Les 12000€ de cigares et les 160000€ du vol en jet privé de M. Joyandet ont fait plus de scandale que l
es 492 millions d’euros également mis à la charge du contribuable dans l’affaire des frégates de Taïwan. Cependant, comme le florilège de conflits d’intérêts imputés à M. Woerth, ces faits sont avant tout révélateurs d’un contexte.
Ainsi, les affaires des frégates et le "
Karachigate" sont révélatrices de l’usage dévoyé du secret défense. Elles mettent en évidence le scandale de l’extension du secret défense par la loi de programmation militaire du 29 juillet 2009. En effet, cette loi réduit encore la portée des investigations. Auparavant, seuls des documents peuvent être classifiés. Désormais, il est possible de protéger des lieux entiers, y compris des locaux d’entreprises privées intervenant dans le domaine de la recherche ou de la défense. De grands groupes industriels peuvent donc bénéficier d’une protection globale au motif qu’ils détiendraient des documents classifiés.
Ainsi, les institutions en charge de la prévention de la corruption sont aujourd’hui très affaiblies.
Le Service central de lutte contre la corruption (SCPC) est réduit au tiers de ses effectifs, pourtant modestes, fixés au nombre de 15 agents. Son dernier rapport ne cherche d’ailleurs pas à faire illusion : «
les dispositifs de signalement des infractions apparaissent peu construits et surtout non pérennes » ; il est aujourd’hui «
impossible d’obtenir des services enquêteurs des délais raisonnables de traitement compte tenu de la charge ou du manque d’effectifs dans leurs formations économiques et financières ». L’activité du SCPC est, pour l’essentiel, limitée à des actions de formation et de sensibilisation. Il n’y avait, selon les dernières statistiques annuelles disponibles, qu’environ 150 condamnations pour corruption, 500 pour abus de biens sociaux, 1000 pour fraude fiscale, 1400 pour infractions à la législation sur les société (pour 600000 condamnations par an pour délits).
Des acteurs efficaces sont attaqués.
La réforme des chambres régionales de comptes n’a pas été abandonnée, après avoir failli être réglée par un simple amendement au printemps dernier. Les juridictions financières devraient être supprimées et fusionnées avec la Cour des comptes. Les activités de contrôle des comptes, des budgets et de la gestion cesseraient alors d’être prioritaires, au profit de nouvelles missions d’évaluation et de certification. Les collectivités locales seraient donc moins contrôlées, alors que les charges transférées et les budgets locaux augmentent.
Un sondage récent révèle que 64% des Français jugent les dirigeant politiques "plutôt corrompus", Mais cette préoccupation de l’opinion publique ne date pas d’hier. Dans
l’Eurobaromètre d’octobre 2009, la France fait partie des pays où les répondants ont classé les hommes politiques nationaux dans la catégorie la plus touchée par la corruption : 67% répondaient déjà que les pots de vin et les abus de pouvoir sont répandus dans la classe politique. 55% pensaient "qu’il y a trop de liens proches entre le monde des affaires et la politique". Et dans
l’indice de perception de Transparence international, la France est en baisse, n’arrivant l’année dernière qu’au 24ème rang mondial et au 14ème des 27 pays de l’Union européenne.