Marcel Rufo l’ego plus que l’ado...
Le pédopsychiatre Marcel Rufo (64 ans) devrait animer sur France 3 une émission consacrée aux adolescents. Connu et reconnu dans la rue, il est aussi chroniqueur dans un hebdomadaire de rugby, sur une radio nationale et donne l’apparence d’un personnage sincère et abordable. L’Assistance publique, son employeur, en a une autre image...
A 64 ans, le Toulonnais Marcel Rufo a fait sienne la prédiction d’Andy Warhol sur le quart d’heure médiatique. Objet d’un reportage dans Envoyé spécial, il y a une dizaine d’années, alors qu’il dirigeait le service de pédopsychiatrie de l’hôpital de la Timone (Marseille), il est ensuite devenu le référent obligé des médias lorsqu’on évoque les douleurs des adolescents. Professeur émérite, auteur d’ouvrage de vulgarisation permettant de mieux comprendre l’enfant et l’adolescent, il est déjà animateur d’une émission de radio sur Europe 1 - alors que RTL est parrain de la "Maison de Solenn" - et faire de ses talents d’écrivain dans l’hebdomadaire Midi-Olympique consacré au... rugby !
Ayant apporté sa pierre au soulagement psychologique d’adolescents en détresse, il n’en reste pas moins un personnage contesté au sein d’une famille qui apprécie peu les trompettes de la renommée. Jalousies habituelles entre blouses blanches certes, mais pas seulement... Après avoir fait des pieds et des mains dans les cabinets ministériels et présidentiels pour diriger la "Maison de Solenn", inaugurée par Jacques Chirac le 17 novembre 2004, Marcel Rufo a vu sa mission prendre fin début 2008.
Il a été discrètement remplacé par le Pr Marie-Rose Moro, praticienne reconnue par ses pairs dotée d’un caractère plus strict que son prédécesseur. Les mauvaises langues de cet espace dédié aux adolescents et financé par les opérations "Pièces Jaunes" de Bernadette Chirac et David Douillet ne se plaindront plus du "fantôme Rufo" dont l’aura plus que le physique ont déambulé pendant trois ans et demi dans les couloirs de l’hôpital Cochin. On ne peut pas à la fois être omniprésent dans "Midi Olympique" et d’autres médias et dans les salles du "97, boulevard de Port-Royal" auprès d’adolescents ou de familles espérant bénéficier de son talent indéniable pour se sortir de leurs douleurs...
Depuis quelques années, le Pr Rufo, tant aimé des médias, n’est plus vraiment en odeur de sainteté du côté de l’Assistance publique. Il y a quelques années, juste avant sa nomination dans la maison portant le nom de Solenn Poivre-d’Arvor suicidée de n’avoir plus supporté la vie à 20 ans, victime d’anorexie mentale, Marcel Rufo a été rappelé à l’ordre par son employeur.
Les médecins de l’Assistance publique, mal payés, ont la possibilité pour "arrondir leurs fins de mois" de s’adonner à des consultations privées au sein de l’établissement, tout en bénéficiant des appareils et du personnel de l’AP. La limite étant fixée à 10 % de leur temps passé à l’hôpital et les honoraires étant libres. Profitant de leur notoriété, les médecins - et plus encore les chirurgiens - se permettent des tarifs assez élevés, jusqu’à 150 euros la consultation. Comme le temps c’est de l’argent, ces consultations se font souvent au pas de charge et rapportent un joli pactole aux médecins - et accessoirement des petites étrennes au personnel mobilisé pour l’occasion.
Côté patients, la "consultation privée", est le leurre d’une meilleure prise en charge que celle "publique" qui sera faite par le même médecin, dans les mêmes locaux et avec le même diagnostic... mais souvent à la suite d’une consultation plus longue ! Donc Marcel Rufo s’est livré à des consultations privées auprès d’adolescents et de parents en difficulté, cassés ou impuissants, dépassés par les souffrances de leur vie. Jusqu’ici rien de condamnable sauf que M. Rufo a tellement dépassé les 10 % autorisés que la direction générale de l’Assistance publique s’est fendue d’un rappel à l’ordre et à la loi avec copie à tous les chefs de service de France... un événement rarissime dans une maison habituée à l’étouffement et qui donne le sentiment amer que M. Rufo a profité de détresses d’enfants pour se faire de l’argent.
Certes, Marcel Rufo a permis à la pédopsychiatrie de trouver droit de cité et de citer dans les médias. Avec lui et d’autres, comme Boris Cyrulnik, les adolescents ont vu leurs souffrances pouvoir être dites, prises en compte par la société civile. La médiatisation a cela de bien qu’elle met en lumière des choses tapies dans l’ombre et qui, comme une plante, manquent de lumière pour se déployer. Mais à déserter la Maison de Solenn et à multiplier les consultations privées rendues possibles grâce à sa notoriété, Marcel Rufo discrédite une parole pourtant importante. Il n’est pas non plus certain qu’il puisse continuer à comprendre une jeunesse avec laquelle il coupe les ponts.
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