La science refuse d’aborder les grandes questions universelles
Il est délicat et difficile de répondre à cette question sur la science et l’universel en quelques lignes. En respectant le format d’un billet médiatique. Je ne sais pas comment vous expliquer que la science refuse d’aborder les grandes questions universelles et je ne suis pas sûr que vous compreniez de quoi il est question. La science est pour vous un moyen pour produire des ordinateurs, des machines, des médicaments, bref, elle agrémente vos existences et même vous divertit quand les journalistes vous parlent du boson de Higgs ou des ondes gravitationnelles. Vous ne comprenez rien à ces choses mais le fait d’enter en contact avec ces choses par la voie médiatique vous donne le sentiment d’être de la grande famille des gens au courant des dernières découvertes. Vous avez le sentiment d’être initié, comme du reste les adeptes du complot qui savent et en sachant se sentent au dessus de la masse des ignorants à qui l’on cache tout. En vérité...
Les vérités ne sont pas bonnes à entendre. J’ose exposer un avis sur la science contemporaine et son refus d’examiner les grandes questions de l’univers. Nul ne s’en inquiète, ni les scientifiques, ni les politiques, ni les journalistes, ni les gens du commun. Pour toutes ces personnes, une problématique scientifique suscite une question : ça va servir à quoi et surtout est-ce que ça va me servir ? Lorsqu’une société se complait dans l’utilitarisme, les options qui n’ont pas d’utilité immédiate sont laissées de côté, voire narguées ou dénigrées. A notre ère de l’intérêt, de l’utilité, de la satisfaction des désirs et du narcissisme, les grandes questions sont oubliées alors il est naturel en somme qu’elles le soient aussi par la communauté scientifique. La civilisation a été une conquête de l’esprit contre la nature animale de l’homme. L’animalité résiste à la civilisation, participant au déclin de la dignité humaine sur fond d’infantilisation technologique. Avec une science utilitaire hégémonique qui répond aux désirs infinis sans les satisfaire. Les grandes questions sont pourtant en vue. Elles ne s’adressent pas aux dilettantes de passage sur terre. Mais la société a besoin de dilettantes, surtout les élites. Les dominants ont su façonner une humanité corvéable et docile après avoir dressé les chevaux et domestiqué les loups. L’accès aux grandes questions est un luxe spirituel que l’on pense réservé aux sages et autres gnostiques.
Les grandes questions ont concerné la philosophie il y a pas mal de temps. C’était l’époque où la philosophie de la nature avait une signification profonde. De nos jours, il n’y a plus de philosophies de la nature mais des sciences qui décrivent des phénomènes avec leurs régularités mais sans les expliquer. Les biologistes ne comprennent pas l’essence du vivant. Les physiciens sont parvenus à un stade de description inédit mais ne savent toujours pas interpréter la physique quantique, preuve s’il en est qu’ils ne connaissent pas la matière et ses secrets. Je n’ose même pas parler des neurosciences qui passent à côté de la conscience. Ce refus de voir les choses, les comprendre, les connaître, est un trait de notre époque qui semble aveuglée par les succès opérationnels de la science si bien que la conception de la Nature n’est plus fournie par la contemplation ou la pensée spéculative mais par l’usage de cette Nature qui devient une chose manipulable, autrement dit une chose faite de mécanismes et d’influences sur laquelle l’homme peut opérer.
Quelques tendances récentes évoquent une Nature régie par un calculateur quantique. Comme si la Nature devait être conçue à l’image des systèmes artificiels créés par l’homme. Pour le scientifique ordinaire, la Nature est ce qui se prête à son dessein manipulateur. Il n’y a pas de Nature en dehors de l’expérience matérielle transitant par le monde étendu et ses interfaces technologiques. Est-il possible que la science soit aussi aveugle. Oui, elle est aveuglée par ses succès empiriques. Le succès dans les expériences et la carrière dans la recherche ne nécessitent aucune connaissance profonde de la nature. Il suffit juste de savoir utiliser les appareils les plus sophistiqués qui génèrent des données pouvant être publiées dans les revues spécialisées après les avoir digérées et présentées dans un format conventionnel.
