Identité numérique : l’accepter et non la combattre
Pour la première fois (enfin je crois), l’homme a la possibilité de ne pas sortir de chez lui pour se créer des contacts, interagir avec d’autres identités, faire partie d’un écosystème auquel il apporte des connaissances et dont il tire le nécessaire pour ses besoins vitaux. Exister, donc. Cette nouveauté du « double » numérique, totalement schizophrénique, nous amène à nous poser la question de notre véritable lieu d’habitation, de l’endroit dans lequel nous nous sentons protégés, en sécurité, et donc apte à nous développer.
Cela me trotte dans la tête depuis un moment, mais j’ai l’impression que nous sommes à un virage majeur dans nos possibilités d’évolution. Les nouveaux territoires que la masse va conquérir ne seront pas l’espace ou les océans comme espéré dans les années 60-70, mais le cyber espace.
L’identité numérique a été déjà définie par de nombreuses personnes, et voici les différentes visions fondatrices de mon point de vue. Il se base à la fois sur des articles lus, l’actualité, des expériences personnelles et des sensations.
. Raphael (aka Leafar) et Fred Cavazza : leurs représentations de l’identité numérique sous forme de puzzle sont les plus lisibles actuellement. Ils se sont basés sur des services web existants, les ont catégorisés en fonction de nos besoins et ont constitué ce que Frédéric appelle l’ADN numérique d’un individu. Voici les schémas réalisés par Raphael et Frédéric, posté sur leur blog le 5 et le 22 octobre 2006.
. la fascination de l’écran. Pour le coup cela n’est pas nouveau puisque cela existe depuis l’arrivée de la télévision. Ce qui est nouveau, c’est l’accès par les plus jeunes - dès la naissance en fait - aux images animées sur des écrans. La découverte de cette chose, qui au pire envoie des informations et qui au mieux permet d’interagir, est extraordinaire. C’est avec la voiture l’un des seuls objet que des enfants peuvent assimiler à une entité "vivante". Cette découverte est suivie dès l’âge de la maternelle par une soif de jeu avec les écrans. Qu’il s’agisse d’un mobile, d’un PC ou de l’écran d’une télé raccordé à une console, les enfants sont insatiables.
Cette envie d’aller plus loin est a priori saine puisqu’elle correspond à l’envie de découvrir : "si je gagne ce niveau dans mon jeu, que se passe-t-il après ?" Je vous invite à faire l’expérience suivante si ce n’est déjà fait. Donnez pour l’après-midi une PSP à des enfants de 5 ans, 10 ans, et 20 ans (voir 30 ans et plus :o). Quelque soit l’âge, ils ne se lassent pas, ou à peine. L’une des mes interrogations est de savoir si cette fascination de l’écran est bonne ou mauvaise. Il faut sans doute en contrôler l’usage. Ou, pour faire plus démagogique (mais je le pense), éduquer les populations qui découvrent cet accès permanent à des mondes nouveaux.
La présence des enfants devant un écran ne va pas aller en s’arrangeant : la BBC va lancer un genre de Second Life pour les 7-12 ans.
. La multiplication des objets numériques, auxquels une identité numérique est rattachée. Jusque maintenant, hormis certains privilégiés, il était difficile et cher d’être connecté en permanence. Aujourd’hui, la baisse du coût des forfaits data (via ten-mobile par ex), le succès du wifi (freephonie, twin de Neuf, etc), la baisse des prix des smartphones wifi (HTC, HP, Nokia, etc), l’arrivée d’autres produits puissants en mobilité (type UMPC), mais aussi la possibilité de faire du sport via sa console (voir l’article de Rfly sur WiiRcool et le détail de l’expérience sur le site wiinintendo) vont faire exploser les usages jusqu’à maintenant domestiques (à la maison) ou professionnels (au bureau) du net.
Où l’on discerne mieux les risques d’une vulgarisation de ces pratiques : pourquoi sortir de chez soi ? Pourquoi aller faire du golf quand je retrouve la notion d’apprentissage, les réussites, les échecs et surtout les sensations. "Il manque l’odeur des pins et le vent dans les cheveux". Je ne suis pas sûr, non. Cette réflexion provient de générations qui n’ont pas connu ces sensations numériques.
. Le numérique devient omniprésent en ville, mais, et c’est largement plus intéressant, hors des villes. Je regrette de ne pas avoir de données géolocalisées sur les ventes de matériel numérique (PC, mobiles, consoles de jeu, etc...). Mais pour la première fois (oui, encore :), l’accès à une nouvelle technologie est possible au même moment dans toutes les régions. Certes le haut-débit n’est pas partout, mais on y arrivera dans quelques années. Ce n’est qu’un problème de moyens, et non de technique. Tout le monde peut aller dans une fnac ou commander sur le net une console Wii. Partout. De n’importe où dans le monde.
