par l’éthylisme, ne lésinaient pas sur le degré alcoolique. Ce qu’ils produisaient, était parfois bleuté à cause méthanol, un produit à givrer les méninges du plus résistant. L’unité de mesure correspondait à nos verres à moutarde, bus en deux traits. Après trois ou quatre verres de ce pétrole lampant à 600 ou plus, ils tombaient raides. Et leur langue même pas honteuse, retombait lourdement dans leur bouche pâteuse, comme dit le poète ; ils braillaient à pierre fendre. Imaginez maintenant les mêmes en armes dans un contexte similaire sans contrôle et sans frein moral, et vous comprenez aisément le taux élevé de bavures dans les forces armées du continent africain.

Que suis je venu faire dans cette galère ? Et encore, je l’ai déjà dit, je n’avais pas trop à me plaindre, je n’avais pas à faire à des violents. Ils n’étaient pas trop pénibles, ces réfugiés, braves types et profil bas. Un jour, on se retrouve au milieu d’une foule d’anonymes, de gens translucides auxquels on ne sait que dire. On aimerait comprendre, compatir, aider, se sentir utile, être solidaire…mais on n’a pas été envoyé pour ça. Au mieux, pour ne dire au moins pire, on arrive tout juste à ne pas être nuisible. L’ego en prend un coup pour celui qui était venu sauver le monde, fut il tiers !

Pour beaucoup la motivation s’en va très vite, la routine et sa logique administrative la remplace. Etre motivé n’est utile qu’à l’entretien d’embauche, et encore faut-il ne pas trop le montrer au risque de passer pour un exalté. La maîtrise d’Excel et Power Point a progressivement remplacé les élans judéo-chrétiens socialisants de la première heure tiers-mondiste. Routine, procédures, objectifs de plan et indicateurs, implication politique et carriérisme font plus ou moins rapidement baisser les bras des plus engagés, voire des plus enragés. L’écrit a remplacé l’action. Le phrasé verbeux et insipide s’impose de plus en plus comme un dogme lors de l’écriture des rapports. Depuis quelques années, les donateurs institutionnels préfèrent des technocrates soucieux des grilles de lecture, des directives de rédaction, (les fameux guidelines), aux anciens hommes de terrain peu concernés par le vocabulaire normatif.

Au bout d’un certain temps, variable d’un individu à l’autre, le dégoût, ou plutôt quelque chose d’indéfinissable s’installe. Quelque chose d’étrange, un sentiment inéluctable d’échec incontournable, bref de donquichottisme et de lucidité à la fois qui permet de continuer tant bien que mal. On n’est pas là pour changer la vie, ni la sienne, ni encore moins celle des autres. Le quotidien, quand on n’a pas la chance rare de passer un bref moment avec de braves types qui sont contents de votre présence et ne vous font pas chier, le quotidien donc, c’est l’amertume, l’indéfinissable et l’inaccompli. Le pire est le sentiment de supercherie orchestrée, de désastre utilitaire, de ressentir que les dés sont pipés et que les beaux discours cachent des réalités économiques et politiques beaucoup plus pragmatiques. On vend de l’humanitaire, comme du dentifrice.

Le sentiment d’impuissance est permanent, mais il y aussi les quelques moments d’exaltation quand il se passe enfin quelque chose d’utile. Mais nombreux sont en vacances humanitaires, ou de ternes et mesquins individus au faciès suffisant ou encore de jeunes cadres se préparant une ligne valorisante sur un C.V. Ils rentreront chez eux avec le souvenir d’une expérience exotique, avant de réintégrer le rang. Certains finiront aux Nations Unies ou dans un autre Grand Corps de la médiocrité pour y gagner des dollars qui seraient de toute façon gaspillés autrement et par d’autres si ceux-là n’existaient pas. On n’est pas là pour aider les gens, à la longue ça se serait vu.

Pour les quelques rares autres…, être d’éternels Sisyphe est ressenti avec énormément d’agacement. Il n’est jamais agréable de constater son inutilité, surtout après tant d’espoir naïf des débuts. Quand on a enfin compris, il faut apprivoiser ce mal et vivre avec lui comme avec l’œil qui regardait Caïn.

