DSK : la théorie du complot plébiscitée
D'après un sondage CSA pour BFM TV, RMC et 20 Minutes, 57% des français estiment que l'affaire de viol de Dominique Strauss-Kahn est un complot fomenté à l'égard du directeur général du FMI. 32% seulement pensent qu'il n'y a pas de complot et 11% ne se prononcent pas. Chez les sympathisants socialistes, plus de 70% des sondés accréditent la théorie du complot ! Un sondage surprenant tant le martèlement médiatique à propos de cette "affaire DSK" rend plus qu'improbable la véracité de quelque théorie conspirationniste.
De plus, la relation ambïgue entretenue par DSK avec les femmes est connue des français, l'ex ministre de l'économie n'en étant pas à son premier coup d'essai : sa relation en 2008 avec une jeune hongroise Piroska Nagy avait manqué de lui coûter son poste à la tête du FMI. En 2007 également, l'auteure Tristane Banon avait raconté sur le plateau de Thierry Ardisson comment Dominique Strauss-Kahn avait tenté de la violer mais avait finalement refusé de porter plainte. Dès lors, comment expliquer un tel plebiscite pour la théorie du complot ?
"DSK bénéficie d'une certaine compassion"
En premier lieu, malgré l'atrocité des actes qu'aurait commis Dominique Strauss-Kahn, l'opinion éprouve une certaine compassion pour ce français, héros expatrié aux Etats-Unis pour devenir une figure internationale. C'est un français, une personnalité connue et reconnue, et quels que soient les actes commis, on éprouve de la compassion pour ce séxagénaire ménotté.
Qu'un homme du pays soit jugé, emprisonné aux Etats-Unis, à plus de six mille kilomètres d'écart de la métropole, amplifie ce sentiment de pitié éprouvé pour DSK. L'idée qu'un français soit retenu à l'étranger nous est désagréable et dès lors, on se refuse à incriminer DSK.
Mais ce sentiment de compassion ne peut pas expliquer à lui seul les résultats du sondage CSA, l'opinion ne saurait expier de toute faute un être, aussi cher lui soit-il. D'ailleurs, les français ne sont-il pas friands de lynchage médiatique ? Derrière notre humanité toute relative, la bête qui se maintient en nous n'est elle pas avide de scandales, d'hommes abattus par de virulentes campagnes de presse ? Salengro et Bérégovoy pourront en témoigner.
"L'ère du soupçon"
Non, si la théorie du compot suscite tant l'approbation des français, c'est surtout une question d'époque. Récemment, les révélations fournies par WikiLeaks et son fondateur Julian Assange, élu homme de l'année par Le Monde, ont révélé un certain nombre d'informations dissimulées par les autorités. Les dessous de la vie diplomatique sont devenus publics, dévoilant au grand jour les cachotteries et mensonges de nos chefs d'états. WikiLeaks a accru le manque de confiance de la population vis à vis du pouvoir. Il n'est donc pas anormal que l'opinion s'interroge, conteste la version officielle. Au risque d'évoluer dans l'ère du soupçon permanent.
De plus, l'avènement d'Internet a favorisé comme jamais l'explosion des voies d'expression. Dès lors, grâce aux réseaux sociaux, aux blogs et aux sites participatifs, toute information donnée par les médias est amenée à être critiquée, relativisée, vérifiée détournée. La contestation des différentes formes de pouvoir s'est amplifiée car sur Internet, TOUT est sujet à la contestation. L'opinion n'est donc plus dupe, elle cultive une certaine méfiance à l'égard de ce qui est rapporté dans la presse.
"Génération Yann Barthès"
Enfin, cette ère du soupçon où les citoyens évoluent dans une perpétuelle remise en cause des pouvoirs est favorisée par le boom des émissions satiriques et la large audience qu'elles touchent à l'image du Petit Journal ou des Guignols de l'info. Pour un certain nombre de jeunes (et de moins jeunes d'ailleurs), Yann Barthès est leur seul contact avec la politique.
Or, le Petit Journal a pour vocation d'être une émission "satirique" de la communication politique. Elle ne prétend pas avoir quelque crédibilité en matière politique. Car sur le plateau de Petit Journal, l'ironie, le détournement et la critique, sont des valeurs phares. Le discours de Yann Barthès envenime dès lors le regard porté par nombre de citoyens sur la politique, qui se résume à la moquerie de la classe dirigeante...et de la classe médiatique, qui en prend également pour son grade.
Auparavant, il était interdit, inconcevable de s'attaquer au pouvoir. Les Guignols de l'info au temps de Charles de Gaulle, c'est un invraisemblable anachronisme. Aujourd'hui, il est interdit, inconcevable de s'attaquer aux contre-pouvoirs ! Personne n'oserait contester la légitimité du Petit Journal de Yann Barthès. Dès lors, le pouvoir des émissions satiriques est décuplé. Conséquence directe : la confiance en la classe politique s'érode, leur sérieux et leur sincérité est constamment remise en cause. Pas étonnant alors que tout soit remis en cause par les citoyens...
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