Madame Le Pen, vous et vos militants, prétendez défendre des valeurs chrétiennes et républicaines, pourtant vos discours, vos prises de positions apparaissent souvent en contradiction avec cet affichage.
Au meeting de Nantes, vous lisez un discours soigneusement préparé qui ne laisse aucune part à l’improvisation. De manière mûrement réfléchie vous évoquez la « gangrène » de « l’islamisme radical » . Avec le goût de la provocation vous adoptez la phrase du terroriste. « Je mettrai l’islam radical à genoux ! », promettez-vous. « Combien de Mohamed Merah dans les bateaux, les avions, qui chaque jour arrivent en France remplis d’immigrés ? (…) Combien de Mohamed Merah parmi les enfants de ces immigrés non assimilés ? ».
Enfants d’immigrés, immigrés = musulmans= extrémistes=terroristes. La diatribe n’est pas nouvelle.
La réponse à votre question, Madame est UN. UN !
Un tous les quinze ans, un parmi des centaines de milliers. Notez d’ailleurs que tous les extrémistes, islamistes ou du Front National, ne sont pas des terroristes.
Vous prétendez, Madame Le Pen, défendre les valeurs chrétiennes et les valeurs républicaines françaises.
Jésus enseigne la charité, l’amour, l’hospitalité. Par un chemin historique différent, avec un autre champ lexical, notre démocratie républicaine nous apprend la liberté, l’égalité, la fraternité, la laïcité.
Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur,
de toute ton âme, de toute ta force et de toute ton intelligence.
C'est là le premier et le grand commandement,
et voici le second, qui lui est semblable :
Tu aimeras ton prochain* comme toi-même.
Aucun commandement n'est plus grand que ces deux-là.
A la limite on peut comprendre que certains, égoïstes, individualistes, racistes, qui ne partagent pas ces principes moraux, n’aiment pas les immigrés, préfèrent « leur » culture. Mais comment vous, Madame Le Pen dont les militants vomissent leur bile sur Internet, conciliez-vous ces appels à l’intolérance, avec l’idéal chrétien d’amour dont vous vous réclamez ?
La réponse la plus fréquente est celle d’une petite phrase ou formule tirée de la bible :
Œil pour Œil dent pour dent — Tu dévoreras tous les peuples que l'Eternel, ton Dieu, va te livrer, tu ne jetteras pas sur eux un regard de pitié — Séparer le bon grain de l’ivraie — le bras vengeur …
Ce que ne semblent pas comprendre vos aficionados c’est que l’amour du prochain n’est pas juste un extrait de la Bible mais est (ou devrait être) au cœur même de la foi, c’est le fondement de notre christianisme contemporain.
Les curés et les prêtres de toutes religions sont, dans leur majorité, modérés. Le dialogue inter-religieux se développe et prône la tolérance. Le Nostra Aetate du concile Vatican II donne la position très claire de l’église catholique dans ses rapports avec le monde musulman. Elle n’est plus celle des croisades !
« Même si, au cours des siècles, de nombreuses dissensions et inimitiés se sont manifestées entre les chrétiens et les musulmans, le saint Concile les exhorte tous à oublier le passé et à s’efforcer sincèrement à la compréhension mutuelle, ainsi qu’à protéger et à promouvoir ensemble, pour tous les hommes, la justice sociale, les valeurs morales, la paix et la liberté. »
Pour un chrétien modéré — ce devrait être un pléonasme — il est incompréhensible de voir une personne qui prétend défendre ces valeurs faire exactement le contraire. De la même manière un musulman doit être horrifié de voir un imam intégriste prêcher le djihâd.
Madame Le Pen, en amalgamant, en accusant, en stigmatisant vous agissez comme ces extrémistes que vous condamnez au nom de vos prétendues valeurs chrétiennes. Les chrétiens modérés, les humanistes, tous ceux qui espèrent en la fraternité humaine ne se retrouvent pas dans vos homélies.
* A la lumière de certains délires Internet, il n’est pas inutile de rappeler que le « prochain » ce n’est pas le « voisin » comme contraire au « lointain ». Le prochain d’après la définition de l’église catholique « c’est celui qui est autre que moi et dont je me rends proche. Il est différent de moi, peut avoir une autre culture, une autre religion mais je le reconnais comme enfant de Dieu, revêtu de la même dignité. Pour le chrétien, l’amour de Dieu et l’amour du prochain sont indissociables et s’expriment dans des actes concrets de tous les jours. » (Source : http://www.eglise.catholique.fr)