La misère relative, souvent créée de toute pièce alimente une industrie de la survie de part et d’autre. Les pauvres en sont l’enjeu, voire la cible. Le système se mord la queue, génère des besoins artificiels, des situations de crise pour justifier son maintien. Le pauvre devient alibi, l’appauvrir en faisant semblant de l’aider devient une stratégie… payante. Foisonnent alors les officines, les comités crapuleux de représentants des populations, les homologues prétentieux aux diplômes douteux achetés à Lagos ou au Pakistan, évidemment drapés dans le nationalisme le plus farouche, les missions exploratoires, les armadas d’experts internationaux et les évaluations payées en devises fortes.

Cela dit, l’injustice des riches et des puissants, la rapacité ou l’arrogance prédatrice des représentants des pauvres, l’incurie de l’humanitaire et des Nations Unies, n’ont jamais empêché un vrai misérable de puer des pieds. Il faut savoir relativiser. Mais de nos jours, on n’est hélas pas payé pour obtenir des résultats mais pour en publier.

Et malgré tout ce qui vient d’être dit, les quelques mois passés dans ce camp furent parmi les moments les plus intenses de ma carrière. Probablement parce que j’étais le seul expatrié permanent du camp.


[1] Je sais, on ne doit pas dire salope, mais « fonctionnaire féminine internationale standard » pour ne pas blesser et rester dans le normatif. Elles portent toutes l’incontournable gilet à poches multiples avec le logo de l’organisme bien visible à l’objectif de la caméra.

[2] Ou comment s’habituer à bouffer tous les jours la même merde trop cuite sans broncher.

 Il s’est créé progressivement un vocabulaire stéréotypé que décideurs et exécutants se doivent utiliser de façon compulsive s’ils veulent montrer leur appartenance à la caste humanitaire. Ce pédantisme dans le jargon existait déjà dans le milieu médical au temps de Molière, finalement donc, rien de très nouveau.

[3] Maintenant que l’année 2000 est largement passée et qu’il y a toujours autant de gens malades, je suggère à l’OMS “Santé pour tous en l’an 3000” histoire de leur laisser le temps d’agir. Entre temps, les Nations Unies ont inventé un nouveau concept « Les objectifs (ou plutôt, la Connerie) du Millenium » qui doit durer jusqu’en 2015 !

[4] C’est ainsi que les paysans appellent les tétracyclines en swahili. La forme commerciale la plus courante consiste en gélules rouge et jaune, elle est très prisée par les consommateurs. Sous forme de comprimés jaunâtres le médicament est peu apprécié et supposé à tort inefficace.

[5] La plupart des chirurgiens français sont loin d’être tous d’affables bronzés souriants, ou des Schweitzer compassionnels, mais certains, pour sûr, sont des profiteurs éhontés. La France a eu son lot de fripouilles et de guerre des cliniques sous le 45ième parallèle Nord.

[6] Il existe un hit parade non officiel des buffets et cocktails des agences UN, des ambassades et des principales organisations non gouvernementales. Les ambassades de France, bien qu’en perte de vitesse depuis un certain temps (rigueur budgétaire oblige) ont tout de même les meilleurs vins, fromages et charcuteries. Les ONG françaises dites de gauche ont malgré tout des bars décents, nonobstant un volet traiteur laissant à désirer. Dans l’humanitaire de droite, les petits fours et amuse-gueules sont meilleurs et on évite les sempiternels tee-shirts crasseux à l’encolure distendue, avec logos des grandes organisations uniforme des humanitaires.

[7] Le PAM (Programme Alimentaire Mondial, WFP en anglais) fournit en général des rations dites sèches comme farine, riz, maïs, haricots et lentilles ainsi que de l’huile, du sel et quelques fois du sucre et du lait en poudre. Le plus souvent, les quantités sont excessives et alimentent le marché parallèle au détriment des producteurs locaux. J’avais eu la chance de recevoir une enveloppe spéciale pour les enfants et pouvait donc acheter sur le marché local des produits frais. Les gosses avaient de ce fait une alimentation plus variée pour moins de 80 cents par jour. Ce n’est hélas pas toujours possible.

 Les adultes devaient se « contenter » des rations sèches.

