Blogues : universitaires à risque ?
Dans un article de JP Cloutier, sous le même titre, un certain ressac contre les universitaires qui "bloguent" semble se faire sentir. "Le fait de publier un blogue pourrait-il nuire à l’avancement ou à la titularisation d’un professeur universitaire ?" demande Cloutier.
Il cite le cas de Daniel Drezner, professeur-adjoint de science politique à l’Université de Chicago, qui s’est vu refuser sa titularisation tout récemment. Parce qu’il bloguait ? Son article, fort intéressant, passe en revue divers points de vue.
Dans un billet sur le sujet, Ytsejamer, trouve que c’est là l’illustration de la turbulence que le bouillon de culture, créé par la blogosphère, induit dans le monde académique. "Internet rend poreuses les frontières des communautés de pratique", écrit-il. Il est inutile pour le monde académique de l’ignorer.
Pour moi, il me semble que l’on revit ici le sempiternel drame de l’universitaire qui fricotte avec la culture de masse. Un universitaire qui écrit un roman ? Pas sérieux, ça ! Un universitaire qui écrit dans une revue, ou un journal du peuple ? Ridicule ! Il passe à la télé ? Honte sur lui !
Umberto Eco a pourtant fait tout cela.
Je crois qu’il y aura inévitablement un ressac contre la montée des blogs. La blogosphère est un vivier de théories profanes. Peut-être, pour un temps, certains membres de la sphère académique tenteront-ils de créer un programme d’endiguement pour consolider leurs acquis.
Mais la coexistence de ces sphères de connaissance du monde, d’ores et déjà, relève d’une implacable logique : il y aura un développement fulgurant du savoir profane, en parallèle au savoir académique.
Les mauvais points.
Qu’il y ait des frictions, c’est inévitable. Peut-être même cela évitera-t-il certains excès. Le blog Freiheit und Wissen liste 4 raisons pertinentes pour critiquer l’usage académique d’un blog :
- bloguer occupe une tranche horaire qui pourrait être utilisée à de la recherche
- bloguer ne comporte pas le même niveau de rigueur intellectuelle
- bloguer sur des sujets (politiques entre autres) qui ne sont pas en lien avec votre recherche peut indisposer vos collègues
- bloguer alimente la blogosphère, et non le réseau académique - ou du moins s’il le fait, ce sera de façon légère. Évidemment, il faudrait être borné pour s’en tenir à ces points.
Les bons points.
Voici les points positifs que l’on peut y voir (toujours selon Freiheit et Wissen) :
- bloguer permet d’essayer, de tester ses idées
- bloguer permet d’avoir un feedback immédiat, d’une audience assez large
- bloguer sur des sujets académiques permet un lien entre le monde académique et les profanes sur des sujets d’intérêt commun (une forme de vulgarisation)
- bloguer est une façon de poursuivre la conversation en dehors des cours ou des forums (c’est d’ailleurs une utilisation que l’outil permet de faire très facilement).
Patrick Giroux semble ajouter un point supplémentaire : bloguer pour se donner le goût d’écrire. Mais, par mesure de précaution contre les 4 premiers points négatifs, étant lui-même du milieu académique, il s’est senti obligé de poster ses raisons sur son blog. (Il rédige son premier dossier d’évaluation, et il aimerait bien avoir un second contrat et obtenir un jour la permanence).
Tous à risque ?
Mais le milieu académique n’est pas le seul à subir ces pressions (réelles ou imaginaires), le monde professionnel les endure aussi.
Jean Lalonde a arrêté son célèbre blog sur Amélioaction parce qu’il s’est trouvé un emploi (il était conseiller avant). Il n’y a pourtant pas de lien de cause à effet. Est-ce par manque de temps (point 1 des négatifs) ou par conflit avec son employeur (point 3 des négatifs) ?
Peut-être que, tout simplement, le réseautage avec son auditoire n’était plus aussi important...
Poursuivre la réflexion :
Thoughts on the Anti-Blogging Movement
Peer Review, Small Audiences, and The Incredible Shrinking Guilds
4 réactions à cet article
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