Cette... avancée (?) est notamment visible via le taux d’adoption ultra rapide de tous ces nouveaux outils / gadgets numériques. Pour le téléphone mobile, les 90% d’adoption structurels de la fameuse courbe en S ont été atteint en moins de 10 ans. Idem pour internet. Quant à l’adsl 512k (et plus), il n’a été lancé qu’en 2000. On parle désormais en quinquennat là où il a fallu 40 ans à la voiture pour s’imposer dans 90% des foyers. La voiture est la dernière nouveauté à avoir révolutionné notre façon de vivre, notamment hors des villes. La révolution numérique actuelle va aussi la modifier. Et fortement.
En se projetant dans quelques décennies, il est possible que les créateurs de Matrix aient raison. En tout cas, ceux de Tron avaient vu juste. Nous assistons à l’éclosion de générations d’utilisateurs forcenés des outils numériques. Un clavier collé aux doigts, un écran à 40 cm. Et cette sensation du devoir accompli suite au passage d’un level dans WOW ou de l’achat d’un terrain dans Second Life. Ces sensations qu’aucune génération précédente n’a connu, nous les touchons. Nos enfants vivront avec. Feront-ils la différence entre une discussion au bar et une discussion via skype ?
L’identité numérique, cette présence que nous créons en rédigeant des blogs, en participant à des forums, en envoyant des photos, en jouant en ligne, en faisant les courses depuis notre lit, etc., apporte tellement de satisfactions que nous sommes naturellement amenés à la privilégier.
Cette convergence de facteurs me fait dire que, pour la première fois (encore bis !), le problème n’est pas technologique mais sociologique. Nous avons les moyens de vivre entièrement sous un format numérique.
Se posent alors des questions à la dimension politique, au sens vie de la cité.
. Avons-nous le choix ? Cette évolution vers une duplication de l’identité parait inéluctable. La combattre ressemble au combat des anti-télévisions. Ils n’ont pas forcément tort, mais ils sont en dehors du comportement de 80% de la population et donc, d’une certaine manière, déconnecté de la réalité. Ceci dit il est possible qu’une résistance s’organise pour freiner cette ruée vers le "tout numérique", comme s’est organisée une résistance vers le "tout télé".
. Comment contrôler son identité numérique ? Entre le contenu que nous générons et le besoin d’informations de nos contacts, comme un recruteur qui recherche des infos sur un candidat, nous devons exister en ligne. Sous quel "format" ? Comment contrer les éventuelles attaques ? Comment gérer les homonymies ? Quid de nos traces ?
. l’identité numérique d’une personne physique, c’est facile à comprendre. Mais celle d’une personne morale ? Se voit-elle exclusivement via son site institutionnel ou existe-t-elle via la somme des identités numériques créées par ses membres ? On reproche à Nicolas Sarkozy de s’afficher avec Doc Gyneco, devra-t-on reprocher à une entreprise le recrutement d’une personne dont l’activité en ligne est sujette à cautionnement (par la foule) ?
Sélection de blogs et sites autour de l’identité numérique
Services (n’hésitez pas à rajouter les votres !)
. ziki : il permet l’aggrègation de l’ensemble vos publications sur le net (texte, photo, vidéo) et la création d’un réseau social autour de cette identité. A noter que ce réseau est très qualitatif. On n’y va pas pour se créer un énième pseudo. On y montre qui l’on est vraiment.
. ClaimID, NaymZ, etc... Voir ce post de Fred qui déroule une (petite) liste de services web nécessitant une authentification et donc la validation de son identité
. pour les sociétés qui s’intéressent au phénomène, jettez un oeil aux prestations proposées par Sylvain sur identité-numérique.com (bravo pour le nom de domaine !)
. l’autre enjeu de l’identité numérique est sa protection. Des sociétés comme WiseKey s’intéresse de près à la sécurité des données. Ce qui in fine revient au même...
Sur l’identité numérique :
. un wiki sur l’identité numérique par egomedium
. Plein d’infos sur le wiki web2.0
. Une définition de SQLI
. L’émission de Direct 8, qui parle notamment de la gestion en silo (intime, perso, pro...) de notre identité
. Egomedium, blog sur l’identité numérique http://www.egomedium.net/fr/category/identite-numerique/
. La présentation de Dick Hardt, CEO d’une société américaine de gestion d’identité
. le billet de Jeff :"Identité numérique ou empreinte numérique ?"
Expériences :
. Nicholas Feltron, artiste américain, publie un rapport annuel personnel sur le modèle d’une société. Pour l’instant à titre expérimental, donc chronophage, mais à terme un éventuel document qui pourrait etre demandé par des recruteurs : "Quels sont été vos principales interventions sur internet ces derniers mois ?"
. sur l’économie de Second Life, la page wikipedia
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