[8] Il est arrivé que des photographes de presse fassent ressortir des réfugiées du camp où ils étaient installés avec enfants et baluchons pour une série de clichés. Uniquement dans l’optique vériste de montrer la désolation et l’angoisse de gens déboussolés marchant sans but le long des routes. Ne rêvez pas, beaucoup de photos d’actualité ne sont que des montages, même si certaines révèlent une certaine réalité.

[9] J’aurais pu sciemment citer « Le miel et la cendre » de Claude Lévi-Strauss pour relever le débat. L’auteur, peu suspect d’inclination pour la gaudriole, y fait un parallèle sans équivoque entre les deux substances liquides. Je n’avais pas l’intention d’impressionner, car je n’avais pas l’intention de tenter quoique ce soit.

P.-S.
 

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11 réactions à cet article    


  • Sandro Ferretti SANDRO 18 novembre 2009 13:56

    « Ah ça y est, on remet en route le Voyage », disait Destouches dans sa préface.

    Je croyais Bardamu perdu, errant du côté de Suresnes, du Pont de Puteaux ou de l’écluse de Suresnes, mais je vois qu’il voyage encore, le bougre.
    Bon, je vous laisse aux prises avec les « politiquement corrects » qui ne vont pas manquer d’arriver, face à votre distribution gratuite de sacs de riz insuffisament citoyen.

    PS : Je vois qu’avant d’étre trahi par un grille-poulet, vous avez tout de méme eu le temps « d’arranger le passé avec l’avenir » (Céline)avec votre petite amie. Des détails croustillants eurent été bienvenus pour aérer le texte, et mieux accréditer la thèse du dindon de la farce...


    • Annie 18 novembre 2009 15:37

      En 1985, j’ai travaillé pendant 6 mois dans un camp de réfugiés qui avait été installé à proximité de Sefawa, petit village soudanais à la bordure de la frontière éthiopienne pour des réfugiés tigréens. 3 expatriés au début pour recevoir 90.000 personnes, à raison de 2000 par jour, dans des camions qui faisaient la navette entre Wad Kaoli, le camp de transit à la frontière et Sefawa. Un camp un peu psychadélique puisqu’il avait été impossible de se procurer des tentes localement, et c’est donc Trigano qui avait fourni les tentes oranges. Un peu le Club Med mais sans mer, mais beaucoup de sable, pas d’arbres et pas un pouce d’ombre et aucun gentil organisateur.

      Les réfugiés sont arrivés après 21 jours de marche, se déplaçant la nuit pour éviter les bombardements, avec leurs baluchons, mais sans plus rien à manger depuis déjà une dizaine de jours. Lorsqu’ils sont descendus des camions, mon mari m’a dit : « prends des photos », et il m’a expliqué que demain, j’aurai déjà commencé à m’habituer à la vue de ces cadavres ambulants. Il avait raison : le lendemain, ces apparitions réminiscentes des camps de concentration, les enfants au ventre distendu, les mourants au bord de la route, plus rien ne me choquait. Nous avons fait ce que nous avons pu, distribuer des vivres, soigner les malades, réhydrater les enfants, juguler une épidémie de méningite, et parer à une autre de choléra. Selon les statistiques officielles, 5% des réfugiés sont morts dans les 3 premiers mois de leur arrivée.
      Et puis un beau jour, 3 mois après l’arrivée des réfugiés, nous avons appris que les pluies étaient arrivées au Tigré. La moitié du camp s’est vidée. Les réfugiés ont refait leurs baluchons et le chemin inverse pour retourner cultiver leurs champs et rejoindre les membres de leur famille qu’ils avaient laissé derrière. Les images des centaines de réfugiés sur la route du retour me hantent encore. Je ne sais pas ce qu’il est advenu d’eux, s’ils ont pu rentrer chez eux, retrouver leurs maisons et cultiver leurs champs, mais bien sûr j’espère qu’ils ont survécu, car c’est cet espoir qui nous a soutenu dans cet environnement hostile, l’espoir d’avoir pu aider au moins quelques uns de ces réfugiés. J’ai gardé la plus haute admiration pour la résilience de ces gens, leur courage face à l’adversité et leur détermination à ne pas se laisser abattre. Arrivés les mains vides, c’est ainsi qu’ils sont repartis, sans jamais rien demander.