Le but poursuivi par les hommes disposant de moyens et d’aptitudes intellectuelles, c’est de manipuler pour obtenir des résultats évaluables sans connaître la chose manipulée. Ce symptôme de notre ère hypermoderne se retrouve chez les scientifiques mais aussi les politiques pour lesquels l’art de manipuler est devenu une priorité. Les politiciens ignorent les gens, ne s’intéressent pas aux existences. Leur seul objectif, c’est de manipuler la société, la formater, la soumettre aux actions et réformes, calculs à l’appui, mais sans connaître les gens. Le politique est comme le scientifique. L’un est un technocrate de la société, l’autre un technicien qui manipule la Nature. Le plaisir et la satisfaction résident dans l’effet produit par ses actions. Peu importe qui l’on a en face. La société, l’homme, la nature. La Modernité s’achève dans le déni de réalité, de vérité et la frénésie activiste sans finalité éthique. Les puissances techniciennes ne parlent pas au monde ni n’écoutent la nature. Elles naviguent selon leurs désirs de manipuler et de contrôler. Scientifiques et technocrates se donnent la main.
Le refus d’examiner les grandes questions est le fait d’un monde aliéné qui réunit les politiques, les scientifiques, les intellectuels, les journalistes et les masses manipulées par les informations et autres discours performatifs. La Modernité s’achève dans une folie techniciste. Pourtant, nombre de livres savants tentent d’instruire les gens mais ces livres sont écrits par des scientifiques qui ont éludé les grandes questions ou bien sont passés à côté de l’universel. Pourtant, le mur du réel voilé est prêt à être traversé pour ceux qui disposent des clés ouvrant la caverne de Platon. Le problème étant que la lumière qu’ils ont entrevue ne se prête pas à un discours convenu, recelant de surcroît une infinie part de mystère. Mais même si le mystère persiste, sa révélation n’en fournit pas moins du sens profond sur le cosmos, la matière et nos existences. Nous sommes prêts de la révélation à une époque où les officiels du savoir se comportent comme les héritiers involontaires de Lyssenko. Ils n’envisagent pas que l’humanité s’éveille et d’ailleurs, pour la plupart, ce n’est pas une question de volonté mais de possibilités. Quand on veut faire carrière en science ou en politique, il faut s’écarter des grandes questions au risque de fermer définitivement la porte qui les ouvre. L’homme est une créature qui pratique des sacrifices spirituels pour gagner son existence temporelle et matérielle.
Etrange chemin de pensée que celui qui est partie des grandes questions pour aboutir au sacrifice. Quelles sont les êtres ou les choses que l’homme est prêt à sacrifier pour parvenir à ses fins ou même aller nulle part ? Et puis est-ce que cela a un sens que de parler d’un sacrifice à propos de choses qui n’ont pas encore été ? Peut-être que oui mais sous une forme allégorique. Ne dit-on pas qu’on sacrifie l’avenir en certaines occasions ?
Les grandes questions sont maintenant ouvertes pour ceux qui veulent y entrer. Mais pour entrer dans ce domaine, il faut une certaine disposition d’esprit, une attitude philosophique, se sentir concerné par la connaissance et la compréhension des choses. Il faut naviguer dans la physique, la biologie, la métaphysique. Ce chemin est je le pense incompatible avec une carrière scientifique menée dans les institutions, avec la spécialisation, la bureaucratisation, la nécessité de publier pour avoir des crédits permettant d’acheter le matériel permettant de faire les recherches pour publier à nouveau. Mais cela n’empêche pas quelques scientifiques reconnus dans leur discipline de mener des interrogations d’ordre philosophique et de les publier. Carlo Rovelli, Lee Smolin, Paul Davies et d’autres ont livré des réflexions pertinentes sur la matière, le cosmos, les quanta, la nature du temps. Néanmoins, aucun d’entre eux n’est allé jusqu’au terme de l’universel. La métaphysique gravite autour du mystère, l’essence de la technique, la vérité du Temps et pour finir la question de l’Etre et son mystère.
Je crois pour ma part approcher du mystère en sachant que plus on s’en rapproche, plus il s’éloigne. Mes réflexions sont sur la bonne voie mais elles resteront confinées car l’époque ne veut pas voir le réel. C’est dommage. La science aurait alors fait régresser les consciences ? Je ne pense pas. Quelques esprits oeuvrent mais que ce soit en matière d’art ou de philosophie, quand on ne veut rien entendre on reste sourd. C’est le paradoxe de notre époque. Le flux d’information rend sourd les esprits. On ne peut pas forcer les gens à devenir intelligents et se soucier des grandes questions philosophiques. C’est presque une question de constitution d’âme qui dépend aussi de l’instruction donnée au jeunes gens et de l’information diffusée aux masses. Les chercheurs d’universel restent seuls, comme au temps de Galilée et Newton.
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