      • Georges Yang 18 novembre 2009 19:44

        Merci Annie, se sont toujours ceux qui sont le plus dans la merde qui ne revendiquent rien> Mais il ne faut pas oublier que le gouvernement ethiopien d’alors avait une enorme responsabilite dans la famine. Quelques annees plus tard, MSF a leve le camp pour ne pas cautionner des pratiques douteuses> Par contre, je confirme la quasi inutilite des agences des Nations Unies
        Cf. Les Oeufs durs>


      • Georges Yang 18 novembre 2009 19:49

        Merci Annie, ce sont toujours les plus miserables qui ne demandent rien, par contre le gouvernement ethiopien d’alors avait sa part de responsabilite dans la famine> D’ailleurs, MSF quelques annes plus tard a leve le camp pour ne pas cautionner des pratiques douteuses
        Par contre je persiste sur l’inutilite et quelquefois la nocivite des agences des Nations Unies


      • Annie 19 novembre 2009 09:45

        @George,
        Je suis la première à condamner ce qu’est devenu le système, notamment le système onusien. Ce qui est désolant, c’est que les gens qui travaillent dans ces agences sont au départ pleins de bonne volonté, mais qu’ils deviennent très rapidement des bureaucrates qui se laissent bouffer ou corrompre par le système. C’est un peu ce que je voulais dire, c’est le système qu’il faut changer, mais pas le principe d’action humanitaire, surtout pour les crises oubliées, c’est-à-dire les pays qui n’intéressent personne. 
        Quand à la responsabilité du gouvernement éthiopien, bien sûr il s’est servi de la famine comme arme de guerre. Pourtant comme avec Goma, je ne suis pas sure que MSF ait eu raison de partir. En restant il avait peut-être plus de chance d’empêcher les déplacements forcés vers le Sud. Mais tout cela est du domaine des suppositions.


      • Georges Yang 19 novembre 2009 12:41

        R.Brauman fut le premier a dire que Goma, Bukavu et Benaco avaient ete des erreurs> J’en ai parle avec lui, comparant le statut des criminels interhamwe a celle de Mengele, qui a cette epoque aurait recu sa carte de refugie> Brauman disait ce n’esr pas parce que l’on quitte un pays en guerre qu l’on est obligatoirement un refugie !


      • Annie 19 novembre 2009 13:43

        Je connais tous les endroits que vous citez. Il y avait une majorité de femmes et d’enfants dans ces camps. On pourrait aussi parler des camps thaïlandais à la frontière du Cambodge qui abritaient des Khmers Rouges. Ce n’était pas du ressort des organisations humanitaires de faire le tri ; certaines ont choisi de rester, et je trouve ce choix tout à fait respectable parce qu’il était loin d’être évident. Je dirai dans une certaine mesure qu’il était plus facile de partir.


      • antonio 19 novembre 2009 07:26

        Monsieur Georges Yang
        Merci pour ce témoignage -coup de poing.
        Continuez votre oeuvre de démystification. Avec tous mes encouragements.
        Vous mettez la vérité en lumière.Merci encore


        • Avalon_Girl 19 novembre 2009 10:26

          Merci pour votre témoignage remarquable, Georges Yang ...

          De +, votre texte est remarquablement bien écrit !

          Comme vous le dites, d’un trait d’esprit laconiQ, « On n’est pas là pour aider les gens, à la longue ça se serait vu. »

          & quand on a essayé de faire du bénévolat en France, on en arrive très vite aux mêmes conclusions k vous, où on oscille entre cynisme et impuissance :
          il y a en effet une vrai économie de la Charité, avec des 2 côtés des gens qui en vivent (les donneurs se font une rente de l’entretien de la misère des autres, et la plupart des consommateurs d’aide capitalisent sur celle-ci pour ne surtout pas sortir de ladite misère).

          La nature humaine est décidément affligeante ...

          Bien à Vous,

          E.


          • docdory docdory 19 novembre 2009 13:10

            @ Georges Yang


            Je suis autant estomaqué par la qualité littéraire époustouflante de votre récit, que par la réalité qu’il décrit . Chapeau bas !
            Il n’y a peut-être qu’un texte sur mille publié sur agoravox qui soit aussi exceptionnel , mais c’est ce qui rend ce site indispensable ! Merci à vous .

            • Georges Yang 20 novembre 2009 10:38

              Note :
              Il faut lire 60 degres et non 600 et plus , erreur de trancription

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